CA BESANÇON (2e ch. civ.), 12 septembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3931
CA BESANÇON (2e ch. civ.), 12 septembre 2012 : RG n° 11/01308
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'aucune clause ne créait une interdépendance entre les deux contrats et ne soumettait la validité de l'un à l'existence de l'autre ; que la non réalisation de la vente du terrain ne peut justifier une annulation du contrat de vente de maison en kit, lequel doit donc recevoir application ;
Que toutefois l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats passés entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs ; qu'il en est ainsi lorsqu'est prévue à la charge du non professionnel qui n'exécute pas ses obligations le paiement d'une indemnité sans fixer à la charge du professionnel une indemnité du même ordre pour un manquement similaire ; qu'en l'espèce à l'article 1 et à l'article 8 des conditions générales sont prévues une indemnité égale à 33 % de la facture en cas d'annulation de la commande et une pénalité pour non paiement de 15 % alors qu'à l'article 3 le vendeur s'exonère de toute responsabilité et exclut toute indemnisation en matière de livraison, de délais, de problèmes d'exécution ; qu'à juste titre le premier juge a considéré comme abusives et non écrites les clauses sur le fondement desquelles la SARL CREA HOME réclame 28.703,40 euros et 4.305,51 euros ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/01308. Contradictoire. Sur appel d'une décision du TRIBUNAL D'INSTANCE DE LURE en date du 6 avril 2011 [R.G. n° 10/00020]. Code affaire : 54A - Demande en nullité d'un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse]
Madame Y.,
née le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse]
Ayant pour postulant Maître Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON et pour plaidant Maître Laura ANGELLINI, avocat au barreau de BELFORT
ET :
INTIMÉE et APPELANTE INCIDENTE :
SARL CREA HOME,
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de son gérant en exercice, Ayant pour postulant Maître Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, et pour plaidant Maître Jean-Michel ARCAY, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, C. THEUREY-PARISOT et M.F. BOUTRUCHE, Conseillers,
GREFFIER : N. JACQUES, Greffier,
Lors du délibéré : M. SANVIDO, Président de Chambre, C. THEUREY-PARISOT et M.F. BOUTRUCHE, Conseillers,
L'affaire plaidée à l'audience du 12 juin 2012 a été mise en délibéré au 12 septembre 2012. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon un bon de commande signé le 18 avril 2008, Monsieur X. et Madame Z. divorcée Y. ont acheté une maison en kit pour un prix de 86.980 euros, livrable 1 à 2 mois après l'obtention du permis de construire.
Par jugement du 6 avril 2011, le Tribunal d'Instance de Lure a :
- constaté que les clauses relatives aux pénalités imposées au client ont le caractère de clauses abusives et doivent être réputées non écrites,
- condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à la SARL CREA HOME 8.698 euros à titre de dommages-intérêts,
- dit que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 22 octobre 2009, date du rejet du chèque par le tiré,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rappelé en tant que de besoin qu'à défaut de transaction le chèque n° 655XXX3 rejeté le 22 octobre peut encore faire l'objet d'un recouvrement auquel cas s'opérera compensation avec la condamnation ci-dessus,
- débouté la SARL CREA HOME du surplus de sa demande reconventionnelle,
- dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur X. et Madame Y.,
- condamné Monsieur X. et Madame Y. à payer à la SARL CREA HOME 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X. et Madame Y. ont interjeté appel pour que la SARL CREA HOME soit déboutée et que soit :
- prononcée la nullité du contrat,
- subsidiairement constaté que la SARL CREA HOME a manqué à son devoir de conseil,
- ordonné la restitution du chèque tiré le 27 avril 2009,
- confirmé le caractère abusif des clauses,
- appliqué à leur profit l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1.000 euros.
Ils expliquent que le contrat stipulait le versement de 10 % du prix à la commande, de 40 % au moment du plan, du solde 8 jours avant le départ de l'usine, qu'il était accompagné d'un descriptif chiffré, d'un projet de financement comprenant le terrain, le tout s'élevant à 156.900 euros, qu'ils ont versé un acompte de 8.698 euros par chèque du 27 avril 2009.
Ils relatent que le 17 juillet 2009 et le 12 septembre 2009, les Banques leur signalaient que le financement de leur projet ne serait pas mis en place ce dont ils informaient la SARL CREA HOME.
Ils précisent qu'ils ont formé opposition au chèque d'acompte.
Ils soutiennent que l'achat du terrain était un préalable à l'édification de la maison, que l'achat de ce terrain n'a pu se concrétiser faute de financement, que la clause suspensive ne concernait que la vente dudit terrain et ne figurait pas au contrat de vente des éléments en kit, que toutefois les deux conventions étaient liées, que la SARL CREA HOME savait qu'une demande de financement était déposée pour les deux opérations, que la disparition d'un des contrats entraîne celle de l'autre.
Ils soulignent que le contrat de vente de la maison était un contrat d'adhésion, que la SARL CREA HOME était un professionnel qui aurait dû attirer leur attention sur les conséquences d'un refus bancaire, aurait dû inclure une condition suspensive ou différé la signature dans l'attente d'un accord de la banque sur le financement.
Ils observent que le vendeur s'est totalement exonéré de sa responsabilité et a édicté des clauses imposant à l'inverse des pénalités sévères à ses cocontractants.
Ils admettent avoir commis une faute en déclarant perdu le chèque d'acompte mais considèrent qu'aucun préjudice n'a été causé à la SARL CREA HOME.
