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6113 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses sur les causes d’exonération et la force majeure

Nature : Synthèse
Titre : 6113 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses sur les causes d’exonération et la force majeure
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6113 (24 septembre 2022

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

INEXÉCUTION DU CONTRAT - RESPONSABILITÉ DU PROFESSIONNEL

CLAUSES RELATIVES AUX CAUSES D’EXONÉRATION ET À LA FORCE MAJEURE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. Pour échapper à sa responsabilité, le professionnel peut tenter d’accroître les causes traditionnelles d’exonération. Plusieurs procédés sont concevables. Indirectement, le professionnel peut insérer une clause allégeant son obligation, par exemple en transformant une obligation de résultat en obligation de moyens (V. sur ces clauses Cerclab n° 6097). Plus directement, il peut ajouter de nouvelles causes d’exonération (A) ou définir conventionnellement de façon extensive la force majeure (B). § N.B. Ces deux techniques sont très proches et sont souvent utilisées indifféremment, voire cumulativement, dans des hypothèses contractuelles identiques.

Décret du 18 mars 2009 : clause irréfragablement abusive. Aux termes de l’art. R. 212-1-6° C. consom. (anciennement l’art. R. 132-1-6° C. consom. dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sauf pour la protection des non-professionnels qui figure désormais dans l’art. R. 212-5 C. consom.), est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ».

Il résulte de ce texte que les clauses qui ajoutent des causes d’exonération ou qui définissent la force majeure de façon plus large qu’en droit commun, tel qu’appliqué par la jurisprudence, ont pour objet et, en tout état de cause pour effet, de réduire le droit à réparation du consommateur ou du non-professionnel et qu’elles sont donc désormais irréfragablement présumées abusives (V. Cerclab n° 6114).

Droit antérieur au décret du 18 mars 2009. Les développements qui suivent recensent des décisions concernant le droit antérieur au décret du 18 mars 2009. Ces clauses pouvaient être déclarées abusives, notamment au regard des points 1.a) et 1.b) de l’annexe (V. Cerclab n° 5995) et elles ne relevaient pas de l’ancien art. L. 132-1 al. 7 C. consom. [L. 212-1 al. 3]. Sur ce dernier point, V. : la clause limitant la responsabilité du fournisseur et excluant a priori toute garantie en cas de mauvais fonctionnement de ses services ne porte pas sur la définition de l’objet principal du contrat CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 ; Lamyline, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 8 novembre 2007 : pourvoi n° 05-20637 et 06-13453 ; arrêt n° 1230 ; Cerclab n° 2810 (argument non examiné).

A. CLAUSES AUGMENTANT LES CAUSES D’EXONÉRATION DU PROFESSIONNEL

Présentation. En droit commun, spécialement pour les obligations de résultat, il est permis, sauf exception, de stipuler des causes particulières d’exonération allant au-delà de celles prévues par la loi (a minima, la force majeure et la faute du créancier). Le débiteur peut ainsi viser des causes extérieures ne remplissant pas les cas de la force majeure, tout en étant indépendants de sa volonté, tels que le fait d’un tiers ou d’un préposé, une défaillance d’un matériel, etc. § N.B. Les mêmes événements sont parfois présentés comme s’inscrivant dans une conception extensive de la force majeure (V. ci-dessous B).

Ordonnance du 10 février 2016. Depuis la réforme du 10 février 2016, le nouvel art. 1218 C. civ. utilise une définition beaucoup plus large de la force majeure. Selon ce texte, « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. » Il est à craindre que cette nouvelle rédaction permette d’englober dans l’exonération de droit commun un nombre non négligeable d’événements qui nécessitait une clause spécifique. Dans ces cas, la clause risque d’être jugée conforme à un texte supplétif de droit commun, ce qui est un argument souvent retenu pour écarter le déséquilibre significatif.

Clauses abusives. Présumées irréfragablement abusives depuis le décret du 18 mars 2009 (V. ci-dessus), ces clauses étaient également souvent condamnées sous l’empire du droit antérieur.

Commission des clauses abusives. Pour des illustrations de clauses considérées comme abusives par la Commission, V. par exemple : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de dispenser le contractant professionnel de respecter ses obligations en fonction de circonstances ne présentant pas les caractères de la force majeure. Recomm. n° 82-01/B-2° : Cerclab n° 2150 (transport terrestre de marchandises ; considérant n° 8 ; recommandation visant notamment les clauses par lesquelles que certains transporteurs ou commissionnaires se réservent le droit de suspendre l’application des stipulations relatives aux délais de transport et aux garanties correspondantes). § La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de déroger au principe en vertu duquel le déménageur est responsable des pertes, avaries ou retards, sauf dans le cas de force majeure. Recomm. n° 82-02/B-6° : Cerclab n° 2151 (considérant n° 15 ; sont abusives les clauses prévoyant d’autres causes d’exonération, ne constituant pas des cas de force majeure, tels qu’un accident causé par le matériel utilisé ou le mauvais état des routes). § La Commission des clauses abusives recommande la suppression, dans tous les contrats de fourniture de voyages proposés sur Internet, des clauses ayant pour objet de prévoir des conditions exonératoires à la responsabilité de plein droit du professionnel autre que la force majeure, le fait du consommateur ou le fait imprévisible et insurmontable d’un tiers. Recomm. n° 08-01/4 : Cerclab n° 2205 (voyages par internet ; clauses abusives en ce qu’elles prévoient des cas d’exonération de responsabilité autres que ceux prévus aux art. L. 211-17 C. tourisme et L. 121-20-3 C. consom. ancien, limitant par là-même les possibilités d’indemnisation des consommateurs). § La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de se libérer de son obligation contractuelle même dans des situations non constitutives de la force majeure. Recomm. n° 10-02/15° : Cerclab n° 2209 (prévoyance obsèques ; considérant 15°). § La Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats de services à la personne, en « mode prestataire » par mise à disposition d’un intervenant, les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de ne pas fournir la prestation convenue en cas de maladie de l’intervenant, hors le cas de force majeure. Recom. n° 12-01/I-B-14° : Boccrf 18 mai 2012 ; Cerclab n° 4998 (considérant n° 14 ; clause visée : « en cas d’absence pour maladie, la société n’est pas tenue d’assurer le remplacement du salarié. Néanmoins, des solutions seront systématiquement envisagées au cas par cas »). § La Commission des clauses abusives recommande que soient supprimées des contrats de déménagement les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter la responsabilité du professionnel en dehors d’un cas de force majeure. Recom. n° 16-01/2 : Boccrf ; Cerclab n° 6653 (considérant n° 2 ; clause exonérant le déménageur en cas d’accident ou de panne, interdite par l’ancien art. R. 132-1-6° [R. 212-1-6°] C. consom.). § V. encore : Recomm. n° 2014-01/22 : Cerclab n° 5000 (fourniture de gaz naturel et d'électricité ; caractère abusif des clauses ayant pour objet ou pour effet d’écarter la responsabilité du professionnel par le moyen d’une définition de la force majeure plus large que celle du droit commun ; contrats définissant la force majeure « comme tout événement extérieur à la volonté de la partie affectée, imprévisible, ne pouvant être surmonté par la mise en œuvre des efforts raisonnables auxquels celle-ci est tenue en sa qualité d’opérateur prudent et raisonnable, l’empêchant temporairement d’exécuter tout ou partie des obligations qui lui incombent).

