CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 29 mai 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3864
CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 29 mai 2012 : RG n° 11/00405
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La qualité de personne morale de la Sarl Car'Tech pourrait lui permettre de bénéficier de la protection de l'article L. 132-1 du code de la consommation mais il s'agit d'une société commerciale qui a contracté avec la société Cortix pour le transfert d'un site Internet et la mise en place d'un paiement sécurisé en ligne, par conséquent pour les besoins de son activité professionnelle. La qualité de non professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne peut lui être conférée et elle ne peut donc bénéficier de la protection prévue à cet article sur les clauses abusives. »
2/ « Il résulte de ces dispositions qu'il existe une interdépendance entre le contrat de prestation signé avec la société CORTIX et le contrat de location bénéficiant au cessionnaire, la société Locam, dans la mesure où le règlement de la facture du fournisseur CORTIX et l'exigibilité des échéances de location à l'égard du client sont indissociablement liées à la livraison de sa prestation par le fournisseur CORTIX. Les dispositions prévues à l'article 2.2, selon lesquelles en cas de défaillance du fournisseur dans la délivrance du site Internet, le client dégage le cessionnaire de toute responsabilité et à l'article 2.3 selon lesquelles le client ne pourra invoquer la non mise en ligne du site Internet, pour s'opposer à l'exécution du contrat, ne peuvent venir contredire l'interdépendance des deux contrats dès lors que l'exécution du premier déclenche celle de l'autre et forme une opération indivisible. Ces dispositions de l'article 2.2 constituent seulement un défaut de garantie de la part du cessionnaire et celles de l'article 2.3 ne peuvent venir supprimer toute contrepartie de la part du cessionnaire à l'obligation de paiement du client. Le contrat de création du site et le contrat d'exploitation du site sont ainsi liés indissociablement. La résolution du contrat de création de site entraîne donc nécessairement et consécutivement la résolution du contrat de licence d'exploitation qui a été cédé à la société Locam. Le jugement sera également confirmé sur ce point. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 MAI 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00405 (Rédacteur : Madame Caroline Faure, Vice-président placé). Nature de la décision : AU FOND.
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 décembre 2010 (R.G. 2010F00032) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 19 janvier 2011
APPELANTE :
SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, avocats au barreau de BORDEAUX, assistée de la SCP BRUNO VIOLLE, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
SARL CAR'TECH DIFFUSION
prise en la personne de son représentant légal (anciennement domicilié [adresse]) domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP Luc BOYREAU, avocats au barreau de BORDEAUX, assistée de Maître Dalila BENADJEMIA de la SCP RAYNAUD et Associés avocats au barreau des Pyrénées Orientales
SA CORTIX
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse],
SELARL MALMEZAT-PRAT
pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SA CORTIX dont le siège social est Mandataire judiciaire demeurant [adresse]
Maître Gilles SAUTAREL
pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SA CORTIX Profession : Administrateur judiciaire demeurant [adresse]
représentés par Maître Patricia COMBEAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, assistés de Maître Cyril DUBREUIL, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline Faure, Vice-président placé, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Christine ROUGER, Conseiller, Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé Goudot
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La Société Cortix exerce l'activité de fourniture de prestations et solutions informatiques, création de sites Internet, hébergement, conception graphique et multimédia.
La Sarl Cartech Diffusion commercialise des produits chimiques destinés aux automobiles, bateaux et carrosserie. Jusqu'en 2009, elle exploitait un site Internet www.car'techdiffusion.com.
En janvier 2009, elle a été démarchée par la société Cortix pour la création d'un nouveau site Internet avec possibilité de transfert de l'ancien.
Le 13 janvier 2009, la société Car'Tech Diffusion a commandé à la société Cortix la création d'un site Internet avec module catalogue, module d'actualité, la vente en ligne et paiement sécurisé, l'ensemble des prestations étant facturé et financé moyennant le versement de 48 mensualités de 195 euros HT, des frais d'adhésion de 150 euros et des frais d'installation de 150 euros. Un contrat de licence d'exploitation correspondant au bon de commande a été signé entre les mêmes parties le même jour avec faculté pour la société Cortix de céder le contrat à un organisme financier.
