CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TGI VALENCE, (1re ch.), 1er juillet 2008

Nature : Décision
Titre : TGI VALENCE, (1re ch.), 1er juillet 2008
Pays : France
Juridiction : TGI Valence. 1re ch.
Demande : 06/03621
Date : 1/07/2008
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 23/08/2006
Décision antérieure : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 octobre 2010
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 4178

TGI VALENCE, (1re ch.), 1er juillet 2008 : RG n° 06/03621

(sur appel CA Grenoble (1re ch. civ.), 11 octobre 2010 : RG n° 08/03506)

 

Extrait : « Attendu que ces clauses présentent un caractère abusif dans la mesure où elles permettent à la société BDA de résilier le contrat de façon discrétionnaire, pour des motifs laissés à sa seule appréciation (« raisons jugées par lui impératives »), sans laisser au comité d'entreprise la même faculté, et où elles prévoient le versement par ce même comité, en cas de rupture de son fait, d'une indemnité d'un montant extrêmement élevé et sans lien apparent, ni avec le montant des prestations fixées par la convention, ni avec l'éventuel préjudice pouvant découler de la rupture des relations contractuelles ; Attendu qu'il convient en conséquence de constater que ces clauses sont réputées non écrites, en application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VALENCE

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 1er JUILLET 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/03621.

 

DEMANDEUR(S) :

SAS BDA

[adresse] représentée par Maître Valérie LIOTARD, avocat au barreau de VALENCE

 

DÉFENDEUR(S) :

LE COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ NAP

[adresse] représentée par SCP PERROT OLLIER ET GAY, avocats au barreau de VALENCE

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du Délibéré :

Président : D. DALEGRE

Juges : N. LAVILLE, A. LIEGON

Assistés lors des débats par : Danièle BOUVIER, greffier,

et du prononcé par M. GERROLDT, greffier en chef

Débats à l'audience publique du 13 mai 2008

JUGEMENT : contradictoire ; En premier ressort ; Prononcé par mise à disposition au greffe par D. DALEGRE signé par le Président et par le Greffier en chef

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Faits et Procédure :

Suivant acte sous seing privé en date du 4 avril 2005, la société BUFFAT DISTRIBUTION AUTOMATIQUE (BDA) a conclu avec le comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône-Alpes une convention de dépôt portant sur l'installation et l'exploitation à l'intérieur de l'entreprise de distributeurs de boissons chaudes, boissons froides et confiseries, et de dosettes de marque LAVAZZA.

Par lettre datée du 10 octobre 2005, la secrétaire du comité d'entreprise a fait part à la société BDA de divers dysfonctionnements dans l'exploitation des machines installées et lui a demandé de bien vouloir les corriger.

Par lettre datée du 20 avril 2006, la secrétaire du comité d'entreprise a mis en demeure la société BDA de remédier à divers manquements affectant le bon fonctionnement des distributeurs dans un délai d'un mois.

Par lettre datée du 23 mai 2006, le comité d'entreprise a notifié à la société BDA la rupture du contrat conclu le 4 avril 2005 et lui a demandé de venir reprendre ses machines à compter du 23 juin 2006 à 12 heures.

Cette notification a été confirmée par des lettres du même comité d'entreprise datées des 5 juin et 12 juin 2006.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 12 juin 2006, la société BDA a contesté les griefs invoqués à son encontre par le comité d'entreprise et l'a informé de son intention de maintenir ses distributeurs dans les locaux de l'entreprise et d'exiger, en cas de rupture, une indemnité de 27.580,00 € arrêtée au 23 juin 2006.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 15 juin 2006, le comité d'entreprise a maintenu sa position.

Par lettre de son conseil datée du 3 juillet 2006; la société BDA a pris acte de la rupture anticipée du contrat et a mis en demeure le comité d'entreprise de lui régler la somme de 27.580,00 € correspondant à l'indemnité de rupture prévue par l'article 7 du contrat.

Par acte d'huissier en date du 23 août 2006, la société BDA a fait assigner le comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône Alpes - NAP INDUSTRIE devant le présent tribunal afin d'obtenir le paiement de l'indemnité de rupture susvisée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2008.

 

Prétentions et Moyens des parties :

Vu l'assignation délivrée par la société BDA au comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône Alpes - NAP INDUSTRIE le 23 août 2006 ;

[minute page 3] Vu les conclusions déposées par le comité d'entreprise le 24 mai 2007 ;

Vu les conclusions en réponse déposées par la société BDA le 31 août 2007 ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées par le comité d'entreprise le 15 novembre 2007 ;

Vu les conclusions récapitulatives et en réponse n° 2 déposées par la société BDA le 27 décembre 2007 ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées par le comité d'entreprise le 12 mars 2008.

