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TI DREUX, 19 octobre 2004

Nature : Décision
Titre : TI DREUX, 19 octobre 2004
Pays : France
Juridiction : Dreux (TI)
Demande : 11-04-000473
Décision : 652/2004
Date : 19/10/2004
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 19/08/2004
Décision antérieure : CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 16 mai 2006
Numéro de la décision : 652
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3726

TI DREUX, 19 octobre 2004 : RG n° 11-04-000473 ; jugt n° 652/2004

(sur appel CA Versailles (1re ch. sect. 2), 16 mai 2006 : RG n° 05/00459)

 

Extrait : « Attendu qu'en matière de crédit à la consommation, les droits des parties sont fixés par les dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation, auxquelles les parties ne peuvent pas déroger ; Que pour la fixation de la créance due en vertu du contrat de crédit, deux régimes sont applicables selon que l'offre est régulière (article L. 311-30 du Code de la Consommation) ou non (article L. 311-33 du même Code) ; Que le caractère impératif de ces dispositions légales démontre qu'il s'agit d'une sanction civile automatique, attachée de plein droit à tout manquement aux règles de forme exigées par les textes susvisés et qui affecte directement la créance du prêteur dès la conclusion du crédit et quelle que soit la volonté des parties ou la carence de l'emprunteur, alors que le Tribunal ne prononce pas cette sanction mais la constate ;

Attendu que la fin de non recevoir prévue à l'article L. 311-37 du Code de la Consommation et opposée par le prêteur au moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts, ne peut qu'éteindre le droit d'action processuel, et n'affecte en rien le droit subjectif qui a donné naissance au droit d'action, et ne saurait permettre à la société de crédit de se prévaloir d'un fondement juridique erroné pour obtenir la consécration d'un droit subjectif, le droit aux intérêts, qu'elle n'a jamais détenu ; […] ; Attendu en conséquence qu'accueillir la fin de non recevoir tirée de la forclusion pour écarter l'article L. 311-33 du Code de la Consommation reviendrait à : - empêcher le Juge de trancher le litige conformément à la règle de droit applicable ; - permettre aux parties et plus particulièrement au prêteur de déroger à une loi d'ordre public, par ailleurs sanctionnée pénalement ; - permettre au prêteur d'obtenir en justice la consécration à un droit subjectif substantiel qu'il n'a jamais détenu, à savoir le droit aux intérêts ; - autoriser le prêteur, qui se prévaut d'une offre irrégulière, à poursuivre un objet illicite, le droit aux intérêts qui est exclu par l'article L. 311-33 du Code de la Consommation, et à obtenir ainsi une rémunération contraire à la loi ; - limiter à deux ans à compter de la conclusion du contrat la protection de l'emprunteur ; Attendu en fait qu'en opposant la forclusion, le prêteur cherche à utiliser l'article L. 311-37 du Code de la Consommation pour parvenir à un résultat que la loi réprouve, à savoir la consécration d'une offre irrégulière et le paiement d'intérêts dont il a été déchu par l'effet automatique de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation ; Attendu en conséquence que la fin de non recevoir tirée de la forclusion doit être rejetée ; […] ;

Attendu qu'aux termes de l'article 6 du Code Civil, les parties ne peuvent pas déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que l'article 1134 du même code précise que seules les conventions légalement formées ont force obligatoire ; Qu'en outre, le consommateur ne peut pas renoncer au bénéfice des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation qui sont d'ordre public en application de l'article L. 313-16 ; Que dès lors, ce qui échappe à l'autonomie de la volonté ne saurait être obtenu grâce au silence, à l'ignorance ou au défaut de comparution de la partie que la loi entend protéger, fut-ce contre elle-même ; Qu'en vertu des articles 7, 12 et 16 NCPC, le Tribunal peut dans le respect du contradictoire, relever d'office les moyens de droit afin de trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables; qu'en effet l'application d'une loi d'ordre public découle de la nature même de cette norme et ne saurait donc être subordonnée à son invocation par l'une des parties ; Que dès lors le Tribunal a le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation et de les soumettre à la contradiction ».

