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CA PARIS (8e ch. sect. B), 19 mars 2009

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (8e ch. sect. B), 19 mars 2009
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 8e ch. sect. B
Demande : 08/15591
Décision : 2009/81
Date : 19/03/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Numéro de la décision : 81
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3392

CA PARIS (8e ch. sect. B), 19 mars 2009 : RG n° 08/15591 ; arrêt n° 81

Publication : Juris-Data n° 2009-003895

 

Extrait : « Considérant, sur la validité de l'article 6 du contrat, dont les termes sont rappelés plus haut, que, contrairement à ce que soutient la société ESUS BUREAUTIQUE, le LYCÉE ROBERT DOISNEAU est bien fondé se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ; qu'en effet, faute de lien direct entre l'activité d'enseignement exercée par le lycée et l'entretien du photocopieur objet du contrat, l'intimé ne saurait être considéré comme un professionnel au sens de cet article ;

Considérant que le tribunal a pertinemment relevé que cette clause a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non professionnel, et qu'elle doit en conséquence être réputée non écrite ; que le jugement sera confirmé sur ce point ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

HUITIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 19 MARS 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/15591. Arrêt n° 81 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mai 2008 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG 07/01285.

 

APPELANTE :

SAS ESUS BUREAUTIQUE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, ayant son siège : [adresse], représentée par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour, assistée de Maître Gwennaëlle CAILLEAUX, avocat plaidant, substituant Maître HASCOET pour la Selarl HAUSSMANN - Barreau de l'Essonne

 

INTIMÉE :

Établissement Public LYCÉE ROBERT DOISNEAU

pris en la personne de son Chef d'Établissement président du conseil d'administration, ayant son siège : [adresse], représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour, assistée de Maître Céline SIMAO, avocat au barreau de L'ESSONNE

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après le rapport oral de Madame Catherine LE BAIL, Conseillère, conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 février 2009, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Hélène DEURBERGUE, Présidente, Madame Catherine LE BAIL, Conseillère, Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Hadji MZE MCHINDA

[minute page 2] ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Hélène DEURBERGUE, présidente et par Hadji MZE MCHINDA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'appel interjeté par la SAS ESUS BUREAUTIQUE, du jugement prononcé le 23 mai 2008 par le tribunal de grande instance d'Evry qui a, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation :

- réputé non écrit l'article 6 du contrat conclu entre la SAS Esus Bureautique et l'établissement public local lycée Robert Doisneau les 23 et 24 octobre 2002,

- condamné l'établissement public local lycée Robert Doisneau à payer à la SAS Esus Bureautique la somme de 65,07 € en règlement de la facture du 23 octobre 2006,

- débouté la SAS Esus Bureautique de ses demandes d'application de la clause pénale, de dommages et intérêts, de paiement de ses frais irrépétibles,

- débouté l'établissement public local lycée Robert Doisneau de sa demande de résolution judiciaire du contrat, d'ajournement à l'exécution par exception non adimpleti contractus,

- dit sans objet la demande de modération de la clause pénale de même que la demande d'exécution provisoire,

- condamné la SAS Esus Bureautique à payer à l'établissement public local lycée Robert Doisneau 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 janvier 2009 par la société ESUS BUREAUTIQUE, qui poursuit la réformation du jugement, sauf en ce qu'il a condamné l'établissement public local lycée Robert Doisneau à lui payer la somme de 65,07 € et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, et statuant à nouveau pour le surplus, qui demande de condamner le lycée Robert Doisneau à lui payer 11.569,41 € avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 décembre 2006 ainsi que 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 janvier 2008 par le LYCÉE ROBERT DOISNEAU de Corbeil-Essonnes, qui conclut à la confirmation du jugement, très subsidiairement, à la modération de la clause pénale, et à la condamnation de la société ESUS BUREAUTIQUE à lui payer 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que, par contrat du 23 octobre 2002, le LYCÉE ROBERT DOISNEAU de Corbeil-Essonnes a confié à la société ESUS BUREAUTIQUE la maintenance et l'entretien d'un photocopieur RICOH AFICIO 850, pour une durée irrévocable de 36 mois, au tarif de 0,0055 € HT la copie, pour 575.000 copies, payable par trimestre ;

Considérant que le contrat précise « à l'issue de la période irrévocable, le présent contrat sera renouvelé automatiquement pour les périodes successives de 12 mois, sauf dénonciation notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à l'autre partie trois mois avant la date d'expiration de la période » ;

[minute page 3] Qu'il est également précisé, à l'article 6-II du contrat : « toute résiliation anticipée du contrat du fait du client ou qui lui serait imputable en raison notamment de l'inexécution de ses obligations, entraînera à titre de clause pénale le paiement à ESUS BUREAUTIQUE d'une somme équivalente à 80 % des redevances restant dues par le client jusqu'au terme du contrat sur la base du coût copie en vigueur à la date de résiliation et du nombre de copies prévu aux conditions particulières » ;

Considérant que le contrat, arrivé à son terme, a été renouvelé pour un an, jusqu'au 23 octobre 2006 ;

Considérant que, par lettre du 10 octobre 2006, le LYCÉE ROBERT DOISNEAU a notifié la résiliation du contrat au 1er novembre suivant, invoquant sa mauvaise exécution par le prestataire ;

Que la société ESUS BUREAUTIQUE a pris acte de cette résiliation, mais facturé l'indemnité prévue à l'article 6-II susvisé, mettant le LYCÉE ROBERT DOISNEAU en demeure de régler cette indemnité par lettre du 8 décembre 2006 ;

