TGI LILLE (1re ch. sect. A), 14 décembre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 371
TGI LILLE (1re ch. sect. A), 14 décembre 2004 : RG n° 02/09823
Publication : Bull. transports 2005, 71
Extrait : « Ainsi, s'il a déjà été jugé que le contrat de déménagement, en tant que tel, n'était pas soumis au délai bref de prescription tel que légalement prévu pour le contrat de transport, il est démontré par la simple lecture des actes contractuels liant les parties, que ce délai a bien été réduit conventionnellement à une durée d'un an. Cet élément a bien été porté à la connaissance de M. X., au vu de sa signature apposée et, ce, alors que pour réclamer la livraison en temps et en heure de ses meubles, M. X. a par courrier du 4 décembre 2000, adressé une mise en demeure à la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL visant l'article 5 de ces mêmes conditions de vente.
M. X. et la MAIF font valoir que cette clause serait abusive, se fondant sur une recommandation établie par la Commission des clauses abusives portant sur les contrats proposés par les déménageurs. Etant rappelé que les recommandations émises par la commission des clauses abusives ont une valeur indicative, il leur appartient alors de démontrer que cette clause a eu pour objet ou pour effet de créer, en l'espèce, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, comme l'impose l'article L. 132-1 du Code de la Consommation. A ce titre, il convient de relever que la disposition relative à la prescription annale de l'action fait l'objet d'une mention lisible, claire et très apparente tant sur la facture que sur la lettre de déménagement signées de M. X., conformément aux recommandations de la commission et qu'il est établi que ce dernier en a eu connaissance, dans la mesure où il s'est lui-même prévalu d'une autre des dispositions des conditions générales de vente, avant la livraison de ses meubles. Par ailleurs, M. X. et la MAIF ne démontrent par aucun argument le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat qui résulterait de la stipulation d'une prescription annale quant à la possibilité d'intenter une action en justice, dans ce domaine d'activité particulier. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/09823. JUGEMENT CONTRADICTOIRE.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Elisabeth POLLE-SENANEUCH, Vice-Président. Assesseurs : Rose PERALES, Déborah BOHEE, Juges,
DEMANDEUR :
Monsieur X.
[...]
MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE MAIF
[...]
représentés par Maître Patrick LOSFELD, avocat
DÉFENDEURS :
SARL DEMENAGEMENTS DERTHEIL
[...]
SA AVIVA ASSURANCES (anciennement « ABEILLES ASSURANCES »)
[...]
représentées par Maître Marc MESSAGER, avocat
Maître Jean TALANDIER avocat
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
1 - Le Tribunal de Grande Instance de Lille est saisi d'une action en en dommages et intérêts pour mauvaise exécution de ses obligations par un prestataire de service qui oppose :
- En demande : M. X. et la MAIF (son assureur),
- En défense : la SARL Déménagement DERTHEIL et la société AVIVA ASSURANCES (anciennement ABEILLE ASSURANCE, assureur de la société).
2 - Suivant assignation délivrée les 15 et 18 novembre 2002, les demanderesses exposent que M. X. a confié à la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL, suivant devis en date du 17 août 2000, suite au décès de ses parents, le déménagement de leurs meubles, puis leur placement dans un garde meuble et enfin leur déménagement vers la métropole lilloise.
Elles ajoutent que malgré plusieurs relances de la part de M. X., il a dû, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 décembre 2000, mettre en demeure la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL de procéder à la livraison de ses meubles, qui lui ont été finalement livrés le 13 décembre 2000.
M. X. indique alors avoir constaté le mauvais état de ces biens et avoir adressé des réserves le jour de la livraison puis les jours suivants, au fur et à mesure du déballage. Il précise n'avoir pu obtenir indemnisation de ce préjudice auprès de la défenderesse, malgré plusieurs réclamations.
M. X. soutient, en conséquence, que ce contrat de déménagement doit s'analyser en un contrat d'entreprise à l'occasion duquel la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL avait une obligation de résultat et que, s'agissant d'une mauvaise exécution de ses obligations, au travers du retard dans la livraison et des dommages causés aux biens à l'occasion du déménagement, la faute de cette dernière est présumée. Il ajoute que la MAIF, qui l'a indemnisé, est subrogée dans les droits et actions de son assuré.
