CA ORLÉANS (ch. urg.), 21 avril 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2972
CA ORLÉANS (ch. urg.), 21 avril 2010 : RG n° 08/03388
Publication : Jurica
Extrait : « La convention de Rome du 19 juin 1980 pose, en son article 3, le principe de la liberté de choix par les parties de la loi applicable aux obligations contractuelles et prévoit, en son article 4, qu'à défaut d'un tel choix, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, ce pays étant présumé être celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a son administration centrale.
Il n'est pas contesté que le siège social de la société de droit allemand AVIS est à Oberursel près de Francfort en Allemagne et que cette société, spécialisée dans la location de véhicules et accessoirement l'assurance des dits biens, a fourni la prestation caractéristique, c'est-à-dire la mise à disposition d'un véhicule au profit de Monsieur X. qui, se trouvant en séjour privé dans ce pays au mois de juillet 2006, s'est rendu spontanément dans une agence de cette dernière ville pour y souscrire le contrat de location objet du présent litige.
Monsieur X. se saurait se prévaloir de l'article 5 de cette même convention relatif aux contrats conclus par les consommateurs et ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services, dès lors que les dispositions de ce texte ne déclarent applicable la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, en l'occurrence la loi française, que si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur y a accompli les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou encore si le consommateur ne s'est rendu dans le pays étranger que dans le cadre d'un voyage organisé par le vendeur de marchandises, toutes circonstances qui ne se trouvent pas remplies dans le cas présent comme il a été expliqué ci-dessus.
C'est donc à bon droit que la société AVIS demande que le litige soit jugé en fonction des dispositions de la loi allemande. »
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE DES URGENCES
ARRÊT DU 21 AVRIL 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/03388. DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 23 octobre 2008.
APPELANT :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour, ayant pour avocat la SELARL DUPLANTIER-JEVTIC-MALLET.GIRY-ROUICHI, du barreau d'ORLEANS, D'UNE PART,
INTIMÉE :
Société AVIS AUTOVERMIETUNG GMBH AND CO KG,
dont le siège est [adresse], représentée par Maître Jean-Michel DAUDÉ, avoué à la Cour, ayant pour avocat Maître Eva STERZING, avocat au barreau de PARIS, D'AUTRE PART,
DÉCLARATION D'APPEL en date du 5 novembre 2008
ORDONNANCE DE CLÔTURE du 17 février 2010
DÉBATS : Lors des débats, à l'audience publique du 23 FÉVRIER 2010, Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile.
COMPOSITION DE LA COUR : Lors du délibéré : Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller faisant fonction de président, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité, Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, Madame Adeline de LATAULADE, Conseiller
GREFFIER : Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors des débats, Madame Geneviève JAMAIN, Greffier lors du prononcé.
ARRÊT : Prononcé le 21 avril 2010 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X., chauffeur routier résidant habituellement à Orléans, a pris en location le 17 juillet 2006 un véhicule Volvo XC 90, immatriculé en Allemagne, auprès de l'agence AVIS de l'aéroport de Francfort-sur-le-Main.
Le véhicule, qui devait être restitué le 6 août 2006 à Francfort en Allemagne, a été volé à Estepona en Espagne dans la nuit du 26 au 27 juillet 2006.
La société AVIS considérant que les circonstances du vol établissaient la négligence de Monsieur X., lui a facturé le 14 septembre 2006 la valeur vénale du véhicule plus des frais annexes pour un montant total de 34.388,70 euros.
Aucun paiement n'étant intervenu, la société AVIS a prélevé, en vertu de l'article 13 des conditions générales du contrat, une somme de 5.000 euros sur le compte bancaire de Monsieur X. qui a alors contesté ce prélèvement en considérant qu'il bénéficiait de la garantie optionnelle, souscrite par lui, en cas de vol ou accident.
La société AVIS estimant que cette garantie ne pouvait jouer dès lors que les papiers et les clés du véhicule n'avaient pas été restitués, a refusé de rembourser la somme prélevée et maintenu sa réclamation du solde.
C'est dans ces circonstances que Monsieur X. a saisi le 8 février 2008 le Tribunal d'Instance d'Orléans, dans le ressort duquel il est domicilié, d'une demande de restitution de la somme de 5.000 euros.
