T. COM. PARIS (4e ch.), 5 juin 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 313
T. COM. PARIS (4e ch.), 5 juin 2003 : RG n° 2001/075183-1, n° 2002/059564 et n° 2003/028646
(sur appel CA Paris (5e ch. B), 24 novembre 2005 : RG n° 03/15094)
Extraits : 1/ « Attendu que le panneau loué par Mme X. était destiné à promouvoir son activité de pharmacienne, en informant les clients ou en attirant leur attention ; que le rapport direct exigé par la loi pour exclure l'application des articles L. 121-23 à L. 121-28 existe donc bien ».
2/ « Attendu qu'il n'est pas établi que ces clauses présentent un caractère abusif en défaveur de Mme X. ; Attendu que, compte tenu des engagements qu'elle a ainsi souscrits Mme X. ne saurait exciper de la défaillance de CEC pour exercer un recours contre le loueur du matériel ; Attendu qu'il est clairement indiqué que le choix du fournisseur des services de programmation nécessaires pour le fonctionnement du panneau d'affichage est de la responsabilité de Mme X., et que, de surcroît, elle ne se trouve pas dans l'impossibilité d'utiliser ledit panneau, qui est toujours en sa possession et dont il n'est pas établi que son fonctionnement soit définitivement compromis ; Attendu que les conditions prescrites par l'article 1722 du Code civil ne sont dès lors pas réunies ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 5 JUIN 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n ° 2001075183-1.
ENTRE :
Mme X. épouse Y.
exploitant en nom personnel une pharmacie [adresse], PARTIE DEMANDERESSE, assistée de Maître Charles MOUTTET, avocat (R242) et comparant par Maître Gilles HUVELIN, avocat (D1188).
ET :
SA EUROLOCATIQUE
dont le siège social est [adresse], PARTIE DÉFENDERESSE, assistée de Maître ZUIN Michel, avocat (P304) et comparant par Maîtres OLTRAMARE, FOURCAULT, GANTELME, MAHL, avocats (R32 - AO).
CAUSE JOINTE ET JUGÉE A :
R.G. n° 2002059564.
ENTRE :
Mme X. épouse Y.
exploitant en nom personnel une pharmacie [adresse], PARTIE DEMANDERESSE, assistée de Maître Charles MOUTTET, avocat (R242) et comparant par Maître Gilles HUVELIN, avocat (D1188).
ET :
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
anciennement dénommée UFB LOCABAIL, cette dernière venant aux droits de la société BNP LEASE dont le siège social est [adresse] et encore [adresse], PARTIE DÉFENDERESSE, assistée de Maître Michel ROULOT, avocat (A750) et comparant par Maître DUFFOUR LUCET, avocat (B242).
CAUSE JOINTE ET JUGÉE A :
R.G. n° 2003028646.
ENTRE :
Mme X. épouse Y.
exploitant en nom personnel une pharmacie [adresse], PARTIE DEMANDERESSE assistée de Maître Charles MOUTTET, avocat (R242) et comparant par Maître Gilles HUVELIN, avocat (D1188).
[minute page 2]
ET :
Maître Jean Marie TADDEI
pris en qualité de mandataire liquidateur de la SARL CEC, [adresse], PARTIE DÉFENDERESSE, non comparante.
APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
L'activité juridictionnelle a été suspendue du 1er février au 21 février 2002. Par réunion extraordinaire du 21 février 2002, le Tribunal a décidé la reprise de cette activité à partir du 22 février 2002. Les parties en ayant été avisées.
FAITS :
Le 18 juin 1999, Mme X., pharmacienne à [ville, département], passait commande à la société Concept Électronique Canadien (CEC), filiale de la société canadienne EFICOM, d'un système d'affichage électronique sur panneau, avec possibilité de modifier, grâce à des disquettes fournies par CEC, le programme de l'affichage. Le prix offert était de 1.740 Francs HT par mois pendant 48 mois. Il était prévu qu'un service gratuit de programmation des disquettes nécessaires à l'utilisation de l'équipement serait fourni par CEC pendant une durée de quatre ans.
Le matériel a été réceptionné par Mme X. le 24 juin 1999. Le même jour, Mme X. passait avec la société Eurolocatique un contrat de location du matériel fourni par CEC, comportant le paiement de 49 loyers mensuels de 1.730 Francs HT. Ce contrat prévoyait, en conformité avec la commande, que le fournisseur assurerait un service auxiliaire de programmation, pour un prix de 50 Francs HT par mois inclus dans le montant du loyer mensuel.
Par courrier du 29 juin 1999, Eurolocatique informait Mme X. que l’équipement qu'elle avait pris en location était cédé à la société BNP Lease, qui se substituait donc à Eurolocatique en tant que loueur. Toutefois, Eurolocatique continuerait à percevoir les loyers, et resterait l'interlocuteur de Mme X.
A partir de mars 2001, ne recevant plus les services de programmation de CEC, Mme X. a cessé de payer les loyers.
