CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 28 janvier 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2981
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 28 janvier 2010 : RG n° 08/17923 ; arrêt n° 70
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant, cela exposé, que la société SODEMA est liée à la SCI par un bon de commande en date du 3 avril 2006 qui précise que la livraison devra être faite dans un délai de sept semaines maximum après le métrage ; qu'à ce bon de commande était joint un document relatif aux conditions générales de vente auxquelles elle se réfère dans son argumentation, invoquant la clause précisant que le délai est indicatif ; que ces conditions générales renvoient aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation ;
Considérant qu'ainsi, la société SODEMA qui s'est, elle-même, de sa propre volonté référé au code de la consommation pour le contrat passé avec la SCI, ne peut valablement se prévaloir de l'inapplicabilité de ces textes à la SCI, malgré sa qualité de personne morale, qu'elle a de fait considéré comme un consommateur ; Que c'est donc à bon droit que le premier juge a fait application de l’article L. 114-1 du Code de la consommation ».
2/ « Considérant que selon les termes de [l’article L. 114-1 du Code de la consommation] « […] » ; Considérant qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé le premier juge, la société SODEMA devait livrer les fenêtres, au plus tard, le 22 mai 2006 soit sept semaines après la date de la commande et de la prise des mesures des fenêtres, en date du 3 avril 2006 ; que plus de sept jours à compter de la date de livraison prévue, mais dans le délai de soixante jours ci-dessus rappelé, la SCI a dénoncé au vendeur le contrat par lettre recommandée avec avis de réception en date du 31 mai 2006 ; que la société SODEMA ne peut se référer utilement aux dispositions des conditions générales de vente précisant que les délais sont indicatifs; qu'en effet, une telle clause qui présente un caractère abusif ainsi que le retient la jurisprudence en ce qu'elle manifeste un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, est réputée non écrite et, de ce fait, n'est pas opposable à la SCI ;
Considérant, en conséquence, que la société SODEMA ne se prévalant pas d'un cas de force majeure, le premier juge a, à bon droit, dit que le contrat était résolu et a, en conséquence, ordonné la restitution de l'acompte versé soit la somme de 2184 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2006 ; que les demandes formées par la société SODEMA qui succombe seront donc rejetées ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 28 JANVIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/17923. Arrêt n° 70 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mars 2007 - Tribunal d'Instance de PARIS 18 - RG n° 11-06-001408.
APPELANTE :
SARL SODEMA,
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Moussa TRAORE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2208, plaidant pour Maître Christine MAISSE -BOULANGER
INTIMÉE :
SCI ALIALI,
prise en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître Frédéric BURET, avoué à la Cour, assistée de Maître Mardjan MATIN-BAHER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1776
COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral de Madame Geneviève REGNIEZ, et en application des dispositions de l’article 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente et Madame Geneviève REGNIEZ, conseillère,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente, Madame Marie-Suzanne PIERRARD, conseillère, Madame Geneviève REGNIEZ, conseillère, qui en ont délibéré.
GREFFIER, LORS DES DÉBATS : Madame Hélène BODY
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, [minute page 2] prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Hélène BODY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'appel interjeté par la société SODEMA d'un jugement du tribunal d'instance de Paris (18ème) du 15 mars 2007 qui l'a condamnée à payer à la SCI ALIALI :
- 2.184 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2006,
- 1.000 euros de dommages et intérêts,
- 300 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions du 27 mai 2008 de la société SODEMA qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables à la SCI ALIALI, dire en tout état de cause que la vente conclue le 3 avril 2006 est parfaite et n'est pas résolue, débouter la SCI ALIALI de toutes ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros pour les frais de stockage des quatre fenêtres, objet du litige, celle de 3.277 euros correspondant au solde du prix des fenêtres commandées, celle de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions du 3 septembre 2009 de la SCI ALIALI qui prie la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résolution de la vente pour non-respect de la date de livraison, condamné la SODEMA à restituer l'acompte augmenté des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2006, dit que les manquements de la société SODEMA lui ont causé un préjudice dont elle doit réparation, l'infirmer en ce qu'il a condamné la SODEMA à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau, condamner la SODEMA à lui payer la somme de 8.895,56 euros au titre des pertes subies, celle de 12.000 euros au titre du manque à gagner, 1.000 euros en réparation de son préjudice moral, celle de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 559 du Code de procédure civile et celle de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Considérant que le 3 avril 2006, un bon de commande a été signé entre la société SODEMA et la SCI ALIALI portant sur la fabrication et l'installation de quatre fenêtres en bois exotique et vitrage nommé « ventilation opaque G 200 » ; que le jour de la signature, l'acquéreur, la SCI versait un acompte de 2.184 euros, soit 40 % du prix total (5.461 euros) ; qu'il a été précisé sur le bon de commande que le délai d'exécution serait de sept semaines maximum ;