La société de droit allemand AVIS a alors conclu à l'incompétence de la juridiction saisie au profit des juridictions allemandes et, par jugement en date du 23 octobre 2008, le tribunal a fait droit à l'exception d'incompétence et a renvoyé Monsieur X. à se mieux pourvoir.
Monsieur X. a régulièrement formé contredit le 5 novembre 2008 et la Cour, par un précédent arrêt du 25 mars 2009, a déclaré la juridiction française compétente pour connaître de l'affaire et, estimant de bonne justice de donner à cette dernière une solution définitive, a décidé d'évoquer le fond.
Pour statuer ainsi, la Cour, après avoir retenu que Monsieur X. avait souscrit la garantie de vol auprès de la société AVIS qui pratiquait « l'auto-assurance », a fait application de l'article 9 du Règlement CE nº 44/2001 du 22 décembre 2000 en vertu duquel l'assureur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre État membre, en cas d'action intentée par le preneur d'assurance, l'assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal où le demandeur à son domicile.
Par conclusions déposées le 15 février 2010, Monsieur X. demande à la Cour de condamner la société de droit allemand AVIS à lui rembourser la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 septembre 2006, et à lui payer la somme de 867,05 euros représentant le coût de la location d'un véhicule de remplacement du 25 juillet au 6 août 2006 et celle de 5.000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral subi. Il sollicite le rejet des prétentions contraires de la société AVIS et sa condamnation aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Invoquant les dispositions de l'article 5 de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux contrats conclus par des consommateurs ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels, Monsieur X. considère de manière préalable que seule doit être appliquée en la cause la loi française. Sur le fond, il expose que, dans un premier temps, son blouson, dans lequel se trouvaient les papiers et les clés du véhicule, lui a été dérobé au cours de la nuit du 26 au 27 juillet 2006 dans un bar de San Pedro de Alcantara où il s'était rendu avec une femme rencontrée un peu plus tôt à Estepona, qu'il a ensuite regagné en taxi cette dernière localité située à environ 90 km et ne s'est rendu compte qu'en fin de journée du 27 juillet 2006 de la disparition du véhicule loué, et qu'il a alors déposé plainte pour vol auprès du commissariat de police à 19 h 55 puis s'est rendu dans le même temps auprès de l'agence AVIS la plus proche pour informer le loueur de ce vol, se conformant ainsi aux obligations de diligence et de célérité mises à sa charge par les conditions générales figurant en extrait au dos du contrat de location. Il soutient que la société AVIS, qui pratique l'auto-assurance et lui a consenti une garantie optionnelle de réduction de responsabilité financière en cas de vol, ne peut, pour s'exonérer de ses obligations, lui opposer la clause selon laquelle le locataire est tenu de remettre les clés et les papiers du véhicule en cas de survenance d'un tel événement, dès lors que, d'une part, le contrat conclu le 17 juillet 2006 ne comporte lui-même aucune exclusion expresse de garantie dans une telle hypothèse, que, d'autre part, les conditions générales de location prétendument consultables en agence ou sur Internet n'étaient pas accessibles en leur totalité en français ou ne prévoyaient pas, en leurs seuls extraits accessibles, une telle exclusion expresse de garantie et, enfin, qu'une telle disposition doit être en tout état de cause considérée comme abusive selon la recommandation nº 96-02 de la commission des clauses abusives publiée le 3 septembre 1996, dans la mesure où les clés et les papiers du véhicule lui avaient été dérobés et ne pouvaient donc être restitués. Il prétend que les circonstances mêmes du vol de son blouson, laissé quelques instants sans surveillance sur le dossier d'une chaise dans un bar, ne sauraient caractériser une négligence fautive comme l'exigent tant le droit français que le droit allemand, alors qu'au surplus le véhicule était stationné dans une autre localité à un endroit qu'il n'avait nullement révélé à la personne qui l'avait accompagné cette nuit-là. Outre le remboursement de la somme de 867,05 euros correspondant aux onze jours de location dont il n'a pu jouir mais qui lui ont été néanmoins débités, il s'estime fondé à solliciter la réparation du préjudice patrimonial et moral résultant du prélèvement opéré sur son compte bancaire qui s'est trouvé débiteur, et de son rapatriement en France.
Par conclusions déposées le 8 février 2010, la société AVIS demande à la Cour, à titre principal, de dire que la loi applicable au contrat de location est la loi allemande et de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 29.388,70 euros représentant le solde de la valeur vénale et des frais accessoires, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mai 2007. Subsidiairement, elle sollicite le paiement de cette même somme sur le fondement de l’article 1732 du Code civil français réglementant la responsabilité du locataire ou encore de la Recommandation nº 96-02 du 3 septembre 1996 relative aux locations de véhicules automobiles. Elle conclut, en tout état de cause, à la condamnation de Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 5000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
La société de droit allemand AVIS prétend que, conformément à l'article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980, la loi applicable aux obligations contractuelles est, à défaut de choix des parties, celle du pays dans lequel le contractant qui fournit la prestation caractéristique a son administration centrale, qu'en l'occurrence son siège étant situé en Allemagne, c'est donc la loi de ce pays qui a vocation à régir les rapports entre les parties, sans que puissent être invoqués ni l'article 5 de cette même convention visant les contrats conclus avec les consommateurs dès lors qu'aucun acte préalable n'a été accompli en France, ni l'article 15-1-c du Règlement CE nº 44/2001 du 22 décembre 2000, à défaut d'exercice par elle-même d'une quelconque activité en France. Sur le fond, elle fait valoir que, selon la loi allemande, les conditions générales constituent un élément du contrat dès lors que l'autre partie contractante, comme en l'espèce, a eu son attention attirée sur leur existence et a eu la possibilité réelle d'en prendre connaissance, que, selon les conditions générales du contrat de location, la réduction de la responsabilité financière du client en cas de vol du véhicule est subordonnée au dépôt immédiat d'une plainte au service de police compétent et au dépôt des clés et des papiers du véhicule à la station AVIS la plus proche et qu'en l'espèce le délai de 16 heures écoulé entre le vol des papiers du véhicule et le dépôt de plainte est anormalement long et a indéniablement facilité la disparition du véhicule dans une région située au sud de l'Espagne et non loin du Maroc. Elle soutient également que, selon les articles 546 et 276 du Code civil allemand, le locataire doit restituer la chose louée à l'expiration du bail et que le débiteur, dans le cas particulier d'une garantie tous risques, doit répondre de sa négligence grave et caractérisée, que la jurisprudence retient généralement l'existence d'une telle faute lorsque des personnes laissent sans surveillance les clés et papiers de leur voiture dans une discothèque où elles consomment de l'alcool, et que Monsieur X., qui s'est laissé entraîner à faire la tournée des bars avec une femme inconnue, a bien commis une telle négligence en laissant son blouson sans surveillance puis, alors que sa compagne de rencontre avait disparu en même temps que ses affaires, en s'abstenant de déposer immédiatement plainte, ce qu'il tentera de justifier au fil de ses écritures par des explications incohérentes et contradictoires. Elle considère que Monsieur X. a donc, en raison de cette faute grave, perdu le bénéfice de la réduction de responsabilité ainsi que le prévoit le paragraphe 11 des conditions générales, et qu'il doit être condamné à rembourser la valeur vénale du véhicule et les frais accessoires. Subsidiairement, sur le fondement de la loi française, elle fait observer que le locataire est tout autant responsable de la perte de la chose louée non survenue sans sa faute et que peuvent également lui être opposées les stipulations contractuelles prévoyant la déchéance du bénéfice d'une réduction de responsabilité en cas de vol intervenu par sa faute ou encore en cas de manquement à son obligation de porter plainte immédiatement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR,
Sur la loi applicable au litige :
La convention de Rome du 19 juin 1980 pose, en son article 3, le principe de la liberté de choix par les parties de la loi applicable aux obligations contractuelles et prévoit, en son article 4, qu'à défaut d'un tel choix, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, ce pays étant présumé être celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a son administration centrale.
Il n'est pas contesté que le siège social de la société de droit allemand AVIS est à Oberursel près de Francfort en Allemagne et que cette société, spécialisée dans la location de véhicules et accessoirement l'assurance des dits biens, a fourni la prestation caractéristique, c'est-à-dire la mise à disposition d'un véhicule au profit de Monsieur X. qui, se trouvant en séjour privé dans ce pays au mois de juillet 2006, s'est rendu spontanément dans une agence de cette dernière ville pour y souscrire le contrat de location objet du présent litige.
