TI BEAUNE, 17 décembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 4130
TI BEAUNE, 17 décembre 2009 : RG n° 11-09-000110 ; jugt n° 170/2009
(sur appel CA Dijon (1re ch. civ.), 10 mars 2011 : RG n° 10/00204)
Extraits : 1/ « Qu'il appartient bien au prêteur de justifier du respect de ces exigences et qu'il ne saurait se retrancher derrière une mention pré-imprimée indiquant que l'emprunteur a reçu un exemplaire de l'offre avec bordereau de rétractation dans la mesure où cette simple mention ne permet pas d'établir que les mentions légales et seules celles-ci figuraient bien sur ce bordereau ; qu'en effet, il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité dudit bordereau ; que la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil ; qu'en conséquence, la reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat ou de sa régularité ».
2/ « Il appartient au Juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office l'existence dans le contrat d'une éventuelle clause abusive ».
3/ « La clause prévoyant la possibilité d'une résiliation de plein droit si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure si un emprunteur ou co-emprunteur décède doit être déclarée abusive ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BEAUNE
JUGEMENT DU 17 DÉCEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N. B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 11-09-000110. Jugement n° 170/2009.
Par mise à disposition au Greffe du Tribunal d'Instance le 17 décembre 2009 ; Le jugement suivant a été rendu publiquement par Karine HERBO, Présidente du Tribunal d'Instance de BEAUNE, assistée de Cécile LAVEST, Greffier ; Après débats à l'audience du 22 octobre 2009 ;
DANS L'AFFAIRE OPPOSANT :
SA SOFEMO
[adresse], représenté(e) par SCP DOUMERG-GAUTHIER-KOVAC, avocat du barreau de DIJON
À :
Mademoiselle X.
Non comparante
Monsieur Y.
[…]
EXPOSÉ DU LITIGE (N. B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LE TRIBUNAL D'INSTANCE,
Par exploit d'huissier en date du 24 août 2009 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la SA SOFEMO a fait citer Melle X. et M. Y. devant le Tribunal d'Instance de BEAUNE, aux fins de les voir condamner, in solidum, au paiement :
- de la somme principale de 11.291,29 €, avec les intérêts au taux légal à compter du 10 février 2009 ;
- de la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;
- d'un montant de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
A l'audience du 10 septembre 2009, M. Y. indiqué ne plus vivre avec Melle X. et savoir que cette dernière bénéficie d'un plan de surendettement. Il ajoute qu'elle a conservé le véhicule qu'elle a ensuite revendu alors même qu'il était gagé. Il invoque la faute de SOFEMO qui n'a pas inscrit son gage et sollicite des dommages et intérêts à hauteur du montant réclamé en paiement. Il sollicite outre des délais de paiement que Melle X. soit condamnée à le garantir de tout paiement.
Vu les conclusions de la SA SOFEMO réceptionnées le 16 octobre 2009.
A l'audience du 22 octobre 2009, M. Y. a remis un extrait de compte adressé par Melle X. et démontrant que la somme de 30 € par mois est versée à la SA SOFEMO au titre du plan de surendettement.
Melle X. n'était ni présente ni représentée à l'audience. Elle n'a pas été citée à personne, la décision étant en premier ressort, sera réputée contradictoire.
