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TI SAINT-DIZIER, 25 novembre 2010

Nature : Décision
Titre : TI SAINT-DIZIER, 25 novembre 2010
Pays : France
Juridiction : Saint-Dizier (TI)
Demande : 11-10-000208
Décision : 423/2010
Date : 25/11/2010
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Lexbase
Date de la demande : 30/06/2010
Décision antérieure : CA DIJON (1re ch. civ.), 23 février 2012
Numéro de la décision : 423
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4208

TI SAINT-DIZIER, 25 novembre 2010 : RG n° 11-10-000208 ; jugt n° 423/2010

Publication : Lexbase

 

Extrait : « En premier lieu, l'offre préalable de crédit doit être émise par le prêteur en « double exemplaire » ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du code de la consommation, et ces deux originaux doivent être identiques ainsi qu'il résulte de ce même texte et de [minute page 4] l'article 1325 du code civil qui dispose que « les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct ».

En second lieu, la formule préimprimée aux termes de laquelle l'emprunteur reconnaît être en possession d'un formulaire détachable de rétractation constitue une clause de style abusive destinée à faciliter au professionnel la charge de la preuve de l'existence d'un bordereau et une clause illicite visant à contourner l'obligation légale pesant sur le prêteur d'établir deux exemplaires identiques de l'offre préalable et d'établir deux exemplaires en tous points conformes aux modèles impératifs. Le consommateur ne peut jamais, même par un écrit signé de sa main, renoncer au bénéfice de cette législation d'ordre public.

En outre, cette pratique revient à empêcher au juge de vérifier la conformité aux dispositions légales et réglementaires de l'exemplaire remis à l'emprunteur. En effet, la formule préimprimée de la reconnaissance de l'existence d'un bordereau de rétractation n'apporte pas la preuve d'une part de la remise à l'emprunteur d'un exemplaire doté d'un formulaire de rétractation et d'autre part, le cas échéant, de la régularité de ce bordereau.

Soutenir qu'il appartient à l'emprunteur de produire son offre de crédit revient à inverser la charge de la preuve. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-DIZIER

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-10-000208. Jugement n° 423/2010.

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[adresse], représenté(e) par Maître AIDAN Roland, avocat au barreau de HAUTE-MARNE, d'une part

 

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur X.

[adresse], non comparant, d'autre part

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Cendra LEBLANC

Greffier : G. COILLIOT

DÉBATS : Audience publique du 6 octobre 2010

DÉCISION : réputée contradictoire, en premier ressort, prononcée publiquement le 25 novembre 2010 par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par offre préalable de crédit à la consommation acceptée le 28 décembre 2000, la société CETELEM a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit reconstituable dans la limite d'un montant maximum autorisé de 80.000 francs, la fraction disponible à l'ouverture du compte étant de 20.000 francs.

La déchéance du terme a été prononcée par lettre du 13 octobre 2009.

Le 30 juin 2010, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société CETELEM a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal d'instance de Saint-Dizier aux fins de le voir condamner à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :

- 5.677,21 euros correspondant aux échéances impayées, au capital restant dû outre les intérêts au taux contractuel de 16,56 % à compter du 26 mai 2010 sur la somme de 4.681,38 euros à compter du 24 octobre 2009 et au taux légal sur le surplus ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par jugement avant dire droit du 22 septembre 2010, le tribunal d'instance de Saint-Dizier a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels du fait de l'absence de bordereau de rétractation sur l'offre de crédit produite aux débats et ordonné un sursis à statuer sur les chefs de demande et les dépens.

Par écritures auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE affirme ne pas encourir la déchéance du droit aux intérêts contractuels dans la mesure où le code de la consommation n'exige pas que l'exemplaire conservé par le prêteur présente un bordereau de rétractation ; qu'en outre l'emprunteur a reconnu par une mention prérédigée rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire de rétractation, ce qu'il n'infirme pas dans la mesure où il ne comparaît pas.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En l'espèce, l'offre de prêt produite aux débats ne comprend pas le bordereau de rétractation prévu à l'article L. 311-15 et R. 311-7 du code de la consommation. Par ailleurs, les courriers de reconduction annuelle ne comprennent pas davantage de bordereau de rétractation, et ce en violation des dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation introduites par la loi du 1er août 2003.

