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CA PAPEETE (ch. civ.), 24 avril 2008

Nature : Décision
Titre : CA PAPEETE (ch. civ.), 24 avril 2008
Pays : France
Juridiction : Papeete (CA)
Demande : 06/00149
Décision : 08/218
Date : 24/04/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 20/03/2006
Décision antérieure : Trib. civ. 1re inst. (2e ch.) PAPEETE, 23 janvier 2006
Numéro de la décision : 218
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 3525

CA PAPEETE (ch. civ.), 24 avril 2008 : RG n° 06/00149 ; arrêt n° 218

Publication : Juris-Data n° 367302 ; JCP 2008. IV. 2694

 

Extraits : 1/ « Il appartient à l'assuré de démontrer que les conditions de la garantie sont remplies. En l'espèce, il est établi que l'assuré a déclaré le vol de son véhicule et que celui-ci a été retrouvé dégradé deux jours après par les services de gendarmerie. Il n'est pas contesté que l'assuré a ensuite déclaré le sinistre à sa compagnie d'assurance. […]. Il appartient à l'assureur de démontrer qu'une exclusion est constituée. »

2/ « La Cour de Cassation a jugé que la mention, figurant dans les conditions particulières signées par le souscripteur d'un contrat d'assurance, par laquelle ce dernier reconnaît avoir reçu un exemplaire du contrat, composé desdites conditions particulières et de conditions générales désignées par leurs références, établit que ces conditions générales, bien que non signées, ont été portées à la connaissance de l'assuré et lui sont, par conséquent, opposables. En l'espèce, il est précisé dans le contrat d'assurance que le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire et pris connaissance des conditions générales dont la référence est rappelée ci-dessus, des conventions spéciales et clauses et déclarations indiquées au verso des présentes conditions particulières, document constituant ainsi l'ensemble du contrat. Les conditions générales du contrat sont donc opposables à Mme X. »

3/ « L'article L. 112-4 du Code des assurances dispose que « Les clause des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. » L'applicabilité de ces dispositions en Polynésie n'est pas contestée. En l'espèce, il ressort de l'examen des conditions générales du contrat que les clauses d'exclusion apparaissent de manière quasi-systématique en gras, c'est le cas par exemple des clauses d'exclusion relative au vol mentionnées à l'article A43 qui stipule : « ne sont pas garantis : les vols commis alors que le véhicule n'était pas fermé à clé ; les vols commis par des membres de la famille de l'assuré habitant sous son toit ou avec leur complicité. ». En revanche, les dispositions de ce même article relatives à la définition du vol avec effraction ne sont pas mentionnées en caractère gras et ce sont ces dispositions que la compagnie d'assurances oppose à son assuré pour exclure sa garantie. Il convient en conséquence de dire que ces dispositions ne sont pas valables et ne peuvent pas être opposées à Mme X. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

COUR D’APPEL DE PAPEETE

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 AVRIL 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/00149. Arrêt n° 218. Monsieur Pierre MOYER, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier, En audience publique tenue au Palais de Justice ; A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

 

Entre :

La Compagnie QBE INSURANCE INTERNATIONAL LIMITED,

dont le siège est [adresse], prise en la personne de son directeur Monsieur Edgard CHUNG ; Appelante par requête en date du 15 mars 2006, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 20 mars 2006, sous le numéro de rôle 06/00149, ensuite d'un jugement n° 03/00289 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 23 janvier 2006 ; Représentée par Maître GUEDIKIAN, avocat à Papeete ; d'une part ;

 

Et :

Madame X.,

Demeurant [adresse], Intimée, Représentée par Maître USANG, avocat à Papeete ; d'autre part ;

 

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 13 mars 2008, devant M. SELMES, président de chambre, M. MOYER, conseiller et Mme LASSUS-IGNACIO, conseillère, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

[minute page 2] Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ARRÊT :

I - EXPOSÉ DES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES A LA COMPRÉHENSION DU LITIGE ET A SA SOLUTION :

1 - Exposé des faits :

Le 1er février 2003, Mme X. a signalé le vol de son véhicule RENAULT MEGANE SCENIC à la DSP de Papeete. Le 3 février 2003, les services de gendarmerie découvraient le véhicule sur le parking du stade Louis GANIVET à Faa'a. Le PV de découverte mentionne les constatations suivantes : « vitre arrière cassée, pare-choc arrière et coffre enfoncés, les deux portes côté passager éraflés et enfoncées. La batterie, l'autoradio et la clé du véhicule ont été dérobés ».

Le véhicule de Mme X. était assuré par la compagnie QBE INSURANCE LIMITED depuis le 14 avril 2000.

 

2 - Résumé des demandes initiales et de la décision déférée :

Par acte du 28 avril 2003, Mme X. assignait la société d'assurance QBE insurance devant le tribunal de première instance de Papeete.

Elle exposait avoir été victime du vol de son véhicule précédé du vol de ses clefs dans la nuit du 1er février 2003 alors qu'elle se trouvait en soirée à Papeete. Elle exposait que la compagnie d'assurance auprès de laquelle était assuré son véhicule refusait de garantir le vol au motif qu'il ne s'agissait pas d'un vol commis avec effraction. Elle faisait valoir avoir eu connaissance des conditions générales relatives à la garantie seulement le 6 février 2003, soit après le sinistre, ce qui les rendait inopposables.

En réponse à l'assureur, elle précisait que la plainte déposée le 1er février 2003 portait sur le vol du véhicule et les clefs de ce véhicule.

Elle demandait au tribunal de condamner QBE insurance à lui payer la somme de 842.271 FCFP avec intérêts moratoires majorés de plein droit ainsi que la réparation de la boîte de vitesse s'il s'avérait qu'elle était endommagée, 150.000 FCFP à titre de dommages et intérêts avec intérêts moratoires majorés au double du taux de l'intérêt légal selon dispositions de l'article L. 211-13 du code des assurances outre 165.000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

QBE insurance s'opposait à cette demande. Elle faisait valoir que Mme X. tenait des propos à géométrie variable quant aux circonstances du vol de son véhicule, celle-ci ayant déclaré aux services de police le vol de son véhicule, puis ayant fait rectifier sa déclaration en indiquant qu'il s'agissait d'un vol de clef, puis s'étant présentée à l'agence pour déclarer un vol avec effraction portant sur la lunette arrière du véhicule. Elle ajoutait que les conditions de la garantie exigeant du vol qu'il ait été commis avec effraction et [minute page 3] que cette effraction puisse être constatée, avaient été portées à la connaissance de Mme X. puisqu'elles le sont systématiquement au moment de la signature du contrat, le souscripteur signant à ce moment là qu'il reconnaissait avoir reçu un exemplaire et pris connaissance des conditions générales. Elle précisait que les conditions de garanties n'étaient pas remplies au regard des circonstances dans lesquelles le véhicule avait été dérobé ; que ces conditions tenaient lieu de loi aux cocontractants qui ne pouvaient redéfinir la notion d'effraction par référence à des textes et interprétations extérieurs.

Elle demandait au tribunal de débouter Mme X. et de lui octroyer 150.000 FCFP au titre des frais irrépétibles et de la condamner aux dépens.

Par décision en date du 23 janvier 2008, le Tribunal de Première Instance de Papeete a notamment, statuant publiquement en premier ressort par décision contradictoire :

- condamné QBE insurance à payer la somme de 842.271 FCFP assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent à Mme X. ;

- débouté Mme X. du surplus de ses demandes ;

- condamné QBE insurance à payer 150.000 FCFP à Mme X. au titre des frais irrépétibles ;

- condamné QBE insurance aux dépens.

 

3 - Exposé succinct de la présente procédure :

Par requête déposée au greffe le 20 mars 2006, la compagnie QBE INSURANCE LIMITED a interjeté appel de cette décision.

Mme Mme X. était représentée à l'instance.

La procédure a été clôturée le 1er février 2008.

 

4 - Résumé des moyens et exposé des prétentions des parties :

A - Exposé des prétentions et résumé des moyens de la compagnie QBE INSURANCE LIMITED :

Elle demande à la Cour de :

« Réformer le jugement en date du 23 janvier 2006 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la compagnie QBE est bien fondée à exclure sa garantie au regard des dispositions de l'article 4A3 des conditions générales d'assurance dont Mme X. a eu connaissance.

Condamner Madame X. au paiement d'une somme de 165.000 FCP sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie Française ainsi qu'aux entiers dépens. »

[minute page 4] Au soutien de son appel, elle reprend les moyens et arguments soulevés devant le premier juge et elle précise :

- que c'est à juste titre qu'elle a rejeté la demande d'indemnisation en l'absence d'effraction constatée ; qu'en effet, il résulte de l'article 4A3 des conditions générales d'assurance que seul le vol par effraction, ou sa tentative sont indemnisables, dans la mesure où sont réunis des indices sérieux caractérisant l'intention des voleurs :

- que Madame X. a eu connaissance de ces conditions générales, dont elle a reconnu avoir reçu un exemplaire ; qu'en outre cette exclusion figure en caractère apparent dans le texte des conditions générales.

B - Résumé des moyens et exposé des prétentions de Mme X. :

Elle demande à la Cour de :

« Confirmer le jugement en date du 23 janvier 2006 en toutes ses dispositions.

Débouter la compagnie QBE de toutes ses écritures, fins et demandes ;

Condamner la compagnie QBE à payer la somme de 330.000 FCFP à la concluante au titre des frais irrépétibles ;

La condamner aux dépens ».

Au soutien de ses demandes, elle reprend les moyens et arguments soulevés devant le premier juge et elle précise :

- que son véhicule a bien été volé ; qu'en l'espèce, le véhicule était bien fermé à clé et la clé n'était pas restée sur le contact ; que les clés ont été volées ; que le vol des clés équivaut à une effraction du véhicule ;

- qu'elle n'a jamais prétendu qu'elle n'avait pas eu connaissance des conditions générales, mais qu'elle n'a eu connaissance des conditions générales relatives à la garantie seulement le 6 février 2003, soit après le sinistre ; que par ailleurs, ces conditions générales n'ont pas été paraphées par le souscripteur ; que les conditions générales lui sont par conséquent inopposables en l'absence de remise réelle des conditions générales, surtout en présence d'un contrat d'adhésion dont la signature est demandée sans lecture préalable ;

- qu'en outre, cette exclusion de garantie, dont se prévaut l'assureur, ne figure pas en caractères très apparents avec les autres exclusions de garantie qui elles, sont rédigées en caractères très apparents ;

- que de plus, la clause litigieuse n'est pas valable parce que non rappelée, même par référence, sous le titre « Quels risques sont exclus », du contrat concernant les exclusions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II - DISCUSSION :

1 - A propos de la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de rappel n'est pas contestée ; en outre, l'appel a été interjeté dans les conditions et selon les délais prévus aux articles 327 et suivants du nouveau code de procédure civile de Polynésie Française. L'appel est donc recevable.

[minute page 5]

2 - A propos des conditions de mise en jeu de la garantie :

Il appartient à l'assuré de démontrer que les conditions de la garantie sont remplies.

En l'espèce, il est établi que l'assuré a déclaré le vol de son véhicule et que celui-ci a été retrouvé dégradé deux jours après par les services de gendarmerie. Il n'est pas contesté que l'assuré a ensuite déclaré le sinistre à sa compagnie d'assurance.

 

3 - A propos de l'exclusion de la garantie :

Il appartient à l'assureur de démontrer qu'une exclusion est constituée.