MOTIFS (justification de la décision) (N. B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LE TRIBUNAL :
Vu le dossier de la procédure, les mémoires des parties, ainsi que les annexes régulièrement versées aux débats, auxquels le Tribunal se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens ;
Attendu que Melle X. et M. Y. ont souscrit en date du 30 juin 2007 auprès de la SA SOFEMO une offre préalable de crédit accessoire à une vente de véhicule automobile d'un montant de 10.995 € au taux de 7,05 % remboursable en 60 mensualités ; que les emprunteurs ont été défaillants dans leurs obligations de remboursement ;
Attendu qu'en application de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
Qu'en application de l'article L. 311-10 de ce même code, « l'offre préalable :
1° mentionne l'identité des parties et, le cas échéant, des cautions ;
2° précise le montant du crédit et éventuellement de ses fractions périodiquement disponibles, la nature, l'objet et les modalités du contrat, y compris le cas échéant, les conditions d'une assurance ainsi que le coût total du crédit et, s'il y a lieu son taux effectif global ainsi que le total des perceptions forfaitaires demandées en sus des intérêts en ventilant celles correspondant aux frais de dossiers et celles correspondant aux frais par échéance ;
3° rappelle les dispositions des articles L. 311-15 à L. 311-17 et L. 311-32 et, s'il y a lieu, des [minute page 3] articles L. 311-20 à L. 311-31, L. 311-13, et reproduit celles de l'article L. 311-37 4° indique le cas échéant, le bien ou la prestation de services financé ;
Qu'il résulte clairement de l'article L. 311-34 du Code de la consommation qu'est incriminé le fait pour le prêteur d'omettre de prévoir un formulaire détachable dans l'offre préalable ce qui démontre que le bordereau détachable, qui selon l'article L. 311-15 du même code, est joint à l'offre préalable, fait bien partie intégrante de cet acte ; que de surcroît, la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixées par les articles R. 311-6 et R. 311-7 de ce même code ; que le prêteur est donc à même de justifier de ce bordereau si l'offre préalable est réellement émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du Code de la consommation et si ces deux originaux sont strictement identiques ainsi qu'il résulte tant du texte susvisé que de l'article 1325 du Code civil ; que force est de constater que l'exemplaire produit par le prêteur est dénué de bordereau de rétractation détachable de sorte que la preuve de la régularité de l'offre n'est pas rapportée ;
Qu'en outre, en application de l'article 5 de la Loi Scrivener et des modèles types annexés au Code de la Consommation, toutes les offres doivent notamment comporter la date limite de rétractation sur le formulaire détachable ad hoc ; qu'en effet il ne suffit pas de mentionner « valable sept jours à compter de la date d'acceptation de l'offre » car le délai peut excéder sept jours s'il se trouve expirer un samedi, un dimanche ou un jour férié en application de l'article L. 311-19 du même code ; que ce bordereau de rétractation ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur (article R. 311-7 du Code de la Consommation) ;
Qu'il appartient bien au prêteur de justifier du respect de ces exigences et qu'il ne saurait se retrancher derrière une mention pré-imprimée indiquant que l'emprunteur a reçu un exemplaire de l'offre avec bordereau de rétractation dans la mesure où cette simple mention ne permet pas d'établir que les mentions légales et seules celles-ci figuraient bien sur ce bordereau ; qu'en effet, il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité dudit bordereau ; que la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil ; qu'en conséquence, la reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat ou de sa régularité ;
Que le prêteur qui n'est pas juge de l'opportunité d'une loi ou d'un règlement ne saurait s'affranchir de l'obligation de mention de la date limite de rétractation au motif que l'article L. 311-15 du Code de la consommation est rappelé ; que le fait que l'emprunteur puisse se rétracter sur tout moyen, le cas échéant sur papier libre, n'a aucune incidence sur l'obligation pour le prêteur de remettre avec l'offre préalable un bordereau de rétractation régulier destiné à faciliter l'usage du délai de réflexion ; qu'au demeurant le simple rappel de l'article L. 311-15 susvisé est insuffisant puisqu'il ne permet pas à l'emprunteur de connaître les conditions de computation des délais, ni de prorogation lorsque ce délai expire, un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé ; que la simple indication du délai de sept jours peut induire en erreur l'emprunteur sur ses possibilités réelles d'exercice de la faculté de rétractation ; que dès lors, l'obligation d'indiquer la date d'expiration du délai de réflexion perdrait toute sa résonnance ; qu'il appartient donc bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du code civil, de justifier de la régularité du bordereau de rétractation qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-37 du Code de la consommation et uniquement celles-ci en produisant son propre exemplaire ;
Qu'en conséquence, n'est pas recevable à prétendre au paiement des intérêts conventionnels, dont il est déchu, le prêteur qui, ayant poursuivi l'emprunteur du chef d'une offre préalable de crédit, n'est pas en mesure de produire son exemplaire de formulaire de rétractation détachable et ne permet pas au juge de vérifier que conformément aux dispositions combinées des articles L. 311-8, L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7, ce document contient, au recto et au verso, les mentions requises en totalité, et à l'exclusion de toute [minute page 4] autre mention (CA Bordeaux 11 mai 1999, CA Poitiers, 12 mai 2002)
Qu'en l'espèce, le contrat produit par l'emprunteur ne contient aucun bordereau de rétractation ;
Qu'en outre, il appartient au Juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office l'existence dans le contrat d'une éventuelle clause abusive ; qu'une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat qu'en outre, une clause est toujours considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle lorsqu'elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n'a, de ce fait, pas pu avoir d'influence sur son contenu, notamment dans le cadre d'un contrat d'adhésion ;
Qu'en application de l'article L. 311-30 du Code de la consommation et des modèles types applicables, la clause autorisant le prêteur à résilier le contrat de crédit à la consommation pour défaut de paiement de l'emprunteur est la seule clause résolutoire régulière dont le prêteur peut se prévaloir ; que la Cour de Cassation a jugé que toute autre clause résolutoire est illicite en ce qu'elle impose une sanction financière de l'emprunteur qui ne se justifie, au regard de l'article L. 311-30, qu'en cas de défaillance de sa part ;
Qu'ainsi, la clause prévoyant la possibilité d'une résiliation de plein droit si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure si un emprunteur ou co-emprunteur décède doit être déclarée abusive ;
Qu'il résulte donc de l'ensemble de ces énonciations que la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée et que la somme due par les emprunteurs doit être fixée à 7.589,41 € au 28 septembre 2009, tenant ainsi compte des huit versements de 30 € intervenus au titre du plan de surendettement.