[minute page 3] L'article L. 311-33 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Stricto sensu, le non respect de l'article L. 311-15 du code de la consommation qui impose au prêteur de joindre un bordereau de rétractation à l'offre préalable de crédit à la consommation, n'est pas visé à l'article L.311-33 du même code comme cause de déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Toutefois, les dispositions du code de la consommation relatives au crédit à la consommation, qui forment un tout cohérent visant tant à protéger le consommateur qu'à réguler le marché, doivent être combinées les unes avec les autres. Il est réducteur d'interpréter une de ses dispositions sans se référer aux autres.

Par un arrêt du 14 janvier 2010, la première chambre civile de la Cour de Cassation a déduit de la combinaison des articles L. 311-8, L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation (qui prévoient les modèles types de contrat et du bordereau de rétractation), qu'il appartient au prêteur de justifier de la régularité de l'offre de crédit et notamment que l'emprunteur a été destinataire d'un bordereau de rétractation, en produisant son propre exemplaire de l'offre muni dudit bordereau (en ce sens notamment : Cour d'appel de Lyon, 10ème chambre civile, 24 janvier 2008 ; Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 septembre 2008 ; Cour d'appel de Douai, 8ème chambre, section 1, 14 octobre 2010 ; Cour d'appel de Paris (pôle 4 chambre 9), 10 juin 2010 ; Cour d'appel de Rouen, chambre de proximité, 1er juillet 2010 ; Cour d'appel de Colmar, 3ème chambre civile 19 avril 2010 ; Cour d'appel de Limoges, chambre civile, 21 octobre 2010 ; Cour d'appel de Riom, chambre commerciale, 20 octobre 2010 ; Cour d'appel de Caen, chambre 1 section civile et commerciale, 7 octobre 2010).

Le demandeur produit un arrêt de la Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 9 en date du 4 mars 2010 dont la jurisprudence été abandonnée depuis un arrêt plus récent de cette même juridiction en date du 4 mars 2010, reprenant la motivation adoptée par la Cour de cassation le 14 janvier 2010 ainsi que de nombreuses cours d'appel et juridictions de première instance.

En effet, il n'appartient pas au prêteur de considérer comme inutile la présence d'un bordereau de rétractation sur l'exemplaire de l'offre conservée par lui dans la mesure où il ne peut être juge de l'opportunité d'une loi ou d'un règlement.

En premier lieu, l'offre préalable de crédit doit être émise par le prêteur en « double exemplaire » ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du code de la consommation, et ces deux originaux doivent être identiques ainsi qu'il résulte de ce même texte et de [minute page 4] l'article 1325 du code civil qui dispose que « les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct ».

En second lieu, la formule préimprimée aux termes de laquelle l'emprunteur reconnaît être en possession d'un formulaire détachable de rétractation constitue une clause de style abusive destinée à faciliter au professionnel la charge de la preuve de l'existence d'un bordereau et une clause illicite visant à contourner l'obligation légale pesant sur le prêteur d'établir deux exemplaires identiques de l'offre préalable et d'établir deux exemplaires en tous points conformes aux modèles impératifs. Le consommateur ne peut jamais, même par un écrit signé de sa main, renoncer au bénéfice de cette législation d'ordre public.

En outre, cette pratique revient à empêcher au juge de vérifier la conformité aux dispositions légales et réglementaires de l'exemplaire remis à l'emprunteur. En effet, la formule préimprimée de la reconnaissance de l'existence d'un bordereau de rétractation n'apporte pas la preuve d'une part de la remise à l'emprunteur d'un exemplaire doté d'un formulaire de rétractation et d'autre part, le cas échéant, de la régularité de ce bordereau.

Soutenir qu'il appartient à l'emprunteur de produire son offre de crédit revient à inverser la charge de la preuve.

Aussi, le prêteur qui a accordé un crédit suivant une offre préalable ne comportant pas de formulaire détachable de rétractation doit être déchu de son droit aux intérêts et le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du capital déduction faite des intérêts réglés à tort.

En l'espèce, le montant total des financements se chiffre à 12.449,21 euros selon le décompte produit par le demandeur. Les règlements reçus s'élèvent à 16.922,24 euros. Ils sont supérieurs aux sommes réclamées.

Il convient en conséquence de rejeter la demande en paiement de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE succombant, elle sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, susceptible d'appel, rendu par mise à disposition au greffe,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels depuis l'origine des relations contractuelles ;

[minute page 5] Constate que les règlements effectués par Monsieur X. sont supérieurs au montant du capital prêté ;

En conséquence, déboute la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande en paiement et de celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens. Ainsi prononcé les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT