CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 6 novembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4032
CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 6 novembre 2012 : RG n° 11/00621
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mais attendu que l’article L. 136-1 du code de la consommation, qui s'applique exclusivement au consommateur, ne concerne que les personnes physiques, de sorte que le comité d'entreprise de la Polyclinique X., personne morale, ne peut s'en prévaloir ».
2/ « Que la notion de non-professionnel, distincte de la notion de consommateur, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives ; Mais attendu que, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir, d'une part, exactement relevé que le comité d'entreprise de la Polyclinique X. était un professionnel au regard de l'objet du contrat litigieux ayant un lien direct avec celui de son activité, qui est, selon la loi, d'assurer, de contrôler ou de participer à la gestion des activités sociales ou culturelles établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leur famille, et, d'autre part, constaté que la résiliation était intervenue par lettre du 10 août 2007, envoyée, selon le cachet de la poste, le 27 août suivant, le tribunal a décidé de faire droit à la demande principale en paiement de la SARL CVE ».
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 6 NOVEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00621.
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 20 janvier 2011 par le tribunal d'instance de REIMS,
COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA POLYCLINIQUE X.
COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD, avocats au barreau de REIMS, et ayant pour conseil la SCP CHALON-SUBSTELNY, avocats au barreau de REIMS ;
INTIMÉE :
SARL COMITÉ VIDEO ENTREPRISE
ZA [adresse], COMPARANT, concluant par la SCP GENET & BRAIBANT, avocats au barreau de REIMS, et ayant pour conseil la SCP HAUSSMANN - KAINIC - HASCOET, avocats au barreau d'ESSONNE.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur HASCHER, président de chambre, Monsieur CIRET, conseiller, Madame DIAS DA SILVA JARRY, conseiller
GREFFIER : Madame CARRE, adjoint administratif faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS : A l'audience publique du 11 septembre 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 octobre 2012, prorogé au 6 novembre 2012,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2012 et signé par Monsieur HASCHER, président de chambre, et Madame CARRE, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé en date du 20 mars 2007, la société à responsabilité limitée COMITE VIDEO ENTREPRISE, ci-après désignée la SARL CVE, a conclu avec le comité d'entreprise de la Polyclinique X. un contrat de location d'une durée de six mois commençant à courir le 12 avril 2007, portant sur la fourniture d'un lot de 100 DVD par mois moyennant une redevance mensuelle de 208,80 euros.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 10 août 2007, le comité d'entreprise de la Polyclinique X. a « demandé » à la SARL CVE « de ne pas reconduire (son) contrat de location de DVD ».
Par lettre du 11 septembre 2007, la SARL CVE, invoquant l'article 2 du contrat du 20 mars 2007 et faisant valoir qu'elle aurait dû recevoir la lettre de résiliation un mois avant le 12 août 2007, a répondu que « la dernière livraison » s'effectuerait « le 12/09/2008 ».
Puis, par lettre du 30 janvier 2008, la SARL CVE a accepté « à titre purement commercial et exceptionnel » de « réduire la durée du contrat (...) à 9 mois au lieu de 12 mois ».
N'ayant pas obtenu le règlement des factures correspondantes, la SARL CVE a, par acte du 15 janvier 2010, invoquant les articles 1134 et suivants et 1709 et suivants du code civil, assigné le comité d'entreprise de la Polyclinique X. devant le tribunal d'instance de REIMS en paiement, avec exécution provisoire, de la somme principale de 3.229,20 euros et de celles de 1.200,00 euros en dommages-intérêts pour résistance abusive et de 800,00 euros pour frais non taxables.
Le comité d'entreprise de la Polyclinique X. a conclu au rejet de ces réclamations et a réclamé l'allocation d'une indemnité de 1.000 euros pour frais répétibles. Il a soutenu que, faute d'avoir bénéficié de l'information prévue à l’article L. 136-1 du code de la consommation, le contrat litigieux pouvait être résilié à tout moment à compter de la date de reconduction. Il a ajouté que la clause de reconduction tacite invoquée par la SARL CVE était réputée non écrite car abusive.
Par jugement rendu le 20 janvier 2011, le tribunal d'instance de REIMS a :
- condamné le comité d'entreprise de la Polyclinique X. à payer à la SARL CVE la somme de 3.229,20 euros au titre des factures n° 1194, 1195, 2074 et 2075, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- rejeté la demande indemnitaire accessoire,
- condamné le comité d'entreprise de la Polyclinique X. à payer à la SARL CVE la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné le comité d'entreprise de la Polyclinique X. aux dépens,
- rejeté la demande d'exécution provisoire.
Le comité d'entreprise de la Polyclinique X. a régulièrement interjeté appel de cette décision le 8 mars 2011.
MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 3 juin 2011, le comité d'entreprise de la Polyclinique X. sollicite l'infirmation du jugement déféré et conclut au débouté des demandes de la SARL CVE ainsi qu'à la condamnation de celle-ci à lui payer une indemnité de 1.500 euros pour frais non recouvrables. Au visa de l'article. L. 136-1 du code de la consommation, il soutient que, faute d'avoir bénéficié de l'information prévue à l’article L. 136-1 du code de la consommation, le contrat litigieux pouvait être résilié à tout moment à compter de la date de reconduction. Il prétend que la qualification de consommateur n'est pas exclue « au bénéfice d'une personne morale, le seul critère devant être pris en considération étant le niveau d'ignorance dans lequel celle-ci se trouve à l'égard de l'objet du contrat en cause qui ne relèverait pas de sa sphère habituelle de compétence ». En outre, selon elle, « la tacite reconduction a pour effet, non de proroger le contrat initialement conclu, mais de faire naître un nouveau contrat à durée indéterminée », la résiliation pouvant donc, dans ce cadre, intervenir à tout moment. Invoquant l’article L. 132-1 du code de la consommation, l'appelant ajoute que la clause de reconduction tacite invoquée par la SARL CVE est réputée non écrite car abusive.
Par écritures notifiées le 1er août 2011, la SARL CVE conclut à la confirmation du jugement déféré, hormis en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Formant appel incident de ce chef, elle demande la condamnation du comité d'entreprise de la Polyclinique X. à lui payer la somme de 1.200 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et réclame l'allocation d'une indemnité de 2.000 euros pour frais irrépétibles d'appel. Elle fait valoir les termes de l’article 1134 alinéa 1 du code civil et expose que l'appelant n'ayant « pas respecté le formalisme du contrat », « la résiliation ne peut avoir d'effet ». Elle soutient que l’article L. 136-1 du code de la consommation ne concerne que les personnes physiques et que, de même, l'appelant ne peut invoquer l’article L. 132-1 du code de la consommation.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 28 août 2012.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Attendu que les premier et deuxième alinéas de l’article L. 136-1 du code de la consommation disposent que « le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite » et que « lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction » ;
Mais attendu que l’article L. 136-1 du code de la consommation, qui s'applique exclusivement au consommateur, ne concerne que les personnes physiques, de sorte que le comité d'entreprise de la Polyclinique X., personne morale, ne peut s'en prévaloir ;
Attendu qu'aux termes des dispositions des premier et troisième alinéa de l’article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et « doivent être exécutées de bonne foi » ;
Que, sauf volonté contraire, la tacite reconduction d'un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée ;
Or, attendu, que, précisément, l'article 2 du contrat litigieux stipule :
« Le présent contrat est conclu et accepté pour une durée de 6 mois commençant à courir le 12/4/07 pour se terminer le 12/9/07 (date de dernière livraison)
A l'issue de cette période et sans manifestation écrite :
- le contrat de 6 mois sera prolongé de 12 mois, tacitement reconductible par période de 12 mois » ;
Que l'appelant soutient donc vainement que la tacite reconduction du contrat litigieux a eu pour effet de faire naître un contrat à durée indéterminée, dont la résiliation pouvait intervenir à tout moment ;
Attendu que les premier et sixième alinéas de l’article L. 132-1 du code de la consommation édictent que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » et que « les clauses abusives sont réputées non écrites » ;
Que la notion de non-professionnel, distincte de la notion de consommateur, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives ;
Mais attendu que, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir, d'une part, exactement relevé que le comité d'entreprise de la Polyclinique X. était un professionnel au regard de l'objet du contrat litigieux ayant un lien direct avec celui de son activité, qui est, selon la loi, d'assurer, de contrôler ou de participer à la gestion des activités sociales ou culturelles établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leur famille, et, d'autre part, constaté que la résiliation était intervenue par lettre du 10 août 2007, envoyée, selon le cachet de la poste, le 27 août suivant, le tribunal a décidé de faire droit à la demande principale en paiement de la SARL CVE ;
Que le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné le comité d'entreprise de la Polyclinique X. à payer à la SARL CVE la somme de 3.229,20 euros au titre des factures n° 1194, 1195, 2074 et 2075, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Attendu que la SARL CVE ne prouve pas que le comité d'entreprise de la Polyclinique X. a résisté à sa demande de mauvaise foi ou dans l'intention de nuire ;
Que, par ces motifs substitués à ceux du tribunal, la décision entreprise se trouve justifiée en ce qu'elle a rejeté la demande en dommages-intérêts de la SARL CVE ;
Attendu que le tribunal a, à bon droit, condamné le comité d'entreprise de la Polyclinique X. aux dépens et décidé de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL CVE ;
Que, succombant à titre principal, le comité d'entreprise de la Polyclinique X. sera condamné aux dépens d'appel et ne saurait donc voir prospérer sa demande pour frais irrépétibles d'appel ;
Et attendu que, par son appel en définitive infondé, le comité d'entreprise de la Polyclinique X. a contraint la SARL CVE à exposer, pour faire défendre ses intérêts, des frais non taxables ;
Que ceux-ci ne sauraient rester à la charge de l'intimée ;
Que l'indemnité qui doit être mise à la charge du comité d'entreprise de la Polyclinique X. au titre des frais non répétibles exposés par la SARL CVE peut être équitablement fixée à la somme de 500 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu le 20 janvier 2011 par le tribunal d'instance de REIMS en toutes ses dispositions,
Condamne le comité d'entreprise de la Polyclinique X. à payer à la société à responsabilité limitée COMITE VIDEO ENTREPRISE la somme de CINQ CENTS EUROS (500,00 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute le comité d'entreprise de la Polyclinique X. de sa demande pour frais irrépétibles d'appel,
Condamne le comité d'entreprise de la Polyclinique X. aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
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