Attendu que l'établissement prêteur peut également prétendre à une indemnité de 8 % du capital restant dû ; que compte tenu de la situation des défendeurs, cette clause présente un caractère exorbitant et doit être réduite à la somme de 1 € ; que cette indemnité qui n'est pas une somme restant due au sens de l'article L. 311-30 du Code de la Consommation ne saurait produire des intérêts qu'au taux légal ; qu'en raison de son caractère indemnitaire le présent jugement est constitutif de droit et les intérêts courent à compter de son prononcé.
Attendu qu'il convient de rappeler que ces sommes seront réglées selon les modalités visées dans le plan de surendettement.
Attendu que M. Y. fait valoir que la SA SOFEMO a manqué à ses obligations et a donc commis une faute dans la mesure où le contrat prévoyait que le véhicule était gagé et que ce gage n'étant pas inscrit, Melle X. a pu vendre le véhicule sans rembourser le prêt et qu'il n'était pas informé de la situation ; qu'il convient de remarquer qu'effectivement, M. Y. n'a été informé de la défaillance dans les paiements que le 18 mars 2009 lors de l'envoi du recommandé avec accusé de réception prononçant la déchéance du terme ; qu'il ne figure aucun autre courrier adressé à M. Y. dans la procédure ;
Que s'il est parfaitement exact que le prêteur n'est pas tenu de procéder à l'inscription du gage pour que ce dernier soit opposable à l'emprunteur, il n'en demeure pas moins que s'agissant de co-emprunteurs non mariés, la seule garantie, en cas de séparation du couple, demeure pour le co-emprunteur cette inscription qui lui garantit le remboursement du prêt en cas de vente du véhicule ; que dans la mesure où M. Y. n'a pas été informé des mensualités non réglées et que la non inscription du gage lui a causé un préjudice, la responsabilité de la SA SOFEMO est engagée, cette dernière ayant manqué à ses obligations de conseil, prudence et loyauté envers l'emprunteur profane ; qu'il [minute page 5] convient dès lors d'allouer à M. Y. a somme de 7.590,41 € qui correspond très exactement à son préjudice du fait de sa mise en cause dans la présente procédure.
Attendu que les chefs de demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts et au remboursement des frais non taxables ne sauraient prospérer au regard des dispositions impératives et limitatives de la loi du 10 janvier 1978, il convient de les rejeter.
Attendu qu'il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N. B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire en premier ressort,
Condamne Melle X. et M. Y. solidairement, en deniers et quittance, à payer à la SA SOFEMO la somme de SEPT MILLE CINQ CENT QUATRE VINGT DIX EUROS ET QUARANTE ET UN CENTIMES (7.590,41 €) avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Rappelle que cette somme sera réglée selon les modalités visées au plan de surendettement.
Constate que la SA SOFEMO a commis une faute envers M. Y. engageant sa responsabilité.
Condamne la SA SOFEMO à payer à M. Y. la somme de SEPT MILLE CINQ CENT QUATRE VINGT DIX EUROS ET QUARANTE ET UN CENTIMES (7.590,41 €) à titre de dommages et intérêts.
Ordonne la compensation.
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
Condamne Melle X. aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé le 17 décembre 2009 et signé par le Juge d'Instance et le Greffier.
Le Greffier, Le Président
Cécile LAVEST Karine HERBO
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