Par courrier du 30 avril 2001, Eurolocatique informait Mme X. que CEC avait été mise en liquidation judiciaire par jugement du 8 février 2001 du tribunal de commerce de Nice, et ne fournirait donc plus les prestations de programmation, mais qu'EFICOM, détentrice des droits attachés aux logiciels, pourrait assurer ces mêmes prestations. Eurolocatique indiquait, dans ce même courrier, qu'elle retrancherait des [minute page 3] loyers mensuels le montant de 50 Francs HT correspondant à ces prestations.
Par un courrier parallèle, EFICOM proposait à Mme X. la fourniture du service de programmation, au tarif de 250 Francs HT par mois.
Mme X. n'a pas retenu l'offre d'EFICOM, et a cessé de payer les loyers.
C'est dans ces circonstances qu'est née la présente instance.
PROCÉDURE :
Par acte du 28 septembre 2001, Mme X. assigne Eurolocatique en demandant l'annulation, ou à titre subsidiaire la résiliation, du contrat de location, et la condamnation d'Eurolocatique à lui payer une somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle sollicite en outre l'exécution provisoire de la décision à intervenir et la mise des dépens à la charge de la défenderesse.
Par des conclusions déposées le 11 avril et le 10 octobre 2002, Eurolocatique demande au tribunal de débouter Mme X. et de la condamner à lui payer une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par acte du 18 juin 2002, Mme X. assigne BNP Lease aux mêmes fins que celles de l'acte du 28 septembre 2001.
Par des conclusions déposées le 10 octobre 2002, dirigées contre Eurolocatique et BNP Lease Group, Mme X. réitère ses précédentes demandes, et sollicite la condamnation in solidum des défenderesses à lui payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par des conclusions déposées le 30 janvier 2003, BNP Paribas Lease Group, venue aux droits de BNP Lease, demande au tribunal de débouter Mme X., de dire que la résolution du contrat de vente du matériel, si elle est prononcée, entraîne la résiliation du contrat de location, dans les conditions prévues par ce dernier contrat, et de condamner Mme X. à lui payer une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par acte du 28 mars 2003, Mme X. assigne Maître Taddéi, en sa qualité de liquidateur de la société CEC, aux mêmes fins [minute page 4] que celles des actes précédents et demande qu'il soit condamné, en cette même qualité, à lui payer une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par courrier du 31 mars 2003 adressé au tribunal, Maître Taddéi informe celui-ci que, pour insuffisance d'actifs de CEC, il ne pourra, être ni présent ni représenté dans l'instance.
DIRES ET MOYENS :
Mme X. sollicite la nullité du contrat de location au motif que ce contrat a été signé à la suite d'un démarchage à domicile, et qu'il devait donc, en vertu des articles L. 121-21, et L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, stipuler une faculté de renonciation au bénéfice de Mme X., client démarché. L'absence de cette stipulation entraîne la nullité du contrat, selon la jurisprudence en la matière.
Mme X. produit une attestation d'une de ses employées, datée du 3 juin 2002, selon laquelle le bon de commande à CEC et le contrat de location avec Eurolocatique ont bien été signés à la suite d'un démarchage à la pharmacie.
Elle soutient, en réplique à un moyen qu'opposent les défenderesses, qu'elle est fondée à invoquer le Code de la consommation, car la location d'un panneau d'affichage électronique n'a aucun rapport direct avec son activité, et qu'elle est donc profane en la matière, ce qui la fait bénéficier de la protection prévue par les dispositions du Code de la consommation.
A titre subsidiaire, elle sollicite la résiliation judiciaire du contrat de location, au motif que la clause de ce contrat tendant à distinguer la fourniture des services de programmation de la location est abusive, car en fait les deux dispositions sont indivisibles. En effet, sans la fourniture des disquettes de programmation, le panneau d'affichage est inutilisable, de sorte que le loueur ne met pas le bien loué à la disposition du locataire.
Selon Eurolocatique et BNP Paribas Lease Group, il existe un rapport direct entre la location du matériel loué et l'activité professionnelle de Mme X. En application de l'article L. 121-22, a1inéa 4 du Code de la consommation, celle-ci ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 dudit Code, et n'est donc pas fondée à obtenir la nullité du contrat.
