CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 19 mars 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 3133
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 19 mars 2007 : RG n° 04/01942 ; arrêt n° 215
Publication : Juris-Data n° 329915
Extrait : « Attendu sur la clause limitative de responsabilité invoquée par la SA PHOTO SERVICE, qu'à juste titre les premiers juges ont considéré que le caractère contractuel de cette clause figurant aux dires de PHOTO SERVICE au dos du récépissé délivré lors du dépôt de la pellicule au professionnel n'est pas établi ;
Qu'en effet, outre qu'aucun exemplaire d'un tel récépissé n'est produit aux débats, il n'est pas démontré que Monsieur X. avait préalablement au dépôt de la pellicule pris connaissance des clauses figurant au verso d'un ticket de 9 cm sur 4,5 cm, écrites avec des lettres d'un millimètre, document dont la finalité première et apparente lorsqu'il est remis au client, est de fixer la date de remise des travaux à effectuer ainsi que leur nature et de l'informer sur leur date de reprise, sans que son attention soit attirée sur l'acceptation de stipulations particulières et notamment sur celle l'avisant « qu'en cas de travaux d'une importance exceptionnelle il est recommandé d'en faire la déclaration lors de leur remise afin de faciliter une négociation de gré à gré » ;
Attendu que de surcroît, et par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a d'une part estimé que Monsieur X. n'est pas un professionnel au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, d'autre part que la clause susvisée créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, devait être déclarée abusive et réputée non écrite ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 MARS 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/01942. Appel d'une décision (N° R.G. 02/02121) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 15 janvier 2004 suivant déclaration d'appel du 2 avril 2004
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] de nationalité Française, représenté par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de Maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
SA PHOTO SERVICE
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour assistée de Maître FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS ASSIGNÉS EN INTERVENTION FORCÉE :
Maître CANET Patrick ès-qualités de mandataire liquidateur de la SA PHOTO SERVICE
[adresse]
Maître VALDMAN Daniel ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SA PHOTO SERVICE
[adresse], représentés par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour assistés de Maître FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller, Assistées lors des débats de Madame Hélène PAGANON, Greffier.
DÉBATS : À l'audience publique du 12 février 2007, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport. Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
À la suite d'une ascension organisée en 2001 dans le massif Himlung Himal au Népal, Monsieur X., a confié à la société PHOTO SERVICE le développement d'une pellicule photographique.
Une partie des diapositives a été détériorée.
Le 23 avril 2004 Monsieur X. a fait assigner la société PHOTO SERVICE devant le Tribunal de Grande Instance de Grenoble en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.
Par jugement en date du 15 janvier 2004, le Tribunal a :
« Déclaré la société PHOTO SERVICE responsable du préjudice subi par Monsieur X. du fait de la détérioration de ses diapositives ;
Condamné la société PHOTO SERVICE à payer à Monsieur X. la somme de 3.000 € en réparation de ses préjudices;
Condamné la société PHOTO SERVICE au paiement de la somme de 600 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
[minute page 3] Condamné la société PHOTO SERVICE aux dépens. »
Le 2 avril 2004 Monsieur X. a interjeté appel de cette décision.
Par jugement du 9 janvier 2006, le Tribunal de Commerce de Pontoise a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la Société PHOTO SERVICE, Maître VALDMAN ayant été désigné es-qualité d'administrateur judiciaire.
Par acte du 5 mai 2006, Monsieur X. a fait assigner en intervention forcée Maître VALDMAN.
Par jugement du 2 juin 2006, le Tribunal de Commerce de Pontoise a homologué le plan de sauvegarde et mis fin à la mission de Maître VALDMAN.
Monsieur X. demande à la Cour de :
« Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société PHOTO SERVICE,
Fixer au passif de la procédure collective de la société PHOTO SERVICE la somme de 38.000 € à titre de dommages et intérêts en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices tant moral que matériel, outre intérêts légaux à dater de l'assignation,
Fixer au passif de la procédure collective de la société PHOTO SERVICE la somme de 2.200 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ».
Au soutien de son recours il fait valoir en substance que :
- aucune photographie prise de l'ascension du sommet ne s'est avérée utilisable,
- le sponsor principal (CAP GENIMI) a donc refusé de poursuivre son soutien pour l'expédition suivante, et les autres sponsors ont fait de même,
- cela représente une perte de 45.735 €,
- la société PHOTO SERVICE avait une obligation de résultat,
- la clause d'exonération de responsabilité insérée au contrat est abusive.
