CA NANCY (2e ch. civ.), 3 mai 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2950
CA NANCY (2e ch. civ.), 3 mai 2010 : RG n° 09/02048
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu étant rappelé en premier lieu les dispositions de l’article L. 141-1 du Code de la consommation issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, d'application immédiate, selon lequel « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent Code dans les litiges nés de son application », qu'il ne peut être fait grief au premier juge d'avoir relevé d'office le moyen tiré de l'application de l'article L. 311-37 du même Code qui dispose « les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'évènement qui leur a donné naissance à peine de forclusion » ;
[…] Attendu qu'il est constant en l'espèce, qu'aux termes de l'offre préalable acceptée le 3 octobre 2006 par Monsieur Bauer, la société Cetelem aux droits de laquelle vient la Sa BNP Paribas Personal Finance lui a consenti une ouverture de crédit d'un montant maximum autorisé de 3.000 euros ; Qu'il ressort de l'historique du compte produit aux débats par l'organisme de crédit que ce montant maximum a été dépassé dès le 29 décembre 2006 pour atteindre 3.023,52 euros suite à un retrait de 30 euros opéré par l'emprunteur - peu important que la somme de 3.023,52 euros comprenne des intérêts de retard - ; que ce dépassement n'a jamais été régularisé ; Or attendu que l'assignation a été délivrée le 2 janvier 2009 ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Sa BNP Personal Finance forclose en sa demande, sans que l'appelante puisse utilement soutenir que la règle d'ordre public de la forclusion, qui fixe une limite rapide à l'exercice en paiement des prêteurs dans un souci de protection des consommateurs, serait contraire, en ce qu'elle conduit à priver les créanciers de leurs créances, aux stipulations de l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, de l’article 17 de la déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 et de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention de Sauvegarde des Droits et de l'Homme et des Libertés Fondamentales, selon lesquels toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/02048. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'instance de BRIEY, R.G. n° 11-09-000003, en date du 17 février 2009.
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
suite à la fusion entre UCB et CETELEM intervenue le 30 juin 2008, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, sis [adresse], représentée par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour, assistée de Maître Danielle CHAUDEUR, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur X. demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avoué
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 mars 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de Chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Céline BARBIER ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 3 mai 2010, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;
ARRÊT : Défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 3 mai 2010, par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; Signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la Deuxième Chambre civile, et par Madame Caroline HUSSON, faisant fonction de greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 2 janvier 2009, la Sa BNP Paribas Personal Finance a assigné devant le tribunal d'instance de Briey Madame Jocelyne X. aux fins de l'entendre condamner à lui payer outre une indemnité de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, les sommes de 4.180,39 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 16,7 % due suivant contrat de crédit par découvert en compte consenti le 3 octobre 2006 et de 238,41 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de résiliation.
Invitée à faire valoir ses observations sur le moyen, soulevé d'office, tiré de la forclusion de l'action, la demanderesse a prétendu que le premier incident de paiement non régularisé remonte au 5 mars 2007 et que le découvert initialement consenti n'a jamais été dépassé.
Madame X., bien que régulièrement assignée n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.
Par jugement réputé contradictoire en date du 17 février 2009, le tribunal a déclaré la Sa BNP Paribas Personal France irrecevable pour cause de forclusion, en sa demande en paiement au titre du crédit par découvert en compte Cetelem consenti le 3 octobre 2006, l'a déboutée de ses autres demandes, et condamnée aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a énoncé que le délai biennal de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit utilisable par fractions, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ; qu'en l'espèce, le montant du découvert autorisé, soit 3.000 euros aux termes de l'offre du 3 octobre 2006, a été dépassé le 29 décembre 2006 ; que ce dépassement n'a jamais été régularisé et que l'action a été introduite plus de deux ans après cet événement.
Le 6 août 2009, la Sa BNP Paribas Personal Finance a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, demandant à la Cour de :
- dire et juger que la forclusion tirée de l’article L. 311-37 du Code de la consommation et l'abstention de la déchéance des intérêts de l'article L 311-9 est disproportionnée au regard du droit de propriété en application des articles 1874, 1892, 1905 du Code civil, de l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, de l'article 17 de la déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée le 10 décembre 1948 et de l'article 1 du protocole additionnel de la Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales tel qu'amendé par le protocole n° 11 intitulé « protection de la propriété »,
- condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 4.418,80 euros avec intérêts au taux de 20,34 % à compter du 2 janvier 2009,
- condamner Monsieur X. à lui payer en application de l’article 700 du Code de procédure civile, les sommes de 1.500 euros du chef des frais irrépétibles exposés en première instance et de 1.500 euros du chef des frais irrépétibles exposés en appel,
- condamner Monsieur X. aux entiers dépens.