* Juges du fond. Est abusive la clause d’un contrat de vente de meubles stipulant qu’en cas de circonstances fortuites ou de fait d’un tiers, la résiliation du contrat n’entraînera aucune responsabilité pour le vendeur seulement tenu de restituer les versements effectués. TGI Dijon (1re ch. civ.), 25 novembre 1991 : RG n° 2996/90 ; Site CCA ; Cerclab n° 1044 (même si le vendeur ne fabrique pas le mobilier, les circonstances fortuites sont indéfinies et le fait d’un tiers pourra dans la quasi-totalité des cas être invoqué par le vendeur pour échapper à la réparation du préjudice consécutif à la défaillance de son fournisseur), confirmé par CA Dijon, (1re ch. 1re sect.), 30 mars 1993 : RG n° 00000924/92 ; arrêt n° 556 ; Cerclab n° 616­.

Limites en cas de retard : prise en compte du particularisme des contrats de construction. En matière de construction (contrat de construction de maison individuelle, ventes d’immeuble à construire), la question des délais de livraison est importante et les raisons pouvant justifier le non-respect du délai fixé concernent souvent des événements qui ne sont pas nécessairement assimilables à des événements de force majeure : circonstances climatiques, grèves, défaillance d’un sous-traitant. Les professionnels insèrent systématiquement des clauses les exonérant de toute responsabilité en cas de retard en raison de ces événements, soit en ajoutant des causes spécifiques de report du délai, soit en assimilant ces cas à une extension conventionnelle de la force majeure.

* Depuis l’ordonnance du 10 février 2016 redéfinissant la force majeure à l’art. 1218 C. civ., il est possible que certaines de ces hypothèses soient analysées comme un « événement échappant au contrôle du débiteur » et « dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées »

* Sous l’empire du droit antérieur, l’analyse de ces clauses est discutée. En un sens, elles ont pour effet d’exonérer le vendeur ou le constructeur de sa responsabilité lorsque le délai convenu n’est pas respecté. Les décisions recensées sont souvent en sens inverse et refusent de considérer ces clauses comme abusives, peut-être parce qu’elles constituent avant tout des clauses permettant de déterminer la date de livraison, qui n’est pas définitive mais qui n’est pas non plus indicative, dès lors que le report du délai ne peut être réalisé que dans des cas précis. Dans cette analyse, l’examen du caractère abusif doit se reporter sur les modalités d’un tel calcul, qui doit être objectif, réalisé par un tiers indépendant et susceptible d’être contrôlé par le juge.

Sur tous ces points, V. Cerclab n° 6493 et pour l’affirmation de l’absence de caractère abusif dans un contrat de vente d’immeuble à construire, V. notamment : Cass. civ. 3e, 24 octobre 2012 : pourvoi n° 11-17800 ; Cerclab n° 4011 (« qu’en statuant ainsi, alors que la clause susvisée n’avait ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment des acquéreurs non-professionnels, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n’était pas abusive, la cour d’appel a violé le texte susvisé », en l’occurrence l’ancien art. L. 132-1, alinéas 1 et 5, C. consom.), cassant sans autre justification CA Amiens (1re ch. sect. 2), 1er février 2011 : RG n° 09/04498 ; Cerclab n° 2882 (est abusive la clause stipulant que le délai de livraison « sera le cas échéant majoré des jours d’intempéries au sens de la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment » et « le cas échéant majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d’une entreprise », en ce qu’elle confère systématiquement les effets d’une force majeure à des événements qui n’en présentent pas nécessairement le caractère), confirmant pour d’autres motifs TGI Abbeville, 15 septembre 2009 : RG n° 08/00642 ; Cerclab n° 555 (jugement considérant que le renvoi du calcul des jours d’intempéries à l’appréciation de l’architecte ou d’un bureau d’études crée un déséquilibre significatif dès lors qu’en l’espèce le maître d’œuvre peut avoir intérêt à justifier le retard de livraison par des causes légitimes puisqu’il est lui-même tenu de respecter les délais d’exécution à l’égard du maître de l’ouvrage).

Comp. en sens contraire : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de décharger le professionnel de son obligation d’exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat et notamment de prévoir des causes légitimes de retard autres que les intempéries et les cas de force majeure. Recomm. n° 81-02/11 : Cerclab n° 2173 (contrat de construction de maison individuelle ; considérant n° 10 ; en cas d’allongement des délais pour des motifs étrangers au contrat, les révisions de prix doivent être neutralisées).

Limites : clauses exonérant le professionnel pour des manquements qui ne lui sont pas imputables. Le prestataire ne contractant pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens, il n'y a rien d'illicite ou abusif à décliner toute responsabilité en cas d'événements sur lesquels le prestataire n'a aucune prise parce qu'ils relèvent d'une cause qui lui est étrangère. CA Grenoble (1re ch. civ.), 30 janvier 2018 : RG n° 15/02814 ; Cerclab n° 7420, infirmant TGI Grenoble (4e ch.), 27 avril 2015 : RG n° 12/04079 ; site CCA ; Cerclab n° 6998. § N.B. La clause visait les erreurs de manipulation, de connexion du matériel par le bénéficiaire ou un tiers, la modification du matériel, les informations erronées ou non mises à jour de la part du bénéficiaire ou du souscripteur, et l’utilisation non conforme du matériel. A priori, les événements ne sont effectivement pas susceptibles d’engager la responsabilité de l’opérateur, quelle que soit d’ailleurs la qualification de l’obligation de résultat ou de moyens, sauf à jouer sur une mauvaise information du consommateur ou une difficulté excessive dans l’utilisation du matériel.

Obligation du professionnel et droit du consommateur dépendant du fait d’un tiers. Rappr. : n’est pas abusive la clause d’exclusion d’un contrat d’assurance responsabilité civile d’un chien de catégorie 2, stipulant que « pour que la garantie puisse s'appliquer, l'assuré devra obligatoirement fournir le permis de détention délivré par le maire des lieux de résidence habituelle au moment des faits conformément à l'article L. 211-14 du code rural », la carence de l'administration, fut-elle démontrée, étant un fait extérieur aux cocontractants alors que rien n'empêchait l’assuré de relancer cette dernière pour obtenir le permis de détention, ce qu'il ne justifie pas avoir fait. CA Nîmes (1re ch. civ.), 19 mai 2022 : RG n° 21/00303 ; Cerclab n° 9619 (arrêt écartant aussi la prétendue contradiction entre cette exigence et le fait que le permis de détention ne pouvait être obtenu sans la preuve de la souscription d’une assurance, puisque la demande a pu être effectuée avec l’annexion de l’assurance, l’absence de délivrance du permis par l’administration, peut-être du fait de sa carence, n’empêchant pas le jeu de la clause d’exclusion), sur appel de TJ Avignon,14 décembre 2020 : RG n° 19/01667 ; Dnd.

B. CLAUSES RELATIVES À LA FORCE MAJEURE

Droit antérieur. L’ancien art. 1148 C. civ., texte inchangé depuis l’origine, disposait « il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ». Le texte institue un principe fondamental d’exonération de responsabilité d’un débiteur quel qu’il soit, professionnel ou consommateur, en cas de survenance d’un cas de force majeure.

La définition de la force majeure ne figurait pas dans l’art. 1148 C. civ. et c’est la Cour de cassation qui avait tenté d’en préciser le contenu. Si la matière a beaucoup fluctué, la jurisprudence semblait revenue à une définition traditionnelle : la force majeure est un événement imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution. Cass., ass. plén., 14 avril 2006 : pourvoi n° 02-11168 ; Bull. civ. n° 5 ; BICC 1erjuill. 2006, rapp. Petit, concl. de Gouttes ; D. 2006. 1577, note Jourdain (2e esp.) ; ibid. IR 1131, obs. Gallmeister ; ibid. Chron. 1566, par Noguéro ; ibid. Pan. 1933, obs. Brun, et 2645, obs. Fauvarque- Cosson ; JCP 2006. II. 10087, note Grosser (2e esp.) ; JCP E 2006. 2224, n° 11, obs. Legros ; Gaz. Pal. 2006. 2496, concl. de Gouttes ; Defrénois 2006. 1212, obs. Savaux ; CCC 2006, n° 152, note Leveneur ; RLDC 2006/29, n° 2129, note Mekki ; LPA 6 juill. 2006, note Le Magueresse ; RDC 2006. 1083, obs. Laithier, et 1207, obs. Viney. § L’arrêt ne mentionnait pas la troisième condition traditionnelle : l’événement devait être extérieur au débiteur. La solution pouvait se comprendre, compte tenu de l’hypothèse particulière soumise à la Cour, concernant la maladie d’un débiteur personne physique. Il n’en restait pas moins, contrairement à une position souvent soutenue en doctrine, que cette extériorité était toujours requise, notamment parce qu’elle expliquait deux solutions essentielles et indiscutées : le débiteur ne pouvait invoquer la force majeure pour des inexécutions causées par ses préposés ou la défaillance des matériels qu’il avait utilisés pour exécuter son obligation.