La société PHOTO SERVICE, Maître VALDMAN administrateur judiciaire de cette dernière et Maître CANET mandataire liquidateur font appel incident et demandent à la Cour de constater la mise hors de cause de Maître VALDMAN, de débouter Monsieur X. de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de 1.500 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 4] Ils concluent pour l'essentiel que :
- il a été remis à Monsieur X. un reçu sur lequel figure une clause qui limite la responsabilité du prestataire en cas de perte ou de détérioration des travaux photographiques, au remplacement du film et à son traitement, ou sa contre-valeur,
- sur le même document contractuel et dans la même clause, il est stipulé que pour les travaux d'une importance exceptionnelle, il est recommandé au client d'en faire la déclaration lors de la remise du film,
- Monsieur X. a confié ses diapositives sans recommandation particulière,
- Monsieur X. doit être regardé comme un professionnel organisant des expéditions en haute montagne et réalisant à cette occasion des photographies qui lui procurent des retombées financières,
- il ne peut donc revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation réservé aux seuls consommateurs ou non professionnels,
- la clause qui limite la responsabilité du prestataire de service est parfaitement licite et doit s'appliquer en la circonstance,
- Monsieur X. ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il invoque, en raison du caractère esthétique médiocre des photographies et de leur manque total d'intérêt au plan sportif pour un usage à des fins commerciales ou professionnelles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Attendu tout d'abord qu'eu égard au jugement d'homologation du plan de sauvegarde ayant mis fin aux fonctions d'administrateur judiciaire de Maître VALDMAN, il convient de mettre hors de cause ce dernier ;
Sur la responsabilité de la SA PHOTO SERVICES :
Attendu qu'il est établi et non contesté, d'une part que la SA PHOTO SERVICES s'était engagée à procéder en une heure, au développement et au tirage de 36 diapositives pour le compte de Monsieur X., d'autre part que la diapositive n° 15 a été broyée par la machine et que les diapositives numérotées 14, 16 à 30 sont altérées par la présence d'un trait visible, qui révèle que le négatif a été coupé au trois quart de la diapositive ;
[minute page 5] Que le jugement déféré, qui en application de l'article 1147 du Code civil a retenu que la SA PHOTO SERVICE avait manqué à ses obligations contractuelles sera confirmé de ce chef ;
Sur l'indemnisation du préjudice de Monsieur X. :
Attendu sur la clause limitative de responsabilité invoquée par la SA PHOTO SERVICE, qu'à juste titre les premiers juges ont considéré que le caractère contractuel de cette clause figurant aux dires de PHOTO SERVICE au dos du récépissé délivré lors du dépôt de la pellicule au professionnel n'est pas établi ;
Qu'en effet, outre qu'aucun exemplaire d'un tel récépissé n'est produit aux débats, il n'est pas démontré que Monsieur X. avait préalablement au dépôt de la pellicule pris connaissance des clauses figurant au verso d'un ticket de 9 cm sur 4,5 cm, écrites avec des lettres d'un millimètre, document dont la finalité première et apparente lorsqu'il est remis au client, est de fixer la date de remise des travaux à effectuer ainsi que leur nature et de l'informer sur leur date de reprise, sans que son attention soit attirée sur l'acceptation de stipulations particulières et notamment sur celle l'avisant « qu'en cas de travaux d'une importance exceptionnelle il est recommandé d'en faire la déclaration lors de leur remise afin de faciliter une négociation de gré à gré » ;
Attendu que de surcroît, et par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a d'une part estimé que Monsieur X. n'est pas un professionnel au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, d'autre part que la clause sus-visée créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, devait être déclarée abusive et réputée non écrite ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que Monsieur X., dont Monsieur Y. président du Club Alpin Français atteste qu'il a été l'un des principaux organisateurs de l'expédition HIMLUNG HIMAL 2001, devait à son retour présenter lors de conférences et d'expositions, les photographies réalisées ;
Que s'il est avéré que l'un des principaux sponsors de l'expédition, en l'occurrence la SA CAP GEMINI, déçue de ne pas avoir obtenu « les plus belles photos au sommet » et « plus particulièrement celles du sommet à nos couleurs », a décidé de ne plus sponsoriser ce type d'activité comme en témoigne le courrier du 23 janvier 2002, alors que sa contribution obtenue par Monsieur X., s'élevait à 100.000 Francs soit environ 80 % des fonds alloués par les sponsors, la perte par la SA PHOTO SERVICE de l'unique photographie du sommet prise par Monsieur X. n'est pas démontrée ;
[minute page 6] Attendu qu'en effet l'examen dans l'ordre chronologique des diapositives n° 14,16 à 30, et de leur tirage sur papier pour les 15 dernières, ne permet pas de dire que la diapositive n° 15 détruite lors du développement était la photographie de l'arrivée au sommet du Himlung Himal (7126 mètres), la diapositive n° 14 ne donnant aucune indication sur la localisation des alpinistes, et la diapositive n° 18 montrant deux alpinistes allongés dans la pente à une hauteur bien loin du sommet ;
Que sur les quinze photographies litigieuses, seulement quatre d'entre elles (18,19, 22, 23) qui auraient dues être exploitables pour l'usage invoqué, sont prises face au sommet, permettent de localiser l'expédition et plus particulièrement de visualiser l'approche des arrêtes sommitales (18 et 19) ; que les autres prises de vue sont consacrées au camp 3 (6300 mètres) et ne présentent pas d'autre intérêt que celui de constituer des souvenirs ;
Qu'en considération des fonds procurés, il est permis de considérer que la société CAP GEMINI escomptait plus qu'une unique photographie du sommet dont l'existence dans la pellicule litigieuse n'est pas formellement démontrée, et quatre photographies qui restent des vues d'approche ;
Que les documents versés aux débats révèlent cependant que d'autres photographies ont été prises et notamment une photographie prise au sommet du Himlung Himal par Madame P. membre de l'expédition, paru dans Montagne Magazine ;
Que des séances de projection ont pu être organisées comme le précise le Dauphiné Libéré du 12 juillet 2001 ;
Attendu que dans ces circonstances, c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont évalué à 3.000 € le montant du préjudice matériel et moral subi par Monsieur X. ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Maître VALDMAN hors de cause,
Confirme le jugement déféré sauf à préciser que la somme de 3.000 € allouée à titre de dommages et intérêts sera fixée au passif de la procédure collective de la société PHOTO SERVICE outre intérêts légaux à dater du jugement,
[minute page 7] Déboute la SA PHOTO SERVICE de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Monsieur X. aux dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 au profit de la SCP CALAS qui en a demandé le bénéfice.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame PAGANON, Greffier.
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