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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 octobre 2010

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 octobre 2010
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 08/03506
Date : 11/10/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/08/2008
Décision antérieure : TGI VALENCE, (1re ch.), 1er juillet 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2929

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 octobre 2010 : RG n° 08/03506 

Publication : Jurica

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/03506. Appel d'un Jugement (R.G. n° 06/03621) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 1er juillet 2008 suivant déclaration d'appel du 4 août 2008.

 

APPELANTE :

SOCIÉTÉ BDA,

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège représentée par Maître Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour, assistée de Maître LIOTARD, avocat au barreau de VALENCE

 

INTIMÉE :

COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ NAP INDUSTRIE,

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège représentée par la SCP Franck et Alexis GRIMAUD, avoués à la Cour, assistée de la SCP PERROT OLLIER GAY, avocats au barreau de VALENCE substitué par Maître FERNANDEZ, avocat au même barreau

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBÉRÉ : Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame D. GIRARD, Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 30 août 2010, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport. Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

La société BDA a signé le 4 avril 2005 avec le comité d'entreprise de la société NAP Industrie une convention pour l'installation et l'exploitation de distributeurs de boissons et confiserie.

Dans un courrier du 10 octobre 2005, la secrétaire du comité d'entreprise de la société NAP Industrie indiquait au représentant de la société BDA qu'elle lui signalait pour la seconde fois les dysfonctionnements réguliers rencontrés avec ses services tels que clés destinées aux salariés remises à une personne non membre du comité d'entreprise, factures reçues par la trésorerie du comité d'entreprise qui ne lui sont pas destinées, absence de création comme demandé, de comptes séparés pour les prestations fournies au comité d'entreprise et pour celle fournies à la Direction.

Par courrier recommandé du 20 avril 2006 le comité d'entreprise de la société NAP Industrie a fait état de la dégradation de la situation et de l'apparition de nouveaux problèmes relatifs à l'approvisionnement des machines en produits consommables, à la distribution de cuillères, gobelets, rendu de monnaie, ainsi qu'au fonctionnement des machines puisque des gobelets restant coincés, les boissons coulaient sans gobelet ; la signataire de ce courrier adressait à la société BDA une mise en demeure d'avoir à remédier aux faits énoncés dans le délai d'un mois maximum, faute de quoi elle dénoncerait l'accord.

Par courrier recommandé du 23 mai 2006, la secrétaire du comité d'entreprise de la société NAP Industrie dénonçait l'absence d'amélioration dans les prestations fournies par la société BDA, des manquements dans les livraisons et l'absence de régularisation d'un contrat de dépôt pour une machine déposée courant février 2006, ce dont il résultait qu'aucune redevance n'avait pu être calculée.

Elle signifiait la rupture du contrat et demandait à la société BDA de reprendre les machines et les clés ; par un dernier courrier du 5 juin 2006, elle maintenait la dénonciation du contrat malgré le passage de Monsieur S. le 1er juin 2006 et sommait la société BDA d'effectuer l'enlèvement de ses machines avant le 23 juin 2006.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juin 2006 la société BDA contestait les reproches du comité d'entreprise de la société NAP Industrie, s'opposait à la rupture du contrat et indiquait qu'en tout état de cause, l'indemnité de rupture s'élevait à 27.580 euros au 23 juin 2006.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2006, le conseil de la société BDA indiquait au comité d'entreprise de la société NAP Industrie que la société BDA prenait acte de la rupture fautive et anticipée du contrat et mettait en demeure le comité d'entreprise « d'avoir à régler la somme de 27.580 euros correspondant à l'indemnité de rupture abusive ».

Par acte du 23 août 2006 la société BDA a fait assigner le comité d'entreprise de la société NAP Industrie devant le Tribunal de Grande Instance de VALENCE pour le voir condamné à titre principal à régulariser l'avenant au contrat de dépôt du 8 février 2006 et à reprendre l'exécution du contrat, et à titre subsidiaire à lui payer la somme de 27.580 euros.

Par jugement du 1er juillet 2008 le tribunal a dit que les articles 6 et 7 de la convention de dépôt signée le 4 avril 2005 étaient réputés non écrits comme présentant un caractère abusif et rejeté les prétentions de la société BDA qui en demandait l'application ; il a alloué au comité d'entreprise de la société NAP Industrie une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société BDA a interjeté appel de cette décision le 4 août 2008.

Elle fait valoir que la rupture avant terme du contrat par le comité d'entreprise de la société NAP Industrie est abusive, qu'aucune critique n'avait été faite par le comité d'entreprise sur la qualité de sa prestation, jusqu'à ce que « soudainement, par courrier du 20 avril 2006 », la secrétaire du dit comité d'entreprise la mette en demeure « de remédier à de prétendus manquements ».

Elle conteste les griefs contenus dans ce courrier du 20 avril 2006 et soutient que les causes de la rupture résident dans le fait que le comité d'entreprise de la société NAP Industrie a conclu le 5 juin 2006, soit deux semaines après la rupture anticipée du contrat avec la société BDA, un contrat de dépôt avec la société Arabica E Chocolat, constituée le 23 mai 2006 par Laurence ROUVEYROL, ancienne directrice commerciale de la société BDA qu'elle avait licenciée en mars 2006.