Si la force majeure avait pour conséquence immédiate l’irresponsabilité du débiteur, elle pouvait avoir des répercussions sur le sort du contrat, qui pouvait ne jamais être exécuté (contrat instantané) ou qui, après avoir été suspendu, risquait de prendre fin (contrats successifs).

En droit commun, le texte n’était pas d’ordre public et les parties pouvaient aménager conventionnellement le jeu de la force majeure de différentes façons : suppression de cette clause d’exonération, extension de la définition jurisprudentielle, aménagement de ses effets.

N.B. Dans la synthèse des décisions rendues antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, la force majeure est entendue dans un sens large pouvant recouvrir le fait d’un tiers, le fait du contractant victime, le fait du prince ou un événement naturel.

Ordonnance du 10 février 2016. Selon le nouvel art. 1218 C. civ., dans sa rédaction résultant de l’ord. n° 2016-131 du 10 février 2016, « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. » Ce texte rapproche la définition de la force majeure en droit interne de celle retenue par certains textes internationaux. Il est a priori beaucoup plus favorable au professionnel que l’ancien art. 1148 C. civ., tel que la jurisprudence l’avait interprété. Il va falloir plusieurs années pour connaître l’interprétation que les juridictions, et notamment la Cour de cassation, vont retenir de cette disposition. Or, la question est cruciale en droit de la consommation, puisque seules les clauses élargissant la notion de droit commun vont pouvoir être condamnées. Il conviendra notamment de déterminer si le fait des salariés, des sous-traitants ou plus généralement de toute personne à qui l’exécution de l’obligation a été confiée peut être considérée comme échappant au contrôle du débiteur. La question est similaire pour la défaillance du matériel utilisé pour exécuter le contrat. Dans les deux cas, une réponse négative, maintenant les solutions antérieures, est à même de protéger correctement le consommateur. En revanche, la formulation de l’art. 1218 C. civ. va sans doute offrir au juge la possibilité de distinguer plus finement les inexécutions et les inexécutions tardives.

1. CLAUSES DÉFINISSANT LA FORCE MAJEURE DE FAÇON EXTENSIVE

Clauses renvoyant à l’appréciation judiciaire. N’est pas abusive la clause ne donnant aucune précision sur la force majeure dès lors qu’elle renvoie, pour sa définition, à l’appréciation des tribunaux français. CA Rennes (1e ch. B), 13 novembre 2003 : RG n° 02/04714 ; arrêt n° 844 ; Cerclab n° 1790 ; Juris-Data n° 2003-232824 (téléphonie mobile), sur appel de TI Saint-Malo, 25 juin 2002 : RG n° 01-000192 ; jugt n° 415/02 ; Cerclab n° 141 (problème non spécifiquement abordé, le contrat étant jugé conforme à la recommandation). § Dans le même sens : CA Grenoble (1re ch. civ.), 22 mai 2007 : RG n° 05/00795 ; arrêt n° 347 ; Cerclab n° 3134 ; Juris-Data n° 352923 (vente de voiture ; clause ne correspondant pas à celle visée par la recommandation n° 85-03, puisque les événements mentionnés ne sont exonératoires que s’ils remplissent les conditions de la force majeure), infirmant TGI Grenoble, 24 janvier 2005 : RG n° 01/4075 ; Dnd.

Clauses d’exonération pour cas fortuit. Pour une illustration isolée : est abusive la clause exonératoire qui ajoute à l’exonération par force majeure, une exonération pour cas fortuit, qui est difficilement compréhensible, désignant littéralement un cas qui arrive par hasard, et qui constitue une notion non juridique, floue et non délimitable, qui permet au professionnel d'exclure de façon inappropriée les droits légaux du consommateur. TI Saint-Dizier du 5 janvier 2010 : RG n° 11-09-000183 ; jugt n° 7/2009 ; Cerclab n° 4146 (mise en place d'un système d'alarme ; annulation des deux contrats) confirmé sur ce point par CA Dijon (1re ch. civ.), 10 mars 2011 : RG n° 10/00440 ; Cerclab n° 2656 (arrêt ne réexaminant pas les clauses éliminées mais n’annulant qu’un contrat).

Clauses abusives. Avant le décret du 18 mars 2009, les décisions recensées montrent que la jurisprudence adoptait déjà, dans son immense majorité, cette solution. Plusieurs arguments étaient avancés pour justifier cette solution : la perte d’indemnisation du préjudice subie par le consommateur ; le fait que, lorsque l’événement assimilé à la force majeure est celui d’un tiers, le professionnel dispose d’un recours contre lui ; le fait que les clauses rédigées de façon trop générale trompent le consommateur sur ses droits ; le fait que la clause aboutit parfois à réserver au professionnel l’appréciation discrétionnaire des événements l’exonérant.

Commission des clauses abusives. La Commission des clauses abusives a recommandé à plusieurs reprises l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’exonérer le professionnel pour des causes d’exonération assimilées conventionnellement à des cas de force majeure, alors que les événements visés n’en présentent pas nécessairement les caractères au regard de la définition jurisprudentielle de la notion. V. par exemple : Recomm. n° 84-01/A-10 : Cerclab n° 2174 (gaz liquéfié ; considérant n° 11 ; fournisseurs prévoyant des définitions « extensives » des causes d’exonération de leur responsabilité, qui ne répondent pas nécessairement aux conditions de la force majeure : grève, actes concertés du personnel, incendie, inondation, émeute, barrières de dégel, difficultés de circulation ou d’approvisionnement…) - Recomm. n° 97-01/B-15 : Cerclab n° 2166 (télésurveillance ; clauses permettant au professionnel de se décharger de toute responsabilité pour la survenance d’événements non constitutifs de la cause étrangère ; considérant n° 19 ; hypothèses : accidents de toutes sortes, caractère répété des alarmes, manifestations quelconques ou événements indépendants de la volonté du professionnel sans autre précision) - Recomm. n° 03-01/I-8° : Cerclab n° 2200 (fourniture d’accès internet ; caractère abusif des clause donnant à la force majeure une définition plus large qu’en droit commun ; exemples donnés dans les considérants : clause assimilant notamment à la force majeure, sans distinction, la survenance de tout événement indépendant de la volonté du fournisseur, ou encore la panne d’ordinateur, et aboutissant à une exonération de responsabilité) - Recomm. n° 07-02/12 : Cerclab n° 2204 (contrats de vente mobilière conclus sur Internet et de commerce électronique ; clauses illicites, contraires à l’ancien art. L. 121-20-3 C. consom. et, maintenues dans les contrats, abusives ; clauses évoquées : clause donnant une définition extensive de la force majeure) - Recomm. n° 08-01/5 : Cerclab n° 2205 (voyages par internet ; caractère abusif des clauses définissant la force majeure de façon plus large qu’en droit commun) - Recomm. n° 99-02/13 : Cerclab n° 2193 (téléphones portables ; assimilation à la force majeure d’événements n’en présentant pas nécessairement les caractéristiques : dysfonctionnements du réseau, défaillances, incendies, émeutes ou conflits du travail) - Recomm. n° 08-03/C-15 : Cerclab n° 2207 (transport routier occasionnel de voyageurs ; caractère abusif des clauses ayant pour objet ou pour effet d’exonérer le transporteur de toute responsabilité en cas de retard dû à un événement ne présentant pas les caractères de la force majeure, tels qu’une panne ou un incident mécanique du véhicule) - Recomm. n° 10-01/IV-26° : Cerclab n° 2208 (contrats de soutien scolaire ; clause abusive dès lors qu’elle permet au professionnel de s’exonérer par le moyen d’une définition de la force majeure différente de celle du droit commun, telle que« tout événement indépendant de la volonté » du professionnel) - Recomm. n° 10-02/15° : Cerclab n° 2209 (prévoyance obsèques ; considérant 15° ; hypothèse visée : les contrats de garantie d’assistance rapatriement du corps prévoyant une liste non limitative -« notamment » - d’hypothèses insuffisamment précises ou limitées permettant au professionnel de se libérer de son obligation contractuelle, même dans des situations ne relevant pas de la force majeure) - Recom. n° 12-01/I-A-7° : Boccrf 18 mai 2012 ; Cerclab n° 4998 (contrats de services à la personne, en « mode prestataire » ; considérant n° 7 ; clause visée : « tout événement indépendant de la volonté de la société et faisant obstacle à son fonctionnement normal est considéré comme un cas de force majeure » ; clauses abusives ayant pour objet ou pour effet d’écarter la responsabilité du professionnel par le moyen d’une définition de la force majeure plus large qu’en droit commun).

V. aussi dans le cadre d’un avis : CCA (avis), 29 septembre 2005 : avis n° 05-05 ; Cerclab n° 3612 (contrat d’abonnement à des services de télévision et d’Internet par câble ; clause abusive créant un déséquilibre significatif, dès lors que le professionnel s’exonère de façon générale de toute responsabilité en cas de manquement à ses obligations contractuelles, notamment pour suppression temporaire ou définitive d’un programme, y compris lorsque l’interruption du service n’est pas la conséquence d’une cause étrangère), suivi par TI Vanves, 28 décembre 2005 : RG n° 11-05-000354 ; jugt n° 1358/05 (ou 1350/05) ; Cerclab n° 3098.

Pour une condamnation plutôt fondée sur l’asymétrie d’information qu’elle implique, lorsque la clause est illicite par application d’un texte spécial, solution que le professionnel connaît ou est censée connaître, mais que le consommateur peut ignorer (sur cette approche, V. plus généralement Cerclab n° 6026) : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination, dans les contrats de commerce électronique, des clauses ayant pour objet ou pour effet de faire croire au consommateur qu’il ne peut rechercher la responsabilité du professionnel en cas d’inexécution ou d’exécution défectueuse, partielle ou tardive de ses obligations ou de celles des prestataires auxquels il a recouru. Recomm. n° 07-02/12 : Cerclab n° 2204 (contrats de vente mobilière conclus sur Internet et de commerce électronique ; clauses illicites, contraires à l’ancien art. L. 121-20-3 C. consom. et, maintenues dans les contrats, abusives ; clauses évoquées : clause faisant peser sur le consommateur ou sur un tiers les risques de la livraison, clause donnant une définition extensive de la force majeure, clause excluant certains préjudices).

Rappr. pour la condamnation de clauses autorisant le professionnel à s’exonérer du fait d’un tiers : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’exclure, dans tous les cas, la responsabilité du professionnel si un exploitant cesse d’accepter la carte. Recomm. n° 02-02/C-21 : Cerclab n° 2198 (abonnement cinéma ; lorsque ces circonstances limitent significativement les conditions d’usage de la carte, de telles clauses sont de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur).

Cour de cassation. Est abusive la clause ayant pour effet, au-delà des cas de force majeure ou de fait du cocontractant, de dégager le fournisseur d’accès de son obligation essentielle, justement qualifiée d’obligation de résultat, d’assurer effectivement l’accès au service promis. Cass. civ. 1re, 8 novembre 2007 : pourvoi n° 05-20637 et 06-13453 ; arrêt n° 1230 ; Cerclab n° 2810, rejetant le pourvoi contre CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 ; Lamyline (tenu d’une obligation de résultat et non de moyens, le fournisseur est présumé responsable de tout dysfonctionnement dont l’usager n’est pas en mesure de connaître la cause et encore moins de rapporter la preuve d’une faute de son fournisseur ; caractère abusif de clauses ayant un caractère général permettant au fournisseur de s’exonérer de ses propres carences ; si le dysfonctionnement est imputable à un tiers, le fournisseur dispose d’une action récursoire contre lui), confirmant TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 (clause abusive, le fournisseur étant tenu d’une obligation de résultat et ne pouvant y échapper que par la preuve d’un cas de force majeure ; le tribunal juge sans intérêt, pour une obligation de résultat, l’engagement du fournisseur de faire ses meilleurs efforts).

* Juges du fond. Les décisions des juges du fond recensées sont pour la quasi-totalité d’entre elles dans le même sens et qualifient d’abusives les clauses définissant de façon extensive les cas de force majeure ou assimilant à celle-ci des événements qui n’en présentent pas, ou pas forcément, les caractères. V. en ce sens, par exemple : TGI Paris (1re ch. 1), 19 novembre 1996 : RG n° 20365/95 ; Cerclab n° 3679 ; Juris-Data n° 1996-046988 (agence de voyages ; clause relative à l’annulation du séjour ou du voyage par le prestataire ne se limitant pas aux cas de force majeure, mais s’étendant à tout « événement extérieur qui s’imposerait » à l’organisateur ; restitution des sommes versées sans autre indemnité) - TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 20 octobre 1998 : RG n° 1819/97 ; jugt n° 3 ; Site CCA ; Cerclab n° 4027 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; clause abusive donnant le caractère de force majeure à tout dysfonctionnement dans la fourniture ou l’exploitation des moyens de communication fournis par des tiers, permettant au professionnel de se soustraire à son obligation d’exécution, tout en privant son cocontractant de tout recours puisque le consommateur ne peut agir à l’encontre de l’opérateur et/ou de l’exploitant du réseau avec lesquels il n’a pas de lien contractuel) - TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 16 mars 1999 : RG n° inconnu ; Site CCA ; Cerclab n° 4023 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile - même sens) - TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; clauses abusives organisant un régime d’exonération pour tout dysfonctionnement ayant pour origine les agissements de l’opérateur ou ceux de tiers, sans que ces derniers revêtent le caractère d’imprévisibilité inhérent à la force majeure et sans aucune contrepartie prévue au profit du consommateur victime du dysfonctionnement, alors que des contrats d’abonnement concurrents ont prévu par exemple une suspension du paiement de l’abonnement ou une remise sur l’abonnement dès lors que le trouble dure plusieurs jours.) - CA Rennes (4e ch.), 8 avril 1999 : RG n° 94/05228 et n° 9804018 (jonction) ; arrêts n° 164 et 165 ; Cerclab n° 1813 (bail réglementé ; caractère abusif de la clause exonérant le bailleur de son obligation de délivrance, au-delà des cas de force majeure, en cas d’absence de départ du précédent locataire) - TGI Grenoble (6e ch.), 7 septembre 2000 : RG n° 1999/05575 ; jugt n° 196 ; Site CCA ; Cerclab n° 3162 ; Juris-Data n° 2000-133385 ; D. 2000. 385, note Avena-Robardet (téléphonie mobile ; clause abusive exonérant l’opérateur de sa responsabilité, en mélangeant des faits constituant des aléas dans la continuité du service, tels que des perturbations provenant d’un réseau tiers ou la force majeure, avec d’autres faits qui relèvent de son pouvoir et de sa décision unilatérale ; N.B. jugement visant également de façon erronée l’ancien art. R. 132-1 C. consom. qui ne concernait que la vente) - TGI Grenoble (6e ch.), 18 janvier 2001 : RG n° 1999/05929 ; jugt n° 16 ; site CCA ; Cerclab n° 3163 (vente de voiture ; clause relative au délai de livraison assimilant à la force majeure « tous événements indépendants de la volonté d'une des parties [...] sans qu'ils aient pu être raisonnablement maîtrisés ou évités », étendant ainsi manifestement la notion au delà de son caractère exceptionnel, les derniers exemples donnés, dont la qualification serait discutable, ne visent qu'à protéger le professionnel : fait de guerre, réquisitions, phénomènes naturels, conflit collectifs du travail chez le constructeur, l'importateur ou le sous traitant) - TGI Grenoble (6e ch.), 31 janvier 2002 : RG n° 2000/01747 ; jugt n° 25 ; Cerclab n° 4374 ; Lexbase (1/ même solution pour une clause similaire, « sans contrepartie pour le client, laquelle ne peut résulter de la seule possibilité offerte au client de résilier le contrat et d’obtenir une indemnité outre la restitution de son acompte » ; 2/ clause exonérant le vendeur de sa garantie de prix pendant trois mois pour des motifs ne respectant pas les conditions de la force majeure) - TGI Grenoble (6e ch.), 31 janvier 2002 : RG n° 2000/02123 ; jugt n° 26 ; Site CCA ; Cerclab n° 3166 ; Juris-Data n° 167015 (vente de voiture ; 1/ clause exonérant le vendeur en cas de retard de livraison visant les « conflit collectif du travail, incendie, inondation, fait de guerre, réquisition chez le constructeur, ses fournisseurs sous-traitants ainsi que chez le vendeur », ce qui étend manifestement la notion au-delà de son caractère exceptionnel ; 2/ définition extensive de la force majeure permettant de façon abusive d’appliquer au-delà de trois mois le prix en vigueur à la livraison), confirmé par CA Grenoble (1re ch. civ.), 1er juin 2004 : RG n° 02/01499 ; arrêt n° 333 ; Cerclab n° 7049 - TGI Paris (1re ch. soc.), 13 février 2002 : RG n° 00/20927 ; jugt n° 16 ; Cerclab n° 3327 (jeu publicitaire ; clause abusive autorisant le professionnel à annuler le jeu, sans aucun dédommagement pour les participants, en cas de force majeure, dès lors que les cas invoqués tels que l’erreur d’un membre du personnel ou d’un prestataire extérieur, dont la réalité ne pourra jamais être utilement vérifiée, ne correspondent pas à la définition de la force majeure et permettent au professionnel de se libérer selon son bon vouloir), confirmé par CA Paris (25e ch. A), 19 décembre 2003 : RG n° 2002/04822 ; Cerclab n° 868 ; Juris-Data n° 2003-230702 (clause abusive par adoption de motifs : les événements, cités en exemples, n’ont pas les caractères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité voire d’extériorité de la force majeure) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 4 février 2003 : RG n° 02/11174 ; Cerclab n° 3862 ; D. 2003. 762, note C. Manara (agence de voyages ; clause abusive donnant une définition de la force majeure contraire aux dispositions légales compte tenu de la généralité des termes utilisés, la clause exonérant le voyagiste de sa responsabilité « en cas de force majeure : grèves, intempéries, guerres, etc. - (...) - retard, changement d’horaires ») - CA Versailles (14e ch.), 4 février 2004 : RG n° 03/08320 ; arrêt n° 89 ; Cerclab n° 3990 ; Juris-Data n° 2004-232683 ; D. 2004. 635 ; note Avena-Robardet (téléphonie mobile ; clause abusive permettant à l’opérateur de ne pas assurer la prestation due pendant deux jours consécutifs, sans contrepartie, notamment sans indemnisation de l’abonné, alors les perturbations causées par les travaux d’entretien ou autres ne constituent pas pour elle une cause étrangère ; arrêt semblant avoir une interprétation différente de la recommandation de la Commission des clauses abusives), infirmant TGI Nanterre (1re ch. A), 10 septembre 2003 : RG n° 02/03296 ; Cerclab n° 3991 ; Juris-Data n° 2003-221400 (clause conforme à la recommandation dès lors qu’elle caractérise les types de travaux concernés, limite le temps de dérangement n’ouvrant pas droit à réparation à un délai de deux jours et indique que passé ce délai, l’abonné aura droit au remboursement d’un mois d’abonnement) - CA Grenoble (1re ch. civ.), 30 mars 2004 : RG n° 02-01082 ; Cerclab n° 5340 (vente de voiture ; la rédaction de la clause litigieuse peut faire penser au consommateur que le conflit collectif est toujours un cas de force majeure, lui laissant le choix d'accepter une augmentation éventuelle de tarif ou de résilier la commande ; clause supprimée dans la nouvelle version ; pourvoi rejeté sur ce moyen sans analyse du fond), confirmant TGI Grenoble (6e ch.), 31 janvier 2002 : RG n° 2000/03473 ; jugt n° 27 ; Cerclab n° 4375 ; Lexbase - CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 04/01207 ; arrêt n° 277 ; site CCA ; Cerclab n° 3947 (fourniture de gaz ; est abusive l’extension par contrat, des cas de force majeure reconnus par le droit positif, à des situations autres, qui étend ainsi le domaine dans lequel le professionnel peut valablement se désengager de ses obligations ; clause visant tous empêchements indépendants de la volonté des parties, tels que grève, arrêts de travail, explosions, incendies, inondations, barrières de dégel, empêchements ou interdictions de circuler des véhicules utilisés par le professionnel, guerres, émeutes, restrictions à l’importation ou l’exportation, pénuries), annulant pour des raisons de procédure TGI Nanterre (1re ch.), 4 février 2004 : RG n° 01/9240 ; site CCA ; Cerclab n° 3948 (le professionnel ne peut inclure dans un contrat d’adhésion des circonstances qui ne sont pas acceptées par la jurisprudence de la Cour de cassation comme des cas de force majeure) - TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994 (accès internet ; clause abusive qui étend l’exonération du fournisseur, tenu d’une obligation de résultat ne cédant que devant la force majeure, au cas d’« événement hors de [son] contrôle », qui n’implique pas nécessairement imprévisibilité et irrésistibilité ; jugement visant de façon erronée l’ancien art. R. 132-1 C. consom. qui était réservé aux contrats de vente) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 21 février 2006 : RG n° 04/02910 et 04/08997 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 4024 (accès internet ; clause abusive et illicite au regard des dispositions de l’ancien art. L. 121-20-3 C. consom. exonérant le professionnel, sans aucune compensation, de son obligation de résultat d’assurer un service illimité et permanent, non seulement pour force majeure mais aussi en cas de pannes ou d’interventions de maintenance nécessaires au bon fonctionnement du service et des matériels), infirmé par CA Paris (25e ch. B), 13 février 2009 : RG n° 06/06059 ; Cerclab n° 3145 (arrêt estimant que la clause avait été modifiée ou supprimée avant le jugement) - TGI Nanterre (6e ch.), 3 mars 2006 : RG n° 04/03016 ; site CCA ; Cerclab n° 3181 ; Juris-Data n° 2006-308052 (accès internet ; caractère abusif des clauses dispensant le professionnel d’exécuter ses obligations dans des circonstances qui ne relèvent pas nécessairement de la force majeure, alors que celles du consommateur sont maintenues sans aucune indemnité, quelle que soit l’importance de l’interruption du service ou de la durée de la saturation ; référence à l’art. 15-II de la loi du 21 juin 2004 ; même solution pour la clause exonérant le fournisseur pour des « faits indépendants de sa volonté ») - TGI Bordeaux (1re ch. civ.), 11 mars 2008 : RG n° 06/03703 ; Cerclab n° 2746 ; Lamyline (vente par internet ; est abusive la clause qui énumère les cas de force majeure exonérant le vendeur de sa responsabilité pour inexécution du contrat, dès lors qu’elle laisse croire au consommateur qu'aucune contestation n'est possible dans ces hypothèses, alors que certaines d’entre elles ne correspondent pas à des cas de force majeure ; selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la force majeure est vérifiée au cas par cas, et ni la grève, ni la constatation d'une catastrophe naturelle ne sont considérées comme exonérant systématiquement le prestataire de toute responsabilité ; par ailleurs, une grève des services de la Poste n'est pas un événement imprévisible et irrésistible, dans la mesure où il existe d'autres entreprises assurant le transport de colis ; clause visant notamment les « cas de grève totale ou partielle des services postaux, de transporteurs, et de catastrophes causées par inondations ou incendies ») - TI Valognes, 29 mai 2009 : RG n° 11-08-000104 ; jugt n° 50/2009 ; Cerclab n° 4212 ; Lexbase (internet avec téléphonie ; est abusive la clause exonérant le fournisseur de sa responsabilité en cas d’événements « indépendants de sa volonté »), sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 16 décembre 2010 : RG n° 09/02214 ; Cerclab n° 4213 (application stricte de l’ancien art. L. 120-20-3 C. consom., sans référence au caractère abusif) - CA Versailles (3e ch.), 9 juin 2011 : RG n° 09/09583 ; Cerclab n° 3214 (vente en l’état futur d’achèvement ; est abusive la clause d’appréciation du retard non indemnisable, notamment en raison d’intempéries, par le professionnel ou quelqu’un dépendant de lui), sur appel de TI Boulogne-Billancourt, 9 septembre 2009 : RG n° 11-09-000078 ; Dnd - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 5 juin 2015 : RG n° 13/20482 ; arrêt n° 2015-150 ; Cerclab n° 5294 (vente de voiture ; service d’appel d’urgence ; arrêt jugeant abusive la clause exonérant le constructeur par référence à la seule notion d’impératifs techniques), confirmant TGI Paris, 9 juillet 2013 : RG n° 10/13975 ; Dnd - CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 8 février 2019 : RG n° 17/05367 : Cerclab n° 8243 (téléphonie mobile ; art. 16.1 et 16.2 CG abon. : est abusive et illicite la clause relative à l’interruption des services pour force majeure dès lors que les cas visés, qui ne sont pas cités à titre illustratif, ajoutent d'autres hypothèses aux cas retenus par les tribunaux ; même solution pour l’exonération de responsabilité l’art. 12 CGV ; art. 8.3 CG Blakberry : est abusive la clause d’exonération de responsabilité de l’opérateur, en raison de formulation particulièrement générale, qui ne permet pas de retenir que les hypothèses visées sont celles qui, en droit, exonèrent l'opérateur de sa responsabilité), sur appel de TGI Nanterre (pôle civ. ch. 7), 30 mai 2017 : RG n° 13/01009 ; Dnd.