Toujours le 13 janvier 2009, la société Car'Tech et la société Cortix ont signé un procès-verbal de réception du site « www.clients-cortix.com/produit-carrosserie-auto-bateau-industrie.com ».
Le 15 janvier 2009, la société Cortix a confirmé avoir ouvert l'espace d'hébergement et réserver le nom de domaine.
Le 20 janvier 2009, la société Cortix a annoncé la mise en ligne du site à l'adresse « www.produit-carrosserie-auto-bateau-industrie.com » et laissait à la société Car'Tech Diffusion trois semaines pour faire des remarques sur la finalisation du site avant validation définitive.
Le 28 janvier 2009, la société Locam a adressé à la société Car'Tech Diffusion la facture unique de loyers.
Le 13 août 2009, la société Car'Tech Diffusion a fait dresser un constat d'huissier concernant le fonctionnement défectueux du site.
Par acte d'huissier des 16 et 24 décembre 2009, la société Car'Tech Diffusion a assigné la société Cortix et la société Locam devant le tribunal de commerce de Bordeaux afin de voir prononcer la résolution du contrat et ordonner le remboursement par la société Cortix des loyers versés à la société Locam. Par acte du 27 mai 2010, la procédure a été régularisée auprès du mandataire judiciaire et de l'administrateur judiciaire, la société Cortix ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Par jugement du 10 décembre 2010, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- prononcé la résolution des contrats de création de site Internet et de licence d'exploitation du site signés le 13 janvier 2009,
- condamné la société Locam à rembourser à la société Car'Tech Diffusion la somme de 2.924,22 euros,
- débouté la société Car'Tech Diffusion de ses demandes de dommages-intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné solidairement les sociétés Locam et Cortix à payer à la société Car 'tech Diffusion la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a relevé que les relations contractuelles initiales entre la société Cortix et la société Car'Tech sont fondées sur deux contrats. Il a constaté que deux des trois griefs soulevés par la société Car'Tech sur le module catalogue et le transfert du nom de domaine étaient caractérisés de nature à justifier la résolution du contrat de création de site ainsi que celle du contrat de licence d'exploitation qui lui est indissociablement attaché au titre de l'indivisibilité des opérations.
La société Locam a interjeté appel le 19 janvier 2011.
La SA Cortix a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde du tribunal de commerce de Bordeaux le 3 mars 2010.
Par acte déclaratif du 17 novembre 2011, Maître Gilles Sautarel a indiqué intervenir en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Cortix.
Les conclusions de la Sas Locam du 28 mars 2011 tendent à :
- voir réformer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution des contrats de location de site Internet et de licence d'exploitation du 13 janvier 2009 et a condamné la société Locam à rembourser à la société Car'Tech Diffusion la somme de 2.924,22 euros outre 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile,
- voir condamner la société Car'Tech Diffusion à payer à la société Locam la somme de 9.492,05 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation du 16 décembre 2009,
- voir condamner la société Car'Tech Diffusion à payer à la Sas Locam la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les conclusions de la société Car'Tech Diffusion du 16 mars 2012 tendent à :
- voir confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de licence d'exploitation de site Internet en date du 13 janvier 2009 aux torts de la Sa Cortix,
- voir dire et juger que la société Car'Tech Diffusion est libérée de toute obligation envers la société Locam,
- voir condamner la SA Cortix à rembourser à la société Car'Tech Diffusion les loyers versés à la société Locam à la date du jugement,
- voir condamner la SA Cortix à payer à la société Car'Tech Diffusion la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son chiffre d'affaires et 3.000 euros au titre du préjudice d'image,
subsidiairement :
- voir prononcer la résolution du contrat de licence d'exploitation et de site Internet du 13 janvier 2009 aux torts de la société Cortix,
- voir condamner la Sa Cortix à rembourser à la société Car'Tech Diffusion les échéances payées et restant dues à la société Locam nonobstant la résolution du contrat, soit la somme de 9.660 euros,
- voir condamner la SA Cortix à payer à la société Car'Tech Diffusion la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de son chiffre d'affaires et 3.000 euros au titre du préjudice d'image,
à titre plus subsidiaire :
- voir fixer la créance de la société Car'Tech Diffusion au passif de la société Cortix à la somme de 22.660 euros,
dans tous les cas :
- voir condamner la Sa Cortix et la société Locam à payer à la société Car'Tech Diffusion la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les conclusions de la SA Cortix, de la Selarl Malmezat-Prat, mandataire judiciaire et de Maître Gilles Sautarel, commissaire à l'exécution du plan du 19 mars 2012 tendent à :
- voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts de la société Cortix et statuant à nouveau :
- voir rejeter toute demande de condamnation s'agissant d'une revendication de créance en tout état de cause antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 3 mars 2010,
- voir dire et juger non fondées les demandes de la société Car'Tech Diffusion à l'encontre de la société Cortix,
- voir mettre la société Cortix hors de cause,
- voir débouter la société Car'Tech Diffusion et la société Locam de leurs demandes présentées à son encontre,
- voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Car'Tech Diffusion de sa demande en dommages-intérêts,
- voir condamner la partie succombante à payer à la société Cortix la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'audience du 20 mars 2012, la clôture ordonnée le 6 mars 2012 a été reportée à la date des plaidoiries.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la résolution du contrat conclu avec la société Cortix :
L'article 1184 du code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Il appartient à la société Car'Tech Diffusion de démontrer un manquement suffisamment grave de la société Cortix dans sa prestation de service qui constitue un contrat d'entreprise pour obtenir la résolution du contrat.
L'article 12 des conditions générales du bon de commande prévoit que le prestataire est tenu à une obligation de résultat au titre de la réalisation du site et à une obligation de moyens au titre de l'hébergement, du référencement et de la demande d'achat du nom du domaine.
L'article 2 des conditions générales du bon de commande relatif à la conception du site Internet prévoit que les prestations portent sur la réalisation d'un site Internet, selon les spécifications du cahier des charges convenu et joint en annexe comprenant notamment l'arborescence du site, les liens hypertextes, la fourniture des textes si nécessaire, les graphismes et les sons. Or il ne ressort d'aucune pièce produite aux débats, l'existence d'un cahier des charges de nature à préciser ces modalités précitées. Cette carence empêche ainsi la définition des souhaits de la cliente et la vérification de la conformité de la prestation à des attentes prédéfinies.
Les conditions financières du bon de commande comme celles mentionnées sur le contrat de licence d'exploitation du site Internet sont remplies de manière lacunaire dès lors qu'elles ne font pas apparaître le coût total des mensualités mais seulement leur montant mensuel, la société cliente n'étant pas alors informée de manière complète. Le bon de commande ne mentionne à aucune rubrique de ses conditions générales qu'il s'agit de loyers et ce n'est que dans l'article 14 des conditions générales du bon de commande qu'il est indiqué que la durée de 48 mois est irrévocable et que le contrat se renouvellera à l'échéance par tacite reconduction. L'information du client sur la durée du contrat et les modalités de paiement ne sont pas satisfaisantes.
Le paiement à la charge de la société cliente Car'Tech Diffusion constitue son obligation principale et doit répondre à une contrepartie de la part de son cocontractant. Or la société Cortix avec l'exigibilité des échéances dès la signature du procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement à une adresse provisoire qui ne correspond pas à la commande n'accomplit qu'une partie infime de sa prestation, l'espace d'hébergement n'étant pas validé et la création du site n'ayant même pas débuté, créant ainsi un déséquilibre préjudiciable dans les obligations des parties et traduisant un manque de loyauté dans l'exécution de bonne foi du contrat.
Le constat du 13 août 2009 établi à la demande de la société Car'Tech Diffusion révèle que le transfert de l'ancien nom de domaine n'a pas été effectué et qu'il est toujours accessible rendant en partie superfétatoire la création d'un nouveau site avec Cortix qui ne peut invoquer le refus de transfert du premier concepteur alors qu'elle est tenue à une obligation de résultat dans la réalisation du site. Par ailleurs, aucun paiement en ligne avec commande sur catalogue n'a été réalisé en violation avec les engagements contractuels concernant la description de la prestation.
