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CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 22 novembre 2012

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 22 novembre 2012
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 12/00749
Date : 22/11/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2012-029703
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4049

CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 22 novembre 2012 : RG n° 12/00749 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que l'article 4 des conditions générales du crédit est ainsi libellé : « la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto sauf si, depuis l'ouverture du crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert, vous vous trouvez dans un des cas visés à l'article II.6 » ;

Que cette clause ne stipule pas que l'augmentation éventuelle du montant du découvert doive être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable, c'est-à-dire expressément acceptée par l'emprunteur et le faisant bénéficier notamment d'une faculté de rétractation ; Qu'il s'évince immanquablement de cette clause un avantage excessif pour le prêteur ainsi dispensé de respecter des formalités protectrices du consommateur ; Que cet article 4 de l'offre acceptée par Monsieur X. doit effectivement être qualifié d'abusif au sens des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, la clause étant réputée non écrite ;

Que, pour autant, la déchéance du droit aux intérêts résultant des termes de l'article L. 311-33 du même code ne saurait être prononcée et opposée au prêteur dès lors qu'il est acquis à l'examen de l'historique de compte que le solde total dû par l'emprunteur n'a jamais excédé le montant de la fraction disponible de 10.000 euros ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/00749. Jugement (n° 11-11-0862) rendu le 20 octobre 2011 par le Tribunal d'Instance de BÉTHUNE

 

APPELANTE :

SA BANQUE SOLFEA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social : [adresse], Représentée par Maître Valérie BIERNACKI, avocat au barreau de DOUAI

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville] - de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représenté par Maître François LELEU, avocat au barreau de BÉTHUNE

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville] - de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représentée par Maître François LELEU, avocat au barreau de BÉTHUNE

 

DÉBATS à l'audience publique du 9 octobre 2012 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Suivant offre préalable acceptée le 29 juillet 2004, la SA Banque PETROFIGAZ, aux droits de laquelle vient désormais la SA Banque SOLFEA, a accordé à Monsieur X. (Madame Y. épouse X. étant intervenue au contrat en qualité de conjoint) un crédit sous forme de découvert en compte pour un montant maximal autorisé de 15.000 euros et une fraction disponible choisie de 10.000 euros.

L'emprunteur n'ayant pas respecté ses obligations, la déchéance du terme a été prononcée le 12 mars 2010, Monsieur X. ayant été mis en demeure de régulariser la situation, en vain.

Par exploits du 19 juillet 2011, la Banque SOLFEA faisait assigner Monsieur et Madame X.-Y. devant le tribunal d'instance de BÉTHUNE aux fins de voir condamner solidairement les assignés à lui payer la somme de 8.884,45 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,06 % l'an sur la somme de 8.246,64 euros à compter du 13 mai 2010, outre une indemnité de procédure de 800 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 20 octobre 2011, cette juridiction déboutait la société poursuivante de ses prétentions à l'encontre de Madame Y. épouse X., prononçait la déchéance du prêteur du droit aux intérêts et condamnait Monsieur X. à lui payer la somme de 2.175,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2010, outre une indemnité de procédure de 300 euros.

La Banque SOLFEA a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts et de faire droit à sa demande principale initiale, outre le paiement d'une indemnité de procédure de 1.000 euros.

La banque estime que si une des clauses de l'offre de prêt devait être qualifiée d'abusive, cela ne pourrait que la réputer non écrite mais certainement pas justifier la déchéance du droit aux intérêts.

Elle fait valoir que le caractère ménager des sommes empruntées l'autorise à agir, conformément aux dispositions de l’article 220 du Code civil, à l'encontre des deux époux tenus solidairement.

La Banque SOLFEA énonce enfin que si des éléments justificatifs devaient être produits par les défendeurs, des délais de paiement pourraient leur être accordés mais dans la limite de douze mois.

