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CA VERSAILLES (3e ch.), 9 juin 2011

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 9 juin 2011
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 09/09583
Date : 9/06/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3214

CA VERSAILLES (3e ch.), 9 juin 2011 : RG n° 09/09583

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est constant que le vendeur en l'état futur d'achèvement a l'obligation de délivrer la chose vendue, à la date prévue par le contrat. Il s'agit d'une obligation de résultat dont seule la force majeure peut exonérer le vendeur. Cette exonération peut cependant, en accord entre les parties, être admise lorsque le retard du vendeur est justifié par d'importantes intempéries. Encore faut-il que l'appréciation de ces intempéries ne relève pas du seul vendeur ou d'une personne liée à lui par un contrat qui ne permet pas d'assurer l'objectivité de l'information ainsi donnée. Tel est bien le cas de la clause du contrat liant les parties selon laquelle : « pour l'appréciation des événements ci-dessus évoqués [les causes de suspension du délai de livraison], les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par l'architecte ou le Maître de l'ouvrage ayant la direction des travaux sous sa propre responsabilité ».

Cette clause du contrat de vente a pour effet de créer, au détriment du non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En effet, elle interdit aux acquéreurs de contester le certificat délivré par une personne se trouvant sous la dépendance financière du vendeur, à savoir le Maître d'œuvre. Il convient donc de confirmer le jugement qui a reconnu le caractère abusif de cette clause.

Ce caractère abusif n'est d'ailleurs pas véritablement contesté par la SCI LES VILLAS DE LISSES qui a produit, au cours de la procédure, un relevé météorologique des intempéries, document plus objectif. Cependant, les clauses abusives sont réputées non écrites. Dès lors, le contrat intervenu entre les appelants et la SCI ne comporte plus de clause permettant d'apprécier les événements susceptibles de suspendre le délai de livraison. Il en résulte que seul l'accord des parties ou à défaut un événement présentant les caractères d'une force majeure peut justifier un tel retard. Or tel n'est pas le cas en l'espèce, et à défaut d'accord entre les parties, la SCI LES VILLAS DE LISSES et la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION ne démontrent pas en quoi les intempéries qu'elles invoquent sont constitutives d'une force majeure et en présentent les caractères : irrésistibilité, imprévisibilité, extériorité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 9 JUIN 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/09583. CONTRADICTOIRE. Code nac : 50C. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 septembre 2009 par le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT : RG n° 11-09-78.

LE NEUF JUIN DEUX MILLE ONZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

1/ Monsieur X.

le [date],

2/ Madame Y. épouse X.

née le [date],

Demeurant tous deux : [adresse], représentés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - N° du dossier 0947203, assistés de Maître Norbert GRADSZTEJN, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉES :

1/ SCI LES VILLAS DE LISSES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentées par Maître Jean-Pierre BINOCHE, avoué - N° du dossier 57/10, assistées de Maître Guy PECHEU, avocat au barreau de PARIS substituant Maître Stéphane BULTEZ, avocat au barreau de PARIS

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 mai 2011 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José VALANTIN, Président, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller, Madame Christine SOUCIET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. et Mme Y. épouse X. sont appelants d'un jugement du tribunal d'instance de Boulogne Billancourt, rendu le 9 septembre 2009 dans une affaire les opposant à la SCI LES VILLAS DE LISSES, leur vendeur, et à la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION, constructeur promoteur.

Par acte des 28 et 31 juillet 2006, les époux X. ont acquis en l'état futur d'achèvement de la SCI LES VILLAS DE LISSES, un bien immobilier. La livraison était prévue pour le troisième trimestre 2007. Elle a été retardée en raison des intempéries, selon le vendeur, et la remise des clés n’a eu lieu que le 7 février 2008.

Par jugement du 9 septembre 2009, le tribunal a débouté les époux X. de leurs demandes dirigées contre la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION et a condamné la SCI LES VILLAS DE LISSES à leur payer la somme de 1.705,06 euros correspondant au loyer acquitté pour (106 - 60) soit 46 jours d'intempéries à compter du 30 octobre 2007, outre 1.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a rejeté le surplus des demandes de M. et Mme X. Il a considéré que la clause « poursuite et achèvement de la construction » § 3 constituait une clause abusive.