M. X. et la MAIF demandent par conséquent au Tribunal de :
- condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL et la SA AVIVA ASSURANCE venant aux droits de la SA ABEILLE ASSURANCE à payer à :
* M. X. les sommes de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et préjudice moral, de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et de 1.000 euros à titre d'indemnité de procédure,
* à la MAIF, les sommes de 22.031,01 euros au titre des dommages matériels, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant sommation d'avoir à payer, de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 1.000 euros titre d'indemnité de procédure
- dire et juger que les intérêts se capitaliseront conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL et la SA AVIVA ASSURANCE au paiement des dépens dont distraction au profit de Maître LOSFELD.
3 - Par conclusions récapitulatives signifiées le 12 janvier 2004, la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL et la SA AVIVA ASSURANCE concluent principalement à la prescription de l'action et subsidiairement au débouté des demandes formulées par M. X., offrent de verser à la MAIF, une somme de 2.190,08 euros à titre d'indemnisation et demandent la condamnation des demandeurs à leur verser à chacune la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Elles exposent qu'il y a eu entre les parties deux relations contractuelles à savoir d'abord un contrat de garde meuble à l'occasion duquel la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL a gardé en dépôt les meubles de M. X. puis un contrat de déménagement par lequel la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL a livré les meubles de M. X. du sud de la France jusqu'à son domicile dans le nord.
Elles soulèvent d'abord la prescription de l'action introduite : selon elles, le délai d'un an pour introduire une action en justice en cas de litige prévu à l'article 15 des conditions générales du contrat, dont M. X. a eu connaissance, trouve à s'appliquer. Elles ajoutent que le contrat en cause s'analyse davantage comme un contrat de transport et qu'il doit alors être fait application du droit y afférent et donc de cette prescription annale.
Elles s'opposent ensuite aux demandes formulées par M. X. au titre de son trouble de jouissance et de son préjudice moral :
- s'agissant de son trouble de jouissance, elles soulèvent l'irrecevabilité de cette demande, rappelant avoir effectué la livraison dans le délai contractuel, et ce après la mise en demeure de M. X. le 04 décembre 2000.
- s'agissant de son préjudice moral, elles mettent en avant que l'article 14 du contrat exclut toute autre indemnisation que celle du préjudice matériel et que cette demande doit être également rejetée.
Elles s'opposent enfin à la demande formulée par la MAIF en vertu de sa quittance subrogative et, ce, dans la mesure où l'article 16 des « Conditions générales de vente du contrat de déménagement » du même contrat, stipule expressément que les réserves doivent être faites par le client dans les trois jours de la livraison et qu'en conséquence, elle n'offre d'indemniser que les objets ayant fait l'objet de réserve dans le délai contractuellement imparti.
4 - Par conclusions récapitulatives signifiées le 4 mars 2004, M. X. et la MAIF répondent :
- que leur action n'est pas prescrite dans la mesure où la prescription annale est inapplicable au contrat de déménagement et que les défenderesses ne démontrent pas l'intention des parties au contrat de réduire conventionnellement le délai de droit commun de l'action en responsabilité qui est de 10 ans. Selon elles, la clause prévoyant une prescription annale doit être déclarée abusive et non écrite.
- qu'il n'y pas eu deux contrats distincts mais un seul contrat de déménagement avec une période de dépôt des meubles en garde meuble.
- que les demandes formulées au nom de M. X. sont fondées :
* sur le trouble de jouissance : selon elles, il est constitué par les mois d'attente de la livraison de ses biens, qui devaient être livrés le 8 novembre 2000 et ne l'ont été que le 14 décembre 2000 constituant ainsi un retard dans l'exécution de la prestation constitutif du trouble évoqué,
* sur le trouble moral, elles estiment qu'on ne peut leur opposer la clause qui viendrait limiter le droit à indemnisation au seul préjudice matériel, dans la mesure où les défenderesses ne démontrent pas que M. X. ait accepté ces clauses et qu'en tout état de cause, elles doivent s'assimiler à une clause abusive. Par ailleurs, elles rappellent que toute clause limitative de responsabilité peut être écartée en cas de faute lourde du débiteur, ce qui est le cas en l'espèce.
- que les demandes formulées par la MAIF sont fondées dans la mesure où M. X. n'avait pas l'obligation légale ni contractuelle d'émettre ses réserves quant à l'état des biens dans un délai de trois jours et que la clause stipulée en ce sens, outre qu'il n'est pas démontré qu'elle ait été portée à sa connaissance, doit s'analyser également en une clause abusive. Enfin, elles mettent en avant qu'il était impossible à M. X. d'émettre des réserves dans un délai aussi bref, au regard du volume de meubles livré et de l'absence d'aide fourni par la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL lors de leur déballage.
