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CA RIOM (1re ch. civ.), 7 avril 2011

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (1re ch. civ.), 7 avril 2011
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), 1re ch. civ.
Demande : 10/00213
Date : 7/04/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 28/01/2010
Décision antérieure : TGI CUSSET, 11 janvier 2010
Numéro de la décision : 250
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3026

CA RIOM (1re ch. civ.), 7 avril 2011 : RG n° 10/00213 ; arrêt n° 250

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2011-005516

 

Extrait : « Attendu que le kilométrage réel d'un véhicule constitue en principe une qualité substantielle de la chose vendue mais que les parties peuvent convenir d'insérer à l’acte, de manière explicite, une clause de non garantie portant sur le kilométrage annoncé et notamment celui porté au compteur dès lors que cette clause n'est pas contraire aux dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation et n'est donc pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; Attendu qu'une telle clause ne doit pas non plus, sous peine d'être présumée de manière irréfragable abusive, accorder aux seuls professionnels le droit de déterminer si la chose livrée est conforme ou non aux stipulations du contrat ;

Attendu que le tribunal de grande instance a reconnu qu'il ressortait de manière incontestée des constatations techniques que le kilométrage réel du véhicule BMW, modèle 520 D immatriculé XX, était largement supérieur à celui affiché au compteur accessible à l'acquéreur mais que ce kilométrage compteur ne constituait pas une caractéristique essentielle permettant de considérer que le véhicule vendu n'était pas conforme dès lors que l'attention de M. X. avait été attirée par l'absence de garantie du kilométrage expressément mentionnée au bon de commande par une mention surlignée ;

Mais attendu que, comme le souligne l'appelant, le premier juge ne pouvait prendre en considération le fait que la mention du kilométrage non garanti sur la facture était surlignée car manifestement c'est la copie qui a été ainsi surchargée dans le cadre de la procédure ;

Quoi qu'il en soit, l'acheteur devait effectivement avoir son attention attirée par la mention précise portée sur le bon de commande du 2 avril 2008 signé par les parties, quant au fait que le kilométrage compteur n'était pas garanti ; Attendu que la facture établie le même jour et concomitamment à la remise du véhicule porte également mention de ce que le kilométrage n'est pas garanti puisque cette formule a été expressément barrée et que seul a été mentionné le kilométrage compteur ; Attendu que l'existence de cette mention permet d'établir que l'obligation de conseil du professionnel à l'égard de l'acquéreur du véhicule automobile a été remplie en ce qui concerne le fait que celui-ci avait parfaite connaissance qu'aucune garantie n'était apportée quant au fait que le véhicule n'avait parcouru que 83.230 km ;

Attendu que le caractère abusif d'une clause de non garantie peut valablement être évoqué pour la première fois devant la Cour d'Appel dès lors qu'il s'agit d'un moyen nouveau au soutien d'une même prétention émise tendant au débouté de la demande de la résolution de la vente ;

Attendu que cette clause ne peut être considérée en tant que telle comme abusive dès lors qu'elle ne confère pas, en son principe, au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée est conforme ou non aux stipulations du contrat ;

Mais attendu qu'elle ne peut recevoir application en l'espèce car elle devient abusive si la différence de kilométrage est très importante et qu'elle permet dès lors au seul vendeur professionnel, par le fait de cocher une simple case, de déterminer que le véhicule est conforme aux stipulations du contrat alors que le consentement donné pour l'achat d'une voiture automobile qui a parcouru aux environs de 90.000 km pour le prix de 15.500 euros n'emporte pas accord du risque de ce que le kilométrage soit supérieur à 200.000 kms ; qu'en effet cela ne correspond plus au prix moyen pour le type de véhicule considéré et n'est donc plus conforme à la commande ; que le consentement sur la chose et le prix fait alors défaut ».

