CA DIJON (1re ch. civ.), 6 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3295
CA DIJON (1re ch. civ.), 6 septembre 2011 : RG n° 10/00754
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que le fait que le contrat donne une définition spécifique de la qualité de tiers et n'attribue pas celle ci à toute personne autre que celles bénéficiant de la qualité d'assuré n'est pas de nature à induire en erreur le souscripteur sur l'étendue de la garantie souscrite dès lors que les définitions données sont claires ; qu'il en est de même de l'intitulé responsabilité civile familiale mentionnée dans les conditions particulières qui ne peuvent se comprendre comme garantissant les dommages occasionnés à la famille de l'assuré ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu à interprétation des dispositions contractuelles précitées qui stipulent clairement que n'entrent pas dans la garantie les dommages causés aux ascendants et descendants de l'assuré pour des faits engageant la responsabilité de ce dernier ;
Attendu sur le second point que l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que contrairement à ce soutiennent les appelants, la définition de tiers rappelée ci dessus n'écarte du bénéfice du contrat qu'un nombre limité de personnes dont font partie les membres très proches de la famille de l'assuré sans réduire de manière excessive le champ d'application de la garantie qui demeure acquise pour tous les autres tiers ; qu'il ressort de deux réponses ministérielles produites aux débats que l'exclusion dans les polices multirisques habitation de la garantie des dommages que peuvent s'occasionner les membres proches de la famille s'explique notamment par le risque de fraude ; que la recommandation de la commission des clauses abusives, précise que l'exclusion des dommages subis par les membres de la famille proche peut s'expliquer par le souci d'éviter la fraude mais doit être clairement exprimée, ce qui est le cas en l'espèce, la définition de tiers donnée par le contrat énumérant de manière précise et limitative les proches de la famille dont les dommages ne sont pas couverts : ascendants et descendants de l'assuré ;
Attendu qu'il n'est donc pas établi que les dispositions contractuelles litigieuses aient eu pour effet de créer un déséquilibre manifeste entre l'assureur et le souscripteur du contrat ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de les déclarer abusives ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/00754. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 14 DÉCEMBRE 2009, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON : RG 1ère instance n° 08/166.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame Y.
née le [date] à [ville]
demeurant tous deux [adresse], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, A. C. X., née le [date] à [ville], représentés par Maître Philippe G., avoué à la Cour, assistés de Maître Béatrice P., membre de la SELARL N. P., avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
LA COMPAGNIE D'ASSURANCES MACIF
ayant son siège [adresse], représentée par la SCP A. ET G., avoués à la Cour, assistée de Maître F., membre de la SCP D. - P. - P. - B. - F., avocats au barreau de DIJON
LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DE LA CÔTE D'OR - MSA
représentée par Maître Philippe G., avoué à la Cour,
LA COMPAGNIE D'ASSURANCES UNIO
ayant son siège [adresse], non comparante, ni représentée
Monsieur H. X.
né le [date] à [ville], demeurant [...], représenté par la SCP F. T. ET S., avoués à la Cour, assisté de la SCP M.- S., avocats au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame ARNAUD, Président de chambre et Madame VIGNES, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de : Madame ARNAUD, Président, Madame VIGNES, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du Président, Monsieur BESSON, Conseiller, assesseur,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame THIOURT,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
SIGNÉ par Madame ARNAUD, Président de chambre, et par Madame GRANDI-COURCHE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS :
Le 30 décembre 1995, un incendie est survenu au domicile de M. H. X., au cours duquel Mesdames C. et M.-Th. X. ainsi que J. X. sont décédés et Mlle A. X. a été grièvement blessée.
Par acte du 9 janvier 2009, M. X. et Mme F., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille A., ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Dijon, en indemnisation, la Compagnie MACIF, en qualité d'assureur responsabilité civile de M. H. X., la MSA de la Côte d'Or et la Compagnie UNIO.
La MACIF a contesté la responsabilité de son assuré et opposé aux demandeurs une clause contractuelle, limitant sa garantie aux dommages causés aux tiers, qualité dont ils ne disposent pas.
Par jugement rendu le 14 décembre 2009, le tribunal a :
- débouté les demandeurs,
- dit le jugement opposable à M. H. X. et débouté ce dernier de ses prétentions.
M. X. et Mme Y. ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 1er décembre 2010, ils concluent à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a considéré que M. H. X. avait commis une faute au sens de l’article 1384 alinéa 2 du code civil, engageant sa responsabilité et son infirmation sur ses autres dispositions.