Considérant que cette mise en demeure étant restée vaine, la société ESUS BUREAUTIQUE, par acte du 5 février 2007, a assigné le LYCÉE ROBERT DOISNEAU devant le tribunal de grande instance d'Evry pour avoir paiement de 11.569,41 € avec les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2006 et 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que, devant le tribunal de grande instance, le LYCÉE ROBERT DOISNEAU a conclu au débouté des demandes, se prévalant notamment des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, qui dit abusives les clauses conclues entre professionnel et non professionnel qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

 

Considérant que le tribunal a rendu le jugement rappelé plus haut aux motifs que :

Sur la validité de l'article 6 du contrat :

- la demanderesse a la qualité de professionnel, quand le lycée est profane en la matière,

- la clause qui, au cas de résiliation anticipée du contrat par le client, tandis qu'existe une faculté bilatérale de résiliation dans des conditions strictes de forme et de délai, ne met qu'a la charge de celui-ci une indemnité conventionnelle équivalant à la presque totalité des prestations devant être effectuées et qui ne le seront pas jusqu'au terme du contrat à durée déterminée, même n'empêcherait-t-elle l'exécution forcée de ce dernier ou n'éluderait-elle la responsabilité du professionnel, crée un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au détriment du non professionnel puisqu'il est seul à devoir en ce cas une indemnité hors de proportion avec le préjudice réel du premier correspondant en réalité à l'exécution unilatérale du contrat par lui en dépit de sa rupture ; que, partant, elle doit être réputée non écrite ;

Sur l'inexécution par la demanderesse de ses obligations :

- le lycée n'établit pas avoir sollicité à de multiples reprises le prestataire qui se serait dérobé, notamment au motif allégué par la lettre du 10 octobre 2006 du défaut de renouvellement des pièces nécessaires au fonctionnement de la machine, quand cet aspect est nié dans plusieurs courriers successifs de la société ESUS BUREAUTIQUE, et qu'aucun ordre de réparation n'est produit,

- le lycée ne démontre pas non plus avoir mis en demeure son cocontractant, si bien qu'il serait en retard,

- [minute page 4] faute d'établir le manquement de la partie adverse, le défendeur ne saurait lui opposer l'exception non adimpleti contractus ;

 

Considérant que la société ESUS BUREAUTIQUE soutient, à l'appui de son appel, que :

- contrairement à ce qui a été jugé, un contractant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives lorsque le contrat qu'il a conclu a un rapport direct avec son activité professionnelle, et qu'il n'est pas contesté qu'il est nécessaire à l'intimé d'avoir à sa disposition un photocopieur,

- le fait que le LYCÉE ROBERT DOISNEAU soit un établissement public ne modifie pas la règle, et que celui-ci ne peut être assimilé à un consommateur au sens du code de la consommation,

- l'article 6 alinéa 2 du contrat ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties, dans la mesure où l'article 1er prévoit clairement les conditions de durée de ce contrat, de renouvellement et de résiliation et le client a donc la possibilité de résilier son contrat, à condition de respecter le délai de préavis stipulé,

- le contrat ne comporte aucune clause élusive de responsabilité à caractère général, et rien n'interdisait au LYCÉE ROBERT DOISNEAU de résilier le contrat pour d'éventuels manquements de la société ESUS BUREAUTIQUE,

- la société a rempli ses engagements contractuels, et rien ne justifie la résiliation judiciaire du contrat ;

 

Considérant que le LYCÉE ROBERT DOISNEAU demande la confirmation du jugement, en insistant sur le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties résultant de l'article 6 du contrat, et, à titre subsidiaire, demande la résolution du contrat en application de l'article 1184 du code civil, en soutenant que la société ESUS BUREAUTIQUE a été défaillante dans l'exécution de son contrat de maintenance ;

* * *

Considérant que, sur cette demande reprise par le LYCÉE ROBERT DOISNEAU, qui n'y ajoute aucune argumentation nouvelle, la Cour ne peut qu'adopter les motifs exacts et pertinents des premiers juges qui l'ont, à juste titre, rejeté faute pour celui-ci d'apporter la preuve des manquements de la société ESUS BUREAUTIQUE à ses obligations ;

Considérant, sur la validité de l'article 6 du contrat, dont les termes sont rappelés plus haut, que, contrairement à ce que soutient la société ESUS BUREAUTIQUE, le LYCÉE ROBERT DOISNEAU est bien fondé se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ; qu'en effet, faute de lien direct entre l'activité d'enseignement exercée par le lycée et l'entretien du photocopieur objet du contrat, l'intimé ne saurait être considéré comme un professionnel au sens de cet article ;

Considérant que le tribunal a pertinemment relevé que cette clause a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non professionnel, et qu'elle doit en conséquence être réputée non écrite ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Considérant que la condamnation du lycée ROBERT DOISNEAU à payer la somme de 65,07 € au titre d'une facture du 23 octobre 2006 n'est pas critiquée ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge du lycée ROBERT DOISNEAU l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer, qu'il lui sera en conséquence alloué une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de [minute page 5] procédure civile, en complément de la somme allouée au même titre en première instance, la société ESUS BUREAUTIQUE étant déboutée de ce chef ;

Considérant que la société ESUS BUREAUTIQUE, qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement,

Condamne la société ESUS BUREAUTIQUE à payer au LYCÉE ROBERT DOISNEAU la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ESUS BUREAUTIQUE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier                 La Présidente