CA ANGERS (1re ch. A), 13 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3319
CA ANGERS (1re ch. A), 13 septembre 2011 : RG n° 10/02418
Publication : Jurica
Extrait : « Aux termes de l'article L. 132-2 du code de la consommation, la commission des clauses abusives a pour mission de donner des avis et d'émettre des recommandations, lesquels sont dépourvus de portée normative. Aucune clause abusive n'est invoquée par l'appelant, seulement le non-respect de la recommandation n° 82-03 du 14 mai 1982 concernant les contrats d'installation de cuisine. Ce fondement ne peut donc être retenu.
Les manquements allégués seront examinés au regard du droit général des contrats, et notamment des articles 1184 et 1147 du code civil, puisque l'appelant sollicite la résolution du contrat du 3 novembre 2006 à titre principal et des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis à titre subsidiaire. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/02418. Jugement du 7 juin 2010 du Tribunal de Grande Instance d'ANGERS : inscription au RG de première instance R.G. n° 08/02233.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour, assisté de Maître Philippe HUVEY, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉE :
La Société TOTAL CONSORTIUM CLAYTON
représentée par la SCP GONTIER - LANGLOIS, avoués à la Cour, assistée de Maître Jean-Claude SULTAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 31 mai 2011 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame VERDUN, conseiller faisant fonction de président en application de l'ordonnance du 3 janvier 2011, Madame RAULINE ayant été entendue en son rapport et Madame LECAPLAIN-MOREL, conseillers, qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF, lors du prononcé Monsieur BOIVINEAU.
ARRÊT : contradictoire. Prononcé publiquement le 13 septembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. Signé par Madame VERDUN, président, et par Monsieur BOIVINEAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 3 novembre 2006, lors d'un salon, monsieur X. a signé avec la société Total Consortium Clayton un bon de commande portant sur des meubles de cuisine de marque Linea Quattro et des appareils ménagers au prix de 34.100 euros, ainsi qu'un contrat de pose au prix de 1.800 euros, hors frais d'électricité et de plomberie. Ces documents étaient accompagnés d'un devis descriptif n° 409 et d'un plan de la cuisine signé par monsieur X.. La livraison était prévue pour la deuxième quinzaine de janvier et l'achèvement des travaux de pose début février, un acompte de 10.000 euros étant versé par ce dernier.
Par une lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2007, monsieur X. a mis en demeure la société Total Consortium Clayton d'achever les travaux et de remédier aux non-conformités et malfaçons qu'il énumérait. Il a fait dresser un constat de ceux-ci et des non finitions par maître B., huissier de justice à Angers, les 14 et 24 mai suivant et le 8 juin, il a saisi le président du tribunal de grande instance d'Angers statuant en référé aux fins d'expertise.
Par une ordonnance du 30 août 2007, ce magistrat a ordonné une expertise et commis monsieur Z.. L'expert a déposé son rapport le 25 avril 2008.
Par acte d'huissier en date du 4 août 2008, monsieur X. a fait assigner la société Total Consortium Clayton devant le tribunal de grande instance d'Angers sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil et de la recommandation n° 82-03 de la commission des clauses abusives pour entendre prononcer la résolution de la vente, condamner cette dernière à lui restituer 29.000 euros correspondant au montant des sommes versées et à lui payer 25.000 euros à titre de dommages-intérêts et 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et pour être autorisé à publier le jugement dans cinq périodiques de son choix aux frais de la défenderesse.
La société Total Consortium Clayton a conclu au débouté et sollicité, à titre reconventionnel, le paiement de 7.020 euros au titre du solde de la commande, de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de procédure.
Par un jugement du 7 juin 2010, le tribunal a :
- débouté monsieur X. de sa demande en résolution du contrat,
- condamné la société Total Consortium Clayton à lui payer 8.215,50 euros à titre de dommages-intérêts et 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné monsieur X. à payer à la société 7.020 euros au titre du solde avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2007 et la capitalisation des intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Total Consortium Clayton aux dépens comprenant les frais d'expertise.
Monsieur X. a interjeté appel de cette décision le 29 septembre 2010.
Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions du 26 mai 2011, monsieur X. demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- prononcer la résolution de la vente du 3 novembre 2006 et condamner la société Total Consortium Clayton à lui rembourser la somme de 29.000 euros,
- lui donner acte de ce qu'il tient à la disposition de la société Total Consortium Clayton les marchandises livrées en exécution du marché, lesquelles seront démontées par un cuisiniste de métier aux frais de cette dernière,
- débouter la société Total Consortium Clayton de toutes ses demandes,
- le décharger des condamnations prononcées à son encontre,
- subsidiairement, dire que le solde du prix de vente n'est pas exigible en raison de l'inachèvement de l'ouvrage et débouter la société Total Consortium Clayton de sa demande,
- en toute hypothèse, condamner la société Total Consortium Clayton à lui payer 25.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois périodiques de son choix aux frais de la société,
- condamner la société Total Consortium Clayton à lui payer 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il expose qu'il a acheté une cuisine « haut de gamme », que les marchandises lui ont été livrées le 24 mars 2007 au lieu de la deuxième quinzaine de janvier, et de manière incomplète, la dernière livraison ayant lieu le 16 avril, que les travaux se sont déroulés du 26 au 30 mars puis du 16 au 19 avril, date à laquelle l'intimée a abandonné le chantier pour se rendre à un salon, qu'il a dénoncé de nombreuses non conformités et malfaçons par deux courriers, mettant la société en demeure d'y remédier et de les achever mais qu'elle a démenti tout désordre.
Il rappelle que la livraison et l'installation d'une cuisine forment un tout indivisible qui sont réglementés par une recommandation de la commission des clauses abusives du 14 mai 1982 et fait valoir qu'en tout état de cause, ayant signé un contrat d'entreprise, les dispositions du code civil ont vocation à s'appliquer. Il dément avoir conclu un contrat de pose avec monsieur H., comme le suggère l'intimée. Il soutient qu'en violation de la recommandation, la commande ne comporte pas en annexe un plan détaillé avec les cotes ni la description détaillée des travaux nécessaires à l'installation mais seulement un plan rédigé au salon sur la base d'un croquis préparé par lui, sans les cotes, manquement qui est à l'origine des désordres ultérieurs, que le contrat ne fait pas référence aux garanties légales, que les échéances ne se rapportent pas à une prestation précise et que la date de démarrage et la durée des travaux ne sont pas mentionnés. Il conteste avoir reçu des plans le 18 novembre 2006, soulignant qu'il n'aurait pas manqué de relever plusieurs anomalies flagrantes. Il ajoute que, début février, date contractuelle d'achèvement des travaux, aucun meuble n'avait encore été livré et que l'intimée a interrompu les travaux le 19 avril sans les achever, de sorte qu'elle n'a pas non plus respecté le délai contractuel.
Il fait état des documents publicitaires qui vantent le savoir-faire et le haut niveau de prestations de l'intimée. Or, les défauts et les malfaçons sont très nombreux, décrits par l'huissier de justice et l'expert judiciaire. Il ajoute que si, pris isolément, ils paraissent peu graves, leur accumulation donne à la cuisine un aspect peu soigné et peu pratique. Il qualifie d'affirmation calomnieuse l'allégation selon laquelle il aurait eu recours à des non-professionnels pour exécuter les travaux préparatoires.
Il estime avoir été trompé et précise qu'amateur de belles cuisines, il n'aurait jamais contracté s'il avait su que l'intimée ne respectait pas ses promesses. Ayant perdu confiance, il s'oppose à ce qu'elle intervienne à nouveau. Il réitère sa demande en résolution en raison de la gravité des manquements, subsidiairement, une indemnisation à hauteur des préjudices qu'il a subis. Il demande la publication de l'arrêt pour informer le public de l'incompétence de l'intimée. Il considère que la demande en paiement du solde des travaux est irrecevable si la résolution est prononcée, à défaut, mal fondée en raison de l'inachèvement des travaux qui le conduiront à faire appel à un autre professionnel.