Ils demandent à la Cour de retenir la garantie de la MACIF et de la condamner en réparation de leurs préjudices à verser :
- à M. X. les sommes de :
* 50.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de son fils J. X.
* 25.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de sa mère Mme M.-Th. X.
* 15.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de sa grand-mère, Mme C. X.,
- à Melle Y. la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de son fils J. X.,
- à M. X. et Melle Y. la somme de 10.000 euros à titre provisionnel à valoir sur leur préjudice matériel,
- à M. X. et Melle Y. agissant en qualité de représentant de leur fille mineure A. X. les sommes de :
- 20.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de son frère J. X.,
- 10.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de Mme M.-Th. X., sa grand-mère,
- 5.000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du décès de Mme C. X., son arrière grand-mère,
- 7.000 euros au titre de l'indemnité provisionnelle à valoir sur son préjudice corporel.
Ils réclament l'instauration d'une mesure d'expertise médicale d'A. X., et demandent à la Cour de réserver l'indemnisation de leur préjudice moral du fait des blessures subies par leur fille.
Ils sollicitent enfin que l'arrêt soit déclaré opposable à l'organisme social et la condamnation de la MACIF au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures déposées le 3 décembre 2010, M. H. X. s'en rapporte à justice quant à l'appréciation que fera la Cour de sa responsabilité et conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a écarté la garantie de son assureur et demande la condamnation de la MACIF à indemniser les appelants de leurs préjudices et de celui subi par leur fille mineure A.
Dans ses dernières écritures déposées le 15 septembre 2010, la MACIF conclut à la réformation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. H. X. et à la confirmation dans ses autres dispositions.
Dans ses écritures déposées le 8 février 2011, la MSA de Bourgogne s'associe à la demande des appelants. Elle produit aux débats l'état des débours exposés pour A. X. et sollicite la condamnation de la MACIF à lui payer une indemnité provisionnelle d'un montant de 542.539,75 euros.
La Compagnie UNIO assignée par acte délivré le 16 juillet 2010 à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la responsabilité de M. H. X. :
Attendu que les expertises effectuées dans le cadre de l'enquête et de l'information ouverte suite à l'incendie survenu au domicile de M. X. ont mis en évidence qu'il avait pris naissance au niveau du tableau électrique d'abonnement situé dans le hall d'entrée ; qu'il s'explique par un échauffement localisé sur une barrette de répartition de neuf fusibles installée par M. X. ou à sa demande, sur le tableau EDF, échauffement accentué par la pose à son initiative d'un capot sans ouïes d'aération ; que tant le rajout du tableau de répartition que la pose d'un capot hermétique sont contraires aux règles de l'art ;
Attendu que contrairement à ce que soutient la MACIF, les constatations et explications techniques fournies par les experts établissent que l'incendie a pris naissance dans une partie de l'immeuble dont M. H. X. avait la garde et qu'il trouve sa cause, comme l'exige l’article 1384 alinéa 2 du code civil, dans une faute qu'il a commise en procédant à des ajouts sur le compteur EDF non conformes au règles de l'art ; que la décision déférée retenant sa responsabilité doit donc être confirmée ;
Sur l'action en garantie de M. X. et de Mme F. à l'égard de la MACIF :
Attendu que M. H. X. a souscrit auprès de la MACIF un contrat « Multigarantie vie privée » couvrant notamment sa responsabilité civile familiale ;
Attendu que pour contester que les appelants puissent bénéficier de la garantie due au titre de ce contrat, la MACIF fait valoir qu'elle ne s'applique que pour les dommages subis par les « tiers » et qu'au regard de la définition contractuelle donnée par les conditions générales du contrat ils ne disposent pas de cette qualité ;
Attendu que les conditions générales du contrat énoncent au chapitre « protection de l'assuré » responsabilités civiles :
- article 23 : « est garanti : les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous même ou toute personne ayant la qualité d'assuré pouvez encourir à l'égard des tiers pour les dommages qu'ils ont subis de votre fait soit d'un certain nombre d'autres faits énumérés »,
Attendu que la page 53 des conditions générales définit « qui a la qualité d'assuré et qui a la qualité de tiers », en précisant pour cette dernière « toute personne autre que :
- l'assuré défini ci-dessus,
- les ascendants et descendants de l'assuré,
- les préposés et salariés lorsqu'ils sont dans l'exercice de leur fonction, »
Attendu que pour s'opposer à l'application de ces dispositions contractuelles qui déterminent les conditions de la garantie due par l'assureur, les appelants soutiennent qu'elles présentent un caractère ambigu qui impose une interprétation dans le sens le plus favorable aux consommateurs et sont constitutives de clauses abusives ;