Les époux X. ont régulièrement interjeté appel de ce jugement et, dans leurs dernières conclusions signifiées le 17 janvier 2011, ils demandent à la cour de dire la clause litigieuse abusive et de condamner la SCI LES VILLAS DE LISSES in solidum avec la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION, à leur payer 2.814,70 euros correspondant au montant des loyers réglés par eux entre le 1er octobre 2007 et le 14 janvier 2008, outre 2.059,50 euros au titre des intérêts intercalaires réglés par leur banque, 5.000 euros à titre de préjudice moral, 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2010, la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION et la SCI LES VILLAS DE LISSES demandent à la cour de confirmer le jugement sauf sur l'allocation aux époux X. de la somme de 1.705,06 euros. Ils sollicitent le paiement d'une somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimées demandent la mise hors de cause de la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION ; elles contestent le caractère abusif de la clause et font valoir qu'elles justifient le retard par la production d'un bulletin des services de météorologie nationale. Elles considèrent qu'en demandant les intérêts intercalaires, les appelants sollicitent une double indemnisation.

La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur le caractère abusif de la clause du contrat de vente :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Il est constant que le vendeur en l'état futur d'achèvement a l'obligation de délivrer la chose vendue, à la date prévue par le contrat. Il s'agit d'une obligation de résultat dont seule la force majeure peut exonérer le vendeur.

Cette exonération peut cependant, en accord entre les parties, être admise lorsque le retard du vendeur est justifié par d'importantes intempéries. Encore faut-il que l'appréciation de ces intempéries ne relève pas du seul vendeur ou d'une personne liée à lui par un contrat qui ne permet pas d'assurer l'objectivité de l'information ainsi donnée.

Tel est bien le cas de la clause du contrat liant les parties selon laquelle : « pour l'appréciation des événements ci-dessus évoqués [les causes de suspension du délai de livraison], les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par l'architecte ou le Maître de l'ouvrage ayant la direction des travaux sous sa propre responsabilité ».

Cette clause du contrat de vente a pour effet de créer, au détriment du non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En effet, elle interdit aux acquéreurs de contester le certificat délivré par une personne se trouvant sous la dépendance financière du vendeur, à savoir le Maître d'œuvre.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a reconnu le caractère abusif de cette clause.

Ce caractère abusif n'est d'ailleurs pas véritablement contesté par la SCI LES VILLAS DE LISSES qui a produit, au cours de la procédure, un relevé météorologique des intempéries, document plus objectif.

Cependant, les clauses abusives sont réputées non écrites. Dès lors, le contrat intervenu entre les appelants et la SCI ne comporte plus de clause permettant d'apprécier les événements susceptibles de suspendre le délai de livraison. Il en résulte que seul l'accord des parties ou à défaut un événement présentant les caractères d'une force majeure peut justifier un tel retard.

Or tel n'est pas le cas en l'espèce, et à défaut d'accord entre les parties, la SCI LES VILLAS DE LISSES et la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION ne démontrent pas en quoi les intempéries qu'elles invoquent sont constitutives d'une force majeure et en présentent les caractères : irrésistibilité, imprévisibilité, extériorité.

Ainsi il doit être fait droit à la demande de M. et Mme X. et il convient de condamner la SCI LES VILLAS DE LISSES, sur la base de 106 jours de retard, à payer aux appelants la somme de 2.776,88 euros.

M. et Mme X. seront déboutés de leur demande formée au titre des intérêts intercalaires ; ils n'indiquent pas en quoi la somme demandée indemnise un préjudice distinct de celui réparé par la somme de 2.776,88 euros.

Le préjudice moral de M. et Mme X. n'est pas établi en tant que préjudice distinct

 

- Sur la mise hors de cause de la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION :

Il n'est pas contesté que la SCI LES VILLAS DE LISSES a seule la qualité de vendeur, à l'acte de vente. Il convient donc de mettre hors de cause la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION et de la SCI LES VILLAS DE LISSES les frais exposés et non compris dans les dépens de première instance et d'appel.

 

- Sur les frais irrépétibles :

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme X. les frais non compris dans les dépens de l'instance. Il leur sera alloué une somme de 2.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SCI LES VILLAS DE LISSES à payer à M. X. et Mme Y. épouse X. une somme de 1.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

Met hors de cause la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION,

Condamne la SCI LES VILLAS DE LISSES à payer à M. X. et Mme Y. épouse X. la somme de 2.776,88 euros, déduction faite de la somme de 1.705,06 euros si elle a bien été payée aux acheteurs dans le cadre de l'exécution provisoire,

Laisse à la charge de la SAS CONSORTIUM FRANCAIS DE L'HABITATION et de la SCI LES VILLAS DE LISSES leurs propres frais de première instance et d'appel,

Condamne la SCI LES VILLAS DE LISSES à payer à M. X. et Mme Y. épouse X. la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la SCI LES VILLAS DE LISSES aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel seront directement recouvrés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD, avoués, dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José VALANTIN, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,         Le PRÉSIDENT,