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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 23 février 2009

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 23 février 2009
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 08/00034
Décision : 09/0241
Date : 23/02/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/12/2007
Numéro de la décision : 241
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2009-018967
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3425

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 23 février 2009 : RG n° 08/00034 ; arrêt n° 09/0241 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu, cependant, qu'il est admis au titre du droit communautaire, dont la législation française sur le crédit à la consommation n'est que la transposition (directive modifiée n° 87/102/CEE du 22 décembre 1986), qu'une réglementation interne ne peut pas limiter dans le temps la faculté qu'il faut reconnaître au juge national de relever d'office le caractère abusif d'une clause (CJCE du 21 novembre 2002, Frédout) ».

2/ « Attendu qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que si le prêteur se réserve la possibilité d'augmenter son concours jusqu'à 140.000 F, soit le plafond limite d'application de la législation sur le crédit, le montant prêté effectivement est à l'origine de 20.000 F, d'autre part, que la ou les augmentations peuvent survenir avec l'accord du prêteur manifesté par le déblocage de fonds supplémentaires sur l'initiative de l'emprunteur ;

Attendu que dans la mesure où cette clause aboutit de fait à augmenter le montant du capital emprunté sous forme de découvert sans prévoir la présentation d'une nouvelle offre dans les formes de l’article L. 311-10 du code de la consommation, il apparaît manifestement, ainsi que l'a souligné le premier juge, qu'est introduit un déséquilibre significatif dans les relations contractuelles au détriment de l'emprunteur, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors, que celui-ci peut être entraîné insidieusement à contracter de nouveau encourt, sans bénéficier de la protection du consentement édictée par les dispositions sur le crédit, en particulier s'agissant de la faculté de rétractation ;

Attendu que la circonstance que l'emprunteur soit informé des nouvelles conditions contractuelles en résultant et puisse s'y opposer par LRAR [N.B. Lettre recommandée avec accusé de réception] pendant un délai de préavis d'un mois suivant la délivrance de l'information et à rembourser le crédit par anticipation (article II 4) n'est pas de nature à pallier cet inconvénient, puisque ce mécanisme aboutit à introduire une forme de rétractation postérieure au déblocage des fonds tout à fait contraire à l'esprit et à la lettre de la loi, qui entend garantir le libre exercice du droit de repentir du consommateur en prohibant les versements de fonds prématurés (articles L. 311-15 et suivants du code de la consommation ) ;

Attendu qu'il s'ensuit que le premier juge a, à juste titre, qualifié la clause d'augmentation de l'encourt de crédit, d'abusive pour en écarter l'application et en déduire, par des motifs appropriés que la cour adopte, que le dépassement du découvert maximum autorisé manifeste la défaillance de l'emprunteur au sens de l'article L. 311-37 du code et que ce dépassement remontant à novembre 2000, sans rétablissement postérieur de la situation débitrice du compte selon les conditions contractuelles ou sans augmentation valablement conclue au regard des motivations précédentes, entraîne la forclusion de l'action engagée en février 2007, et non la simple déchéance du droit aux intérêts ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 08/00034. Arrêt n° 09/0241. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 novembre 2007 par le tribunal d'instance de MOLSHEIM.

 

APPELANTE :

SA MEDIATIS

ayant son siège social [adresse] et son siège administratif [adresse], Représentée par la SCP CALDEROLI-LOTZ - DECOT - FAURE, avocats à STRASBOURG

 

INTIMÉE :

Madame X. épouse Y.

demeurant [adresse], Représentée par Maître Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour (Aide juridictionnelle totale n° 2008/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 janvier 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant : M. DAESCHLER, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme RASTEGAR, président de chambre, M. JOBERT et M. DAESCHLER, Conseillers, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le rapport,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 28 juillet 1998, les époux Y. ont souscrit une ouverture de crédit d'un montant maximum de 20.000 F, soit 3.048.92 euros, dans une limite de 140.000 F. Suite à divers impayés, l'organisme de crédit a prononcé la déchéance du terme en 2006, le découvert se montant à 17.303.25 euros.