La société BDA prétend que le comité d'entreprise de la société NAP Industrie n'a pas été en mesure de rapporter la preuve des faits allégués ; que contrairement à ce que soutient le dit comité d'entreprise, la mise en demeure du 20 avril 2006 a été suivie d'effet puisqu'elle a « immédiatement pris contact avec sa secrétaire et a ultérieurement contesté les prétendus griefs » ; elle maintient que la rupture anticipée du contrat est abusive.

Sur les conséquences de la résiliation anticipée, la société BDA conteste l'application de la législation sur les clauses abusives dès lors qu'il existe un lien direct entre le contrat conclu et l'activité du comité d'entreprise de la société NAP Industrie ; elle conteste le caractère abusif de la clause de l'article 7 de ce contrat au motif que le montant de l'indemnité de résiliation n'est pas disproportionné.

Au cas où la Cour déciderait que l'article 7 est nul, elle sollicite la réparation de son préjudice sur le fondement du droit commun ; elle maintient que c'est de manière abusive et injustifiée que le comité d'entreprise de la société NAP Industrie a rompu le contrat de dépôt ; elle réclame la somme de 27.580 euros à titre de dommages-intérêts.

Elle sollicite une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le comité d'entreprise de la société NAP Industrie répond que Laurence ROUVEYROL n'est pas concernée par le litige et que les développements de la société BDA au sujet de son ancienne salariée sont sans intérêt.

Il reprend le moyen tiré de l'application de la législation sur les clauses abusives et conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société BDA

Il maintient que la rupture du contrat résulte des fautes commises par la société BDA et de la violation par celle-ci de ses obligations contractuelles.

Il assure que ce n'est que le 5 juin 2006, après la résiliation le 20 mai 2006 du contrat conclu avec la société BDA, qu'il a conclu un nouveau contrat de gestion d'appareils de distribution avec la société Arabica E Chocolat ; de sorte que son comportement n'a rien de répréhensible.

À titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait faire droit aux demandes de la société BDA, il sollicite la reprise du contrat.

Dans tous les cas, il demande la condamnation de la société BDA à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

Il est de principe que dans tout contrat synallagmatique, la condition résolutoire est toujours sous-entendue pour le cas où une des deux parties ne satisferait pas à son engagement ; que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; qu'il incombe alors au juge du fond de rechercher si les circonstances caractérisent l'impossibilité de poursuivre le contrat.

En l'espèce, c'est de parfaite mauvaise foi que la société BDA invoque le contrat signé le 5 juin 2006 entre le comité d'entreprise de la société NAP Industrie et la société Arabica E Chocolat constituée par son ancienne salariée, comme étant la véritable cause de la rupture anticipée.

En effet, le rappel des courriers adressés par sa secrétaire établit que dès les premiers mois de l'exécution du contrat, le comité d'entreprise a déploré les manquements de la société BDA ; celle-ci n'a jamais justifié avoir répondu aux-dits courriers, ni à celui du 10 octobre 2005 contenant d'ailleurs l'indication que la secrétaire du comité d'entreprise signalait « pour la seconde fois » au représentant de cette société les dysfonctionnements déplorés, ni à celui du 20 avril 2006 contenant mise en demeure de respecter ses obligations.

Les courriers que la société BDA ne conteste pas avoir reçus jusqu'à celui du 23 mai 2006 contenant notification de la rupture, démontrent que celle-ci n'a jamais donné suite aux réclamations du comité d'entreprise de la société NAP Industrie ; le passage sur les lieux le 1er juin 2006 de Monsieur S., un de ses représentants, après notification de la rupture, était pour le moins tardif.

La persistance des manquements de la société BDA à des éléments essentiels du contrat, tels que les conditions d'émission des factures, l'approvisionnement des distributeurs ou les défaillances dans leur fonctionnement, constituent une inexécution suffisamment grave par la société BDA de ses obligations, pour rendre impossible la poursuite du contrat.

Il en résulte que le comité d'entreprise de la société NAP Industrie était fondé à mettre fin de façon unilatérale au contrat liant les parties et que la rupture anticipée du contrat étant imputable à la société BDA, celle-ci ne peut réclamer ni l'application de l'article 7, prévue en cas de rupture du fait du dépositaire, ni des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi et dont elle est à l'origine.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du comité d'entreprise de la société NAP Industrie les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel et non compris dans les dépens ; la société BDA devra lui payer une nouvelle indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la société BDA à payer au comité d'entreprise de la société NAP Industrie une nouvelle indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société BDA à tous les dépens de première instance et d'appel et autorise la S.C.P GRIMAUD, avoués, à recouvrer directement contre elle, les frais avancés sans avoir reçu provision.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile,

SIGNÉ par Madame LANDOZ, Président, et par Madame LAGIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.