 

COUR D’APPEL DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 AVRIL 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

 

R.G. n° 10/00213. Arrêt n° 250. Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CUSSET-VICHY, décision attaquée en date du 11 Janvier 2010, enregistrée sous le n° 09/01304

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :M. Gérard BAUDRON, Président, M. Bruno GAUTIER, Conseiller, Mme Corinne JACQUEMIN, Conseiller

En présence de : Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

 

ENTRE :

M. X.

représenté par Maître Martine-Marie MOTTET, avoué à la Cour, assisté de Maître Guy PAILLONCY de la SCP CHASSAIGNE-PAILLONCY-GUIINOT, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND, APPELANT

 

ET :

SARL B. PIERRE

représentée par Maître Sébastien RAHON, avoué à la Cour, assistée de Maître Olivier BOST de la SELARL BOST AVRIL, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, INTIMÉE

 

Après avoir entendu à l'audience publique du 17 mars 2011 les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la Cour, celle-ci a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l’article 452 du code de procédure civile :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de CUSSET, le 11 janvier 2010, qui a débouté M. X. des demandes qu'il avait présentées à l'encontre de la SARL B. en résolution de la vente d'un véhicule automobile passée le 2 avril 2008 et remboursement du prix payé au motif de ce que le kilométrage était très supérieur à celui annoncé au compteur ;

Vu l'appel interjeté par M. X., le 28 janvier 2010, lequel a conclu le 7 septembre 2010 à l'application des dispositions de l’article 1604 du code civil afin que soit ainsi prononcée la résolution de la vente pour délivrance non conforme du véhicule, sans que puisse lui être opposée une clause de non garantie ; il sollicite également, outre le remboursement de la somme de 15.500 euros, la condamnation de la société venderesse à lui verser 5.400 euros en réparation du préjudice de jouissance qu'il a subi arrêté au 5 novembre 2010 ainsi que 3.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Il expose M. A., désigné en qualité d'expert judiciaire a déposé son rapport le 25 juin 2009 duquel il ressort que le kilométrage réel du véhicule serait de l'ordre d'environ 200.000 km au lieu des 83.200 annoncés et que cela est confirmé par M. C. ; qu'en effet cet expert qu'il avait sollicité dès que le véhicule avait rencontré des problèmes de transmission, affirme qu'au mois d'avril 2008 le véhicule avait parcouru 231.000 km ;

Il fait valoir que les clauses non garanties du kilométrage figurant sur le bon de commande et sur la facture, ne constituent pas une information claire et suffisante de l'acheteur alors que la SARL B. en tant que professionnel doit à l'acquéreur une obligation d'information ;

Il ajoute qu'en application des dispositions de l’article L. 132-12 du code de la consommation, cette clause serait abusive au sens de l’article R. 132-1 du même code qui présume comme abusive toute clause qui permet d'accorder aux seuls professionnels le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ;

Il relève que le kilométrage est une des caractéristiques essentielles du contrat de vente d'un véhicule automobile.

Vu les conclusions signifiées par la SARL B., le 3 juin 2010, tendant à la confirmation intégrale de la décision déférée et sollicitant 1.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

L'intimée fait valoir que la mention du kilométrage n'était pas garantie et que les différents examens du véhicule n'ont pas permis de donner des résultats significatifs puisque le contrôle effectué avec la clé a indiqué que le véhicule aurait parcouru 1.048.575 km alors que le boîtier de roulage a indiqué 247.800 km ;

La SARL B. ajoute que M. X. est irrecevable à évoquer pour la première fois en cause d'appel la nullité de la clause de non garantie ;

Elle précise avoir délivré un véhicule BMW série 5 conforme aux qualités substantielles que l'acheteur en attendait et que le kilométrage n'était pas un élément déterminant de la vente alors que le véhicule est en état de marche et qu'aucune indemnité ne pourrait être due au titre d'un éventuel préjudice de jouissance.