 

En l'état de ses dernières écritures, la société BDA demande au tribunal, au visa des articles 1134 et 1184 du Code Civil, de :

* dire et juger que la rupture du contrat de dépôt du comité d'entreprise de la société NAP INDUSTRIE est non fondée ;

* condamner le comité d'entreprise de la société NAP INDUSTRIE à lui payer la somme de 27.580,00 € au titre de l'indemnité de rupture anticipée et ce en application des stipulations de l'article 7 du contrat de dépôt ;

* dire que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure avec capitalisation ;

* prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

* condamner le comité d'entreprise de la société NAP INDUSTRIE, à lui payer la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

* et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Maître Valérie LIOTARD pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

 

En l'état de ses dernières écritures, le comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône-Alpes NAP INDUSTRIE demande au tribunal, au visa de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, de :

* à titre principal,

- déclarer nulles les clauses relatives aux modalités de résiliation contenues dans le contrat de dépôt conclu avec la société BDA ;

- déclarer la rupture du contrat aux torts exclusifs de la société BDA ;

* en conséquence,

- [minute page 4] débouter la société BDA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* à titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal devait faire droit aux demandes de la société BDA,

- ordonner la reprise du contrat ;

* en tout état de cause,

- condamner la société BDA à lui payer la somme de 3.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- condamner la même aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP PERROT OLLIER GAY, avocat, sur son affirmation de droit.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (…)

Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa.

En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause (...).

Les clauses abusives sont réputées non écrites (…) » ;

Attendu que l'annexe au Code de la Consommation visée ci-dessus précise que peuvent notamment être regardées comme abusives les clauses ayant pour objet « d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé » ou « d'autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n'est pas reconnue au consommateur » ;

Attendu qu'en l'espèce, le contrat signé entre les parties le 4 avril 2005 comporte des articles 6 et 7 ainsi rédigés :

« ARTICLE 6 : DURÉE

L'exploitant se réserve le droit de dénoncer ce contrat pour des raisons jugées par lui impératives telles que, par exemple, réduction des effectifs ; non-rentabilité, vandalisme ... Le dépositaire pourra également dénoncer ce contrat en cas d'inobservation par l'exploitant d'une clause du présent contrat, après envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, non suivie d'effet dans un délai d'un mois. Ce présent contrat prendra effet à compter du jour de la signature et restera en vigueur pendant une durée ininterrompue de cinq années. En cas de modification des membres décisionnaires ayant conclu l'accord avec l'exploitant, le présent contrat demeure valide jusqu'à expiration. Il sera renouvelable par tacite reconduction pour une durée de même période, sauf préavis contraire du dépositaire, adressé par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois [minute page 5] avant l'expiration.

ARTICLE 7 : CONDITIONS FINANCIÈRES

En cas de rupture de la convention du fait du dépositaire, l'exploitant sera en droit de réclamer au dépositaire à titre d'indemnité de rupture, un montant I tel que :

I = 5 € X Nj X Nap dans laquelle I est le montant de l'indemnité, Nap = nombre d'appareils installés au jour de la rupture, Nj = nombre de jours calendaires restant à courir jusqu'au prochain terme de la convention. »

Attendu que ces clauses présentent un caractère abusif dans la mesure où elles permettent à la société BDA de résilier le contrat de façon discrétionnaire, pour des motifs laissés à sa seule appréciation (« raisons jugées par lui impératives »), sans laisser au comité d'entreprise la même faculté, et où elles prévoient le versement par ce même comité, en cas de rupture de son fait, d'une indemnité d'un montant extrêmement élevé et sans lien apparent, ni avec le montant des prestations fixées par la convention, ni avec l'éventuel préjudice pouvant découler de la rupture des relations contractuelles ;

Attendu qu'il convient en conséquence de constater que ces clauses sont réputées non écrites, en application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

Que la société BDA, qui en sollicite l'application, ne peut qu'être déboutée de l'intégralité de ses prétentions ;

Attendu qu'il est équitable de condamner la société BDA à payer au comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône-Alpes - NAP INDUSTRIE la somme de 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

le tribunal

Statuant publiquement, par décision contradictoire, rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DIT que les articles 6 et 7 de la convention de dépôt signée le 4 avril 2005 entre la société BUFFAT DISTRIBUTION AUTOMATIQUE et le comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône-Alpes - NAP INDUSTRIE sont réputés non écrits, comme présentant un caractère abusif ;

En conséquence,

DÉBOUTE la société BDA de l'intégralité de ses prétentions ;

CONDAMNE la société BUFFAT DISTRIBUTION AUTOMATIQUE à payer au comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône Alpes - NAP INDUSTRIES la somme de 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

[minute page 6] CONDAMNE la société BDA aux entiers dépens de l'instance et autorise l'avocat du comité d'entreprise de la société SOGAL Rhône-Alpes - NAP INDUSTRIE à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le Greffier                                                    Le Président