Rappr. implicitement dans le même sens : TGI Grenoble (6e ch.), 27 novembre 2003 : RG n° 2002/03140 ; jugt n° 319 ; site CCA ; Cerclab n° 3175 (location saisonnière ; clause exonérant le bailleur en cas de retard dans l’exécution des réparations nécessaires jugée abusive, sans retenir l’argument du professionnel évoquant l’impossibilité de garantir la disponibilité des professionnels en saison).

La solution a parfois été adoptée dans des contrats de vente, par des motifs généraux, ne visant pas l’ancien art. R. 132-1 C. consom. (dans sa rédaction antérieure au décret de 2009), alors que ce texte aurait pu suffire à justifier la solution. V. par exemple : CA Grenoble (1re ch. civ.), 13 septembre 1994 : RG n° 92/593 ; arrêt n° 784 ; Cerclab n° 3100 (vente de meubles ; clause abusive permettant au vendeur de « résilier » la commande en invoquant, outre la force majeure, des circonstances fortuites ou le fait d’un tiers), infirmant TGI Grenoble, 2 décembre 1991 : Dnd - TGI Grenoble (3e ch.), 1er décembre 1994 : RG n° 94/1096 ; jugt n° 473 ; Cerclab n° 3151 (vente de meubles ; dès lors qu’une clause prévoit une exonération du vendeur en cas de force majeure, il est abusif d’énumérer d’autres évènements qui ne peuvent de manière abstraite et absolue recevoir cette qualification, laquelle ne peut être retenue qu’au terme d’une appréciation par le juge des conditions d’imprévisibilité et d’insurmontabilité ; événements visés : lock-out, grève, épidémie, guerre, réquisition, inondation, vol, casse).

Elle est parfois fondée sur des textes spéciaux. V. par exemple : TGI Bobigny (7e ch. sect. 2), 21 mars 2006 : RG n° 04/04295 ; Cerclab n° 3067 (agence de voyages ; 1/ est partiellement illicite la clause exonérant le voyagiste en cas de modification des horaires, retard, annulation et autres, dès lors que si la prévision des cas de force majeure est conforme à l’art. L. 211-17 C. tourisme, celles relatives aux cas fortuits ou aux faits de tiers contreviennent à l’ancien art. R. 132-1 C. consom. ; 2/ est illicite la clause stipulant que les frais d’annulation restent acquis à l’agence en contradiction avec l’art. 101 du décret du 15 juin 1994 et avec l’art. L. 211-15 C. tourisme, dès lors que la limitation à un cas de résiliation pour un événement extérieur au contrat, interprétation revendiquée par le voyagiste, n’est pas précisée).

Clauses non abusives. Avant le décret du 18 mars 2009, les décisions écartant le caractère abusif de ce type de stipulations étaient peu nombreuses.

* Clause interprétée restrictivement dans un sens non extensif. Conformément à un raisonnement parfois utilisé, le caractère abusif peut être écarté en interprétant la clause de façon restrictive, pour considérer que les cas mentionnés doivent remplir les conditions de la force majeure et/ou qu’ils peuvent être contrôlés en ce sens par le juge. V. par exemple : TGI Grenoble (4e ch. civ.), 7 juin 2010 : RG n° 08/03679 ; site CCA ; Cerclab n° 4078 (auto-école ; clause ne réalisant pas de manière évidente une extension contractuelle de la notion de force majeure au bénéfice du professionnel, le jugement interprétant restrictivement la référence à des raisons de sécurité comme s’appliquant aux hypothèses où le défaut de sécurité est causé par un événement extérieur et non par le fait du professionnel).

* Clause non abusive en général. V. pour une décision ancienne et isolée : absence de caractère abusif d’une clause assimilant conventionnellement certaines situations à des cas de force majeure, dès lors que les parties peuvent déroger à l’ancien art. 1148 C. civ. et qu’il y a lieu de prendre en compte une logique économique qui rendrait vaine l’exécution d’une obligation à un coût déraisonnable, difficilement supportable pour le client. TGI Rennes (1re ch.), 14 décembre 1992 : RG n° 2466/91 ; arrêt n° 672 ; Cerclab n° 1771 (livraison de gaz ; clause n’apparaissant pas imposée par la puissance économique de la société et ne lui conférant pas un avantage excessif).