2/ « Attendu que force est de constater que le contrat litigieux comporte une clause n° II 14 b), prévoyant des cas de résiliation autres que le seul cas prévu par l'article L. 311-30 du Code de la Consommation (le défaut de paiement des mensualités), à savoir la fourniture de renseignements inexacts, et la survenance d'impayés au titre d'un autre prêt ; Que ladite clause aggrave le sort de l'emprunteur, dans la mesure où l'on voit mal en quoi la fourniture de renseignements inexacts justifie la résiliation du crédit, avec les conséquences sévères qu'a cette mesure pour le débiteur (déchéance du terme, indemnité de résiliation, intérêts au taux du prêt sur la dette, frais de justice) ; qu'il est difficile de discerner en quoi la survenance d'impayés dans le cadre d'autres crédits autorise le prêteur à résilier le prêt, tant que celui-ci est ponctuellement remboursé ; […] ; Que dès lors le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts, conformément à l'article L. 311-33 du même code (voir en ce sens Cass.civ. 1°, 1er décembre 1993, CGL c/ D.) et ce sans qu'il soit besoin d'établir un quelconque grief ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE DREUX

JUGEMENT DU 19 OCTOBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-04-000473. Jugement n° 652/2004.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 19 octobre 2004, à 14 h 00 ; Sous la Présidence de Raphaël TRARIEUX, Vice Président chargé du service du Tribunal d'Instance de Dreux, assisté de Annick POIRIER BRISARD, Greffier

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

SA Société FACET

Prise en la personne de son représentant légal, [adresse], représenté(e) par la SCP PICHARD DEVEMY KARM, avocat du barreau de CHARTRES

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

Procédure : Assignation de : LA SCP COQUIN FRAISSE huissier(s) de justice à DREUX (28), en date du 19 août 2004, déposée au greffe de ce Tribunal le 26 août 2004 pour l'audience du 21 septembre 2004.

Date des plaidoiries : 21 septembre 2004. A cette date, l'affaire a été plaidée et le Président ayant déclaré les débats clos, a mis le dossier en délibéré pour le jugement être rendu le 19 octobre 2004, les parties présentes averties.

ET CE JOUR A ÉTÉ RENDU le jugement dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 1 - première page non paginée] FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Suivant offre préalable acceptée le 14 janvier 2000, la société FACET a consenti à Monsieur X. un crédit utilisable par fractions, d'un montant maximal de 14.000 F en capital, remboursable par des échéances mensuelles incluant les intérêts au taux effectif global de 15,48 %.

A la suite de la défaillance de l'emprunteur la société de crédit a provoqué la déchéance du terme.

Par acte en date du 19 août 2004, la société FACET a assigné Monsieur X. devant le Tribunal d'instance de DREUX aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à lui payer la somme de 4.091,22 € avec intérêts contractuels à compter du 25 février 2004, outre 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X., assigné en mairie, n'a pas comparu.

A l'audience du 21 septembre 2004, le Tribunal a soulevé d'office le moyen tiré du défaut de respect des articles L. 311-10 et L. 311-32 du Code de la consommation, du fait de la présence dans le contrat d'une clause aggravant le sort de l'emprunteur.

La société FACET a maintenu ses demandes, et a soutenu que ce moyen ne pouvait pas être relevé d'office, et était en outre atteint par la forclusion. Elle a fait valoir que la présence de cette clause n'avait causé aucun grief au défendeur, et ce d'autant plus que la déchéance du terme avait été prononcée pour cause de défaut de paiement des mensualités.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION - MOTIFS :

Attendu que malgré l'absence de Monsieur X. il convient de statuer sur les demandes de la société FACET après avoir vérifié, conformément à l'article 472 NCPC, que celles-ci sont régulières, recevables et bien fondées ;

 

Sur la demande principale :