[minute page 5] En ce qui concerne la résiliation sollicitée du contrat de location pour défaut de mise à disposition du bien loué, les défenderesses à l'instance opposent qu'une telle résiliation est exclue, du fait des dispositions contractuelles existant entre Mme X. et elles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la nullité du contrat de location :
Attendu que l'article L. 121-22 du Code de la consommation exclut du champ d'application des articles L. 121-21, et L. 121-23 à L. 121-28, relatifs aux démarchage, les ventes, locations ou locations-ventes ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession
Attendu que le panneau loué par Mme X. était destiné à promouvoir son activité de pharmacienne, en informant les clients ou en attirant leur attention ;
que le rapport direct exigé par la loi pour exclure l'application des articles L. 121-23 à L. 121-28 existe donc bien ;
Attendu que dès lors, que Mme X. ait été ou non démarchée pour la conclusion du contrat de location, elle ne peut se prévaloir des articles qu'elle invoque pour solliciter la nullité du contrat de location ;
Attendu que le moyen de Mme X. tiré de la section Démarchage du Code de la consommation sera donc écarté, et qu'elle sera déboutée de ce chef de demande ;
Sur la résiliation du contrat de location :
Attendu que le contrat de location conclu le 24 juin 1999 entre Mme X. et Eurolocatique comprend, entre autres, les stipulations suivantes :
* d'une part, dans les conditions générales figurant au verso du formulaire du contrat,
- à l'article 2 : « En aucun cas, la responsabilité du loueur ou de l'établissement cessionnaire ne saurait être recherchée en raison d'une éventuelle inadaptation, d'un mauvais fonctionnement ou de dommages causés par ou à cause de ce matériel du fait d'un vice de construction ou d'une insuffisance du service dû par le (s) fournisseur(s) »,
- à l'article 4 : « Le locataire ne peut prétendre, en cas de non utilisation du matériel, à aucune diminution de loyer, ni à aucune indemnisation pour quelque cause que ce soit. »,
- à l'article 5, paragraphe 5.1. : « Le locataire a choisi le matériel et son fournisseur sous sa seule responsabilité. En [minute page 5] conséquence, il renonce à tout recours contre le loueur en cas de défaillance ou de vices cachés affectant le matériel objet du présent contrat, que ce soit pour obtenir des dommages et intérêts, la résiliation ou la résolution du contrat.
En contrepartie de cette renonciation, le loueur lui transmet la totalité des recours contre les fournisseurs au titre de la garantie légale ou conventionnelle du vendeur normalement attachée à la propriété du matériel.
Les droits ainsi transférés englobent l'action en résiliation de la vente pour vices rédhibitoires, action pour laquelle il est donné en tant que de besoin mandat d'ester en justice. »
- à l'article 10.2., une clause stipulant qu'en cas de résiliation du contrat de location, le matériel doit être restitué et la totalité des loyers impayés et restant à courir devient exigible,
* d'autre part, dans les conditions particulières : « Un service auxiliaire de programmation est proposé par le fournisseur en complément des programmations pouvant être réalisées directement par le locataire. Ce service est limité à une programmation par mois. Cette option a été choisie par le locataire sous son entière responsabilité et en aucun cas le locataire ne pourra se prévaloir d'une imperfection ou d'une interruption de ce service pour suspendre le paiement des loyers. Le prix de ce service est de 50 Francs HT par mois et est inclus dans le montant du loyer indiqué ci-dessus. » ;
Attendu qu'il n'est pas établi que ces clauses présentent un caractère abusif en défaveur de Mme X.;
Attendu que, compte tenu des engagements qu'elle a ainsi souscrits Mme X. ne saurait exciper de la défaillance de CEC pour exercer un recours contre le loueur du matériel ;
Attendu qu'il est clairement indiqué que le choix du fournisseur des services de programmation nécessaires pour le fonctionnement du panneau d'affichage est de la responsabilité de Mme X., et que, de surcroît, elle ne se trouve pas dans l'impossibilité d'utiliser ledit panneau, qui est toujours en sa possession et dont il n'est pas établi que son fonctionnement soit définitivement compromis ;
Attendu que les conditions prescrites par l'article 1722 du Code civil ne sont dès lors pas réunies ;
Attendu que Mme X. sera en conséquence déboutée de sa demande de résiliation du contrat de location ;
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que la nature de la décision à intervenir ci-après ne justifie pas que l'exécution provisoire sollicitée soit ordonnée ;
[minute page 6]
Sur l'application de l'article 700 et les dépens :
Attendu que la demanderesse, qui succombe à l'instance, sera condamnée à supporter les dépens et qu'il paraît équitable de mettre à sa charge, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les frais non compris dans les dépens engagés par Eurolocatique et par BNP Paribas Lease Group pour leur défense, frais que les éléments du dossier permettent de fixer à 1.500 € chacune, déboutant pour le surplus ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, ayant joint les causes et statuant publiquement en premier ressort par un jugement réputé contradictoire,
- déboute Mme X. de ses demandes,
- condamne Mme X. à payer à la SA Eurolocatique et à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP anciennement dénommée UFB LOCABAIL, cette dernière venant aux droits de la société BNP LEASE une indemnité de 1.500 Euros chacune, déboutant pour le surplus,
- condamne Mme X. aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 78,90 Euros TTC dont 11,99 Euros de TVA.
Confié lors de l'audience du 24 avril 2003 à Monsieur PRUGNAT, en qualité de Juge Rapporteur.
Mis en délibéré le 15 mai 2003.
Délibéré par Messieurs PRUGNAT, LEBOEUF, Madame ACHOUR et prononcé à l'audience publique où siégeaient : Monsieur PRUGNAT, Juge présidant l'audience, Mesdames LECLERC et ACHOUR, Juges, assistés de Monsieur DURAFOUR, Greffier. Les parties en ayant été préalablement avisées.
La minute du jugement est signée par le Président du délibéré et le Greffier.
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