* Prise en compte de textes spéciaux : transport. L’ancien art. 1148 C. civ. n’était pas la référence exclusive en matière d’exonération et, notamment, certaines conventions internationales en matière de transport prévoient des causes d’exonération plus larges que le droit interne (V. ci-dessus pour le nouvel art. 1218 C. civ., qui est plus proche de ces textes). V. par exemple en matière de transport maritime : ne créé pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties la clause excluant la responsabilité du transporteur maritime au titre du retard dans l’exécution du contrat de transport pour cause de grève, y compris la grève de personnes au service de la compagnie, dès lors qu’elle n’autorise pas l’armateur à modifier unilatéralement et sans raison valable les caractéristiques de la prestation, et qu’elle vise comme cause générale d’exclusion de responsabilité, un fait, la grève, admis habituellement comme cause d’exclusion par le droit maritime (art. 27 de la loi du 18 juin 1966, convention de Bruxelles). CA Toulouse (2e ch. sect. 1), 22 mars 2007 : RG n° 05/04387 ; arrêt n° 139 ; Legifrance ; Cerclab n° 815 ; Juris-Data n° 2007-332025 (grève constituant en l’espèce un cas de force majeure, dès lors qu’elle n’a pas donné lieu à préavis, ce qui était possible pour une traversée internationale), infirmant TGI Toulouse (4e ch. cab. 1), 17 juin 2005 : RG n° 03/03074 ; jugt n° 05/422 ; Cerclab n° 777 (clause abusive : 1/ indemnisation de 40 euros dérisoire par rapport au coût du transport ; 2/ clause exonérant l’armateur pour le fait de ses préposés ; 3/ clause rédigée en caractères minuscules sur l’étui du titre de transport remis alors que le passager vient de s’acquitter du prix). § V. aussi : le fait que les horaires ne soient pas garantis et que le transporteur s’engage à faire son possible pour les respecter n’entraîne pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur, celui-ci ne pouvant ignorer les conditions d’exploitation de l’aviation commerciale relatives à la sécurité, la météorologie et à la sûreté ; par ailleurs, cette clause ne déroge pas à l’art. 19 de la convention de Montréal qui n’exonère le transporteur en cas de retard causé par une situation qui échappe à son contrôle, que s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou aurait pu raisonnablement les prendre. CA Paris (8e ch. A), 8 novembre 2007 : RG n° 06/09897 ; arrêt n° 622 ; Cerclab n° 2683 (absence de responsabilité d’une agence de voyages du fait du retard lors du vol aller, ayant en fait réduit la durée du séjour, en raison d’une panne de l’appareil qui n’a pu être remplacé compte tenu de l’affluence lors d’un départ de vacances).

* Prise en compte du particularisme du contrat : construction. Les clauses relatives au retard dans les contrats de construction sont le plus souvent présentées comme ajoutant une cause d’exonération ou fixant un mode de calcul du délai de livraison (V. ci-dessus A). Elles sont parfois présentées comme étendant les cas de force majeure, pour des conséquences similaires (V. Cerclab n° 6493).

2. CLAUSE CONCERNANT LE RÉGIME ET LES EFFETS DE LA FORCE MAJEURE

Impossibilité temporaire d’exécution : suspension du contrat. Si l’impossibilité d’exécution doit être absolue, les effets de la force majeure peuvent être, en droit commun, seulement temporaires (ex. impossibilité d’accéder en hiver à une localité). Cette situation est désormais directement abordée par le nouvel art. 1218, al. 2, C. civ., qui dispose « si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Dans ce cas, la force majeure n’a qu’un effet suspensif sur l’exécution du contrat et exonératoire quant à la responsabilité du débiteur pour retard (sur la suspension du contrat, V. plus généralement Cerclab n° 6125 pour le professionnel et Cerclab n° 6126 pour le consommateur). L’effet obligatoire du contrat reprend dès que l’empêchement a cessé.

Clause sur la suspension du contrat. N’est pas abusive la clause prévoyant la suspension du contrat en cas de force majeure. CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 04/01207 ; arrêt n° 277 ; site CCA ; Cerclab n° 3947 (fourniture de gaz), annulant pour des raisons de procédure TGI Nanterre (1re ch.), 4 février 2004 : RG n° 01/9240 ; site CCA ; Cerclab n° 3948 (même solution).

Clause prorogeant le contrat. L’impossibilité d’exécution temporaire d’un contrat successif et l’effet suspensif qui s’y attache exclut la responsabilité du professionnel qui ne peut exécuter et doit normalement s’accompagner de l’exonération corrélative du consommateur des sommes dues pendant cette période pour une prestation qui n’est pas effectuée. Les professionnels aménagent parfois cette situation de deux manières différentes :

* soit en fixant une période contractuelle, courte, pendant laquelle ils s’efforcent de remédier au problème tout en se dispensant d’indemniser le consommateur.

* soit en prenant en compte la période de suspension pour proroger le contrat d’autant. Cette clause peut avoir une influence variable sur le contrat : elle pourrait être considérée comme favorable au consommateur pour les contrats à forfait (ex. téléphonie mobile) et moins ou pas favorable pour les autres. En tout état de cause, une clause offrant une option entre prorogation et remboursement couperait court à toute contestation.

V. pour une illustration de divergence d’appréciation dans une même affaire : est abusive la clause prévoyant la prorogation du contrat en cas de force majeure. CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 04/01207 ; arrêt n° 277 ; site CCA ; Cerclab n° 3947 (fourniture de gaz ; absence de preuve que cette prolongation soit dans l’intérêt économique du consommateur), annulant pour des raisons de procédure TGI Nanterre (1re ch.), 4 février 2004 : RG n° 01/9240 ; site CCA ; Cerclab n° 3948 (jugement retenant au contraire l’absence de caractère abusif et l’existence d’un intérêt économique pour le consommateur).

V. pour la Commission des clauses abusives : la Commission recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de proroger automatiquement le contrat de la durée de suspension intervenue pour force majeure. Recomm. n° 2002-01/B-12 : Cerclab n° 2197 (vente de listes ; considérant B-12 ; arg. : clauses interdisant au consommateur de résilier le contrat, et l’obligeant à rester dans les liens de la convention sans contrepartie).

Impossibilité définitive d’exécution : résolution ou résiliation du contrat. Lorsque le contrat ne peut plus être exécuté ou lorsque l’inexécution pour force majeure se maintient pendant une durée trop longue, il peut être mis fin au contrat à l’initiative de l’une quelconque des parties et sans indemnité de part et d’autre. Le nouvel art. 1218 C. civ., alinéa 2, précise désormais clairement le régime applicable (les art. articles 1351 et 1351-1 C. civ.), ce qui supprime les hésitations antérieures quant à l’éventuelle application de l’ancien art. 1184 C. civ.

* Clauses autorisant une résiliation par le professionnel sans s’assurer du caractère définitif de l’événement. Annulation de la clause permettant au fournisseur de résilier le contrat lorsque sa suspension en raison d’un événement de force majeure se prolonge pendant plus d’un mois à compter de la date de sa survenance, dès lors qu’elle contrevient à l’art. 1218 C. civ., dont il résulte qu’en cas d’empêchement lié à un événement de force majeure temporaire, le contrat ne peut être résilié mais doit être simplement suspendu, alors qu’en outre, cette clause, qui tend à considérer qu’un événement de force majeure ne peut plus être temporaire au-delà d’une durée d’un mois à compter de sa date de survenance, n’offre la faculté de résiliation qu’au seul fournisseur et impose un délai d’un mois trop bref au regard de la prévision d’une date possible de retour à la normale. TGI Paris (ch. 1-4 soc.), 30 octobre 2018 : RG n° 13/03227 ; Cerclab n° 8256 (IV-B-3 - art. 14.3 et 16.2).

Clauses exigeant une durée minimale pour résilier. La difficulté principale examinée par les décisions recensées concerne l’appréciation des clauses exigeant une durée minimale avant de pouvoir résilier le contrat, dès lors qu’une telle durée est nécessairement variable selon les contrats (et peut-être selon les époques, la nécessité de l’accès, par exemple à certains moyens de communication tels qu’internet ou la téléphonie mobile, ayant évolué de façon très rapide).