Monsieur X. se saurait se prévaloir de l'article 5 de cette même convention relatif aux contrats conclus par les consommateurs et ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services, dès lors que les dispositions de ce texte ne déclarent applicable la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, en l'occurrence la loi française, que si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur y a accompli les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou encore si le consommateur ne s'est rendu dans le pays étranger que dans le cadre d'un voyage organisé par le vendeur de marchandises, toutes circonstances qui ne se trouvent pas remplies dans le cas présent comme il a été expliqué ci-dessus.
C'est donc à bon droit que la société AVIS demande que le litige soit jugé en fonction des dispositions de la loi allemande.
Sur le fond du litige :
Les dispositions législatives adéquates du droit allemand applicables en matière de location (article 546 BGB) et de responsabilité (article 280 BGB) prévoient que le locataire s'engage à restituer la chose louée à l'expiration du lien contractuel et qu'il est tenu de réparer, en cas de négligence de sa part, le dommage découlant du manquement à un engagement contractuel.
Le contrat de location conclu le 17 juillet 2006 entre la société AVIS et Monsieur X. stipule que le locataire est responsable des dommages causés au véhicule et de sa perte, y compris de ses accessoires, mais qu'il a la faculté, dont il a été fait usage, de diminuer sa responsabilité moyennant le paiement de frais supplémentaires, selon les modalités fixées par les conditions générales des contrats de location AVIS Allemagne qui, selon une mention placée juste avant la signature du locataire, font partie intégrante du contrat et peuvent être consultées dans les agences de location et sur Internet.
Selon les extraits de ces conditions générales figurant au verso du contrat, le locataire est notamment tenu, en cas de vol du véhicule, de ses pièces ou accessoires, de porter immédiatement plainte auprès du service de police compétent et de déposer les clés et papiers du véhicule à la station AVIS la plus proche, tandis que le paragraphe 8, non repris dans cet extrait, lui fait l'obligation, lorsque le véhicule n'est pas utilisé, d'emporter avec lui les clés et les papiers et de les conserver dans un endroit inaccessible à des personnes autorisées.
Le paragraphe 11 des conditions générales, non repris dans l'extrait figurant au verso du contrat, dispose expressément que la réduction de la responsabilité n'est pas applicable si le locataire a commis une violation fautive de l'une ou de plusieurs des dispositions ci-dessus mentionnées et figurant aux paragraphes 2 à 8.
Il résulte de l'article 305 du BGB que les conditions générales préformulées par l'une des parties deviennent partie intégrante d'un contrat dès lors que cette partie a manifesté de manière expresse son intention de s'y référer et que l'autre partie a pu raisonnablement en prendre connaissance.
Selon le certificat de coutume produit par la société AVIS, la simple disponibilité des conditions générales sur le lieu de la conclusion du contrat est considérée comme suffisante par la jurisprudence et, les entreprises de location de voitures affichant au moins en anglais, langue universelle, leurs conditions générales dans leurs agences de location situées dans les aéroports internationaux, il peut donc être considéré qu'elles ont été effectivement intégrées au contrat souscrit par Monsieur X.
Cependant, toujours selon ce certificat de coutume, les dispositions contractuelles doivent être conformes au « modèle de l'assurance tous risques », de sorte que la réduction de la responsabilité ne peut être exclue qu'en cas de négligence particulièrement caractérisée et grave ou intentionnelle aux obligations mises à la charge du locataire par le contrat.
La jurisprudence évoquée dans ce certificat de coutume retient une négligence particulièrement caractérisée et grave lorsque le locataire a donné à des tiers la possibilité de soustraire le véhicule en s'abstenant de prendre des précautions élémentaires, notamment en laissant les clés sans surveillance dans certains lieux tels que des établissements de nuit.