Vu l'ordonnance rendue le 21 septembre 2010 par le Conseiller de la mise en état, prononçant la clôture de la procédure ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR :

Attendu qu'en application des dispositions de l’article 1604 du code civil, l'acquéreur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée et que la preuve de la non-conformité à la commande de la chose livrée incombe à l'acquéreur qui soulève cette exception ;

Attendu que le kilométrage réel d'un véhicule constitue en principe une qualité substantielle de la chose vendue mais que les parties peuvent convenir d'insérer à l’acte, de manière explicite, une clause de non garantie portant sur le kilométrage annoncé et notamment celui porté au compteur dès lors que cette clause n'est pas contraire aux dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation et n'est donc pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu qu'une telle clause ne doit pas non plus, sous peine d'être présumée de manière irréfragable abusive, accorder aux seuls professionnels le droit de déterminer si la chose livrée est conforme ou non aux stipulations du contrat ;

Attendu que le tribunal de grande instance a reconnu qu'il ressortait de manière incontestée des constatations techniques que le kilométrage réel du véhicule BMW, modèle 520 D immatriculé XX, était largement supérieur à celui affiché au compteur accessible à l'acquéreur mais que ce kilométrage compteur ne constituait pas une caractéristique essentielle permettant de considérer que le véhicule vendu n'était pas conforme dès lors que l'attention de M. X. avait été attirée par l'absence de garantie du kilométrage expressément mentionnée au bon de commande par une mention surlignée ;

Mais attendu que, comme le souligne l'appelant, le premier juge ne pouvait prendre en considération le fait que la mention du kilométrage non garanti sur la facture était surlignée car manifestement c'est la copie qui a été ainsi surchargée dans le cadre de la procédure ;

Quoi qu'il en soit, l'acheteur devait effectivement avoir son attention attirée par la mention précise portée sur le bon de commande du 2 avril 2008 signé par les parties, quant au fait que le kilométrage compteur n'était pas garanti ;

Attendu que la facture établie le même jour et concomitamment à la remise du véhicule porte également mention de ce que le kilométrage n'est pas garanti puisque cette formule a été expressément barrée et que seul a été mentionné le kilométrage compteur ;

Attendu que l'existence de cette mention permet d'établir que l'obligation de conseil du professionnel à l'égard de l'acquéreur du véhicule automobile a été remplie en ce qui concerne le fait que celui-ci avait parfaite connaissance qu'aucune garantie n'était apportée quant au fait que le véhicule n'avait parcouru que 83.230 km ;

Attendu que le caractère abusif d'une clause de non garantie peut valablement être évoqué pour la première fois devant la Cour d'Appel dès lors qu'il s'agit d'un moyen nouveau au soutien d'une même prétention émise tendant au débouté de la demande de la résolution de la vente ;

Attendu que cette clause ne peut être considérée en tant que telle comme abusive dès lors qu'elle ne confère pas, en son principe, au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée est conforme ou non aux stipulations du contrat ;

Mais attendu qu'elle ne peut recevoir application en l'espèce car elle devient abusive si la différence de kilométrage est très importante et qu'elle permet dès lors au seul vendeur professionnel, par le fait de cocher une simple case, de déterminer que le véhicule est conforme aux stipulations du contrat alors que le consentement donné pour l'achat d'une voiture automobile qui a parcouru aux environs de 90.000 km pour le prix de 15.500 euros n'emporte pas accord du risque de ce que le kilométrage soit supérieur à 200.000 kms ; qu'en effet cela ne correspond plus au prix moyen pour le type de véhicule considéré et n'est donc plus conforme à la commande ; que le consentement sur la chose et le prix fait alors défaut ;

Or, attendu en l'espèce qu'il résulte des opérations d'expertise judiciaire et des observations faites par M. C. dans sa note technique, que l'incohérence du kilométrage affiché au compteur par le véhicule litigieux est accréditée par le fait que le boîtier de gestion moteur a nécessairement été changé depuis l'origine puisque sa date de fabrication est postérieure à la mise en circulation de la voiture ;