Illustrations : téléphonie mobile. V. par exemple en matière de téléphonie mobile : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’interdire la résiliation du contrat par l’abonné, en cas d’interruption du service pour force majeure au-delà d’une durée raisonnable. Recomm. n° 99-02/34 : Cerclab n° 2193 (clauses exigeant parfois une durée d’interruption de deux mois).

N’est pas abusive la clause prévoyant un délai de quinze jours avant que l’opérateur ne résilie le contrat en cas de force majeure, dès lors que ce délai apparaît nécessaire pour lui permettre d’apprécier s’il pourra être remédié à cette situation. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038.

N’est pas abusive la clause prévoyant que le contrat peut être résilié sans indemnité en cas d’interruption du service pour force majeure au-delà d’un délai de trois mois. TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 16 mars 1999 : RG n° inconnu ; Site CCA ; Cerclab n° 4023 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (jugement donnant acte à l’opérateur de son intention de préciser que la résiliation pourra intervenir à l’initiative des deux parties).

Illustrations : accès internet. V. par exemple en matière de fourniture d’accès internet : est abusive la clause prévoyant que la résiliation du contrat pour force majeure peut intervenir au bout d’un délai de trente jours, qui apparaît excessivement long, alors qu’internet est devenu un mode de communication habituel et dans certaines hypothèses le seul moyen de réaliser certaines formalités ou d’obtenir l’accès à certains services ou informations. TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994 (clause au surplus difficilement conciliable avec la clause relative aux justes motifs de résiliation du client, qui inclut les cas de force majeure, sans imposer de durée). § La Commission des clauses abusives recommande l’élimination, dans les contrats de fourniture d’accès internet à titre onéreux, des clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter la possibilité pour l’abonné de tirer les conséquences de la force majeure en ne lui permettant de résilier le contrat que lorsque celle-ci a atteint une durée excessivement longue. Recomm. n° 03-01/II-19° : Cerclab n° 2200 (fourniture d’accès internet ; considérant ; clauses évoquées pouvant aller jusqu’à plusieurs mois, ce qui, dans ce secteur tout spécialement, est excessivement long).

* Droit de résiliation subordonné au paiement d’une indemnité. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de subordonner, en cas de force majeure ou d’inexécution par le professionnel de ses obligations, la résiliation du contrat par le consommateur au paiement d’une indemnité contractuelle au profit du professionnel. Recomm. n° 01-02/7° : Cerclab n° 2196 (recommandation générale sur la durée des contrats).

Impossibilité définitive d’exécution : conséquences pour les obligations du consommateur. Le professionnel qui peut invoquer valablement un cas de force majeure pour s’exonérer de ses obligations n’encourt aucune responsabilité pour inexécution. Par application de la théorie des risques (V. aussi plus généralement Cerclab n° 6124), il ne peut obliger le consommateur à continuer à exécuter ses obligations, qui seraient dès lors dépourvues de toute contrepartie.

Décret du 18 mars 2009. Cette solution peut désormais être directement fondée sur les termes de l’art. R. 212-1-5° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-1-5° C. consom. dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sauf pour la protection des non-professionnels transférée à l’art. R. 212-5 C. consom.), qui dispose qu’est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service ».

Pour une illustration : serait abusive, en application de l’ancien art. R. 132-1-5° [R. 212-1-5°] C. consom., la clause d’un contrat de soutien scolaire, se présentant comme un contrat de travail conclu par l’intermédiaire de la société entre un consommateur employeur et un enseignant salarié, si elle prévoyait que les coupons d’une heure acquis par le consommateur ne sont pas remboursables dans le cas où les cours n’ont pas été dispensés, aucun salaire n’étant dû dans ce cas. CA Paris (pôle 4 ch. 9), 17 juin 2010 : RG n° 08/15550 ; Cerclab n° 3440 (enseignant ayant donné trois cours sur les quatre-vingt-seize et n’ayant pas été remplacé ; interprétation a contrario de l’arrêt, la cour estimant, après examen des conditions générales, qu’aucune clause ne prévoit l’absence de remboursement), sur appel de TI Paris (16e arrdt), 8 juillet 2008 : RG n° 11-08-000184 ; Dnd.

N'est pas abusive, au regard des dispositions de l’ancien art. R. 132-1-6° [R. 212-1-6°] C. consom., la clause qui permet au consommateur de choisir soit le remboursement de son billet, soit la modification d'horaire envisagée uniquement pour des motifs indépendants de la volonté du transporteur, ce qui exclut que ce dernier ait eu la possibilité de maintenir l'horaire initial. CA Paris (pôle 2 ch. 2), 17 octobre 2014 : RG n° 13/09619 ; Cerclab n° 4906 (transport aérien), infirmant TGI Bobigny, 26 avril 2013 : RG n° 09/06829 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-18970 ; arrêt n° 496 ; Cerclab n° 6849 (clause non examinée).

Droit antérieur. Antérieurement au décret du 18 mars 2009, la qualification de clause abusive pouvait déjà s’appuyer sur l’annexe 1.o) de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. qui faisait figurer parmi les clauses susceptibles d’être déclarées abusives celles ayant pour objet ou pour effet « d’obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’exécuterait pas les siennes ».

Consommateur privé d’une faculté de remboursement. * Principe du remboursement. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses qui ont pour objet ou pour effet d’exonérer le professionnel, lors de l’interruption partielle ou totale du service pour cas de force majeure, de son obligation de rembourser le prix ou la fraction de prix correspondant à la durée de l’interruption. Recomm. n° 86-02 : Cerclab n° 2156 (remontées mécaniques ; considérant n° 6 : même en cas de force majeure tels que l’interruption des fournitures d’électricité ou de circonstances atmosphériques exceptionnelles, l’exploitant devrait être tenu au remboursement du prix payé par le consommateur) - Recomm. n° 97-01/B-24-f : Cerclab n° 2166. (télésurveillance ; considérant n° 34 ; caractère abusif de la clause prévoyant en toutes circonstances la poursuite des paiements même pendant la durée de remplacement du matériel détruit ou perdu) - Recomm. n° 01-01/6° : Cerclab n° 2195 (abonnement à un service des eaux ; caractère abusif des clauses ayant pour objet ou pour effet de fixer, en cas d’interruption de la distribution résultant de la force majeure ou de travaux, un seuil excédant celui de quarante-huit heures consécutives pour ouvrir, au consommateur, droit à la réduction de sa redevance d’abonnement au prorata du temps de non-utilisation) - Recomm. n° 10-01/III-21° : Cerclab n° 2208 (: caractère abusif, dans les contrats de prestations de cours à domicile et de mandat de soutien scolaire, des clauses ayant pour objet ou pour effet de priver le non-professionnel ou le consommateur de toute restitution du prix versé, même en cas de révocation du mandat pour motif légitime ou raison de force majeure).

* Limitation du remboursement (franchise). La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter l’indemnité due par le professionnel au montant de l’abonnement pendant la durée de l’interruption avec une franchise excessive. Recomm. n° 98-01/10° : Cerclab n° 2191 (télévision par câble et à péage ; considérant n° 15 ; recommandation évoquant l’indemnisation sous forme de crédit d’abonnement correspondant à la durée de l’interruption avec une franchise de huit jours, stipulation qui limite substantiellement le droit à réparation du consommateur).

* Modalités du remboursement. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses qui ont pour objet ou pour effet d’imposer à l’usager, à titre de dédommagement ou de remboursement, une compensation sous la forme d’une prolongation de la validité du titre d’accès aux installations. Recomm. n° 86-02 : Cerclab n° 2156 (remontées mécaniques ; considérant n° 7 : les modalités imposées à l’usager supposent que le consommateur pourra prolonger son séjour dans la station).