Sur la forclusion opposée au moyen tiré de l'irrégularité du contrat et la possibilité pour le Tribunal de soulever d'office le moyen susvisé :

Attendu qu'en matière de crédit à la consommation, les droits des parties sont fixés par les dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation, auxquelles les parties ne peuvent pas déroger ;

[minute page 2] Que pour la fixation de la créance due en vertu du contrat de crédit, deux régimes sont applicables selon que l'offre est régulière (article L. 311-30 du Code de la Consommation) ou non (article L. 311-33 du même Code) ;

Que le caractère impératif de ces dispositions légales démontre qu'il s'agit d'une sanction civile automatique, attachée de plein droit à tout manquement aux règles de forme exigées par les textes susvisés et qui affecte directement la créance du prêteur dès la conclusion du crédit et quelle que soit la volonté des parties ou la carence de l'emprunteur, alors que le Tribunal ne prononce pas cette sanction mais la constate ;

Attendu que la fin de non recevoir prévue à l'article L. 311-37 du Code de la Consommation et opposée par le prêteur au moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts, ne peut qu'éteindre le droit d'action processuel, et n'affecte en rien le droit subjectif qui a donné naissance au droit d'action, et ne saurait permettre à la société de crédit de se prévaloir d'un fondement juridique erroné pour obtenir la consécration d'un droit subjectif, le droit aux intérêts, qu'elle n'a jamais détenu ;

Que tel est le cas lorsque, se prévalant d'une offre irrégulière, le prêteur réclame les sommes prévues aux articles L. 311-30 et suivants du Code de la Consommation au lieu de celles déterminées par l'article L. 311-33 du même Code ;

Attendu par ailleurs, que le prêteur qui a saisi l'emprunteur d'une offre préalable irrégulière et se trouve donc responsable de la situation ainsi créée, ne saurait interdire au défendeur ou au Juge de relever cette irrégularité ;

Attendu en conséquence qu'accueillir la fin de non recevoir tirée de la forclusion pour écarter l'article L. 311-33 du Code de la Consommation reviendrait à :

- empêcher le Juge de trancher le litige conformément à la règle de droit applicable ;

- permettre aux parties et plus particulièrement au prêteur de déroger à une loi d'ordre public, par ailleurs sanctionnée pénalement ;

- permettre au prêteur d'obtenir en justice la consécration à un droit subjectif substantiel qu'il n'a jamais détenu, à savoir le droit aux intérêts ;

- autoriser le prêteur, qui se prévaut d'une offre irrégulière, à poursuivre un objet illicite, le droit aux intérêts qui est exclu par l'article L. 311-33 du Code de la Consommation, et à obtenir ainsi une rémunération contraire à la loi ;

- limiter à deux ans à compter de la conclusion du contrat la protection de l'emprunteur ;

Attendu en fait qu'en opposant la forclusion, le prêteur cherche à utiliser l'article L. 311-37 du Code de la Consommation pour parvenir à un résultat que la loi réprouve, à savoir [minute page 3] la consécration d'une offre irrégulière et le paiement d'intérêts dont il a été déchu par l'effet automatique de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation ;

Attendu en conséquence que la fin de non recevoir tirée de la forclusion doit être rejetée ;

Attendu qu'aux termes de l'article 6 du Code Civil, les parties ne peuvent pas déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que l'article 1134 du même code précise que seules les conventions légalement formées ont force obligatoire ;

Qu'en outre, le consommateur ne peut pas renoncer au bénéfice des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation qui sont d'ordre public en application de l'article L. 313-16 ;

Que dès lors, ce qui échappe à l'autonomie de la volonté ne saurait être obtenu grâce au silence, à l'ignorance ou au défaut de comparution de la partie que la loi entend protéger, fut-ce contre elle-même ;

Qu'en vertu des articles 7, 12 et 16 NCPC, le Tribunal peut dans le respect du contradictoire, relever d'office les moyens de droit afin de trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables; qu'en effet l'application d'une loi d'ordre public découle de la nature même de cette norme et ne saurait donc être subordonnée à son invocation par l'une des parties ;