Considérant que les parties se sont rencontrées à plusieurs reprises pour préciser notamment le métrage de la structure en aluminium ; que d'autres rencontres ont eu lieu avec le compagnon de Madame Y., chargé de l'aménagement intérieur, en avril et mai 2006 ; qu'après cette dernière rencontre qui a eu lieu le 17 mai 2006, il a été porté à la connaissance de Monsieur X. que le verre commandé présentait un aspect granulé ; soutenant que l'aspect de ce verre ne correspondait à ce qui avait été convenu, Madame Y. ayant souhaité des verres présentant un aspect dépoli ou sablé, cette dernière dit avoir voulu obtenir des précisions par téléphone auprès de la société SODEMA mais n'y parvenant pas, elle a, par lettre recommandée avec AR du 22 mai 2006 mis en demeure la société SODEMA de confirmer la qualité « sablée ou dépolie » du verre et de préciser la date de livraison, puis envoyé une télécopie le 26 mai 2006 pour avoir une réponse aux questions posées (la date de livraison, la qualité du verre dépoli) ;
[minute page 3] Que n'obtenant pas de réponse, elle a envoyé une LR avec AR le 31 mai 2006, confirmée par télécopie signifiant à la société SODEMA l'annulation de la commande pour le retard dans la livraison des fenêtres, d'une part, et l'absence d'accord sur l'objet de la commande, d'autre part, lui demandant la restitution immédiate de l'acompte,
Que :
- le 1er juin 2006, la SODEMA envoyait une télécopie par laquelle elle demandait de communiquer « une disponibilité pour une semaine pour la pose (des) menuiseries » à laquelle la SCI répondait également par télécopie du même jour, en demandant la restitution immédiate de l'acompte,
- par lettre recommandée avec AR du 3 juin 2006, la société SODEMA répondait que la référence G200 concernant le verre opaque n'était pas un type de verre utilisé uniquement pour des bureaux ou des cabinets médicaux,
- le 12 juin 2006, par lettre recommandée avec AR, la SCI rappelait à la SODEMA que Monsieur X. s'était déplacé dans leurs locaux le 17 mai 2006 uniquement pour obtenir les dimensions des fenêtres afin de poursuivre les travaux et non pas pour évoquer le type de vitrage à commander puisqu'à cette date, les fenêtres auraient dû être déjà fabriquées et en cours de livraison,
- c'est dans ces circonstances que, ne donnant pas suite à la demande en restitution de l'acompte, la SCI a assigné la société SODEMA devant le tribunal d'instance pour obtenir la résolution de la commande ;
Considérant que la société SODEMA reproche au premier juge d'avoir appliqué les dispositions protectrices du Code de la consommation en retenant que la SCI relevait de ces dispositions ;
Qu'elle soutient que la directive 93-13 du 5 avril 1993 définit le consommateur comme une personne physique, ce que n'est pas la SCI, et que l'assimilation de la notion de consommateur à celle plus large de non professionnel n'est posée par la Cour de Cassation que dans le champ strictement défini des clauses abusives, c'est à dire dans l'hypothèse de l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de chacune des parties au contrat, que cette assimilation ne peut être étendue à toutes les mesures protectrices du droit de la consommation ; qu'elle fait, par ailleurs, valoir que :
- elle était sur le point d'exécuter le contrat dans les délais prévus lorsque la SCI a changé d'avis sur la qualité du verre,
- la mise en demeure reçue par elle le 24 mai 2006 lui permettait encore d'exécuter la livraison dans les temps, au plus tard le 1er juin 2006,
- les clauses générales du contrat précisaient que la date de fin des travaux était donnée à titre indicatif, l'entrepreneur pouvant être dégagé de son obligation lorsque les locaux à aménager n'ont pas été mis à sa disposition, ce qui a été le cas en l'espèce, la SCI ayant refusé de fixer une date de livraison ;
Considérant que selon la SCI ALIALI, il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation d'appliquer l'ensemble des mesures protectrices du Code de la consommation aux personnes physiques et morales, qualifiées toutes deux de consommateur, la seule exclusion tenant à l'objet professionnel des contrats ; qu'en l'espèce, en application de l’article L. 113-1 du Code de la consommation elle était bien en droit de demander la résolution de la commande, la livraison n'ayant pas été effectuée dans les délais impartis par ce texte ; que la société SODEMA a donc failli à son obligation de délivrance et qu'elle ne peut soutenir avec pertinence que, selon ses conditions générales, le délai n'était qu'indicatif, une telle clause présentant un caractère abusif ;