La SARL CREA HOME a formé un appel incident et conclu à la réformation partielle, demandant que les appelants soient déboutés et condamnés à lui payer 28.703,40 euros et 4.305,51 euros avec intérêts depuis le jugement et capitalisation, outre 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle affirme qu'il n'y a pas interdépendance entre un achat de bien immobilier et un contrat de vente de matériel en kit, que la non réalisation du compromis de vente du terrain ne peut avoir d'effet sur l'exécution de l'autre contrat, lequel ne contient aucune condition suspensive d'octroi de prêt et n'a fait l'objet d'aucune rétractation dans les délais prescrits par le code de la consommation auquel il est soumis.
Elle remarque que Monsieur X. et Madame Y. avaient chargé la société CREA SERVICE, qui est une entité juridique différente, d'élaborer pour leur compte le dossier de permis de construire, mission qui a été remplie.
Elle soutient qu'il appartenait au notaire d'attirer l'attention des acheteurs sur les conséquences d'un refus bancaire, le compromis de vente du terrain étant antérieur au contrat de vente de la maison, qu'il appartenait à Monsieur X. et Madame Y. de différer la signature du deuxième contrat.
Elle estime que la Cour d'Appel ne devra se prononcer que sur les clauses dont l'application est sollicitée ; que la clause pénale et celle prévoyant une indemnité de résiliation ne sont pas abusives, qu'aucun déséquilibre significatif n'existe ; qu'elle a pu légitimement entreprendre la fabrication après la confirmation de la commande et l'obtention du permis de construire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2012.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Attendu que le 16 avril 2009 Monsieur X. et Madame Y. ont signé un compromis de vente afférent à une parcelle de terrain à bâtir au prix de 43.000 euros, soumis à la condition suspensive de l'obtention de prêts à hauteur de 142.000 euros ; que deux attestations de la Société Crédit Immobilier de France et de la Société Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté établissent que ces prêts n'ont pas été octroyés ;
Attendu que le contrat de vente de la maison en kit a été matérialisé par un bon de commande du 18 avril 2009 et un bon de commande de confirmation du 27 avril 2009 qui ne contiennent aucune condition suspensive et ne bénéficiaient que du délai légal de rétractation expiré au moment de la renonciation à l'achat ;
Attendu qu'aucune clause ne créait une interdépendance entre les deux contrats et ne soumettait la validité de l'un à l'existence de l'autre ; que la non réalisation de la vente du terrain ne peut justifier une annulation du contrat de vente de maison en kit, lequel doit donc recevoir application ;
Que toutefois l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats passés entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs ; qu'il en est ainsi lorsqu'est prévue à la charge du non professionnel qui n'exécute pas ses obligations le paiement d'une indemnité sans fixer à la charge du professionnel une indemnité du même ordre pour un manquement similaire ; qu'en l'espèce à l'article 1 et à l'article 8 des conditions générales sont prévues une indemnité égale à 33 % de la facture en cas d'annulation de la commande et une pénalité pour non paiement de 15 % alors qu'à l'article 3 le vendeur s'exonère de toute responsabilité et exclut toute indemnisation en matière de livraison, de délais, de problèmes d'exécution ; qu'à juste titre le premier juge a considéré comme abusives et non écrites les clauses sur le fondement desquelles la SARL CREA HOME réclame 28.703,40 euros et 4.305,51 euros ;
Mais attendu qu'étaient annexés aux bons de commande des plans de la maison à construire signés par les acquéreurs, un descriptif chiffré des travaux à effectuer (terrassement, maçonnerie, couverture), un chiffrage estimatif du prix de revient incluant les matériaux, les frais de transport, le terrain, les frais de notaire soit au total 156.900 euros ; que la SARL CREA HOME qui avait donc une vision globale de l'opération et n'était pas un simple vendeur de matériaux a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de ses cocontractants sur le fait qu'ils n'étaient pas encore propriétaires du terrain, qu'ils voulaient obtenir un prêt à la fois pour acheter le terrain et la maison en kit, qu'un risque de non obtention de ce prêt global existait ;
Que de leur côté Monsieur X. et Madame Y. ont déclaré mensongèrement la perte du chèque d'acompte pour justifier leur opposition, portant ainsi atteinte aux droits du bénéficiaire alors que la somme était due en exécution du contrat de vente ;
Que ces deux fautes réciproques et les préjudices qui en ont été la conséquence doivent donner lieu à indemnisation ; qu'il y a lieu de confirmer l'évaluation à hauteur de 8.698 euros du préjudice subi par la SARL CREA HOME et d'évaluer à la même somme celui de Monsieur X. et Madame Y., en prévoyant la restitution du chèque par la SARL CREA HOME à Monsieur X. et Madame Y. et la compensation ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement rendu le 6 avril 2011 par le tribunal d’Instance de Lure sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives au sort du chèque N° 655XXX3 tiré de 27 avril 2009 et en ce qui concerne l'application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL CREA HOME ainsi que la condamnation de Monsieur X. et Madame Y. aux dépens ;
Statuant à nouveau,
ORDONNE la restitution à Monsieur X. et Madame Y. par la SARL CREA HOME du chèque n° 655XXX3 du 27 avril 2009 tiré sur le Crédit Mutuel de Vesoul rejeté le 22 octobre 2009,
DIT n'y avoir lieu à application de l’article 700 du CPC au profit de la SARL CREA HOME ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL CREA HOME à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de HUIT MILLE SIX CENT QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS (8.698 euros) à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de conseil ;
ORDONNE la compensation entre les dommages-intérêts dus par la SARL CREA HOME et ceux dus par Monsieur X. et Madame Y. ;
DIT n'y avoir lieu à hauteur d'appel à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et N. JACQUES, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6082 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Clause de dédit ou d’annulation
- 6469 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (1) - Formation du contrat - Règles générales