CA NÎMES (1re ch. civ. A), 12 avril 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2969
CA NÎMES (1re ch. civ. A), 12 avril 2011 : RG n° 09/03300
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que l'article 8.2.2 de la notice n'est pas en concordance avec l'offre du bulletin d'adhésion, précisant que l'invalidité partielle ne donne lieu à indemnité que si elle est supérieure à 33 % ; qu'il comporte un mode de calcul qui ne permet pas de prétendre à une prise en charge à hauteur de 50 % de l'incapacité, mais prévoyant un coefficient réducteur exprimé par la formule arithmétique suivante dans laquelle n représente le taux d'incapacité : (n-33)/33 ; que cette formule introduit, pour l'assuré qui n'atteint pas le taux d'incapacité ouvrant droit à la prise en charge totale des échéances du prêt, une forte progressivité de la prise en charge qui peut être mise en évidence par quelques exemples chiffrés pour des taux d'incapacité de 10, 20, 30, 40, 50 et 60 %, outre le taux résultant pour Monsieur X. du tableau croisé contractuel (taux d'incapacité fonctionnelle/taux d'incapacité professionnelle) soit 34,20 % : […] Attendu que sans se livrer à une analyse du contrat, le banquier, professionnel du chiffre, peut aisément constater le fort décalage entre la prestation promise et la prestation servie et éclairer l'emprunteur pour lui permettre de se déterminer ; qu'ainsi le tribunal a bien caractérisé une faute en relation de causalité avec un préjudice résidant dans la perte d'une chance de rechercher une couverture plus avantageuse ou complémentaire ; qu'eu égard au fait que peu de contrats prévoient la garantie de l'incapacité partielle et à la faible probabilité de trouver une garantie complémentaire à prix raisonnable, le tribunal a fait une juste appréciation de la réparation du préjudice subi par Monsieur X.
Attendu que les exemples chiffrés susvisés montrent que la clause de coefficient réducteur n'a pas pour effet de vider la garantie de toute substance mais d'établir une très forte progressivité, dont le caractère acceptable ou non, en l'absence de norme, relève de l'appréciation personnelle du souscripteur informé, et non de la législation sur les clauses abusives. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 12 AVRIL 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G : 09/03300. TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES, 18 juin 2009.
APPELANTE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE NÎMES,
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social, représentée par SCP POMIES-RICHAUD VAJOU, avoués à la Cour, assistée de Maître Pierre RECHE, avocat au barreau de NÎMES
INTIMÉS :
SA ASSURANCE CRÉDIT MUTUEL VIE IARD
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social, représentée par SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour, assistée de Maître François BROQUERE, avocat au barreau de NÎMES
Monsieur X.
né le [date] à [ville], représenté par SCP TARDIEU, avoué à la Cour, assisté de la SCP RAMEL SEBELLINI MOULIS, avocats au barreau de NÎMES
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], représentée par SCP TARDIEU, avoué à la Cour, assistée de la SCP RAMEL SEBELLINI MOULIS, avocats au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 21 janvier 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Serge BERTHET, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Dominique BRUZY, Président, M. Emmanuel DE MONREDON, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller
GREFFIER : Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et Mme Véronique LAURENT-VICAL lors du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 16 février 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 avril 2011, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 12 avril 2011, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre préalable acceptée le 16 février 1998 et acte de prêt notarié du 20 février 1998, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL a consenti aux époux X. deux prêts immobiliers destinés au financement de l'acquisition d'une maison d'habitation, l'un d'un montant de 560.000 francs (85.371,45 euros) remboursable en 204 mensualités de 4.432,13 francs (675,67 euros), l'autre d'un montant de 110.000 francs (16.769,39 euros) remboursable en 186 mensualités de 591,39 francs (90,16 euros).
Sur leur demande d'adhésion à l'assurance de groupe souscrite par la banque auprès de la SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL VIE (ACM VIE), pour la garantie décès et invalidité absolue définitive à hauteur de 100 % et pour la garantie incapacité de travail et invalidité permanente à hauteur de 50 %, l'assureur a notifié aux emprunteurs par courriers des 28 et 29 janvier 1998 leur acceptation au bénéfice de l'assurance, aux conditions normales pour Monsieur X. et à l'exclusion de toute invalidité ou incapacité en rapport avec toute dorsalgie pour Madame X.
Le 29 mars 2003, Monsieur X. a été placé en arrêt de travail pour maladie et a bénéficié d'une prise en charge au titre de l'ITT du 27 juillet 2003 au 15 juillet 2005, la durée maximale d'indemnisation prévue au contrat étant de 720 jours. Le 28 mars 2006 Monsieur X., la CPAM lui a reconnu une invalidité de deuxième catégorie définie à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale.
Par courrier du 27 avril 2006, Monsieur X. a sollicité auprès d'ACM VIE la prise en charge des échéances de prêts au titre de l'incapacité permanente partielle. Il a été examiné par le docteur A., médecin désigné par l'assureur, qui a retenu un taux d'invalidité fonctionnelle de 20 % et un taux d'invalidité professionnelle de 100 % ; et la société ACM VIE a notifié à Monsieur X. une prise en charge à hauteur de 4 % de l'indemnité journalière qui était versée au titre de la garantie incapacité de travail soit 0,23 euros pour le premier prêt et 0,03 euros pour le second prêt.
Monsieur et Madame X. ont fait assigner le CRÉDIT MUTUEL, pour manquement à son devoir d'information, et ACM VIE, pour clause abusive, devant le tribunal de grande instance de NÎMES qui, par jugement du 18 juin 2009, a :
- condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à payer à Monsieur ou Madame X. la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte d'une chance, ainsi que la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL aux dépens.
* * *
La Caisse de Crédit Mutuel de Nîmes a relevé appel de ce jugement. Par conclusions du 18 novembre 2009 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, elle demande à la cour de :
DIRE ET JUGER recevable et fondé l'appel de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL pour les causes sus énoncées.
En conséquence,
REFORMER dans toutes ses dispositions le Jugement déféré rendu par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de NÎMES le 18 juin 2009
DIRE ET JUGER que la concluante n'a point failli à son obligation de conseil,
DÉBOUTER les époux X. de toutes leurs demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires.
LES CONDAMNER in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP POMIES RICHAUD - VAJOU, Avoués aux offres de droit, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Par conclusions du 21 janvier 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. demandent à la cour de :
Vu l'appel interjeté par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à l'encontre du jugement du 18 juin 2009,
Vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil,
Vu l’article L. 312-9 du Code de la Consommation,
Vu l'article L. 132-1 du même Code,
Vu l'article L. 140-4 du Code des Assurance, l'article L. 112-2 et l'article R .112-3 du même code,
Débouter la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL responsable au titre d'une faute commise dans le cadre de son obligation de conseil.
Accueillir les époux X. en leur appel incident,
Réformer le jugement en ce qu'il a considéré que la preuve de la remise de la notice aux assurés était rapportée,
Déclarer que l'obligation d'annexion de la notice à l'acte de prêt n'a pas été respectée et constater la violation des dispositions de l’article 312-9 du code de la consommation,
Dès lors, déclarer la banque responsable au titre de ses manquements à l'obligation de conseil, sur le fondement de l’article 1147 du code civil,
Réformer le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice subi à une somme forfaitaire de 20.000 euros,
Fixer le préjudice de Monsieur X. à la somme de 40.557,07 euros représentant 50 % des échéances du prêt à compter de sa mise en invalidité et jusqu'à la fin des crédits.
Subsidiairement,
Constater le non respect par l'assureur des obligations prévues par les articles L. 112-2 et R. 112-3 du code des assurances,
Déclarer la clause relative à l'incapacité de travail abusive,
En écarter l'application,
Condamner la SA ASSURANCE DU CRÉDIT MUTUEL VIE à prendre en charge les échéances des prêts rétroactivement à compter du 28 mars 2006 et jusqu'à la date de fin des crédits à hauteur de 50 %,
En conséquence, condamner la SA ASSURANCE DU CRÉDIT MUTUEL VIE au paiement d'une somme de 40.557,07 euros,
Débouter la SA ASSURANCE DU CRÉDIT MUTUEL VIE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner in solidum la SA ASSURANCE CRÉDIT MUTUEL VIE et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Les condamner aux entiers dépens, les dépens d'appel étant distraits au profit de la SCP d'Avoués soussignée.
Par conclusions du 17 mai 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, la SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL VIE IARD demande à la cour de :
RÉFORMANT
DÉBOUTER le demandeur de ses fins et demandes,
LE CONDAMNER aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros par application de l'Art. 700 du nouveau code de procédure civile.