La société Cortix ne peut s'abriter derrière le fait que la particularité et l'intérêt de son offre ne résident pas seulement dans la création d'un site Internet mais à fournir des prestations à exécution successive visant à maintenir l'intérêt de ce site sur la durée, en l'espèce sur quatre ans, dès lors que la prestation initiale n'est pas effectivement réalisée et qu'une de ses composantes comme le paiement en ligne sécurisé n'est pas opérationnel, rendant ainsi toute mise à jour et maintenance inopérantes sur un concept défectueux dès l'origine. Elle ne peut de surcroît déclarer que la création du site Internet est autant essentielle que la maintenance et la mise en jour postérieures alors que le seul procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement du nom d'un domaine comportant la dénomination clients.cortix.com à l'exclusion de toutes les autres prestations est nécessaire et suffisante pour déclencher l'obligation à paiement.
Ces manquements, sans qu'il soit besoin d'examiner si le référencement et d'autres modules sont conformes à la commande, sont suffisamment graves pour prononcer la résolution du contrat de réalisation d'un site Internet aux torts de la société Cortix. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Cependant, les premiers juges ont statué ultra petita en condamnant la société Locam à rembourser la somme de 2.924,22 euros correspondant aux loyers, dès lors que la demande était dirigée contre la société Cortix. Le jugement sera donc réformé sur ce point.
La société Car'Tech Diffusion est recevable à voir fixer sa créance au passif de la sauvegarde de la société Cortix, dès lors qu'elle a déclaré sa créance par lettre du 11 mai 2010 à hauteur de 22.660 euros. La société Cortix a été payée de l'intégralité de sa prestation par la société Locam, son cessionnaire. Du fait de la résolution du contrat de création de site, la société Car'Tech subit un préjudice matériel constitué par le paiement des premiers loyers à la société Locam dès lors que la prestation se trouve annulée. Son préjudice est équivalent au montant des loyers versés soit 2.924,22 euros. La société Cortix, à l'origine de ce préjudice, est tenue de rembourser à la société Car'Tech cette somme. En conséquence, la créance de la société Car 'Tech Diffusion au passif de la sauvegarde de la société Cortix sera fixée à ce montant.
La société Car'Tech ne justifie pas d'une perte de chiffre d'affaires mais a subi néanmoins un trouble commercial résultant d'une perte d'image en présence d'un site incomplet, juxtaposé avec un autre site, sans paiement en ligne et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé sur ce point.
La créance totale de la société Car'Tech au passif de la sauvegarde de la société Cortix s'élève donc à la somme de 4.424,22 euros.
Sur les demandes formées contre la société Locam :
L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La qualité de personne morale de la Sarl Car'Tech pourrait lui permettre de bénéficier de la protection de l'article L. 132-1 du code de la consommation mais il s'agit d'une société commerciale qui a contracté avec la société Cortix pour le transfert d'un site Internet et la mise en place d'un paiement sécurisé en ligne, par conséquent pour les besoins de son activité professionnelle. La qualité de non professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne peut lui être conférée et elle ne peut donc bénéficier de la protection prévue à cet article sur les clauses abusives.
Le contrat de licence d'exploitation prévoit en son article 1er la possibilité pour le fournisseur Cortix de céder les droits résultant du présent contrat au profit d'un cessionnaire et le client accepte dès la signature le transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire. En l'espèce, le contrat de licence a été cédé à la société Locam, identifiée comme bailleur potentiel dans le contrat de licence d'exploitation, qui a réglé la facture au fournisseur Cortix. Le contrat de licence d'exploitation n'est pas seulement un contrat de « location » comme l'entend la société Locam mais un contrat de licence d'exploitation sur les éléments constitutifs du site internet en vertu de l'article 3, l'exploitation découlant ainsi de la création du site et elle est ainsi devenue propriétaire du site Internet en application de cet article 1er.