* * *

Monsieur et Madame X.-Y. sollicitent pour leur part de la juridiction du second degré qu'elle confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il condamne immédiatement Monsieur X. au remboursement de la somme de 2.175 euros avec intérêts. Ce dernier demande en effet à la cour de lui accorder des délais de paiement sur douze mois sans intérêt. Ils forment reconventionnellement une demande en paiement d'une somme de 1.500 euros à titre d'indemnité de procédure.

Les défendeurs maintiennent que la clause de l'offre préalable qui prévoit que le crédit initial peut être augmenté sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit est bien abusive. Le jugement qui prononce à ce titre la déchéance du prêteur du droit aux intérêts doit être confirmé.

Ils soutiennent également que Madame Y. épouse X. doit être mise hors de cause car elle n'est pas co-emprunteuse. Elle a signé l'offre uniquement en sa qualité de conjoint et la solidarité ne saurait la concerner. Les relevés de compte et la déchéance du terme ne lui ont pas été délivrés.

Monsieur X. maintient aussi que le montant en principal retenu par le premier juge doit être maintenu, aucune indemnité légale n'étant due.

L'intéressé expose que sa situation financière précaire justifie les délais de paiement réclamés dans la mesure où ses importants remboursements bancaires comme ses autres charges ne lui permettent pas de régler sa dette en une seule fois.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur la demande de mise hors de cause de Madame Y. épouse X. :

Attendu qu'il n'est pas discuté que Madame Y. épouse X. a signé l'offre préalable de crédit non pas en qualité de co-emprunteur mais bien comme conjoint de l'emprunteur ;

Que, pour autant, l’article 220 du Code civil envisage en son alinéa 3 la possibilité de retenir la solidarité des époux chaque fois qu'un emprunt conclu pas l'un des époux portent sur des « sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante » ;

Qu'en l'occurrence, l'examen de l'historique de compte enseigne que quatre achats ont été opérés par Monsieur X. à raison de 6.000 [euros] le 12 août 2004, 7.500 [euros] le 12 avril 2006, 700 euros le 12 février 2007 et 2.000 euros le 12 mars 2009, soit une somme totale de 16.200 euros qui ne peut être tenue pour modique ;

Qu'en outre, la nécessité des sommes ainsi empruntées aux besoins de la vie courante ne résulte d'aucune pièce produite par la banque ni même des époux assignés, ce qui suffit à écarter la solidarité à la dette et à mettre hors de cause Madame Y. épouse X. ;

Que le jugement déféré sera en cela confirmé ;

 

Sur la déchéance alléguée du prêteur du droit aux intérêts :

Attendu qu'il est constant en l'occurrence que, par une offre préalable acceptée le 29 juillet 2004, la société Banque PETROFIGAZ a accordé à Monsieur X. une ouverture de crédit par découvert en compte d'un montant maximal de 15.000 euros, la fraction disponible du découvert choisie par l'emprunteur étant d'un montant de 10.000 euros ;

Attendu que l'article 4 des conditions générales du crédit est ainsi libellé : « la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto sauf si, depuis l'ouverture du crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert, vous vous trouvez dans un des cas visés à l'article II.6 » ;

Que cette clause ne stipule pas que l'augmentation éventuelle du montant du découvert doive être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable, c'est-à-dire expressément acceptée par l'emprunteur et le faisant bénéficier notamment d'une faculté de rétractation ;

Qu'il s'évince immanquablement de cette clause un avantage excessif pour le prêteur ainsi dispensé de respecter des formalités protectrices du consommateur ;

Que cet article 4 de l'offre acceptée par Monsieur X. doit effectivement être qualifié d'abusif au sens des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, la clause étant réputée non écrite ;

Que, pour autant, la déchéance du droit aux intérêts résultant des termes de l'article L. 311-33 du même code ne saurait être prononcée et opposée au prêteur dès lors qu'il est acquis à l'examen de l'historique de compte que le solde total dû par l'emprunteur n'a jamais excédé le montant de la fraction disponible de 10.000 euros ;

Que la décision entreprise doit en conséquence être infirmée de ce chef ;

 

Sur la créance principale de la société Banque SOLFEA :

Attendu qu'au soutien de sa demande principale en paiement, la Banque SOLFEA verse aux débats l'offre de crédit dûment signée par l'emprunteur, l'historique des versements, les lettres annuelles d'information et la mise en demeure de payer du 21 août 2010 ;

Que ces éléments permettent d'arrêter comme suit la créance de la banque :

- capital échu impayé : 627,09 euros,

- intérêts échus impayés : 666,12 euros

- indemnités de retard : néant, ce poste n'étant pas explicitement repris à l'article 4-A du contrat (exécution du contrat),

- intérêts de retard (avant déchéance du terme) : 74,03 euros,

- cotisation d'assurances : 298,60 euros,

- capital restant dû : 6.474,43 euros,

Indemnité légale de 8 % : 461,75 euros, montant requis par la banque mais qui est inférieur au résultat de l'application du pourcentage sur le précédent poste, ce qui écarte tout caractère manifestement excessif de cette clause pénale, laquelle ne saurait être réduite,

- intérêts de retard postérieurs à la déchéance du terme : 176,06 euros,

soit une créance totale de 8.778,08 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 13,06 % l'an sur la somme de 8.140,27 euros à compter du 13 mai 2010 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 21 août 2010 ;

Que Monsieur X. sera condamné au paiement de cette somme et le jugement entrepris informé à ce titre ;

 

Sur les délais de paiement réclamés par le débiteur :

Attendu qu'en l'état des pièces fiscales transmises par Monsieur X., et notamment de son avis d'imposition sur le revenu 2011, il apparaît que l'essentiel des gains du couple X.-Y. est le fait de l'épouse, le débiteur ayant perçu en 2010 uniquement la somme de 552 euros ;

Qu'en outre, aucun justificatif des charges du débiteur n'est produit aux débats de sorte qu'il ne pourra être fait droit aux délais de paiement dont il réclame le bénéfice ;

 

Sur les frais irrépétibles :

Attendu que si l'équité justifie l'indemnité de procédure arrêtée en première instance au profit de la banque poursuivante, le jugement dont appel étant ainsi confirmé, cette même considération commande en cause d'appel de fixer en faveur de cette personne morale une indemnité pour frais irrépétibles de 700 euros ;

Que l'équité conduit aussi à mettre à la charge de la Banque SOLFEA une indemnité de même nature au bénéfice de Madame Y. épouse X. mise hors de cause et d'un montant de 400 euros ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions déboutant la Banque SOLFEA de toutes ses prétentions à l'encontre de Madame Y. épouse X., fixant l'indemnité de procédure due à la banque et arrêtant les dépens ;

Infirme pour le surplus ;

Prononçant à nouveau,

Dit abusive et réputée non écrite la clause du contrat d'ouverture de crédit correspondant au paragraphe 3 de l'article 4 sur l'évolution de la fraction disponible du découvert ;

Dit pour autant n'y avoir lieu à déchéance du prêteur du droit aux intérêts ;

Condamne Monsieur X. à payer à la SA Banque SOLFEA au titre de l'ouverture de crédit la somme de 8.778,08 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 13,06 % l'an sur la somme de 8.140,27 euros à compter du 13 mai 2010 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 21 août 2010 ;

Y ajoutant,

Déboute Monsieur X. de sa demande de délais de paiement ;

Condamne Monsieur X. à payer en cause d'appel à la SA Banque SOLFEA une indemnité de procédure de 700 euros ;

Condamne la SA Banque SOLFEA à payer à Madame Y. épouse X. une indemnité de procédure de 400 euros ;

Condamne Monsieur X. aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la S.C.P. d'avocats DRAGON-BIERNACKI.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,

A. DESBUISSONS               P. CHARBONNIER