CA FORT-DE-FRANCE (ch. civ.), 11 mai 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4085
CA FORT-DE-FRANCE (ch. civ.), 11 mai 2012 : RG n° 10/00456
Publication : Jurica
Extrait : « Il résulte clairement de l’ensemble des pièces soumises à la cour que si pour l’équilibre financier de l’opération projetée par M. X., le produit de la vente de son domicile était une condition du financement de l’achat d’un autre bien immobilier, qui au besoin aurait pu être inséré dans les conditions suspensives de l’acte d’achat, la condition inverse n’a jamais été rendue opposable à Mme Y.-Z., ni posée comme telle à l’agence immobilière. Les actes sont clairs, et accessibles à tout bon père de famille en faisant une lecture normalement attentive, sans ambiguïté, ni possibilité de se méprendre sur leur portée et leur régime juridique.
Les clauses prévoyant respectivement une commission de 20.000 € pour le démarcheur et 59.000 € à titre de clause pénale ne sont ni disproportionnées ni déséquilibrées au détriment d’une partie. En outre, M. X. ne démontre pas qu’il ait exigé de l’agence immobilière qu’elle organise l’indivisibilité des conventions, ni que l’agence s’y soit engagée à son égard. Le mandat de vente précise uniquement que la maison proposée à Mme Y. sera libre fin décembre 2007 ; une fois les conditions suspensives de la promesse de vente réalisées il a été signifié à M. X. qu’il ne pouvait plus différer la signature de l’acte authentique qu’il avait lui-même fixée au plus tard au 31 décembre 2007 ; il a néanmoins réussi à la reporter par 3 fois, le dernier rendez-vous ayant été fixé par ses soins au 25 février 2008 à 16 h., pour raisons « professionnelles indépendantes de sa volonté », sans aucune référence à l’échec de l’autre opération et il y a fait défaut.
Par ailleurs, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, sur la notion d’indivisibilité des deux opérations, si tel avait été le cas, la condition d’achat d’un autre bien dans la promesse synallagmatique de vente, aurait été annulable comme étant potestative au profit du vendeur. Il n’y a pas lieu d’annuler les clauses litigieuses, qui ne sont pas abusives. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE FORT-DE-FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 MAI 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 10/00456. Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, en date du 15 septembre 2009, enregistré sous le R.G. n° 08/01575.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Philippe EDMOND-MARIETTE SOCIETE AVOCAT PEM, avocat au barreau de MARTINIQUE.
INTIMÉES :
LA SOCIÉTÉ AVANTAGES IMMO SARL,
prise en la personne de son représentant légal [adresse], représentée par Maître Myriam DUBOIS de la SCP DUBOIS & ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Madame Y.
[adresse], représentée par Maître Myriam DUBOIS de la SCP DUBOIS & ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 mars 2012, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme DERYCKERE, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Présidente : Mme DERYCKERE, Conseillère, Assesseur : Mme BENJAMIN, Conseillère, Assesseur : Mme TRIOL, Conseillère
Les parties ont été avisées de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 11 MAI 2012.
GREFFIER : lors des débats, Mme SOUNDOROM,
ARRÊT : contradictoire ; prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par l’intermédiaire de l’agence Avantages Immo, M. X. a promis de vendre un immeuble lui appartenant à Mme Y.-Z., qui n’a pas été réitérée par acte authentique. Saisi par l’agence immobilière et Mme Y. d’une demande tendant au règlement de la commission convenue à la première et au paiement de la clause pénale à la seconde, le tribunal de grande instance de Fort de France a, par jugement du 15 septembre 2009, fait droit aux demandes et condamné M. X. à payer à Mme Y.-Z. la somme de 59.000 € et à la société Avantage Immo la somme de 20.000 €, avec intérêts à compter du jugement, outre 2.000 € à chacune des demanderesse au titre de leurs frais irrépétibles.
