CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA GRENOBLE (1re ch.), 3 novembre 1998

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch.), 3 novembre 1998
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 96/1801
Date : 3/11/1998
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 18/04/1996
Décision antérieure : TGI VALENCE (1re ch.), 27 février 1996
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3108

CA GRENOBLE (1re ch.), 3 novembre 1998 : RG n° 96/1801

Publication : Juris-Data n° 048400

 

Extrait : « La Cour de Cassation a décidé, en application de l'ancien article L. 132-1 du Code de la Consommation (article 35 alinéas 1 à 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978) que confère au bailleur un avantage excessif, la clause qui prévoit à titre de clause pénale, le paiement d'une indemnité en cas de résiliation du contrat par suite de la défaillance du locataire et définissant cette indemnité comme la différence entre d'une part la somme des loyers encore dus et la valeur résiduelle du véhicule, et d'autre part le prix de revente de ce dernier, privant ainsi le preneur, tenu de restituer d'abord le véhicule, de toute possibilité de rechercher lui-même un acquéreur ou d'exercer un contrôle sur les conditions de la revente. En l'espèce, les conditions imposées à Monsieur X. sont encore plus draconiennes et  procurent à la Société LOCA DIN un avantage encore plus excessif puisqu'elles permettent au loueur d'encaisser la totalité des loyers restant dus et de revendre ou de relouer le véhicule qui lui a été restitué, étant observé que le locataire n'est pas autorisé à se substituer un autre locataire et qu'il n'a également aucun contrôle sur la vente éventuelle du véhicule. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 96/1801. Arrêt n° 778. Appel d’une décision (N° RG 94/3100) rendue par le Tribunal de Grande Instance de Valence en date du 27 février 1996, suivant déclaration d’appel du 18 avril 1996.

 

ENTRE :

Monsieur X.

né le […] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], APPELANT d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de VALENCE (1ère ch. Rôle n° 94/3100) en date du 27 février 1996, suivant déclaration d'appel du 18 avril 1996, représenté par la SCP CALAS, Avoué associé

 

ET :

Société LOCA DIN, SA

dont le siège est [adresse], prise en la personne de son représentant légal en exercice, INTIMÉE, représentée par la SELARL DAUPHIN et NEYRET, Avoués, assistée de Maître DALMAS, Avocat, membre de la SCP d'Avocats DALMAS, GALLIZIA

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Monsieur BERGER, Président, Madame MANIER, Conseiller, Madame KUENY, Conseiller, assistés de Madame TERRAZ, Greffière, lors des débats.

[minute page 2]

DÉBATS : À l'audience publique du 22 septembre 1998 les avoués et Maître DALMAS, Avocat, ont été entendus en leurs conclusions et plaidoirie. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du MARDI 3 novembre 1998.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET MOYEN DES PARTIES :

La Société LOCA DIN a loué à Monsieur X. suivant contrat n° 825742/1 un véhicule de marque PEUGEOT 605 SVDT pour une durée de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 4.391,90 francs.

Par courrier en date du 24 janvier 1994, elle mettait en demeure Monsieur X. de lui régler la somme de 94.753,81 francs correspondant au montant des loyers impayés depuis le 1er avril 1992 et au montant de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 8 du contrat, sous déduction d'un avoir de loyer suite à un réajustement de TVA de 71,67 francs et d'un règlement de 12.023,79 francs effectué le 12 février 1993.

À défaut de paiement, la SA LOCA DIN a engagé une instance et par jugement en date du 27 février 1996, le Tribunal de Grande Instance de VALENCE a condamné Monsieur X. à payer à la SA LOCA DIN :

- la somme de 94.753,81 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 1994,

- celle de 2.000 francs en application des dispositions de 70 [N.B. conforme à la minute originale, lire sans doute 700 NCPC],

- et l'a condamné aux dépens de l'instance.

Monsieur X. a relevé appel de ce jugement le 18 avril 1996 demandant à la Cour de le réformer,

- [minute page 3] de prononcer la nullité du contrat de location pour vice du consentement, en application de l'article 1110 du Code Civil,

- de déclarer abusive la clause pénale insérée dans l'article 8 des conditions générales de location et de débouter la Société LOCA DIN de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la Société LOCA DIN à lui payer une somme de 5.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il expose que le contrat de location dont se prévaut la Société LOCA DIN n'est pas daté, qu'il ne porte pas la mention manuscrite « Lu et approuvé », que l'existence d'un consentement de sa part n'est pas démontrée, qu'en tout état de cause, il n'a jamais entendu souscrire un contrat de location avec option d'achat, qu'en effet, il pensait légitimement devenir propriétaire en fin de contrat et que dès lors qu'il a commis une erreur sur l'objet de la convention, le contrat est nul.

Il ajoute que l'article 8 du contrat comprend une clause pénale qui est manifestement excessive et qui doit être réduite au franc symbolique, de sorte qu'il n'est redevable que du montant des loyers jusqu'au 7 décembre 1992, date à laquelle il a restitué le véhicule à la Société LOCA DIN.

Il joute que cette clause est en tout état de cause abusive, car elle confère au bailleur un avantage excessif, que la Cour de Cassation en a jugé ainsi et que cette analyse est conforme à la directive de la CEE qui prévoit en son article 3 que « la clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsqu'en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.. » et en son article 3-2 qu'une « clause est toujours considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle lorsqu'elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n'a, de ce fait, pas pu avoir d'influence sur son contenu, notamment dans le cadre d'un contrat d'adhésion... ».

Il précise que les conditions de location lui ont en effet été imposées par la Société LOCA DIN et qu'il n'a pas pu les discuter.

[minute page 4] Il demande enfin à la Cour de prendre en compte le versement d'un montant de 12.023,79 francs qu'il a effectué et qui n'apparaît pas dans le relevé de la Société LOCA DIN.

La Société LOCA DIN sollicite la confirmation du jugement déféré et demande en outre à la Cour d'ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil et de lui allouer une indemnité de 8.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 10.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle expose que la date du contrat n'a jamais été discutée, qu'il est mentionné « Références LOCA-DIN numéro 88 00 1 01 275 6 du 17 juillet 1990 », que la facture d'achat du véhicule est en date du 20 juillet 1990 et que la sommation de payer ou de restituer délivrée à l'appelant le 12 juin 1992, fait état d'un contrat en date du 23 juillet 1990. Elle ajoute que la demande de Monsieur X. tendant à voir annuler la convention pour vice du consentement est irrecevable car prescrite puisqu'il disposait pour l'engager d'un délai de cinq ans à compter du contrat alors qu'il n'a effectué cette demande que dans ses conclusions du 19 août 1996.

Elle indique que l'article 8 du contrat ne peut s'analyser comme une clause pénale, qu'il fait partie intégrante des conditions de location, que cette indemnité a pour objet de respecter l'équilibre du contrat, qu'en effet les loyers sont calculés en fonction de la durée du contrat, de même que ses propres engagements, lesquels ne sont pas affectés par la résiliation du contrat de location et qu'il ne peut y avoir rupture de l'équilibre du contrat par la seule volonté du locataire et sans aucune incidence pécuniaire pour lui.

Monsieur X. a maintenu sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat et demande en outre, dans cette éventualité, que la Société LOCA DIN soit condamnée à lui rembourser les sommes qu'il a payées en vertu de ce contrat.

Il ajoute que la Société LOCA DIN bénéficie à l'évidence d'un avantage financier exorbitant puisqu'elle prétend percevoir l'intégralité des loyers alors que par ailleurs elle a revendu le véhicule objet du contrat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 5] MOTIFS ET DÉCISION :

Le contrat dont se prévaut la Société LOCA DIN est intitulé contrat de location, Monsieur X. est identifié comme étant le locataire, les caractéristiques du véhicule sont mentionnées comme étant celles du véhicule loué, les conditions du contrat sont précisées dans une rubrique intitulée « conditions de la location » et la signature de Monsieur X. est précédée de la mention suivante « le locataire soussigné ».

Il est en conséquence clair que Monsieur X. n'a pu commettre une erreur sur l'objet du contrat dont les termes ne sont d'ailleurs pas ambigus et qu'il a été en mesure de se convaincre dès l'origine de la nature exacte et de la portée des obligations mises à sa charge.

Il en résulte que la prescription quinquennale prévue par l'article 1304 du Code Civil a commencé à courir dès la signature du contrat qui est manifestement intervenue à la fin du mois de juillet 1990, les dates figurant sur le document produit à la Cour étant celles des 17 juillet 1990 et 26 juillet 1990, de sorte que l'action de Monsieur X., en nullité de la convention, était manifestement prescrite lorsqu'il l'a engagée devant la Cour par conclusions du 19 août 1996.

L'article 8 de la convention de location prévoit qu'en cas de résiliation du contrat par la faute du locataire, le loueur lui réclamera outre les loyers impayés, les frais de remise en état tels que définis à l'article 9 et les kilomètres excédentaires, ainsi que des dommages et intérêts dont le quantum est fixé de plein droit au montant des loyers, taxes comprises, restant dus jusqu'à la fin de la location prévue.

La Cour de Cassation a décidé, en application de l'ancien article L. 132-1 du Code de la Consommation (article 35 alinéas 1 à 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978) que confère au bailleur un avantage excessif, la clause qui prévoit à titre de clause pénale, le paiement d'une indemnité en cas de résiliation du contrat par suite de la défaillance du locataire et définissant cette indemnité comme la différence entre d'une part la somme des loyers encore dus et la valeur résiduelle du véhicule, et d'autre part le prix de revente de ce dernier, privant ainsi le preneur, tenu de restituer d'abord le véhicule, de toute possibilité de rechercher lui-même un acquéreur ou d'exercer un contrôle sur les conditions de la revente.

[minute page 6] En l'espèce, les conditions imposées à Monsieur X. sont encore plus draconiennes et  procurent à la Société LOCA DIN un avantage encore plus excessif puisqu'elles permettent au loueur d'encaisser la totalité des loyers restant dus et de revendre ou de relouer le véhicule qui lui a été restitué, étant observé que le locataire n'est pas autorisé à se substituer un autre locataire et qu'il n'a également aucun contrôle sur la vente éventuelle du véhicule.

Il y a lieu en conséquence de déclarer abusive la clause pénale insérée dans l'article 8 des conditions générales de location et de débouter la Société LOCA DIN de sa demande d'indemnité de résiliation.

En conséquence, Monsieur X. doit seulement les loyers impayés à compter du 1er avril 1992 sous déduction d'un avoir de 71,67 francs et d'un acompte de 12.023,79 francs, soit 17.193,21 francs.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 1994 conformément à la demande de la Société LOCA DIN, étant relevé que la mise en demeure est antérieure à cette date.

Les intérêts seront capitalisés à compter du 4 novembre 1996, date de la demande, dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil.

L'appel de Monsieur X. n'était manifestement pas abusif, de sorte que la Société LOCA DIN sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Les circonstances de la cause n'imposent pas l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, de sorte que les parties seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

RÉFORME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

[minute page 7] STATUANT à nouveau,

DÉCLARE prescrite l'action en nullité de la convention,

DÉCLARE abusive la clause pénale insérée dans l'article 8 des conditions générales de location,

DÉBOUTE la Société LOCA DIN de sa demande d'indemnité de résiliation,

CONDAMNE Monsieur X. à payer à la Société LOCA DIN la somme de 17.193,21 francs (dix sept mille cent quatre vingt treize francs vingt et un centimes), avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 1994,

ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter du 4 novembre 1996 dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code Civil,

DÉBOUTE la Société LOCA DIN de sa demande de dommages-intérêts,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel, avec application au profit de la SELARL DAUPHIN et NEYRET, Avoués, des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile en ce qui concerne ceux d'appel,

RÉDIGÉ et PRONONCÉ par Claude KUENY, Conseiller, et signé par Claude BERGER, Président, et par Christiane TERRAZ, Greffière.