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TGI BASTIA (2e ch. civ.), 13 mars 2008

Nature : Décision
Titre : TGI BASTIA (2e ch. civ.), 13 mars 2008
Pays : France
Juridiction : TGI Bastia. 2e ch. civ.
Demande : 07/00184
Date : 13/03/2008
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 5/01/2007
Décision antérieure : CA BASTIA (ch. civ.), 2 février 2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3791

TGI BASTIA (2e ch. civ.), 13 mars 2008 : RG n° 07/00184

(sur appel CA Bastia (ch. civ. A), 2 février 2011 : RG n° 08/00291)

 

Extraits : 1/ « En l'occurrence, le billet de transport acquis par Monsieur X. auprès de la SA CORSICA FERRIES et versé par celui-ci aux débats précise clairement que les conditions générales de transport se trouvent dans la pochette jointe. Selon ces conditions, l'acceptation du passager de celles-ci rend applicable la loi du pavillon du navire. Il est établi par le défendeur que le navire « CORSICA VICTORIA » à bord duquel il a effectué la traversée TOULON-BASTIA navigue sous le pavillon italien. Les parties, du fait de l'acceptation par Monsieur X. des conditions générales de vente, ont donc fait le choix de la loi italienne et plus précisément du code de la navigation italienne dans son chapitre III section I relative au transport de personnes. »

2/ « Il convient de constater que les dispositions relatives aux clauses abusives régissent également le contrat de transport maritime lorsque ce contrat est conclu entre un professionnel, prestataire de services, et un non professionnel ce qui est le cas en l'espèce. […]. Il est constant qu'en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause. La clause litigieuse renvoie à la loi de du pavillon qui se révèle être la loi italienne. En l'état, Monsieur X. est supposé avoir reçu et lu un exemplaire des conditions générales, ce qu'il ne conteste pas.

Cette clause ne doit pas s'analyser seulement à l'aune de la prescription. Elle a pour objet le choix de la loi du pavillon comme seule loi applicable au litige et non simplement le délai de prescription. Le délai de prescription plus court prévu par le droit italien n'est pas directement visé par la clause. L'application de la loi du pavillon résulte clairement du contrat qui n'a pas été remis en cause par Monsieur X. au moment de sa conclusion. L'application de la loi italienne ne peut sans autre prétention de Monsieur X. suffire à caractériser un déséquilibre significatif à elle seule dès lors que Monsieur X. reconnaît avoir accepté de placer un éventuel litige sous les dispositions de la loi du pavillon. En conséquence, la clause litigieuse a vocation à être appliquée. Il convient donc de débouter Monsieur X. de sa demande. »

 

TRIBNAL DE GRANDE INSTANCE DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE 2

JUGEMENT DU 13 MARS 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/00184. Jugement au fond.

PRÉSIDENT : M. LENFANTIN, Vice-Président

ASSESSEURS : Mme MORRAJA-SANCHEZ, Juge ; Mme SANJUAN-PUCHOL, Juge

GREFFIER : Mme ORSINI, Greffier

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Julie GUISEPPI, avocat au barreau de BASTIA

 

DÉFENDERESSES :

LA CORSICA FERRIES,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social sis [adresse], représentée par la SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI de CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

LA CPAM CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LYON,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège social est sis [adresse], représentée par Maître Pierre-Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

 

Débats tenus à l'audience du : 31 janvier 2008

Date de délibéré indiquée par le Président : 13 mars 2008, par mise à disposition au greffe.

Jugement contradictoire et en premier ressort, susceptible d'appel, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le présent jugement est signé par M. LENFANTIN, Président et par Mme ORSINI Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Exposé du litige :

Les 25 et 26 novembre 2003 Monsieur X. a effectué la traversée TOULON-BASTIA à bord du ferry « CORSICA VICTORIA» de la compagnie maritime CORSICA FERRIES.

Lors du débarquement à BASTIA, alors que Monsieur X. se trouvait sur le pont supérieur en attendant que celui-ci soit baissé, il s'est retrouvé coincé par son propre véhicule contre un autre véhicule se situant à l'avant.