Par conclusions du 24 mai 2011, la société Total Consortium Clayton demande à la cour de débouter monsieur X. de son appel, de faire droit à son appel incident et de :
- lui donner acte de ce qu'elle est offrante de réaliser les travaux de menus réglages tels que préconisés par l'expert judiciaire et qu'elle chiffre à 769 euros,
- à défaut lui donner acte qu'elle se reconnaît débitrice de cette somme,
- débouter monsieur X. du surplus de ses demandes et la décharger des condamnations prononcées contre elle,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné monsieur X. à lui payer 7.020 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2007 et la capitalisation des intérêts,
- l'infirmant, le condamner à lui payer 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, dilatoire et vexatoire,
- condamner monsieur X. à lui payer 3.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Elle expose que l'appelant lui avait fourni les plans d'installation de sa future cuisine, que les dimensions ont été contrôlées le 8 novembre 2006, que ce dernier n'a pas cru bon de valider les plans d'exécution qu'elle lui avait envoyés le 18 novembre, qu'il lui a demandé de retarder la livraison fin mars car il partait en voyage, que les travaux ont été interrompus le 30 mars car il partait à nouveau en vacances, que le 10 avril, il a sollicité des modifications par rapport aux plans, qu'il a refusé de signer le procès-verbal de réception le 19 avril alors que les travaux étaient achevés, seule manquant la miroiterie, qu'il a également refusé qu'elle vienne réaliser les menus réglages et les finitions. Selon elle, monsieur X. utilise la cuisine sans la moindre difficulté depuis quatre ans et ne cherche qu'à battre monnaie.
Elle conteste être soumise à la recommandation de la commission des clauses abusives et invoque les documents contractuels qui mentionnent uniquement la fourniture et la pose de meubles, à l'exclusion de tous travaux. Elle répond que les retards sont imputables aux congés de l'appelant et à ses exigences, le qualifiant de « client difficile », et à son refus de toute nouvelle intervention de sa part pour les terminer. Elle fait valoir que l'expert judiciaire n'a relevé aucune malfaçon, seulement des réglages ou des finitions, la cuisine étant conforme à sa destination. Elle sollicite la confirmation du jugement, sauf sur le montant des dommages-intérêts qu'elle juge excessif. Elle critique l'évaluation de monsieur Z. et fournit la sienne qui est de 769 euros. Elle indique que le remboursement de 29.000 euros n'est pas justifié et demande à la cour de le limiter à 21.200 euros. Elle déclare qu'elle a onze magasins en France, ce qui signifie qu'elle possède savoir-faire et compétence, et qu'elle est titulaire de la norme AFAQ/AFNOR, synonyme de satisfaction des clients.
Sur le solde des travaux, elle indique que cette somme lui est due car c'est l'appelant qui l'a empêchée de faire les travaux de finition alors que le poseur réside à 5 minutes de son domicile et qu'il était facile de prendre un rendez-vous mais qu'il n'a eu de cesse depuis le démarrage du chantier de multiplier les difficultés en tout genre.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1°) Sur le fondement juridique de la demande :
Aux termes de l'article L. 132-2 du code de la consommation, la commission des clauses abusives a pour mission de donner des avis et d'émettre des recommandations, lesquels sont dépourvus de portée normative. Aucune clause abusive n'est invoquée par l'appelant, seulement le non-respect de la recommandation n° 82-03 du 14 mai 1982 concernant les contrats d'installation de cuisine. Ce fondement ne peut donc être retenu.
Les manquements allégués seront examinés au regard du droit général des contrats, et notamment des articles 1184 et 1147 du code civil, puisque l'appelant sollicite la résolution du contrat du 3 novembre 2006 à titre principal et des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis à titre subsidiaire.
2°) Sur la demande de résolution du contrat :
Aux termes de l'article 1184 du code civil, « la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement ». La partie qui demande la résolution doit établir que son cocontractant n'a pas exécuté ses engagements, quelle qu'en soit la cause, peu important que cette inexécution ne lui ait pas causé de préjudice. Le juge apprécie la sanction appropriée en fonction de la gravité des manquements et, le cas échéant, le caractère sérieux de l'offre d'exécution du cocontractant.
En l'espèce, deux contrats distincts ont été signés par les parties, un bon de commande pour la fourniture et la livraison de la cuisine assorti d'un devis descriptif et un contrat de pose, celle-ci étant effectuée par un menuisier agréé par l'intimée. L'appelant est fondé à soutenir qu'il s'agit d'un contrat d'entreprise régi par l'article 1787 du code civil et d'une seule et même opération indivisible, à savoir la conception, la fourniture, la livraison et l'installation de la cuisine, qui découle du métier de cuisiniste revendiqué par l'intimée dans son dépliant publicitaire (pièce 5 de l'appelant).