L'article 2.1 du contrat de licence d'exploitation prévoit que toutes clauses ou conditions particulières du bon de commande non expressément dénoncées au cessionnaire sont inopposables à ce dernier. A contrario, les clauses qui lui sont dénoncées lui sont donc opposables.
L'article 2.2 stipule que l'obligation de délivrance du site Internet est exécutée par le fournisseur, sous le contrôle du client.
Il indique également que la signature par le client du procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement est le fait déclencheur d'une part de l'exigibilité des échéances et d'autre part pour le cessionnaire de la faculté de règlement de la facture du fournisseur.
L'article 8 du contrat prévoit, quant à lui, que le contrat est conclu sous condition résolutoire de la signature du procès verbal de conformité dans les conditions définies à l'article 2.2.
L'article 9 du contrat précise d'ailleurs que la signature du procès-verbal de conformité du site internet vaut début de paiement des échéances pour le site internet.
Il résulte de ces dispositions qu'il existe une interdépendance entre le contrat de prestation signé avec la société CORTIX et le contrat de location bénéficiant au cessionnaire, la société Locam, dans la mesure où le règlement de la facture du fournisseur CORTIX et l'exigibilité des échéances de location à l'égard du client sont indissociablement liées à la livraison de sa prestation par le fournisseur CORTIX.
Les dispositions prévues à l'article 2.2, selon lesquelles en cas de défaillance du fournisseur dans la délivrance du site Internet, le client dégage le cessionnaire de toute responsabilité et à l'article 2.3 selon lesquelles le client ne pourra invoquer la non mise en ligne du site Internet, pour s'opposer à l'exécution du contrat, ne peuvent venir contredire l'interdépendance des deux contrats dès lors que l'exécution du premier déclenche celle de l'autre et forme une opération indivisible. Ces dispositions de l'article 2.2 constituent seulement un défaut de garantie de la part du cessionnaire et celles de l'article 2.3 ne peuvent venir supprimer toute contrepartie de la part du cessionnaire à l'obligation de paiement du client.
Le contrat de création du site et le contrat d'exploitation du site sont ainsi liés indissociablement.
La résolution du contrat de création de site entraîne donc nécessairement et consécutivement la résolution du contrat de licence d'exploitation qui a été cédé à la société Locam. Le jugement sera également confirmé sur ce point.
La résolution du contrat de licence d'exploitation a pour effet de libérer la société Car'Tech de toute obligation envers la société Locam, ce qui sera précisé dans le dispositif dès lors que cette mention figurant dans les motifs du jugement du tribunal de commerce a été omise dans son dispositif. De même, la société Locam sera déboutée de l'intégralité de ses demandes formulées contre la société Car'Tech contre laquelle elle ne peut plus exiger le paiement des loyers.
La société Cortix est redevenue in bonis du fait de l'adoption d'un plan de sauvegarde et la demande de la société Car'Tech Diffusion sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile qui est une créance née postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde et qui résulte uniquement de la présente décision, n'est donc pas susceptible de déclaration à la procédure collective.
L'équité commande d'allouer une indemnité à la société Car'Tech Diffusion sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA Locam à rembourser à la société Car'Tech Diffusion la somme de 2.294,22 euros et débouté la société Car'tech Diffusion de ses demandes en dommages et intérêts,
Statuant à nouveau :
Fixe la créance de la société Car'Tech Diffusion au passif de la sauvegarde de la société Cortix à la somme de 4.424,22 euros,
Confirme pour le surplus le jugement déféré,
Y ajoutant :
Déclare la société Car'Tech Diffusion libérée de toute obligation à l'égard de la société Locam et déboute la société Locam de ses demandes formées contre la société Car'Tech Diffusion,
Condamne la société Cortix in solidum avec la société Locam à payer à la société Car'Tech Diffusion la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cortix assistée de la Selarl Malmezat-Prat, mandataire judiciaire et de Maître Gilles Sautarel, commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde in solidum avec la société Locam aux dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Jean-François Bancal, conseiller faisant fonction de président et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte