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TI HAGUENAU, 20 janvier 2010

Nature : Décision
Titre : TI HAGUENAU, 20 janvier 2010
Pays : France
Juridiction : Haguenau (TI)
Demande : 11-09-000736
Date : 20/01/2010
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 6/11/2009
Décision antérieure : CA COLMAR (3e ch. civ.), 25 octobre 2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3544

TI HAGUENAU, 20 janvier 2010 : RG n° 11-09-000736

(sur appel CA Colmar (3e ch. civ.), 25 octobre 2010 : RG n° 10/00981 ; arrêt n° 10/963)

 

Extrait : « S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une « protection effective du consommateur ne [minute page 3] peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo). […]

En l'espèce, le contrat de crédit prévoit dans son article relatif aux modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit que le montant débloqué à l'ouverture du compte, soit 2.500 euros, peut évoluer, moyennant l'accord du prêteur, dans la limite du montant maximum du découvert autorisé, soit en l'espèce 8.000 euros. […] Une telle clause, qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.

En conséquence, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit être déclarée abusive et réputée non écrite. Dès lors, le montant de l'ouverture de crédit correspond au « montant débloqué » souscrit lors de l'acceptation de l'offre préalable, soit en l'espèce 2.500 euros. […] En conséquence, l'action en paiement de la SA MEDIATIS, engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, est forclose. Ses demandes seront déclarées irrecevables, et elle sera condamnée aux entiers dépens de l'instance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE HAGUENAU

JUGEMENT DU 20 JANVIER 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-09-000736.

 

DEMANDEUR :

SA MEDIATIS

[adresse], représenté(e) par Maître CALDEROLI-LOTZ, avocat au barreau de STRASBOURG

 

DÉFENDEURS :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

Madame X.

[adresse], non comparant

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : BRAUN-PONY Agnès

Greffier : WACK Astrid

DÉBATS : Audience publique du 2 décembre 2009

JUGEMENT : réputée contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement le 20 janvier 2010 par BRAUN-PONY Agnès, président, assisté de WACK Astrid, greffier, présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 27 janvier 2002, la SA MEDIATIS a consenti à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. un contrat de crédit utilisable par fractions et assorti d'une carte de paiement d'un montant de 2.500 euros, pouvant être porté à 8.000 euros, au taux effectif variable.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, l'organisme de crédit a provoqué la déchéance du terme.

Par actes du 6 novembre 2009, la SA MEDIATIS a fait assigner Monsieur et Madame X. devant le tribunal d'instance d’Haguenau, afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

* 4.158,50 euros, pour solde du crédit, avec les intérêts au taux conventionnel de 18,99 % à compter du 6 juillet 2009 sur 3.871,17 euros, et au taux légal à compter de l'assignation pour le surplus,

* 400 euros, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

À l'audience du 2 décembre 2009, le tribunal a invité la demanderesse à s'expliquer sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue à l'article L. 331-37 du code de la consommation.

La demanderesse a maintenu l'intégralité de ses prétentions. Elle a exposé que le montant maximum du découvert autorisé avait clairement été fixé à 8.000 euros dans l'offre préalable de crédit. Elle a soutenu qu'il s'agissait du crédit consenti, au sens de L. 311-9 du code de la consommation. Elle a ajouté que selon une jurisprudence de la cour d'appel de Colmar, la clause de variation du capital était conforme aux dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation, dès lors que le montant du découvert maximum autorisé n'était pas grossièrement disproportionné par rapport à l'encours de la fraction disponible. Elle en a conclu qu'en l'espèce, la clause selon laquelle la fraction disponible du découvert pouvait évoluer sur demande de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé ne constituait pas une clause abusive.

Assignés selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, Monsieur et Madame X. n'ont pas comparu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

L'article 125 du code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public.

S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une « protection effective du consommateur ne [minute page 3] peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo).

Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance à peine de forclusion.

Le point de départ du délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer une action se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui leur a donné naissance.

Dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai biennal court à compter de la première échéance impayée non régularisée (Assemblée Plénière de la Cour de cassation, 6 juin 2003).

Ainsi, le dépassement du plafond maximal fixé sur l'offre manifeste la défaillance de l'emprunteur, et fait courir le délai de forclusion (Civ. 1ère, 7 décembre 2004, n° 03-19.862, B., JCP 2005,1V, 1152).

Par ailleurs, il est constant en droit que tout dépassement du plafond de découvert prévu au contrat de crédit par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit (Civ , 17 mars 1998, S., RTD com. oct.déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc).

L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date, a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant la fin du premier alinéa de L. 311-9 en ce sens : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti ». Il s'agit là d'assurer une bonne information du consommateur et d'éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés.

Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a-t-elle pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur de sacrifier aux exigences légales protectrices de l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours.

La Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses, en précisant qu'elles « laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03).

La Cour de cassation a au demeurant rendu un avis dans le même sens le 10 juillet 2006, en considérant que « l'article L. 132-1 du code de la consommation répute non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».

[minute page 4] En l'espèce, le contrat de crédit prévoit dans son article relatif aux modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit que le montant débloqué à l'ouverture du compte, soit 2.500 euros, peut évoluer, moyennant l'accord du prêteur, dans la limite du montant maximum du découvert autorisé, soit en l'espèce 8.000 euros.

Cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 8.000 euros, et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne prévoit pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité de l'acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour l'emprunteur de rétracter leur consentement.

Une telle clause, qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.

En conséquence, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit être déclarée abusive et réputée non écrite.

Dès lors, le montant de l'ouverture de crédit correspond au « montant débloqué » souscrit lors de l'acceptation de l'offre préalable, soit en l'espèce 2.500 euros.

Au regard de l'historique produit par la SA MEDIATIS, le plafond contractuel de 2.500 euros a été dépassé dès le mois de mars 2007, sans qu'aucune nouvelle offre préalable n'ait été soumise au consentement de Monsieur et Madame X. et sans qu'aucune régularisation ne soit intervenue. Ce dépassement de l'ouverture de crédit souscrite constitue le point de départ du délai de forclusion.

En conséquence, l'action en paiement de la SA MEDIATIS, engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, est forclose. Ses demandes seront déclarées irrecevables, et elle sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que l'action en paiement introduite par la SA MEDIATIS à l'encontre de Monsieur X. et Madame Y. épouse X. est forclose ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la SA MEDIATIS ;

CONDAMNE la SA MEDIATIS aux dépens.

Le greffier      Le juge