A ce titre, la société Total Consortium Clayton était tenue à une obligation de résultat dont elle ne peut s'exonérer qu'en démontrant l'existence d'une cause étrangère. En qualité de professionnelle, elle était également tenue à un devoir d'information et de conseil à tous les stades du contrat, y compris à la faveur des modifications souhaitées par ce dernier en cours d'exécution.
Il ressort du rapport que :
- la livraison, prévue le 22 janvier 2007, a été retardée en raison d'un problème d'exécution de la laque ; elle a eu lieu le 24 mars car les époux X. partaient en voyage le 28 février pour 3 semaines ; le réfrigérateur a été livré le 16 avril ; la société Total Consortium Clayton a interrompu le chantier le 19 avril ; à cette date, selon l'expert, la cuisine était utilisable ;
- monsieur Z. a relevé les désordres suivants : le panneau du placard à droite du réfrigérateur est rayé et doit être changé ; la porte coulissante doit être réglée et un arrêt intérieur posé pour ne pas buter dans le réfrigérateur ; il note que le dépassement de celui-ci est normal (page 13) tout en indiquant que l'intimée n'a pas pris en compte l'espace ventilation (page 26) et en préconisant la pose d'un « fileur » sur le côté (une plaque assortie aux placards) ; la tablette et la crédence au-dessus de l'évier n'ont pas été posées ; la douchette de l'évier se bloque à cause du contrepoids qui doit être refixé ; s'agissant du robinet, le changement du filtre est difficile et suppose d'enlever un tiroir, ce qui peut être modifié en déplaçant la cartouche à côté du siphon ; le placard au dessous du four est difficile d'accès (il faut se baisser et attraper le bas du placard au ras du sol), l'expert suggérant la pose d'une « touche slash » pour y remédier ; les portes du placard à droite de la hotte ne sont pas d'aplomb et nécessitent un réglage ; un bloc deux tiroirs a été posé sous la plaque électrique au lieu d'un bloc trois tiroirs, l'expert indiquant que monsieur X. n'explique pas en quoi cela pose un problème et donnant acte à la société qu'il s'agit d'une moins-value à prendre en compte dans le décompte final (ce qu'elle ne fera pas) ; les équipements de la huche à pain et du porte-bouteilles manquent et devront être livrés ; trois prises électriques ne sont pas posées, les fils étant apparents ; un baldaquin avec quatre spots était prévu, il en comporte trois, un autre prévu avec quatre spots en comporte cinq, l'expert concluant à la nécessité de les changer ; le plot central ne correspond pas à ce qui a été prévu : il manque 5 cm sur un côté, la hauteur n'est pas la même que celle des autres plans de travail et la distance entre les pieds ne permet pas le passage de chaises ; il existe des bavures de peinture sur le joint d'une porte ; le profilé alu permettant l'ouverture des portes est brut de tronçonnage, les arêtes, coupantes, devant faire l'objet d'un ponçage.
La cour ne partage pas l'avis de l'expert sur le dépassement du réfrigérateur : il est de 14,5 cm d'après l'huissier de justice, ce qui excède à la fois ce qui était prévu sur le plan signé par l'appelant et ce qui est habituellement admis, rendant cette partie de la cuisine inesthétique ainsi que cela ressort des nombreuses photographies versées aux débats. L'appelant est fondé à qualifier de « maquillage inélégant » la proposition de l'expert, de surcroît non conforme à ce qu'il avait commandé.
De même, les retards sont imputables à l'intimée puisque la livraison n'a pu avoir lieu le 22 janvier à cause d'un problème de laquage et que les travaux ont été interrompus le 30 mars parce que le réfrigérateur n'avait toujours pas été livré. Elle ne peut en reporter la responsabilité sur l'appelant le 28 février, date de son départ en voyage pour trois semaines, à laquelle la cuisine était censée être livrée et posée.