Que dès lors le Tribunal a le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation et de les soumettre à la contradiction ;

 

Sur la régularité du contrat :

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 311-10 et L. 311-13 du Code de la consommation que l'offre préalable de crédit doit comporter le rappel des dispositions des articles L. 311-15 et suivants du même code, ainsi que les clauses prévues par le modèle type annexé à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation ;

Que les textes susvisés déterminent strictement les obligations de l'emprunteur ;

Que l'article L. 311-32 du Code de la consommation prévoit d'ailleurs qu'aucune indemnité ni aucun coût autre que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 311-29 à L. 311-31 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans le cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces texte ;

Attendu que force est de constater que le contrat litigieux comporte une clause n° II 14 b), prévoyant des cas de résiliation autres que le seul cas prévu par l'article L. 311-30 du Code de la Consommation (le défaut de paiement des mensualités), à savoir la fourniture de renseignements inexacts, et la survenance d'impayés au titre d'un autre prêt ;

[minute page 4] Que ladite clause aggrave le sort de l'emprunteur, dans la mesure où l'on voit mal en quoi la fourniture de renseignements inexacts justifie la résiliation du crédit, avec les conséquences sévères qu'a cette mesure pour le débiteur (déchéance du terme, indemnité de résiliation, intérêts au taux du prêt sur la dette, frais de justice) ; qu'il est difficile de discerner en quoi la survenance d'impayés dans le cadre d'autres crédits autorise le prêteur à résilier le prêt, tant que celui-ci est ponctuellement remboursé ;

Attendu en conséquence qu'il apparaît qu'en stipulant des causes de déchéance du terme autres que le défaut de règlement des échéances par l'emprunteur, la société FACET a remis à ce dernier une offre non conforme aux dispositions impératives des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation, étant rappelé que les modèles types d'offre de crédit à la consommation ne prévoient, comme cas de résiliation, que la défaillance de l'emprunteur ;

Que dès lors le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts, conformément à l'article L. 311-33 du même code (voir en ce sens Cass.civ. 1°, 1er décembre 1993, CGL c/ D.) et ce sans qu'il soit besoin d'établir un quelconque grief ;

Attendu que la créance de la société FACET s'établit comme suit :

* Capitaux prêtés : 11.686,87 €

* sous déduction des versements réalisés par l'emprunteur : 9.245,67 €

* soit au total : 2.441,20 €

* clause pénale : 195,30 €

* reste dû : 2.636,50 €

somme au paiement de laquelle Monsieur X. sera condamné ;

Attendu que l'article L. 311-33 du code de la consommation n'établit aucune distinction entre les intérêts contractuels et les intérêts légaux, de sorte que cette somme ne portera aucun intérêt; qu'il sera rappelé que l'article 1153-1 du Code Civil n'est pas applicable puisque le jugement ne porte pas de condamnation à une indemnité ;

[minute page 5]

Sur les autres demandes :

Attendu qu'il parait équitable de laisser à la charge de la société FACET les frais irrépétibles qu'elle a exposés; que sa demande basée sur l'article 700 NCPC sera rejetée ;

Attendu que l'exécution provisoire ne paraissant pas spécialement nécessaire ou compatible avec la nature de l'affaire, il n'y a pas lieu de déroger à la règle de l'effet suspensif des voies de recours ordinaires ;

Attendu que Monsieur X. sera condamné aux dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

- Déclare que la société FACET est déchue du droit aux intérêts, en application de l'article L. 311-33 du Code de la consommation ;

- Condamne Monsieur X. à payer à la société FACET la somme de 2.636,50 € ;

- Dit que cette somme ne produira aucun intérêt ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 NCPC ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- Condamne Monsieur X. aux dépens provisoirement liquidés et taxés ainsi qu'il suit : assignation 51,65 €

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits et ont signé après lecture faite, le Juge et le Greffier.

Le Greffier     Le Juge