CA LYON (1re ch. civ. A), 30 juin 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3196
CA LYON (1re ch. civ. A), 30 juin 2011 : RG n° 09/06960
Publication : Jurica
Extrait : « Comme l'a relevé le tribunal, le contrat a été signé et revêtu du cachet de l'entreprise cliente, un relevé d'identité bancaire a été fourni. La technique commerciale utilisée par la société Cortix pour obtenir la souscription de tels engagements est précisément décrite par la société Inno-Bois et confirmée en tout point par les nombreux documents versés aux débats.
Pour autant, les accords portent sur des prestations de services et sur une location qui sont en rapport direct avec les activités commerciales de la société Inno-Bois, puisqu'ils concernent le développement de ses contacts avec la clientèle potentielle.
Le législateur ayant précisément exclu de telles opérations de la protection particulière définie au code de la consommation, le seul recours au démarchage reste sans conséquence sur le caractère définitif des engagements souscrits par un professionnel, hors preuve d'un vice du consentement. »
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 30 JUIN 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G : 09/06960. Décision du tribunal de commerce de Lyon Au fond du 8 septembre 2009 : RG n° 2007J2765.
APPELANTE :
SARL INNO-BOIS
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour, assistée de la SELARL CABINET OLIVIER JR LHOMME AVOCAT CONSEIL, avocats au barreau de VERSAILLES
INTIMÉS :
SA CORTIX,
procédure de sauvegarde par décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 3 mars 2010, représentée par : Maître MALMEZAT-PRAT, mandataire judiciaire à la sauvegarde, et Maître Gilles SAUTAREL, mandataire administrateur à la sauvegarde, représentés par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour, assistés de Maître Cyril DUBREUIL, avocat au barreau de BORDEAUX
SA KBC LEASE FRANCE
représentée par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour, assistée de la SCP D’AVOCATS LEVY - ROCHE-LEBEL & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 8 avril 2011.
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 mai 2011.
Date de mise à disposition : 23 juin 2011, prorogée au 30 juin 2011, (les avoués dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile).
Audience présidée par Philippe SEMERIVA, magistrat rapporteur, sans opposition des avoués dûment avisés, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Michel GAGET, président - Christine DEVALETTE, conseiller - Philippe SEMERIVA, conseiller
Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société KBC Lease France a assigné la société Inno-Bois en constatation de résolution d'un contrat de location financière pour défaut de paiement de loyers et en paiement des sommes dues en pareil cas selon le contrat.
Cette dernière a appelé en garantie la société Cortix, fournisseur des biens et services ayant donné lieu à ce financement.
Le jugement entrepris a joint les instances, constaté la résiliation du contrat de location financière aux torts de la société Inno-Bois, condamné celle-ci à payer à la société KBC Lease une somme de 5.453,69 euros TTC au titre des loyers échus et à échoir, les intérêts de retard à concurrence de 10 % sur les loyers impayés à compter du 2 mai 2007 et jusqu'à la date du jugement, et la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il a par ailleurs retenu que la responsabilité de la société Cortix ne pouvait être mise en cause dans l'exécution du contrat et débouté la société Inno-Bois des demandes formées contre celle-ci.
* * *
La société Inno-Bois a relevé appel principal.
Elle soutient qu'elle a été victime d'un dol, caractérisé par des manœuvres dont d'autres commerçants attestent avoir été victimes dans les mêmes conditions, la société Cortix lui ayant présenté ses prestations de modification et développement de son site web comme relevant d'un partenariat commercial gratuit destiné à sa propre promotion et ayant obtenu la signature de documents ne correspondant pas à cette présentation, sous la pression d'une prétendue urgence au regard de l'intérêt à saisir une opportunité qui ne serait offerte que pendant un temps très bref.
Elle ajoute :
- que le procès-verbal de conformité du site n'a jamais été présenté à sa signature,
- que le contrat n'a pas été exécuté et que le site ne correspond nullement à ce qui était convenu,
- que l'exemplaire du contrat dont elle dispose ne mentionne pas l'intervention de la société KBC Lease.