En l'espèce, l'assureur expose que les conditions générales de la garantie ont bien été portées à la connaissance de l'assuré et étaient clairement exposées dans le contrat ; que ces conditions excluent la garantie lorsque le vol par effraction n'est pas établi ; que tel est bien le cas en l'espèce.

Le premier juge avait estimé que l'assureur n'avait pas apporté la preuve d'une remise effective des conditions générales dans le cas d'espèce ; « que les conditions générales ne sont dès lors pas opposables à Mme X. ».

 

a - Sur la connaissance des conditions générales :

La Cour de Cassation a jugé que la mention, figurant dans les conditions particulières signées par le souscripteur d'un contrat d'assurance, par laquelle ce dernier reconnaît avoir reçu un exemplaire du contrat, composé desdites conditions particulières et de conditions générales désignées par leurs références, établit que ces conditions générales, bien que non signées, ont été portées à la connaissance de l'assuré et lui sont, par conséquent, opposables.

En l'espèce, il est précisé dans le contrat d'assurance que le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire et pris connaissance des conditions générales dont la référence est rappelée ci-dessus, des conventions spéciales et clauses et déclarations indiquées au verso des présentes conditions particulières, document constituant ainsi l'ensemble du contrat.

Les conditions générales du contrat sont donc opposables à Mme X.

 

b - Sur la clause d'exclusion en cas de vol avec effraction :

L'article L. 112-4 du Code des assurances dispose que « Les clause des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. »

[minute page 6] L'applicabilité de ces dispositions en Polynésie n'est pas contestée.

En l'espèce, il ressort de l'examen des conditions générales du contrat que les clauses d'exclusion apparaissent de manière quasi-systématique en gras, c'est le cas par exemple des clauses d'exclusion relative au vol mentionnées à l'article A43 qui stipule : « ne sont pas garantis : les vols commis alors que le véhicule n'était pas fermé à clé ; les vols commis par des membres de la famille de l'assuré habitant sous son toit ou avec leur complicité. ». En revanche, les dispositions de ce même article relatives à la définition du vol avec effraction ne sont pas mentionnées en caractère gras et ce sont ces dispositions que la compagnie d'assurances oppose à son assuré pour exclure sa garantie.

Il convient en conséquence de dire que ces dispositions ne sont pas valables et ne peuvent pas être opposées à Mme X.

 

c - Sur les clauses d'exclusion en cas de vol :

Aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer que le vol commis au préjudice de Mme X. aurait été commis alors que le véhicule n'était pas fermé à clé ou par des membres de la famille de l'assuré habitant sous son toit ou avec leur complicité.

 

4 - A propos des demandes fondées sur les dispositions de l'article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française :

Le tribunal de Première Instance a fait une juste appréciation des demandes formées de ce chef sur ce fondement et il conviendra de confirmer la décision déférée de ce chef.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X. tous les frais qu'elle a exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; la compagnie d'assurances QBE devra lui verser à ce titre la somme de 150.000 FCFP.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

- déclare l'appel recevable ;

- confirme la décision déférée en ce qu'elle a :

* condamné QBE Insurance à payer la somme de huit cent quarante deux mille deux cent soixante et onze (842.271 FCFP) francs pacifique assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent à Mme X. ;

* débouté Mme X. du surplus de ses demandes ;

* condamné QBE insurance à payer cent cinquante mille (150.000 FCFP) francs pacifique à Mme X. au titre des frais irrépétibles ;

* condamné QBE insurance aux dépens ;

- [minute page 7] déboute la compagnie d'assurances QBE INSURANCE LIMITED de toutes ses demandes ;

Y ajoutant,

- condamne la compagnie d'assurances QBE INSURANCE LIMITED à payer à Mme X. la somme de cent cinquante mille (150.000 FCFP) francs pacifique en application de l'article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française ;

- condamne la compagnie d'assurances QBE INSURANCE LIMITED aux dépens.

Prononcé à Papeete, le 24 AVRIL 2008

Le Greffier,                              Le Président,

M. SUHAS-TEVERO J.-P. SELMES