Enfin, le débat sur l'envoi ou non des plans à monsieur X. n'est pas « stérile » puisqu'il met en évidence un autre manquement de l'intimée. En effet, elle ne produit pas les plans signés par lui, comme elle le lui demandait dans un courrier du 18 novembre 2006, et dans une note du 31 mars 2007, le poseur mentionne, parmi les doléances du client, la 'non connaissance et discussion des plans de pose'. Il incombait à l'intimée de s'assurer de la validation de ces plans par le client avant d'entreprendre la pose.
Par ailleurs, c'est à tort que l'expert n'a pas retenu trois autres désordres :
- la crédence ne rejoint pas la hotte, ce qui est inesthétique (cf. les photographies intégrées au rapport et celle du constat d'huissier) ; la raison en est due au fait que monsieur X., en raison de sa taille, a demandé au poseur de surélever la hotte de 5 cm ; l'un des intérêts de choisir une cuisine sur mesure est précisément d'avoir des meubles et des équipements à sa taille lorsqu'elle n'est pas conforme à celle de la majorité des gens ; l'intimée savait que c'était le cas de monsieur X. puisque les plans de travail ont une hauteur de 94 cm ; il incombait également au poseur de prévenir le client des conséquences de sa demande, ce que l'intimée ne justifie pas ni même n'allègue avoir fait ;
- l'expert ne pouvait écrire que l'éclat sur la bordure du plan de travail avait une origine indéterminée après avoir relevé qu'il provenait de la chute d'un outil pendant la pose et avait été camouflé par une pâte à joints ; cet éclat est très visible compte tenu de son emplacement, en plein milieu du plan de travail, et du contraste avec sa couleur foncée ;
- le débordement d'un meuble bas sur le chambranle de la porte-fenêtre est inesthétique et révèle une erreur dans la prise des cotes.
Enfin, dans un dire, l'appelant s'est également plaint de ce qu'il ne pouvait fermer électriquement le store banne et le volet, sortir les tiroirs du réfrigérateur car la porte ne peut pas s'ouvrir complètement et de l'absence de meubles de 30 cm pour les bouteilles et de 45 cm pour le pain. L'expert a répondu qu'il avait mal compris les explications des parties en ce qui concerne la huche à pains et le porte-bouteilles sans, toutefois, en tirer les conséquences dans ses conclusions, et il reste taisant sur les autres désordres. Or, le plan signé par l'appelant comportait ces deux meubles et, par un acte du 5 juin 2008, maître B. a constaté que la porte du réfrigérateur ne pouvait s'ouvrir complètement et qu'il n'existait aucune commande pour le volet et le store-banne.
Il résulte de ce qui précède que quatre catégories de manquements sont imputables à l'intimée :
- un retard de trois mois dans la livraison et la pose de la cuisine,
- des défauts de conception : absence de prise en compte de l'encombrement du réfrigérateur, crédence trop courte pour joindre la hotte, débordement d'un meuble bas sur le chambranle de la porte, placard sous le four impossible à ouvrir,
- des non conformités : panneau rayé, erreur du nombre de spots par baldaquin et du nombre de tiroirs, absence des meubles pour le pain et les bouteilles, plot central d'une hauteur insuffisante et ne permettant pas le passage de trois chaises comme le prévoyait le plan du 3 novembre 2006,
- des défauts d'exécution : éclat sur le plan de travail, douchette de l'évier difficile à utiliser, portes de placards qui ne sont pas d'aplomb, arêtes tranchantes des profils alu destinés à l'ouverture des portes, bavures de peinture.
L'appelant est fondé, au vu de ces constatations, à soutenir que la cuisine n'est pas conforme à sa commande et que la pose est défectueuse.
La société Total Consortium Clayton se plaint des modifications incessantes de l'appelant qu'elle qualifie de « client difficile ». Cependant, la preuve de ces allégations n'est pas rapportée et ne ressort pas de la note précitée du poseur du 31 mars 2007. Même si cela avait été le cas, un tel comportement ne constituerait pas une cause étrangère de nature à exonérer l'intimée de sa responsabilité faute d'un lien de causalité avec les manquements reprochés à cette dernière.
Elle réitère en appel son offre de procéder aux finitions et réglages, de changer le panneau rayé et le plot central et de poser les éléments manquants, travaux qu'elle chiffre à 769 euros (sa pièce 17). Cette offre est néanmoins insuffisante dans la mesure où elle ne réglera pas le problème du dépassement du réfrigérateur et de l'impossibilité d'en ouvrir complètement la porte, du débordement d'un meuble sur le chambranle, de la crédence trop courte par rapport à la hotte, de placards inutilisables et de l'absence de huche à pains et de porte-bouteilles.
Ces manquements sont graves en ce qu'il s'agit d'éléments d'équipement d'une cuisine utilisés quotidiennement et dont la fonctionnalité est la qualité première. De plus, dans le cas d'espèce, l'intimée fonde sa publicité sur la distribution de marques française et européennes qu'elle qualifie de prestigieuses, sur la maîtrise de son savoir-faire, sur son expérience et sur la certification AFAQ. L'appelant était donc en droit d'exiger la prestation irréprochable qui lui était promise.
Ils justifient la résolution des contrats du 3 novembre 2006, le jugement étant infirmé.
Du fait du caractère rétroactif de l'annulation, les parties doivent être remises dans l'état où elles étaient avant la signature du contrat.
L'intimée sollicite que la restitution du prix soit limitée à 21.200 euros, montant des meubles et des appareils livrés. Cette demande s'analyse comme une demande en paiement d'une indemnité de jouissance à hauteur de la différence, soit 7.800 euros, puisqu'elle la justifie par l'utilisation qu'a fait l'appelant de la cuisine pendant quatre ans.
Toutefois, la vente étant annulée, le vendeur ne peut pas réclamer d'indemnité correspondant à l'utilisation de la chose objet du contrat.
Il n'est pas contesté que l'appelant a versé au total 29.000 euros. C'est donc cette somme que l'intimée sera condamnée à lui restituer.
L'appelant demande qu'il lui soit donné acte qu'il tient la cuisine à disposition de l'intimée. Cependant, pour assurer la bonne exécution de la présente décision et compte tenu de l'attitude de l'intimée depuis le début du litige, il convient de lui fixer un délai de deux mois à compter de la signification pour procéder à la dépose et à l'enlèvement des meubles et appareils électroménagers et à la remise en état de la cuisine dans l'état où elle se trouvait le 26 mars 2007, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai.
3°) Sur les autres demandes :
L'appelant justifie avoir subi des préjudices qui ne seront pas réparés par l'annulation des contrats, à savoir le fait d'avoir été privé de l'usage de la cuisine du 24 mars au 19 avril faute de raccordement des appareils, de l'attitude de déni de l'intimée face à ses réclamations justifiées, de sa déception à la mesure de la promesse de la société de fournir une cuisine et une prestation 'haut de gamme', du fait d'avoir été contraint d'utiliser pendant quatre ans une cuisine insuffisamment fonctionnelle et avec des défauts esthétiques et de la privation de jouissance à venir entre le démontage et l'installation d'une nouvelle cuisine.
Il lui sera accordé la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la publication de l'arrêt à intervenir, une telle mesure est une contre-publicité pour le professionnel. L'appelant cherche manifestement à sanctionner l'intimée de ce qu'il estime être une tromperie. La cour relève, cependant, que cette dernière a obtenu la certification AFAQ/AFNOR dont elle est fondée à soutenir qu'elle est un gage de qualité en ce que le produit ou le service acheté répond à un référentiel et fait l'objet de contrôles réguliers. La mesure sollicitée paraît démesurée avec l'objet du litige et sera rejetée.
Les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront confirmées.
L'intimée succombant en ses prétentions, sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à ce titre 2.500 euros à l'appelant ainsi qu'aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement :
INFIRME le jugement déféré, sauf sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
Statuant à nouveau,
PRONONCE la résolution des contrats en date du 3 novembre 2006 entre monsieur X. et la société Total Consortium Clayton,
ORDONNE la restitution de la somme de 29.000 euros par la société Total Consortium Clayton à monsieur X.,
DIT que la société Total Consortium Clayton devra déposer et enlever des meubles et appareils électroménagers et à la remise en état de la cuisine dans l'état où elle se trouvait auparavant dans un délai de deux mois à compter de la signification sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,
CONDAMNE la société Total Consortium Clayton à payer à monsieur X.
4 000 euros à titre de dommages-intérêts,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Total Consortium Clayton à payer à monsieur X. 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société Total Consortium Clayton aux dépens d'appel qui seront
recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. BOIVINEAU F. VERDUN
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