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CA LYON (1re ch. civ. A), 23 février 2012

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 23 février 2012
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1er ch. civ.
Demande : 09/07365
Date : 23/02/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3640

CA LYON (1re ch. civ. A), 23 février 2012 : RG n° 09/07365 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Quant au moyen pris du caractère abusif de cette clause, la notion de « consommateur » s'applique exclusivement, au sens de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, aux personnes physiques. Si la qualification, distincte, de non-professionnel visée à l'article L. 132-1 du code de la consommation, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives, les dispositions de ce texte ne s'appliquent en aucun cas aux contrats conclus par une société commerciale, telle la SARL JTB.

Cette dernière n'est ni un consommateur, ni un non-professionnel, de sorte qu'elle ne saurait se fonder sur le texte précité pour soutenir que cette stipulation créerait, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; cette exclusion ne vidant pas, par ailleurs, le contrat d'assurances de son objet et de sa substance, elle est valable. »

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G : 09/07365. Décision du tribunal de grande instance de Saint-Étienne, Au fond du 21 octobre 2009 (1ère chambre civile) : R.G. n° 2007/00810.

 

APPELANTE :

SARL JTB J. TRAITEMENT DES BOIS

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avoués à la Cour, assistée de Maître Hélène FOURNEL-PALLE, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

INTIMÉE :

MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIÉS DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE (MACIF)

siège social : [adresse], ayant un centre de gestion : [adresse], représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour, assistée de Maître Marc LARCHER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

 

Date de clôture de l'instruction : 4 février 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 8 décembre 2011

Date de mise à disposition : 23 février 2012

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Michel GAGET, président - François MARTIN, conseiller - Philippe SEMERIVA, conseiller, assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL J. Traitement des bois (JTB) a déclaré le vol d'un véhicule qu'elle louait auprès de la société Volkswagen Finance.

Afin d'obtenir la prise en charge de ce sinistre, elle a assigné son assureur, la MACIF, au contradictoire du loueur, aux droits desquels est à présent la société Varde Investments.

Le jugement entrepris a rejeté son action, ainsi que la demande reconventionnelle de la MACIF, et l'a condamnée à payer à la société Varde Investments une somme de 11.750,58 euros et à chacune des deux parties assignées une indemnité de 1.200 euros pour leurs frais irrépétibles.

* * *

La société JTB a relevé appel ; elle s'est désistée de ce recours, en tant qu'il était formé contre la société Varde Investments ; ce désistement a été constaté par ordonnance du 1er février 2011.

* * *

Par arrêt du 27 octobre 2011, la Cour a invité les partie à présenter leurs observations quant au droit de la SARL JTB de revendiquer la qualité de non-professionnel ou de consommateur au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Cette société soutient que tel est bien le cas, dès lors qu'elle se trouve dans le même état d'ignorance qu'un consommateur et que le contrat en cause n'a pas de rapport direct avec son activité commerciale.

Par ailleurs, en l'état des dernières écritures déposées avant l'arrêt ayant ordonné la réouverture des débats, elle soutient :

- que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le vol a été perpétré en raison, non pas du fait que la clef de contact se trouvait sur le véhicule, mais de manœuvres et de violence de la part des auteurs du vol,

- que la clause de la police restreignant le vol à la seule effraction est contraire à l'ordre public et en particulier à la recommandation de la Commission des clauses abusives préconisant que soit éliminée de tels contrats toute clause excluant la garantie lorsque les clefs ont été laissées à l'intérieur du véhicule, si des violences ont été exercées à l'encontre du conducteur,

- qu'il n'y a pas de fausse déclaration quant à l'état du véhicule volé et que le fait que la location fut proche de sa fin est sans incidence sur le débat.

La société JTB demande en conséquence de condamner la MACIF à lui payer une somme de 11.170,58 euros hors taxes correspondant à l'indemnité de sinistre due au loueur sous déduction de la somme de 1.672 euros, coût de réparation des dommages antérieurs au sinistre, selon l'estimation de l'expert ayant examiné le véhicule après qu'il a été retrouvé, celle de 394,86 euros hors taxes, au titre des frais de dépannage, celle de 11,50 euros hors taxes par jour de gardiennage, et celle de 3.000 euros au titres des frais irrépétibles.

* * *

La MACIF conclut à la confirmation du jugement, en ce qu'il a retenu que la matérialité du vol n'est pas suffisamment établie par la seule plainte du gérant et en l'absence de tout élément objectif ou témoignage, et en ce qu'il a fait application de la clause excluant toute garantie lorsque les clefs sont à l'intérieur du véhicule, hors le cas d'effraction d'un garage clos et fermé.

Elle considère sur ce dernier point, quant à la question posée par l'arrêt rendu avant dire droit, que le véhicule était utilisé en lien direct avec l'activité de la société JTB, de sorte que celle-ci ne peut se prévaloir de la disposition visée et souligne qu'un avis de la CCA n'est pas contraignant.

Elle fait valoir que le véhicule, qui devait être bientôt restitué au loueur, avait fait l'objet de sinistres antérieurs non déclarés, ce qui justifie encore son refus de garantie.

La MACIF estime encore que la société JTB n'a pas qualité à agir, puisqu'elle n'est pas propriétaire du véhicule et qu'étant tiers au contrat de location elle ne peut être tenue au paiement d'une somme qui n'a rien à voir avec le sinistre vol, en l'occurrence une pénalité financière.

Elle conclut à la confirmation du jugement, sauf à condamner la société JTB à lui payer les sommes de 258,93 euros et de 179, 40 euros, au titre des frais d'expertise, et celle de 1.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, avec intérêts capitalisés ; à titre subsidiaire, elle demande que l'indemnité soit limitée à la somme de 9.965,86 euros, à verser directement à la société Varde Investments et, en tout état de cause, de lui allouer une somme de 3.000 euros hors taxes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Peu important que la société JTB ne soit pas propriétaire du véhicule volé, elle est assurée au titre d'un tel sinistre et subit un dommage du fait de sa survenance ; elle est recevable en son action contre l'assureur.

La matérialité du vol et de ses circonstances sont suffisamment établies par les déclarations faites par M. X., gérant de la société JTB ; les observations de la MACIF relatives à l'absence de témoin, à des incohérences de détail dans ces déclarations ou à l'existence d'un choc mineur reçu par le véhicule avant le vol et non déclaré ne sont pas de nature à jeter le doute sur leur sincérité, moins encore à démontrer une fraude.

Il ressort de sa déclaration aux services de police que « le véhicule ayant été heurté par une moto, M. X. en est descendu afin de constater les dégâts, qu'il s'est éloigné de quelques mètres pour prendre contact avec le conducteur de la moto, qui a aussitôt pris la fuite, quand à ce même moment, une autre personne en a profité à son insu, pour lui dérober son véhicule avec la clef de contact qui se trouvait sur le contact ».

L'assureur objecte que la police exclut la garantie du « vol en tout lieu du véhicule assuré alors que les clefs sont à l'intérieur, sur ou sous le véhicule, sauf vol avec effraction d'un garage privatif clos et fermé à clef ».

Quant au moyen pris du caractère abusif de cette clause, la notion de « consommateur » s'applique exclusivement, au sens de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, aux personnes physiques.

Si la qualification, distincte, de non-professionnel visée à l'article L. 132-1 du code de la consommation, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives, les dispositions de ce texte ne s'appliquent en aucun cas aux contrats conclus par une société commerciale, telle la SARL JTB.

Cette dernière n'est ni un consommateur, ni un non-professionnel, de sorte qu'elle ne saurait se fonder sur le texte précité pour soutenir que cette stipulation créerait, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; cette exclusion ne vidant pas, par ailleurs, le contrat d'assurances de son objet et de sa substance, elle est valable.

Pour autant, la société JTB fait exactement valoir que le vol a été perpétré en raison des manœuvres et violence commises par leurs auteurs, qui l'ont volontairement percuté, perturbant ainsi le comportement du conducteur en l'amenant à en descendre sans retirer la clef, avant de tirer profit de la situation.

L'exclusion prévue au contrat d'assurance, qui postule que le vol a été rendu possible par la seule présence de la clef sur le démarreur, ne trouve pas à s'appliquer en pareil cas et la MACIF est tenue à garantie conformément aux principes posés à l'article L. 113-1 du code des assurances.

Quant au montant de l'indemnité due à ce titre, la MACIF est fondée à objecter qu'elle n'est pas tenue de régler le montant de l'indemnité de résiliation stipulée au contrat de location conclu entre les sociétés JTB et Volkswagen Finance ; elle n'est pas, en effet, assureur de la perte financière, mais du véhicule, de sorte que seule la valeur de ce dernier relève de sa garantie.

Ledit véhicule ayant été retrouvé, brûlé, l'expert d'assurance a constaté qu'il présentait des dommages antérieurs, évalués par ses soins à 1.672 euros HT, et estimé sa valeur avant sinistre.

Il n'est pas établi, en revanche, que le coût réel de réparation se chiffrerait en réalité « entre 2.500 et 3.000 euros », comme le soutient la MACIF sur la base d'une déclaration qu'un tiers aurait fait à cet expert, qui ne la relate pas dans son rapport ; par ailleurs, les frais de remorquage, pour 394,86 euros, sont à la charge de l'assureur ; il convient, enfin, de tenir compte de la franchise.

Le décompte proposé à titre subsidiaire par la MACIF dans ses conclusions parvient, sur ces bases, à une indemnité de 9.965,86 euros, qui doit être entérinée.

La société JTB ne justifie pas qu'elle serait exposée au paiement de frais de gardiennage ; sa réclamation présentée à ce titre « pour mémoire » est dépourvue de toute base.

La demande reconventionnelle de la société MACIF, tenue à garantie, n'est pas fondée.

Aucune circonstance ne conduit à écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a statué dans les rapports entre la société J. Traitement des Bois et la Mutuelle Assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de cette dernière,

- Statuant à nouveau,

- Dit la société J. Traitement des Bois recevable en sa demande,

- Dit la Mutuelle Assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce tenue à garantie envers la société J. Traitement des Bois,

- Condamne la Mutuelle Assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce à payer à la société J. Traitement des Bois la somme de 9.965,86 euros,

- Condamne la Mutuelle Assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce aux dépens de première instance et d'appel, hors ceux engagés envers la société Varde Investment, qui resteront à la charge de la société J. Traitement des Bois ; dit que ces dépens seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

Joëlle POITOUX       Michel GAGET