Elle conclut en conséquence à la réformation du jugement entrepris, à la résolution du contrat de location de prestations informatiques aux torts exclusifs de la société Cortix et de la société KBC Lease et à leur condamnation in solidum au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
A titre subsidiaire, elle demande de prononcer la nullité du contrat de location et de condamner à la société Cortix à lui verser cette somme, en tout état de cause, de la décharger des condamnations, et de condamner les parties adverses à lui payer une somme de 6.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
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La société Cortix a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte en cours d'instance ; les mandataires judiciaires sont intervenus aux débats.
Elle fait valoir que la société Inno-Bois se prévaut d'un projet de contrat, qui ne visait en effet que l'intervention possible d'un autre organisme financier, mais n'a pas reçu application en définitive et que l'action de la société KBC Lease est recevable.
Elle soutient que la convention des parties se réfère à un procès-verbal de livraison, et non à une reconnaissance de conformité du site, telle que revendiquée par la société Inno-Bois, que cette dernière ne démontre pas les manœuvres qu'elle allègue, que les pièces présentées à sa signature étaient claires et que le développement du site dépendait de la communication par la société Inno-Bois d'éléments d'enrichissement qu'elle n'a jamais transmis.
La société Cortix demande en conséquence de dire irrecevables les demandes présentées à son encontre, par application des articles L. 622-21, L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce, ainsi que toute demande en condamnation, de confirmer le jugement attaqué, sauf à lui allouer une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, de la mettre hors de cause et de condamner la partie succombante à lui payer, pour l'instance d'appel, une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
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La société KBC Lease expose qu'elle est cessionnaire du contrat de location, dans les conditions arrêtées entre les parties, ce qui rend son action recevable, et qu'elle est fondée en sa demande, dans la mesure où le locataire a signé le procès-verbal de réception, sans réserves ; elle considère que l'intention commune des parties était bien de rendre leurs différents contrats indépendants, et que la clause résolutoire stipulée en cas de défaut de paiement doit produire ses effets.
Elle demande de confirmer le jugement entrepris, sauf à condamner la société Inno-Bois au paiement de l'indemnité conventionnelle de résiliation, soit un total de 5.920,93 euros, subsidiairement de condamner la société Cortix à la garantir de toute condamnation et à lui payer en ce cas une somme de 3.725,28 euros à titre de dommages-intérêts et, en tout état de cause, de relever l'indemnité due par application de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1.200 euros.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société KBC Lease produit un contrat de location la désignant, avec deux autres organismes, comme ayant vocation à financer la prestation en cause.
Ce contrat a été signé par le dirigeant de la société Inno-Bois ; le tampon de cette société a été apposé.
Quoique la société Inno-Bois présente un autre contrat de location, qui ne cite pas la société KBC Lease, cette dernière tient de la convention régulièrement conclue le droit d'agir en paiement des sommes qui y sont prévues, au vu de la clause stipulant que le locataire est informé que le fournisseur pourra céder les droits résultant du contrat à un cessionnaire et qu'il sera avisé de la cession par tout moyen, notamment par le libellé de la facture unique de loyer ou de l'avis de prélèvement.
Comme l'a relevé le tribunal, le contrat a été signé et revêtu du cachet de l'entreprise cliente, un relevé d'identité bancaire a été fourni.
La technique commerciale utilisée par la société Cortix pour obtenir la souscription de tels engagements est précisément décrite par la société Inno-Bois et confirmée en tout point par les nombreux documents versés aux débats.
Pour autant, les accords portent sur des prestations de services et sur une location qui sont en rapport direct avec les activités commerciales de la société Inno-Bois, puisqu'ils concernent le développement de ses contacts avec la clientèle potentielle.
Le législateur ayant précisément exclu de telles opérations de la protection particulière définie au code de la consommation, le seul recours au démarchage reste sans conséquence sur le caractère définitif des engagements souscrits par un professionnel, hors preuve d'un vice du consentement.
Or, si même l'argumentaire de la société Cortix fait une large place à la notion de partenaire plutôt qu'à celle de client, il n'en résulte pas un dol, dans la mesure où les documents présentés à l'approbation de la société Inno-Bois sont précis, et propres à écarter tout vice de son consentement au moment de la souscription des engagements, notamment quant à la gratuité prétendue des prestations.