Par déclaration du 3 novembre 2009, M. X. a formé appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées le 12 septembre 2011, il fait valoir qu’il s’est rapproché de la société Avantages Immo pour acheter une maison d’habitation à financer partiellement par la vente de son domicile actuel. Dans ce cadre, a été signée avec Mme Y. une promesse de vente, qui selon lui n’a échoué qu’en raison du fait que l’achat envisagé d’une autre maison n’a pas pu aboutir. Eu égard à l’indivisibilité des deux contrats fondée sur la volonté des parties, l’échec de l’un emporte l’échec de l’autre, sans faute de sa part. Il ajoute que les clauses insérées dans les actes signés, par l’agence immobilière, professionnelle de l’immobilier, méconnaissant cette indivisibilité et l’économie générale de l’opération, sont nulles comme étant abusives au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation. Il conclut donc à l’infirmation de la décision déférée et demande 10.000 € à titre de dommages-intérêts, 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Avantages Immo et Mme Y.-Z., dans leurs dernières conclusions en réponse déposées le 27 septembre 2011, indiquent que les honoraires de l’agence sur la vente de la maison ont été librement négociés ; que la promesse synallagmatique de vente signée avec Mme Y.-Z. prévoyait clairement les conditions suspensives parmi lesquelles ne figure pas l’obligation pour le vendeur d’avoir acquis un autre bien, et la clause pénale fixée par accord entre les parties à 59.000 € avait vocation à s’appliquer en cas de défaillance de l’une comme de l’autre partie, donc de façon équilibrée, étant convenu que la rémunération de l’agence resterait due même en cas de non réalisation de la vente, dès lors que les conditions suspensives seraient réalisées. Elles exposent que lorsque M. X. a fait savoir qu’il entendait différer la vente de son bien l’agence lui a rappelé que l’acte authentique devait être signé au plus tard le 31 décembre 2007, que convoqué devant le notaire, il a sollicité pour raisons professionnelles un autre rendez-vous de signature, qu’il n’a pas honoré, ce qui a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de carence. Mme Y.-Z., indique pour ce qui la concerne qu’elle a perdu son logement en location, a dû se reloger précipitamment, que les fonds ayant été versés par la banque au notaire, elle a en outre dû commencer à rembourser l’emprunt immobilier, de sorte que son préjudice est indiscutable. Les intimées font valoir que légalement, faire dépendre les opérations l’une de l’autre soumettait la vente à Mme Y. à une condition potestative nulle et de nul effet. Elles concluent à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions sauf à y ajouter la condamnation de M. X. à leur payer à chacun 10.000 € à titre de dommages-intérêts outre 3.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il résulte clairement de l’ensemble des pièces soumises à la cour que si pour l’équilibre financier de l’opération projetée par M. X., le produit de la vente de son domicile était une condition du financement de l’achat d’un autre bien immobilier, qui au besoin aurait pu être inséré dans les conditions suspensives de l’acte d’achat, la condition inverse n’a jamais été rendue opposable à Mme Y.-Z., ni posée comme telle à l’agence immobilière.
Les actes sont clairs, et accessibles à tout bon père de famille en faisant une lecture normalement attentive, sans ambiguïté, ni possibilité de se méprendre sur leur portée et leur régime juridique.
Les clauses prévoyant respectivement une commission de 20.000 € pour le démarcheur et 59.000 € à titre de clause pénale ne sont ni disproportionnées ni déséquilibrées au détriment d’une partie. En outre, M. X. ne démontre pas qu’il ait exigé de l’agence immobilière qu’elle organise l’indivisibilité des conventions, ni que l’agence s’y soit engagée à son égard. Le mandat de vente précise uniquement que la maison proposée à Mme Y. sera libre fin décembre 2007 ; une fois les conditions suspensives de la promesse de vente réalisées il a été signifié à M. X. qu’il ne pouvait plus différer la signature de l’acte authentique qu’il avait lui-même fixée au plus tard au 31 décembre 2007 ; il a néanmoins réussi à la reporter par 3 fois, le dernier rendez-vous ayant été fixé par ses soins au 25 février 2008 à 16 h., pour raisons « professionnelles indépendantes de sa volonté », sans aucune référence à l’échec de l’autre opération et il y a fait défaut.
Par ailleurs, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, sur la notion d’indivisibilité des deux opérations, si tel avait été le cas, la condition d’achat d’un autre bien dans la promesse synallagmatique de vente, aurait été annulable comme étant potestative au profit du vendeur.
Il n’y a pas lieu d’annuler les clauses litigieuses, qui ne sont pas abusives.
La vente dont les conditions étaient parfaites, n’ayant pu être finalisée qu’en raison de la renonciation du vendeur, elles ont parfaitement vocation à s’appliquer. La rémunération de l’agence ayant mené sa mission à bien est due, et les conditions de mise en œuvre de la clause pénale sont réunies.
Par ailleurs, M. X. ne démontre aucune faute imputable à l’agence immobilière susceptible de fonder une action de dommages-intérêts. Et compte tenu du préjudice réel subi par Mme Y. en lien direct avec la rupture des relations contractuelles par le vendeur, la clause pénale prévue n’apparaît pas manifestement excessive au sens de l’article 1152 du code civil.
Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.
La demande additionnelle de dommages-intérêts formulée au dispositif des conclusions des intimées, n’est pas autrement motivée, ni justifiée que par la référence une résistance abusive de la part du débiteur. Cependant, elle n’est pas suffisamment caractérisée pour permettre de faire droit à la demande.
M. X. qui échoue en son recours conservera la charge des dépens d’appel, et l’équité commande de lui faire prendre en charge les frais irrépétibles exposés par les intimées devant la cour d’appel, à hauteur de 1.500 € chacune.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive
Condamne M. X. à payer à la société AVANTAGES IMMO et à Mme Y.-Z. la somme de 1.500 € chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens d’appel,
en cas de demande de l’avocat de la partie qui gagne en appel
Autorise la SCP DUBOIS ET ASSOCIES à recouvrer directement ceux des dépens dont il elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Signé par Mme DERYCKERE, présidente, et Mme RIBAL, greffière, lors du prononcé auquel la minute a été remise.
- 5849 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6138 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Indivisibilité ou divisibilité conventionnelle
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location
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