SUBSIDIAIREMENT
CONFIRMER la décision du premier juge quant à l'analyse de l'absence d'effets de l'application de la clause incriminée sur le préjudice allégué par le demandeur
ALLOUER à la société concluante la somme de 2000 euros par application de l’Art. 700 du code de procédure civile
CONDAMNER l'appelant aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP GUIZARD-SERVAIS.
La mise en état a été clôturée par ordonnance du 21 janvier 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu, ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, que la remise de la notice par la banque aux emprunteurs/candidats à l'assurance de groupe résulte suffisamment de la mention figurant sur le bulletin d'adhésion, immédiatement au-dessus de la signature de l'adhérent.
Attendu que le banquier qui propose à son emprunteur d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit pour la garantie de l'exécution des engagements de celui-ci en cas de réalisation de certains, de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.
Attendu que les garanties souscrites par Monsieur et Madame X., telles qu'elles sont énoncées aux bulletins d'adhésion du 21 janvier1998, sont :
DÉCÈS ET IAD (A HAUTEUR DE 100 %)
INCAPACITÉ DE TRAVAIL (A HAUTEUR DE 50 %)
Attendu que l'article 8.2.2 de la notice n'est pas en concordance avec l'offre du bulletin d'adhésion, précisant que l'invalidité partielle ne donne lieu à indemnité que si elle est supérieure à 33 % ; qu'il comporte un mode de calcul qui ne permet pas de prétendre à une prise en charge à hauteur de 50 % de l'incapacité, mais prévoyant un coefficient réducteur exprimé par la formule arithmétique suivante dans laquelle n représente le taux d'incapacité : (n-33)/33 ; que cette formule introduit, pour l'assuré qui n'atteint pas le taux d'incapacité ouvrant droit à la prise en charge totale des échéances du prêt, une forte progressivité de la prise en charge qui peut être mise en évidence par quelques exemples chiffrés pour des taux d'incapacité de 10, 20, 30, 40, 50 et 60 %, outre le taux résultant pour Monsieur X. du tableau croisé contractuel (taux d'incapacité fonctionnelle/taux d'incapacité professionnelle) soit 34,20% :
(10 - 33) ÷ 33 = - 0,6969697 donc 0 %
(20 - 33) ÷ 33 = - 0,39393939 donc 0 %
(30 - 33) ÷ 33 = - 0,09090909 donc 0 %
(34,2 - 33) ÷ 33 = 0,03636364 soit 3,64 %
(40 - 33) ÷ 33 = - 0,21212121 soit 21,21%
(50 - 33) ÷ 33 = - 0,51515152 soit 51,52 %
(60 - 33) ÷ 33 = - 0,81818182 soit 81,82 %
Attendu que sans se livrer à une analyse du contrat, le banquier, professionnel du chiffre, peut aisément constater le fort décalage entre la prestation promise et la prestation servie et éclairer l'emprunteur pour lui permettre de se déterminer ; qu'ainsi le tribunal a bien caractérisé une faute en relation de causalité avec un préjudice résidant dans la perte d'une chance de rechercher une couverture plus avantageuse ou complémentaire ; qu'eu égard au fait que peu de contrats prévoient la garantie de l'incapacité partielle et à la faible probabilité de trouver une garantie complémentaire à prix raisonnable, le tribunal a fait une juste appréciation de la réparation du préjudice subi par Monsieur X.
Attendu que les exemples chiffrés susvisés montrent que la clause de coefficient réducteur n'a pas pour effet de vider la garantie de toute substance mais d'établir une très forte progressivité, dont le caractère acceptable ou non, en l'absence de norme, relève de l'appréciation personnelle du souscripteur informé, et non de la législation sur les clauses abusives.
Attendu que par ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel qui succombe doit supporter les dépens ; que pour défendre sur son appel, Monsieur et Madame X. ont dû exposer des frais non compris dans les dépens, au titre desquels il doit leur être alloué la somme de 1.200,00 euros ; qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société ACM VIE la charge de ses frais non compris dans les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en dernier ressort,
En la forme, reçoit la Caisse de Crédit Mutuel de Nîmes en son appel et le dit mal fondé.
Confirme le jugement déféré ; y ajoutant :
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Nîmes à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 1.200,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais exposés en appel.
Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE IARD.
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Nîmes aux dépens et alloue à la SCP GUIZARD-SERVAIS et à la SCP Michel TARDIEU le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt qui a été signé par Monsieur BRUZY, Président, et par Madame LAURENT-VICAL, greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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