L'appelante a fait valoir en premier lieu, que le premier juge ne pouvait pas soulever d'office le moyen tiré de la forclusion qui relève du droit des parties, en observant que les règles édictées par le Code de la consommation qui encadrent le crédit à la consommation, sont considérées, hors clauses abusives, comme des règles d'ordre public de protection que seules peuvent invoquer les personnes qu'elles sont destinées à protéger.
Sur le fond, la Sa BNP Paribas Personal Finance a prétendu que le premier juge a commis une confusion entre les sommes empruntées qui n'ont jamais dépassé 3.000 euros et le total des sommes dues, résultant du capital emprunté majoré des intérêts, assurances et agios provoqués par les incidents de paiement régularisés ; qu'en tout état de cause, la sanction du dépassement du crédit autorisé ne serait pas la forclusion de l'action mais la déchéance du droit aux intérêts tel que prévu par L. 311-33 du Code de la consommation ; qu'or ce texte ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce, dès lors qu'une nouvelle offre n'est obligatoire qu'en cas de dépassement du découvert maximum autorisé et non en cas de dépassement de la première fraction disponible, un tel dépassement ne pouvant en aucun cas être traité comme un incident de paiement, et l'augmentation de l'utilisation initiale du découvert n'étant pas provoquée par un défaut de remboursement mais par l'utilisation d'une nouvelle fraction de crédit ; qu'enfin, et en toute hypothèse, la sanction de la forclusion, édictée en raison d'intérêts particuliers, apparaît comme une spoliation du droit de propriété qui a valeur constitutionnelle, dès lors que l'établissement de crédit se trouve privé des sommes prêtées ; qu'il en va de même de la déchéance du droit aux intérêts qui prive le prêteur de sa rémunération alors que l'emprunteur a joui du crédit et de ses avantages.
Cité par exploit d'huissier du 31 décembre 2009 suivant procès-verbal de recherches infructueuses, Monsieur X. n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu étant rappelé en premier lieu les dispositions de l'article L. 141-1 du Code de la consommation issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, d'application immédiate, selon lequel « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent Code dans les litiges nés de son application », qu'il ne peut être fait grief au premier juge d'avoir relevé d'office le moyen tiré de l'application de l'article L. 311-37 du même Code qui dispose « les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'évènement qui leur a donné naissance à peine de forclusion » ;
Attendu par ailleurs, ainsi que l'a justement énoncé le premier juge, qu'il résulte de la jurisprudence constante de la cour de cassation que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'a pas été régularisé, cette situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ;
Attendu qu'il est constant en l'espèce, qu'aux termes de l'offre préalable acceptée le 3 octobre 2006 par Monsieur X., la société Cetelem aux droits de laquelle vient la Sa BNP Paribas Personal Finance lui a consenti une ouverture de crédit d'un montant maximum autorisé de 3.000 euros ;
Qu'il ressort de l'historique du compte produit aux débats par l'organisme de crédit que ce montant maximum a été dépassé dès le 29 décembre 2006 pour atteindre 3.023,52 euros suite à un retrait de 30 euros opéré par l'emprunteur - peu important que la somme de 3.023,52 euros comprenne des intérêts de retard - ; que ce dépassement n'a jamais été régularisé ;
Or attendu que l'assignation a été délivrée le 2 janvier 2009 ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Sa BNP Personal Finance forclose en sa demande, sans que l'appelante puisse utilement soutenir que la règle d'ordre public de la forclusion, qui fixe une limite rapide à l'exercice en paiement des prêteurs dans un souci de protection des consommateurs, serait contraire, en ce qu'elle conduit à priver les créanciers de leurs créances, aux stipulations de l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, de l’article 17 de la déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 et de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention de Sauvegarde des Droits et de l'Homme et des Libertés Fondamentales, selon lesquels toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;
Attendu que l'appelante qui succombe en son appel sera condamnée aux entiers dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe par application de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile ;
Reçoit la Sa BNP Paribas Personal Finance en son appel contre le jugement rendu le 17 février 2009 par le tribunal d'instance de Briey;
Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ;
Déboute la Sa BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses prétentions ;
Condamne la Sa BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, faisant fonction de Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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