A la suite de cet accident, Monsieur X. a présenté une importante déchirure du muscle jumeau interne avec rupture de la gaine ainsi qu'un volumineux hématome.

L'expertise contradictoire organisée le 5 décembre 2005 a retenu les conclusions suivantes :

- ITT : 3 mois ;

- Consolidation : 5 avril 2004 ;

- IPP : 8% ;

- Quantum doloris : léger à modéré (2,5/7) ;

- Préjudice esthétique : minime (0,5/7) ;

- Préjudice d'agrément : arrêt des marches, des randonnées en montagne et du vélo.

Suite à l'aggravation de l'état de santé de Monsieur X., le Docteur A. a procédé à une nouvelle expertise et a retenu l'aggravation des séquelles de 1 point portant ainsi le taux d'IPP à 9 %.

 

Au visa des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, Monsieur X. a assigné la SA CORSICA FERRIES et la CPAM de LYON par actes du 5 janvier 2007 et du 14 février 2007 à l'effet de l'entendre déclarer responsable de son accident.

En conséquence, celui-ci sollicite l'homologation du rapport d'expertise en date du 3 octobre 2006 du Docteur A. outre la condamnation du défendeur à lui verser la somme de 21.600 € au titre de son préjudice corporel, de même que les frais restés à sa charge et la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant ses dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2007, Monsieur X. réitère ses demandes en se fondant sur la législation française qu'il considère seule applicable au litige.

Il expose que le trajet a été effectué entre TOULON et BASTIA.

Il ajoute que les billets ont été achetés auprès de la CORSICA FERRIES en France et rappelle que les clauses de conditions générales du contrat attribuent compétence au Tribunal de BASTIA en cas de litige.

Il précise qu'en application de l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile, il ne saurait être dérogé à la loi française ; les deux parties au contrat étant de nationalité française.

En outre, Monsieur X. s'oppose à l'application de la clause attributive de compétence à la juridiction du pavillon.

Il conteste l'application de la loi italienne ainsi que le soutient la SA CORSICA FERMES et invoque le caractère abusif de cette clause au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

[minute page 3] Au soutien de sa demande en indemnisation, il explique que son accident est survenu du fait des manœuvres d'un des membres de l'équipage et de l'absence des cales de sécurité.

 

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 27 juin 2007, la SA CORSICA FERRIES considère que seule la loi italienne est applicable en vertu des principes de droit international privé et plus précisément des dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980.

Sur le fondement de l'article 418 du code de la navigation italienne, elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X. dans la mesure où les dispositions du dit article édictent un délai de prescription de six mois à l'action dérivant du contrat de transport de personnes.

Ce délai courant à partir du jour où le passager est arrivé ou devait arriver.

Monsieur X. ayant eu un accident le 26 novembre 2003, le délai de prescription était expiré quand il a engagé son action par assignation du 5 janvier 2007 et du 14 février 2007.

A titre subsidiaire, la SA CORSICA FERRIES conclut au débouté de Monsieur X. faisant valoir que l'obligation de sécurité qui pèse sur elle au regard de l'article 409 du code de la navigation italienne n'est qu'une obligation de moyen et qu'à ce titre aucune faute n'est démontrée à son encontre.

Selon elle, l'accident est probablement dû à l'oubli de la part de la victime d'enclencher son frein à main.

A titre très subsidiaire et, dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, la CORSICA FERRIES propose l'allocation d'une somme totale de 8.300 € à titre d'indemnisation, correspondant à la ventilation entre les différents préjudices.

 

La CPAM de LYON a déclaré sa créance d'un montant de 565,06 € outre l'octroi d'une somme de 750€ au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

La clôture du dossier a été ordonnée le 20 décembre 2007 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 31 janvier 2008.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° Sur la législation applicable :

Aux termes de l'article 3 de la convention de Rome en date du 19 juin 1980 concernant la loi applicable aux obligations contractuelles en cas de conflit de lois, il est prévu que le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.

En l'espèce, le présent litige a pour fondement un contrat de transport maritime de personnes conclu entre une personne physique française, Monsieur X., et une société italienne, la SA CORSICA FERRIES.