Considérant, cela exposé, que la société SODEMA est liée à la SCI par un bon de commande en date du 3 avril 2006 qui précise que la livraison devra être faite dans un délai de sept semaines maximum après le métrage ; qu'à ce bon de commande était joint un document relatif aux conditions générales de vente auxquelles elle se réfère dans son [minute page 4] argumentation, invoquant la clause précisant que le délai est indicatif ; que ces conditions générales renvoient aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation ;
Considérant qu'ainsi, la société SODEMA qui s'est, elle-même, de sa propre volonté référé au Code de la consommation pour le contrat passé avec la SCI, ne peut valablement se prévaloir de l'inapplicabilité de ces textes à la SCI, malgré sa qualité de personne morale, qu'elle a de fait considéré comme un consommateur ;
Que c'est donc à bon droit que le premier juge a fait application de l’article L. 114-1 du Code de la consommation ;
Considérant que selon les termes de cet article, « le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble ou de fourniture d'une prestation de services par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en cas de dépassement de la date de livraison du bien ou d'exécution de la prestation excédant 7 jours et non dû à un cas de force majeure » et « le contrat est, le cas échéant, considéré comme rompu à la réception, par le vendeur ou par le prestataire de services, de la lettre par laquelle le consommateur l'informe de sa décision, si la livraison n'est pas intervenue ou si la prestation n'a pas été exécutée entre l'envoi et la réception de cette lettre. Le consommateur exerce ce droit dans un délai de soixante jours ouvrés à compter de la date indiquée pour la livraison du bien ou de l'exécution de la prestation » ;
Considérant qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé le premier juge, la société SODEMA devait livrer les fenêtres, au plus tard, le 22 mai 2006 soit sept semaines après la date de la commande et de la prise des mesures des fenêtres, en date du 3 avril 2006 ; que plus de sept jours à compter de la date de livraison prévue, mais dans le délai de soixante jours ci-dessus rappelé, la SCI a dénoncé au vendeur le contrat par lettre recommandée avec avis de réception en date du 31 mai 2006 ; que la société SODEMA ne peut se référer utilement aux dispositions des conditions générales de vente précisant que les délais sont indicatifs; qu'en effet, une telle clause qui présente un caractère abusif ainsi que le retient la jurisprudence en ce qu'elle manifeste un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, est réputée non écrite et, de ce fait, n'est pas opposable à la SCI ;
Considérant, en conséquence, que la société SODEMA ne se prévalant pas d'un cas de force majeure, le premier juge a, à bon droit, dit que le contrat était résolu et a, en conséquence, ordonné la restitution de l'acompte versé soit la somme de 2.184 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2006 ; que les demandes formées par la société SODEMA qui succombe seront donc rejetées ;
Considérant que le tribunal a alloué à la SCI une somme de 1.000 euros pour réparer le préjudice subi par elle en raison des retards ; que la SCI soutient que son préjudice n'a pas été suffisamment pris en compte par le premier juge ; que selon elle, ayant été du fait du retard dans la livraison, dans l'obligation de s'adresser à d'autres entreprises dont la première a été défaillante, la société SODEMA doit supporter, l'entier dommage financier comprenant les pertes subies et le manque à gagner puisque le logement n'a du fait de la durée des travaux pas été disponible ;
Considérant qu'au contraire, la société SODEMA estime que la SCI n'a subi aucun préjudice du fait de la dénonciation du contrat, dès lors que le retard dont se prévaut la SCI après sa dénonciation, ne lui est pas imputable mais est du à d'autres entreprises ; qu'elle ajoute que la SCI étant une personne morale ne peut se plaindre d'un préjudice moral ;
Considérant cela exposé qu'il n'est soumis aucune argumentation nouvelle en appel qui serait de nature à modifier l'exacte appréciation faite par le premier juge du préjudice subi par la SCI du fait de la dénonciation du contrat ; que le jugement sera en conséquence confirmé, étant observé que la SCI ne saurait se prévaloir d'un préjudice moral ;
[minute page 5] Considérant qu'il n'est pas démontré que la société SODEMA aurait poursuivi la procédure en appel dans une intention fautive ou avec une légèreté blâmable ; que la demande faite par la SCI sur le fondement de l’article 559 du Code de procédure civile sera rejetée ;
Considérant que des raisons d'équité commandent de dire n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société SODEMA aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5830 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Clauses abusives : principes
- 5831 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Illustrations voisines : démarchage à domicile
- 6475 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (7) - Obligations du vendeur - Obligation de délivrance : délai de livraison