Attendu sur le premier point que contrairement à ce que soutiennent les appelants, les termes employés pour définir les qualités d'assuré et de tiers sont clairs et facilement compréhensibles ; que la présentation de ces définitions dans la page qui précède immédiatement la description du contenu de la garantie n'est pas susceptible de créer un doute sur l'étendue de celle-ci mais au contraire permet d'en comprendre les limites ;
Attendu que le fait que le contrat donne une définition spécifique de la qualité de tiers et n'attribue pas celle ci à toute personne autre que celles bénéficiant de la qualité d'assuré n'est pas de nature à induire en erreur le souscripteur sur l'étendue de la garantie souscrite dès lors que les définitions données sont claires ; qu'il en est de même de l'intitulé responsabilité civile familiale mentionnée dans les conditions particulières qui ne peuvent se comprendre comme garantissant les dommages occasionnés à la famille de l'assuré ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu à interprétation des dispositions contractuelles précitées qui stipulent clairement que n'entrent pas dans la garantie les dommages causés aux ascendants et descendants de l'assuré pour des faits engageant la responsabilité de ce dernier ;
Attendu sur le second point que l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que contrairement à ce soutiennent les appelants, la définition de tiers rappelée ci dessus n'écarte du bénéfice du contrat qu'un nombre limité de personnes dont font partie les membres très proches de la famille de l'assuré sans réduire de manière excessive le champ d'application de la garantie qui demeure acquise pour tous les autres tiers ; qu'il ressort de deux réponses ministérielles produites aux débats que l'exclusion dans les polices multirisques habitation de la garantie des dommages que peuvent s'occasionner les membres proches de la famille s'explique notamment par le risque de fraude ; que la recommandation de la commission des clauses abusives, précise que l'exclusion des dommages subis par les membres de la famille proche peut s'expliquer par le souci d'éviter la fraude mais doit être clairement exprimée, ce qui est le cas en l'espèce, la définition de tiers donnée par le contrat énumérant de manière précise et limitative les proches de la famille dont les dommages ne sont pas couverts : ascendants et descendants de l'assuré ;
Attendu qu'il n'est donc pas établi que les dispositions contractuelles litigieuses aient eu pour effet de créer un déséquilibre manifeste entre l'assureur et le souscripteur du contrat ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de les déclarer abusives ;
Attendu qu'en application des conditions générales du contrat souscrit par M. H. X., seuls les dommages subis par ses ascendants et descendants ne sont pas garantis par la MACIF ; que cette dernière doit en revanche couvrir ceux subis par Mme Y., mère des enfants J. et A., qui a la qualité de tiers au sens du contrat ;
Attendu qu'aux termes de ses écritures elle réclame en réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait du décès de son fils Josselin âgé d'un an décédé dans l'incendie ; que compte tenu des circonstances dans lesquels ce décès est intervenu, il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 25.000 euros ;
Attendu qu'elle réclame également la somme de 10.000 euros à titre provisionnel et à valoir sur la réparation du préjudice matériel qu'elle a subi du fait des frais qu'elle a du exposer pour répondre à l'état de santé de sa fille à raison des brûlures qu'elle a présentées ; mais attendu qu'elle ne produit aux débats aucun élément justifiant de ces dépenses ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande de provision ;
Attendu qu'enfin il n'y a pas lieu de statuer sur les réserves qu'elle forme relativement à l'indemnisation de son préjudice moral du fait des blessures subies par sa fille A., l'expression de réserves ne constituant pas une demande ;
Attendu que l'appel de Mme X. ayant abouti devant la Cour la MACIF sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; qu'elle sera en outre condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme Y. de sa demande en indemnisation de son préjudice personnel,
Infirmant la décision sur ce point, statuant de nouveau et ajoutant :
Dit que l'incendie survenu le 30 décembre 2005 au domicile de M. H. X. engage sa responsabilité civile,
Dit que son assureur la Compagnie la MACIF doit garantir les dommages subis par Mme Y. consécutivement à cet incendie,
Condamne la Compagnie la MACIF à payer à Mme Y. en réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait du décès de son fils J. la somme indemnitaire de 25.000 euros,
Déboute Mme Y. de sa demande en paiement d'une provision à valoir sur le préjudice matériel résultant des frais qu'elle a dû exposer pour faire face aux soins requis par l'état de santé de sa fille A.,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les réserves formulées par Mme Y. relativement à l'indemnisation de son préjudice moral du fait des blessures subies par sa fille A.,
Condamne la Compagnie la MACIF à payer à Mme Y. la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Compagnie la MACIF aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par Me G. conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
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