Enfin, la modification unilatérale du nom du site par la préposée de la société Cortix n'est pas établie et le fait que deux contrats de location ont été signés reste sans incidence sur le caractère contraignant de celui qui a été mis en œuvre, dès lors notamment que la désignation de l'éventuel cessionnaire ne peut être considérée comme déterminante de l'engagement, le contrat stipulant même que « le locataire ne fait pas de la personne cessionnaire une condition de son accord ».
Du « contrat de location de prestations informatiques » seul valable et signé par les parties, il résulte, selon l'article 2 que « le loueur mandate le locataire pour choisir le fournisseur, le type et la marque du bien répondant à ses besoins ; le procès-verbal de livraison, signé du locataire et du fournisseur, consacre la bonne exécution de la transaction et autorise le loueur à régler la facture du fournisseur, le paiement emportant date du contrat et engagement définitif du locataire de l'exécuter ».
La société Inno-Bois a signé un « procès-verbal de réception » attestant « avoir réceptionné le nom du domaine » et « l'espace d'hébergement », garantissant « en avoir contrôlé le fonctionnement » et indiquant « les accepter sans restrictions ni réserves ».
Les deux premières opérations visées au procès-verbal ont pu être réalisées immédiatement.
Au contraire, les deux autres déclarations sont fausses, puisqu'en aucune manière le preneur n'a pu contrôler le fonctionnement d'un site qui n'existait pas, ou sur lequel, en tout cas, le prestataire n'avait pu encore intervenir.
En soi, toutefois, cette circonstance est sans incidence sur le litige relatif à la location, le loueur n'ayant connaissance de la situation réelle que par la déclaration que lui adresse le preneur et dont il n'a pas à contrôler la véracité, de sorte qu'il importe peu, dans leurs rapports, que ce dernier lui ait, consciemment ou non, donné une information erronée.
Certes, le preneur a délivré un « procès-verbal de réception » et non point un « procès-verbal de livraison », tel que convenu comme étant l'acte déclenchant le paiement de la facture et partant, l'obligation au paiement des loyers.
Mais si même livraison et réception sont deux actes que l'on peut théoriquement distinguer, la transaction portait concrètement sur des « prestations informatiques », de sorte que, dans l'intention commune des parties, cet acte équivaut bien à celui que prévoyait la convention.
En procédant au paiement de la facture, la société KBC Lease a donc appliqué la loi du contrat et rempli ses obligations ; le preneur est tenu de payer les sommes convenues dans le cas où, comme en l'espèce, le contrat est ensuite a été résilié pour défaut de paiement des loyers.
Etant encore précisé que cette résiliation est intervenue avant toute action en résolution du contrat de prestation et de fourniture et qu'aucune indivisibilité des deux contrats n'est prétendue ni ne ressort de l'intention commune des parties telle qu'elle se manifeste au travers des actes et de leur comportement, la société KBC Lease est fondée en sa demande à l'encontre de la société Inno-Bois, indépendamment du sort de l'action formée par cette dernière contre la société Cortix.
La clause pénale n'étant pas manifestement excessive, la créance de la société KBC Lease est de 5.920,93 euros en principal.
S'agissant de l'exécution des prestations promises, la société Cortix produit aux débats :
- un courrier du 16 novembre 2006 : « nous avons ouvert l'espace d'hébergement et la page d'information de votre site ; pour une exploitation optimale, il est indispensable que vous nous transmettiez au plus tôt sur support électronique, les textes et visuels que vous souhaites voir apparaître »,
- un courrier du 4 décembre 2006, adressé en recommandé avec avis de réception : « pouvez-vous nous envoyer des éléments supplémentaires afin de pouvoir finaliser votre site internet : photos, textes ».
La société Inno-Bois ne justifie d'aucune réponse à ces demandes, et surtout d'aucun envoi des matériaux permettant de rendre le site internet conforme à ses souhaits, de sorte que ses griefs envers la société Cortix, quant à la qualité et l'adéquation de ses prestations, ne peuvent être accueillis, son refus de toute collaboration étant la cause même de son mécontentement.
L'équité commande d'écarter l'application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a supprimé la clause pénale stipulée au contrat,
- Statuant à nouveau, condamne en conséquence la société Inno-Bois à payer à la société KBC Lease France une somme de 399 euros à ce titre,
- Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,
- Condamne la société Inno-Bois aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Dutriévoz et de la SCP Brondel - Tudéla, avoués.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Joëlle POITOUX Michel GAGET
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet