CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 5 mai 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 3123
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 5 mai 2003 : RG n° 01/02300 ; arrêt n° 302
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 1 févr. 2005 : pourvoi n° 03-16935)
Publication : Site CCAB
Extrait : « Attendu que l'association UFC 38 soutient que des modèles de contrats litigieux étaient encore proposés aux consommateurs en mars 2000 ; Que le contrat C. daté du 20 mars 2000, au nom de M. T. avait été souscrit initialement par l'entreprise T. de Rives, M. T. ayant émis le souhait de prendre la suite de ce contrat ; qu'il est établi que M. T. n'a pas été démarché par la société C. ; qu'il ne peut être déduit de cette situation particulière que la société C. a continué à proposer des contrats de télésurveillance à des particuliers ;
Qu'il n'est pas versé aux débats d'autres contrats, alors qu'en décembre 1999, l'association UFC 38 avait, par la voie de la revue « Que choisir », lancé un appel aux consommateurs ; Attendu que les informations dont se prévaut l'association, tirées du site Internet de POF concernent le groupe et non la société française ; Que ces divers éléments établissent que le contrat litigieux n'est plus proposé aux consommateurs ;Que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que l'action de l'association recevable lors de la délivrance de l'assignation, était devenue sans objet ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 5 MAI 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 01/02300. Arrêt n° 302. Appel d'une décision (N° R.G. 1999/02027) rendue par le Tribunal de Grande Instance GRENOBLE en date du 30 avril 2001, suivant déclaration d'appel du 13 juin 2001.
APPELANTE :
Association UFC 38 (Union fédérale des consommateurs Que Choisir de l'Isère)
prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège [adresse], […] représentée par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour, assistée de Maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
Société Protection One France anciennement dénommée Compagnie Européenne de Télésécurité
prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, assistée de Maître CLAIMAN VERSINI, avocat au barreau de PARIS
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, Assistés lors des débats de Mme Hélène PAGANON, Greffier.
DÉBATS : À l'audience publique du 25 mars 2003, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Par jugement en date du 30 avril 2001, le Tribunal de grande instance de Grenoble :
- s'est déclaré territorialement compétent,
- a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société C. devenue POF,
- a rejeté comme devenue sans objet l'action de l’UFC 38,
- a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par la société C.,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L' UFC 38 a interjeté appel 13 juin 2001.
L'association demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement et de déclarer illicites ou abusives 26 clauses des conditions générales de contrats de télésurveillance successifs,
- d'ordonner la suppression des clauses dans les contrats litigieux, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard,
- de condamner la société à lui payer la somme de 22.870 € à titre de dommages et intérêts,
- d'ordonner la publication de l'arrêt dans divers journaux, sur la page d'accueil du site Internet de la société, pendant trois mois à dater de la signification de l'arrêt, à ses frais, et l'envoi à chacun des abonnés du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans le délai d'un mois, et sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard,
- de condamner la SA à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'association UFC 38 fait valoir :
- que le Tribunal a considéré à tort que les contrats proposés par la SA n'étaient pas destinés à des consommateurs ; qu'il s'est laissé abuser par une manœuvre mensongère de la société C.,
- [minute page 4] que contrairement à ce qui est affirmé, la SA POF propose ses services aux particuliers pour protéger leurs biens personnels ; que les contrats prévoyaient expressément le visa des locaux individuels à protéger (maison d'habitation, appartement) ; que le rapport d'activité de l'année 1997 indique « l'entrée sur le marché des particuliers », tandis que l'activité mentionnée au registre du commerce et des sociétés visait la sécurité des biens et des personnes ; que les statistiques internes mentionnent 321 contrats particuliers en 1996, 412 en 1997 et 371 en 1998 ; que la publicité faite par Internet révèle que la société travaille à destination des particuliers ; qu'aucune indication n'est faite de la filiale ETS ; qu'il est établi par le contrat versé aux débats qu'en mars 2000, des contrats étaient encore proposés aux particuliers ;
- qu'à supposer même que pour l'avenir la SA POF ait décidé de ne plus travailler avec les consommateurs, il reste que l'objet de l'action subsiste puisque des contrats passés dans des conditions litigieuses avec les consommateurs sont actuellement en cours ; qu'elle conserve donc intérêt à agir pour protéger les consommateurs disposant de contrats anciens ou reconduits.
La SA POF demande à la Cour :
- de se déclarer incompétente au profit de la Cour d'appel de Paris,
- à titre subsidiaire, de déclarer l'association UFC 38 irrecevable en ses demandes, et de confirmer par conséquent le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- plus subsidiairement, de débouter l'association UFC 38 de l'ensemble de ses réclamations,
- de lui donner acte de ce qu'elle a d'ores et déjà modifié un certain nombre de clauses de son contrat de télésurveillance,
- de condamner l'association UFC 38 à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 10.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient que les juridictions grenobloises sont incompétentes ; que l'association UFC 38 doit rapporter la preuve d'un fait dommageable intervenu dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grenoble ; que contrairement à ce qui a été jugé, le fait qu'elle ait une agence dans la région grenobloise ne suffit pas à justifier la compétence du Tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'après une annonce parue dans la presse, l'association UFC 38 a obtenu la communication par des habitants de Rives (M. et Mme Y.) d'un contrat de télésurveillance conclu en 2000. Elle précise qu'elle a conclu avec ces clients un protocole transactionnel qui a pour conséquence de priver le contrat versé aux débats de toute portée légale.
[minute page 5] Elle fait valoir, subsidiairement, que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats conclus entre professionnels ; qu'il en est de même de la recommandation n° 97-01 sur les contrats de télésurveillance.
Elle prétend que sa clientèle a toujours été exclusivement composée de professionnels et en aucun cas de consommateurs ; que la clientèle de consommateurs est réservée au sein du groupe à la société E.T., créée en février 1998, filiale commune de la SA P. et E. A. ; que l'association est bien en peine de produire des contrats que la SA POF aurait conclus avec des particuliers ; qu'à partir de 1998, elle s'est contractuellement interdit auprès de son partenaire E. A. de s'adresser à une clientèle de particuliers ; qu'à ce jour, aucun contrat de télésurveillance ne lie la SA à des particuliers.
S'agissant du contrat T elle fait valoir que les locaux étaient précédemment occupés par une société commerciale dénommée T., qui avait conclu un contrat avec la société ?? le 8 octobre 1998 ; que M. T. a repris ces locaux en mars 2000 ; qu'il a manifesté le souhait de prendre la suite du contrat d'abonnement en vigueur ; qu'il s'en déduit que les époux T. n'ont pas été démarchés par elle ; que le contrat a été résilié de manière anticipée à la demande de M. T.
Elle ajoute que les mentions portées sur le site Internet sont d'ordre général et concernent tout le groupe P.O., y compris la filiale E. ; que seule la personne morale POF est partie à l’instance ; que les passages reproduits par l'association font état de P.O. et non de POF ; que la plaquette commerciale qu’elle verse aux débats ne vise qu'une clientèle de professionnels.
Elle indique qu'en tout état de cause, et afin qu'il n'y ait pas de discussion possible, elle a inclus dans ses contrats, juste après la comparution des parties, une mention précisant que le contrat est exclusivement réservé aux professionnels agissant dans le cadre de leur activité ; que dès lors, la demande, irrecevable à l'origine, est devenue sans objet.
A titre subsidiaire, elle soutient qu'il appartient à l'association de prouver le caractère abusif de chaque clause litigieuse insérée dans les contrats.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L’ARRÊT :
- Sur la compétence territoriale :
Attendu que la société C., devenue la SA POF dispose à Grenoble d'une agence ; qu'il est produit aux débats un contrat d'abonnement de télésurveillance et de location daté du 20 mars 2000 conclu avec des habitants de Rives, commune située dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grenoble ;
[minute page 6] Que c'est à bon droit que le Tribunal de grande instance de Grenoble s'est déclaré compétent par application de l'article 46 du nouveau code de procédure civile ;
- Sur la recevabilité de l'action de l'association UFC 38 :
Attendu que la société C., avant son changement de dénomination sociale à compter du 1er septembre 2000, décidé par assemblée générale du 26 juin 2000, et « avec la collaboration d'E. », a proposé un contrat d'abonnement de télésurveillance ;
Que ce contrat ne mentionne pas qu'il est uniquement réservé à des professionnels ; que dans la désignation des locaux à télésurveiller, il est fait distinction entre les locaux professionnels et les locaux à usage d'habitation ; qu'il est en effet fait mention de « pavillon », « appartement », « bureaux », « commerce », « entrepôt », « usine », « chantier » ; qu'un document produit par la SA POF, pour les années 1996 à 1999 fait apparaître qu'un certain nombre de contrats ont été proposés à des particuliers ; que cependant, aucun de ces contrats n'est versé aux débats ;
Attendu que la SA POF établit qu'à compter de janvier 1998 a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre une société dénommée E., filiale commune d'E. et de C., ayant pour objet social la « rentabilisation en France d'une activité de commercialisation de systèmes de télésurveillance, principalement auprès des particuliers » ;
Attendu qu'en cours d'instance, la SA POF a versé aux débats un nouveau modèle de contrat établi en septembre 2000, au nom de P., intitulé « Contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de location du matériel » ; qu'il est expressément mentionné que le contrat est exclusivement réservé aux professionnels agissant dans le cadre de leur activité ; que les locaux visés sont les bureaux, commerces, entrepôts, usines et chantiers ; que la plaquette publicitaire de la SA POF montre que seule est visée une clientèle de professionnels ;
Attendu que l'association UFC 38 soutient que des modèles de contrats litigieux étaient encore proposés aux consommateurs en mars 2000 ;
Que le contrat C. daté du 20 mars 2000, au nom de M. T. avait été souscrit initialement par l'entreprise T. de Rives, M. T. ayant émis le souhait de prendre la suite de ce contrat ; qu'il est établi que M. T. n'a pas été démarché par la société C. ; qu'il ne peut être déduit de cette situation particulière que la société C. a continué à proposer des contrats de télésurveillance à des particuliers ;
Qu'il n'est pas versé aux débats d'autres contrats, alors qu'en décembre 1999, l'association UFC 38 avait, par la voie de la revue « Que choisir », lancé un appel aux consommateurs ;
[minute page 7] Attendu que les informations dont se prévaut l'association, tirées du site Internet de POF concernent le groupe et non la société française ;
Que ces divers éléments établissent que le contrat litigieux n'est plus proposé aux consommateurs ;
Que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que l'action de l'association recevable lors de la délivrance de l'assignation, était devenue sans objet ;
Que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'abus de procédure n'est pas caractérisé ; que la demande de dommages et intérêts sera rejetée ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA des frais non compris dans les dépens,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR ;
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
DÉBOUTE l'association de toutes ses demandes,
DÉBOUTE la SA POF de sa demande de dommages et intérêts,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE l'association aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit des avoués qui en ont fait la demande.
Rédigé par M. Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, et prononcé par Mme Odile FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Mme Hélène PAGANON, Greffier.
- 5760 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Contrats - Modèle de contrat
- 5766 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées en cours d’instance - Droit antérieur à la loi du 17 mars 2014
- 5770 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Procédure - Compétence