Sur saisine de MEDIATIS, venant aux droits de COFINOGA, le tribunal d'instance de MOLSHEIM, après avoir relevé d'office le moyen tiré de la forclusion par jugement avant dire droit du 10 avril 2007, et statuant contradictoirement le 27 novembre 2007, a déclaré la demande irrecevable, débouté MEDIATIS au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 21 décembre 2007, la SA MEDIATIS a interjeté appel général.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives de la SA MEDIATIS, reçues le 13 juin 2008, aux fins d'infirmer le jugement entrepris, de condamner Mme Y. à payer à la SA MEDIATIS, la somme de 19 098.56 euros, avec les intérêts au taux de 16,72 % par an sur la somme de 17.303.25 euros à compter du 24 décembre 2006 et au taux légal sur 1.795.31 euros à compter du 8 février 2007, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour jugerait qu'il appartenait au prêteur de saisir Mme Y. d'une offre préalable de crédit pour tout crédit dépassant la somme de 3.048 euros, de dire et juger que la sanction s'attachant au défaut de conclusion d'une nouvelle offre préalable de crédit est la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter du mois de novembre 2000, date du dépassement du crédit par découvert en compte, en conséquence, de condamner Mme Y. à verser à MEDIATIS la somme de 5.034.84 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 8 février 2007, date de la délivrance de l'assignation en première instance, en tout état de cause, de condamner l'intimée aux dépens des deux instances et au paiement d'une indemnité de procédure de 1.000 euros ;

Vu les dernières conclusions de la SA MEDIATIS, reçues le 7 août 2008, tendant à déclarer l'appel mal fondé, à confirmer le jugement entrepris, à débouter MEDIATIS de l'ensemble de ses demandes, à la condamner à payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sur l'aide juridictionnelle, à condamner MEDIATIS aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 3 septembre 2008 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce :

Vu les pièces de la procédure et les documents joints

Attendu que la société MEDIATIS soutient que le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre préalable de crédit soulevé par le premier juge pour prononcer l'irrecevabilité de sa demande, soit le caractère abusif de l'absence d'exigence d'une nouvelle offre de crédit pour l'augmentation du découvert en compte initial est forclos, le contrat initial ayant été souscrit antérieurement à la loi du 11 décembre 2001 modifiant l’article L. 311-37 du code de la consommation ; qu'en tout état de cause, la clause n'est en rien abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors qu'elle est conforme à l'état des textes en vigueur avant la réforme du 28 janvier 2005 et que les emprunteurs ont reçu toute l'information relative aux conséquences des déblocages successifs des montants empruntés, au demeurant indiqué dès l'offre initiale ; que les dispositions contractuelles prévoient, au demeurant, que toute nouvelle utilisation de l'ouverture résulte d'une initiative de l'emprunteur, avisé de la mise à disposition des fonds, confirmée par des relevés, sans préjudice de la possibilité de contester les nouvelles conditions du contrat dans le délai d'un mois, ce qu'il n'a pas fait ; qu'en outre, le dépassement du découvert initial ne constitue pas le premier impayé non régularisé faisant courir le délai de forclusion ; que subsidiairement, la sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts par application de l’article L. 311-33 du code de la consommation ;

Attendu que l'intimée relève que le montant de l'autorisation de découvert a été constamment dépassé depuis novembre 2000 ; que la clause d'augmentation du découvert emprunté a été écartée au titre la législation sur les clauses abusives et non au titre de l’article L. 311-9 du code de la consommation et n'encourt pas la forclusion générale édictée par l'ancien article L. 311-37 dudit code ; que cette clause est bien abusive, dès lors qu'elle permet des augmentations de découvert sans ménager la faculté de rétractation édictée par l’article L. 311-10 du code de la consommation, la circonstance que l'emprunteur ait la possibilité de rembourser le crédit en cours par anticipation, s'il refuse les conditions nouvelles du contrat résultant de l'augmentation du découvert, ne protégeant pas l'emprunteur contre ces augmentations, causes d'un endettement excessif et irréfléchi ; qu'à défaut d'avoir agi dans le délai de deux suivant le dépassement du découvert autorisé, le prêteur se trouve par conséquent forclos ; que la déchéance du droit aux intérêts est, par conséquent, sans application ;

 

Sur la forclusion opposée à l'emprunteur :

Attendu que dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001, l’article L. 311-37 du code de la consommation stipule que les actions, nées de l'application de la loi sur crédit, doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, ce délai étant opposable à toutes les parties comme au juge par voie d'action comme par voie d'exception ;

Attendu, cependant, qu'il est admis au titre du droit communautaire, dont la législation française sur le crédit à la consommation n'est que la transposition (directive modifiée n° 87/102/CEE du 22 décembre 1986), qu'une réglementation interne ne peut pas limiter dans le temps la faculté qu'il faut reconnaître au juge national de relever d'office le caractère abusif d'une clause (CJCE du 21 novembre 2002, Frédout) ;

Attendu qu'il s'ensuit que le moyen tiré du caractère abusif de l'augmentation de la clause ne saurait être écarté comme tel ;

 

Sur le caractère abusif de la clause :

Attendu qu'aux termes du contrat liant les parties « le montant du découvert maximum global pouvant être autorisé est de 140.000 F. - le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixé à 20.000 F. Ce montant est révisable par Cofinoga qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse. Ce montant peut être augmenté sur simple demande de votre part après acceptation par Cofinoga » (article I) ; « sauf accord préalable de Cofinoga le montant du financement ne devra, en aucun cas, conduire à un dépassement du montant maximum autorisé, ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par Cofinoga » ; « l'accord de Cofinoga pour une augmentation, à votre demande, du plafond du découvert autorisé au terme de la présente offre, résultera de la mise à votre disposition effective du montant représentatif de l'augmentation sollicité et/ou de l'inscription effective de l'opération de débit domiciliée » ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que si le prêteur se réserve la possibilité d'augmenter son concours jusqu'à 140.000 F, soit le plafond limite d'application de la législation sur le crédit, le montant prêté effectivement est à l'origine de 20.000 F, d'autre part, que la ou les augmentations peuvent survenir avec l'accord du prêteur manifesté par le déblocage de fonds supplémentaires sur l'initiative de l'emprunteur ;

Attendu que dans la mesure où cette clause aboutit de fait à augmenter le montant du capital emprunté sous forme de découvert sans prévoir la présentation d'une nouvelle offre dans les formes de l’article L. 311-10 du code de la consommation, il apparaît manifestement, ainsi que l'a souligné le premier juge, qu'est introduit un déséquilibre significatif dans les relations contractuelles au détriment de l'emprunteur, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors, que celui-ci peut être entraîné insidieusement à contracter de nouveau encourt, sans bénéficier de la protection du consentement édictée par les dispositions sur le crédit, en particulier s'agissant de la faculté de rétractation ;

Attendu que la circonstance que l'emprunteur soit informé des nouvelles conditions contractuelles en résultant et puisse s'y opposer par LRAR [N.B. Lettre recommandée avec accusé de réception] pendant un délai de préavis d'un mois suivant la délivrance de l'information et à rembourser le crédit par anticipation (article II 4) n'est pas de nature à pallier cet inconvénient, puisque ce mécanisme aboutit à introduire une forme de rétractation postérieure au déblocage des fonds tout à fait contraire à l'esprit et à la lettre de la loi, qui entend garantir le libre exercice du droit de repentir du consommateur en prohibant les versements de fonds prématurés (articles L. 311-15 et suivants du code de la consommation ) ;

Attendu qu'il s'ensuit que le premier juge a, à juste titre, qualifié la clause d'augmentation de l'encourt de crédit, d'abusive pour en écarter l'application et en déduire, par des motifs appropriés que la cour adopte, que le dépassement du découvert maximum autorisé manifeste la défaillance de l'emprunteur au sens de l'article L. 311-37 du code et que ce dépassement remontant à novembre 2000, sans rétablissement postérieur de la situation débitrice du compte selon les conditions contractuelles ou sans augmentation valablement conclue au regard des motivations précédentes, entraîne la forclusion de l'action engagée en février 2007, et non la simple déchéance du droit aux intérêts ;

Attendu, en conséquence, qu'il convient de confirmer la décision entreprise purement et simplement ;

 

Sur l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Attendu que l'appel n'échoue qu'en raison de considérations de procédure, il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE l'appel de la SA MEDIATIS non fondé ;

Le REJETTE ;

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu à application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

CONDAMNE la SA MEDIATIS aux dépens.

Le greffier,                Le président,