- que la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL a manqué à ses obligations contractuelles et à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat en ne l'assistant pas dans les travaux de déballage, conformément aux termes du contrat et en n'attirant pas l'attention de M. X. sur la nécessité de dénoncer l'ensemble des réserves dans les trois jours de la livraison.
- que le préjudice matériel de M. X. a fait l'objet d'une expertise contradictoire où les défenderesses étaient présentes.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur l'exception tirée de la prescription de l'action :
Les défendeurs opposent la prescription de l'action intentée par M. X. et son assureur, en se basant sur les dispositions contractuelles souscrites entre les parties.
En l'espèce, il résulte de la lecture de la facture établie le 17 août 2000 par la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL, signée par M. X. qui concernait le premier déménagement des meubles vers le garde meuble mais aussi, de la lettre de voiture de déménagement signée également par M. X. le 14 décembre 2000 (exemplaire E, « à conserver par le client ») qui concerne l'enlèvement et le transport des meubles du garde meuble vers le domicile du demandeur, qu'y est stipulée, au verso, de manière claire et lisible au titre « des conditions générales de vente du contrat de déménagement » un chapitre IV portant sur « la responsabilité de l'entreprise » et, dans ce chapitre, un article 15 intitulé « Prescription » qui prévoit « Les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (article 108 du Code du Commerce) ».
Ainsi, s'il a déjà été jugé que le contrat de déménagement, en tant que tel, n'était pas soumis au délai bref de prescription tel que légalement prévu pour le contrat de transport, il est démontré par la simple lecture des actes contractuels liant les parties, que ce délai a bien été réduit conventionnellement à une durée d'un an. Cet élément a bien été porté à la connaissance de M. X., au vu de sa signature apposée et, ce, alors que pour réclamer la livraison en temps et en heure de ses meubles, M. X. a par courrier du 4 décembre 2000, adressé une mise en demeure à la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL visant l'article 5 de ces mêmes conditions de vente.
M. X. et la MAIF font valoir que cette clause serait abusive, se fondant sur une recommandation établie par la Commission des clauses abusives portant sur les contrats proposés par les déménageurs.
Etant rappelé que les recommandations émises par la commission des clauses abusives ont une valeur indicative, il leur appartient alors de démontrer que cette clause a eu pour objet ou pour effet de créer, en l'espèce, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, comme l'impose l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.
A ce titre, il convient de relever que la disposition relative à la prescription annale de l'action fait l'objet d'une mention lisible, claire et très apparente tant sur la facture que sur la lettre de déménagement signées de M. X., conformément aux recommandations de la commission et qu'il est établi que ce dernier en a eu connaissance, dans la mesure où il s'est lui-même prévalu d'une autre des dispositions des conditions générales de vente, avant la livraison de ses meubles.
Par ailleurs, M. X. et la MAIF ne démontrent par aucun argument le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat qui résulterait de la stipulation d'une prescription annale quant à la possibilité d'intenter une action en justice, dans ce domaine d'activité particulier.
Enfin, il y a lieu de constater au vu des éléments du débat que M. X., qui a été indemnisé de son entier préjudice matériel par son assureur, la MAIF, a déclaré son sinistre relatif à cette affaire le 20 décembre 2000 dans le cadre de son assurance Protection Juridique et que l'ensemble des parties et notamment l'assureur de M. X. ont eu, à cette occasion, les pièces contractuelles à leur disposition.
En conséquence, il y a lieu de déclarer prescrite l'action intentée les 15 et 18 novembre 2002 par M. X. et la MAIF, et ce alors que la livraison des meubles a eu lieu le 14 décembre 2000.
- Sur les demandes annexes :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL et de la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL les frais irrépétibles engagés dans ce procès.
Il y a donc lieu de condamner M. X. et la MAIF à leur payer, à chacune, à ce titre la somme de 800 euros, outre le paiement des dépens de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
- Déclare irrecevable comme étant prescrite l'action intentée par M. X. et la MAIF contre la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL et la société AVIVA ASSURANCE,
- Condamne M. X. et la MAIF à verser à la SARL DÉMÉNAGEMENT DERTHEIL et la société AVIVA ASSURANCE, chacune la somme de huit cents euros (800 euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile ;
- Condamne M. X. et la MAIF au paiement des frais et dépens de l'instance.
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6467 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Transport - Transport de déménagement (7) - Prescription et litiges