En l'espèce, selon l'attestation remise par le commissariat de police d'Estepona (Espagne), Monsieur X. a déclaré le vol du véhicule loué le 27 juillet 2006 à 19 h 55 en expliquant que, la veille au soir vers 23 h, il s'était lié d'amitié avec une jeune femme qu'il venait juste de rencontrer, était monté dans son véhicule de marque Seat et s'était rendu en sa compagnie à San Pedro de Alcantara où il avait pris plusieurs consommations dans différents établissements. Dans l'un de ces derniers, aux environs de trois heures du matin, il s'était rendu aux toilettes et, à son retour, s'était aperçu que cette femme avait disparu et que le trousseau de clés de la voiture Volvo prise en location lui avait été dérobé. Il était rentré à Estepona en taxi et avait alors constaté que le véhicule avait été volé, avec tout son contenu, notamment le contrat de location, le contrôle technique et la carte d'assurance.
Il doit également être observé que les explications fournies par Monsieur X. dans ses écritures successives souffrent d'une certaine incohérence et contradiction, dans la mesure où il a évoqué, dans un premier temps, un retour en stop à Estepona, semble-t-il pour justifier son retard dans le dépôt de la plainte, avant de revenir à la version fournie à la police espagnole, à savoir un retour en taxi, en tentant de mettre, de manière peu convaincante, cette variation sur le compte d'une erreur de plume.
Ainsi, alors que l'incohérence et la contradiction des explications successives de Monsieur X., rapprochées des circonstances pour le moins curieuses dans lesquelles il a pris en location un véhicule haut de gamme à Francfort pour se rendre en Espagne, mettent sérieusement en doute leur crédibilité même, il résulte en tout cas de ses déclarations constantes, à les supposer conformes à la vérité, qu'il a manqué à plusieurs reprises à ses obligations contractuelles, d'abord en abandonnant les papiers à l'intérieur du véhicule et ensuite en laissant, même momentanément, ses clés sans surveillance dans un endroit susceptible d'être fréquenté par des gens animés de mauvaises intentions.
Les clés lui auraient été dérobées, selon ses explications, par une femme dont il avait fait la connaissance quatre heures auparavant, en laquelle il ne pouvait donc avoir aucune confiance, et qui, après l'avoir emmené dans une localité située à 90 km de son hôtel, l'a embarqué dans une tournée d'établissements nocturnes où il reconnaît avoir pris plusieurs consommations.
Il s'est abstenu de se rendre au commissariat de police de San Pedro de Alcantara pour signaler le vol de son blouson et des clés, est rentré par on ne sait quel moyen à Estepona, s'est aperçu de la disparition du véhicule dans le courant de la matinée (selon un courrier du 27 septembre 2006 adressé à l'agence AVIS de Francfort, il déclare avoir avisé le bailleur du vol par téléphone à dix heures du matin) et a finalement déposé plainte auprès du commissariat de police d'Estepona à 19 h 55, soit près de 17 heures après le vol des clés et près de dix heures après celui du véhicule.
L'ensemble de ces éléments permet de retenir une négligence particulièrement caractérisée et grave au sens de la jurisprudence, de sorte que Monsieur X. ne saurait se prévaloir de la réduction de responsabilité prévue par le contrat et doit en conséquence réparer le préjudice résultant, pour le bailleur, du défaut de restitution de la chose louée.
Le véhicule loué, qui avait parcouru environ 14.000 km au moment de sa remise à Francfort, était dans un état quasiment neuf et sa valeur de remplacement, majorée des frais accessoires, peut être fixée à la somme de 34.388,70 euros dont il convient de déduire la somme de 5.000 euros déjà prélevée par la société AVIS.
Monsieur X. sera donc condamné à payer à la société AVIS la somme de 29.388,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 31 mai 2007, et débouté en conséquence de ses demandes en remboursement de la somme correspondant au nombre de jours de location dont il n'a pas profité, et en indemnisation de son préjudice moral et patrimonial.
Le procès ayant nécessité la production d'un certificat de coutume traduit en français, les frais non inclus dans les dépens sont particulièrement importants et l'équité commande d'allouer à la société AVIS la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS ;
Statuant contradictoirement et en dernier ressort,
DÉBOUTE Monsieur X. de toutes ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société AVIS Autovermietung GmbH & Co.KG la somme de 29.388,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mai 2007 ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société AVIS Autovermietung GmbH & Co.KG la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel et accorde à Maître DAUDÉ, pour ces derniers, le bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre et Madame Geneviève JAMAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT
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