Attendu que M. A. a estimé au vu des différentes constatations techniques effectuées sur le véhicule que celui-ci avait parcouru environ 200.000 km au lieu des 104.374 affichés au compteur le jour de l'expertise ;

Attendu que ce point n'a pas été contesté par M. D. qui assistait techniquement M. B. ;

Attendu que M. C. a effectué une véritable enquête sur le kilométrage de ce véhicule depuis l'origine au vu des différentes factures d'entretien et a établi que le véhicule affichait déjà 141.160 km lors du dernier entretien réalisé avant le 15 septembre 2003 date à laquelle le véhicule a été restitué après la première utilisation sous forme de leasing ;

Que par ailleurs ce kilométrage, réellement effectué avant que le compteur ne soit remis à zéro, avait été validé par l'indication donnée dans la mémoire du calculateur lors des opérations d'expertise judiciaire à [ville Allier] le 24 avril 2009 où était apparue une mention de 147.800 km ;

Attendu que le calcul effectué par M. C., non contesté par l'expert judiciaire qui a préféré mentionner un kilométrage approximatif, est tout à fait établi lorsqu'il ajoute aux 147.800 km, parcourus avant que le kilométrage se remette à 0, les 83.200 km indiqués au compteur le jour de la vente soit 231.000 km ;

Attendu que ce kilométrage important au jour de la vente à M. X. en avril 2008, justifie la présence d'un jeu dans la transmission ainsi que dans les rotules du train arrière qui a été constaté dés le 21 mai 2008 lorsque le véhicule a été conduit par M. X. au garage BMW de Clermont-Ferrand moins de deux mois après son acquisition ;

Attendu qu'il convient en conséquence de dire que la clause de non garantie du kilométrage au compteur ne peut jouer comme étant en l'espèce abusive pour une telle différence de kilomètres parcourus qui ne pouvaient être décelés par l'acquéreur mais qu'en revanche le vendeur professionnel pouvait, comme l'indique l'expert judiciaire, en tant qu'utilisateur de la voiture à des fins personnelles et professionnelles pendant plusieurs mois, se rendre compte de l'impossibilité de ce que le véhicule n'avait parcouru que 83.000 km alors qu'il y avait selon l'expert judiciaire des éléments révélateurs d'un kilométrage beaucoup plus important ; qu' au total il sera d'ailleurs souligné qu'il a été établi par l'expert judiciaire que le véhicule avait parcouru 49.550 km durant les neuf premiers mois de son utilisation en 2001 par la société MPB qui l'a conservé jusqu'en août 2003 soit pendant 20 mois ;

Attendu que l'importance du kilométrage réel du véhicule constitue dès lors une non-conformité qui justifie la résolution de la vente et le remboursement du prix ;

Attendu que M. X. ne justifie pas d'un préjudice de jouissance alors qu'il a effectué 20.000 km avec le véhicule litigieux et que l'expert judiciaire indique que qu'il n'est pas impropre à destination puisqu'en effet il est en état de fonctionnement ;

Attendu que l'appelant sera en conséquence débouté de la demande de dommages-intérêts présentée à ce titre ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à M. X. pour les frais non taxables exposés par ses soins dans le présent dossier en cause d'appel, une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la SARL B. sera condamnée aux dépens de première instance d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme en tout point la décision déférée ;

Dit que le kilométrage important du véhicule litigieux au jour de la vente constitue une non-conformité de la chose vendue, telle que définie au contrat ;

Dit que la clause de non garantie ne peut recevoir application en l'espèce ;

En conséquence,

Prononce la résolution de la vente du véhicule BMW, modèle 520 D immatriculé XX ;

Ordonne la restitution par la SARL B. de la somme de 15.500 euros à M. X., celui-ci devant restituer le véhicule dès la perception du remboursement du prix ;

Déboute M. X. de sa demande de dommages-intérêts complémentaires ;

Condamne la SARL B. à verser à M. X. une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL B. aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.

Le greffier        Le président