En l'occurrence, le billet de transport acquis par Monsieur X. auprès de la SA CORSICA FERRIES et versé par celui-ci aux débats précise clairement que les [minute page 4] conditions générales de transport se trouvent dans la pochette jointe.

Selon ces conditions, l'acceptation du passager de celles-ci rend applicable la loi du pavillon du navire.

Il est établi par le défendeur que le navire « CORSICA VICTORIA » à bord duquel il a effectué la traversée TOULON-BASTIA navigue sous le pavillon italien.

Les parties, du fait de l'acceptation par Monsieur X. des conditions générales de vente, ont donc fait le choix de la loi italienne et plus précisément du code de la navigation italienne dans son chapitre III section I relative au transport de personnes.

 

2° Sur la détermination de clause abusive :

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Des décrets en Conseil d'État, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2 peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.

Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'a toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »

Il convient de constater que les dispositions relatives aux clauses abusives régissent également le contrat de transport maritime lorsque ce contrat est conclu entre un professionnel, prestataire de services, et un non professionnel ce qui est le [minute page 5] cas en l'espèce.

Monsieur X. sollicite que la clause plaçant le contrat sous la loi du pavillon soit réputée non écrite.

Il expose que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En effet, il ne serait pas indiqué dans les conditions générales du contrat que la loi du pavillon est la loi italienne.

Il est constant qu'en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.

La clause litigieuse renvoie à la loi de du pavillon qui se révèle être la loi italienne.

En l'état, Monsieur X. est supposé avoir reçu et lu un exemplaire des conditions générales, ce qu'il ne conteste pas.

Cette clause ne doit pas s'analyser seulement à l'aune de la prescription.

Elle a pour objet le choix de la loi du pavillon comme seule loi applicable au litige et non simplement le délai de prescription.

Le délai de prescription plus court prévu par le droit italien n'est pas directement visé par la clause.

L'application de la loi du pavillon résulte clairement du contrat qui n'a pas été remis en cause par Monsieur X. au moment de sa conclusion.

L'application de la loi italienne ne peut sans autre prétention de Monsieur X. suffire à caractériser un déséquilibre significatif à elle seule dès lors que Monsieur X. reconnaît avoir accepté de placer un éventuel litige sous les dispositions de la loi du pavillon.

En conséquence, la clause litigieuse a vocation à être appliquée. Il convient donc de débouter Monsieur X. de sa demande.

 

3°) Sur la prescription :

Aux termes de l'article 418 du code de la navigation italienne, les droits qui dérivent du transport de personnes et bagages non enregistrés, se prescrivent par un délai de six mois à partir de l'arrivée à destination du passager, ou en cas de défaut d'arrivée, à partir du jour où le passager devait arriver.

En l'espèce, l'accident dont Monsieur X. a été victime est survenu le 26 novembre 2003.

Or, il a introduit son action en responsabilité par actes du 5 janvier 2007 et du 14 février 2007 soit plus de 37 mois après son accident.

En l'occurrence, Monsieur X. ne verse pas aux débats de pièce justifiant que le délai d'action aurait été interrompu par ses réclamations.

[minute page 6] En conséquence, le délai d'action ayant expiré lorsque Monsieur X. a engagé la procédure, cette action est donc irrecevable.

 

Sur la demande de la CPAM :

Il convient de débouter la CPAM de sa demande en remboursement des frais avancés pour un montant de 565,06 €.

 

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

L'équité commande d'exclure l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la société défenderesse et de la CPAM.

 

Sur les dépens :

Monsieur X., partie succombant à l'instance, sera condamné aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,

Dit que la loi italienne, et plus précisément le code de navigation italienne, est applicable au litige,

Déclare irrecevable car prescrite l'action de Monsieur X.,

Déboute la CPAM de sa demande en remboursement des frais avancés pour un montant de 565,06 € ;

Déboute Monsieur X., la SA CORSICA FERRIES et la CPAM de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Condamne Monsieur X. aux entiers dépens.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT