TI PÉRONNE, 21 octobre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 4210
TI PÉRONNE, 21 octobre 2010 : RG n° 11-09-000277 ; jugt n° 2010/271
Publication : Lexbase
Extrait : « En l'espèce, la possibilité pour le prêteur d'accroître unilatéralement le montant du découvert initialement autorisé au titre de la réserve de crédit « ACHAT » et de la réserve de crédit « FINANCIÈRE » consenties, sans que cette augmentation ne soit soumise à l'obligation, pour le prêteur, de délivrer une nouvelle offre préalable et, par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'acceptation formelle de cette augmentation par les emprunteurs, ceux-ci étant dès lors privés de leur faculté d'ordre public de rétractation crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. Cette clause est abusive et doit donc être réputée non écrite. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PÉRONNE
JUGEMENT DU 21 OCTOBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-09-000277. Jugement n° 2010/271.
A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 21 octobre 2010, Sous la Présidence de Thomas LE BRAS, Juge Placé auprès de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel d'Amiens, délégué au Tribunal de Grande Instance d'Amiens par ordonnance en date du 7 juillet 2010, délégué par le Président de ce tribunal afin d'exercer les fonctions de Juge d'Instance au Tribunal d'Instance de Péronne, assisté de Christophe MORÉ, faisant fonction de Greffier ; Après débats à l'audience du 23 septembre 2010, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
BANQUE CASINO CENTRE DE GESTION CLIENTÈLE
[adresse], représenté(e) par Maître D'HELLENCOURT Xavier, substitué par Maître VERFAILLIE, avocats au barreau d'AMIENS
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], représenté(e) par Maître HEMBERT Christophe, avocat au barreau d'AMIENS
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant offre préalable du 2 octobre 2000 acceptée par Monsieur X., la SA BANQUE CASINO a consenti à celui-ci un crédit utilisable par fractions et assorti d'une carte de crédit.
Le prêt était consenti pour une durée d'un an renouvelable, avec un découvert global maximum pouvant être autorisé de 140.000 FF (21.342,86 €). Le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du crédit était fixé à une somme de 5.000 FF (762 €) pour la réserve « ACHATS » et à une 5.000 FF (762 €) pour la réserve « FINANCIÈRE ».
Par lettres recommandées avec accusé de réception, reçue le 24 septembre 2008 par Monsieur X., la SA BANQUE CASINO a mis en demeure le débiteur d'avoir à lui payer la somme de totale de 7.332,12 €.
Sur requête en date du 10 décembre 2008, une ordonnance rendue par le Président du Tribunal d'Instance de Péronne le 12 janvier 2009 a enjoint à Monsieur X. de payer la somme en principal de 6.896,49 Euros avec intérêts au taux de 18,57 % à compter du 10 décembre 2008 et celle de 1 Euro au titre de la clause pénale.
Monsieur X. a formé opposition à cette ordonnance le 20 février 2009.
Par décision du 1er octobre 2009, l'affaire a fait l'objet d'une décision de radiation puis a été réinscrite au rôle pour l'audience du 3 décembre 2009.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 3 décembre 2009 et mise en délibéré au 14 janvier 2010.
A cette date, le Tribunal d'Instance a réouvert les débats afin d'enjoindre à la Banque CASINO de produire un nouveau décompte des sommes réclamées expurgés des intérêts depuis le mois de juin 2001, date de dépassement du découvert autorisé.
A l'audience du 23 septembre 2010, la SA BANQUE CASINO maintient sa demande tendant à ce que l'emprunteur soit débouté de son opposition contre l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 12 janvier 2009.
Elle soutient qu'aucune forclusion ne peut lui être opposée. Elle indique, au soutien de son argumentation, qu'une nouvelle offre de crédit n'est nécessaire que pour les augmentations du crédit consenti. Elle explique que tel n'était pas le cas puisque l'offre préalable faisait état d'un montant maximum de découvert autorisé de 140.000 FF. Elle explique qu'il n'était donc pas nécessaire de faire souscrire une nouvelle offre de crédit à l'emprunteur pour les évolutions du disponible initial dès lors que le montant du découvert restait dans la limite du découvert maximal autorisé de 140.000 FF. Elle en conclut que le délai biennal de forclusion ne peut résulter du dépassement contractuellement prévu de la fraction disponible, laquelle est restée dans les limites du découvert maximum autorisé. Concernant les moyens développés par le défendeur, relatifs à la nullité du contrat et à la déchéance du droit aux intérêts, elle réplique que son action est forclose et, en tout état de cause, mal fondée.
[minute page 3] Pour sa part, Monsieur X. demande à titre principal que soit constatée la nullité du contrat de crédit et, à titre subsidiaire que soit prononcée la déchéance de la banque au droit de percevoir les intérêts. En tout état de cause, il demande au Tribunal de condamner la banque au paiement d'une somme de 4.500 € à titre de dommages intérêts et au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Il explique que le montant du crédit offert à Monsieur X. était d'un montant de 5.000 francs à la souscription du contrat, que dès le mois de janvier 2001, le solde octroyé a été dépassé pour atteindre une somme de 22.486,79 Francs en août 2001. Au soutien de sa demande en nullité du contrat, il soutient que l'offre préalable contient, certes, un formulaire de rétractation mais que celui-ci n'est pas lisible et ne mentionne pas le délai de rétractation de 7 jours. Il explique, pour conclure à la nullité du contrat, que la banque a violé une obligation de production mensuelle d'un état actualisé de l'exécution du contrat. Au soutien de sa demande de déchéance du droit aux intérêts, il explique que la reconstitution de compte produite aux débats ne permet de déterminer avec précision ni les dates précises des achats ni celles concernant l'utilisation du crédit. En outre, il indique que la déchéance du droit aux intérêts est encourue au motif que le crédit a augmenté sans qu'une nouvelle offre de crédit n'ait été faite. Au soutien de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts, il explique que cette somme est réclamée tant pour le préjudice moral subi que pour l'abus de position dominante et le non respect des obligations protectrices du consommateur dont s'est rendue coupable la banque à son égard.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la recevabilité de l'opposition à injonction de payer formée par monsieur X. :
En droit, l'article 1416 du Code de Procédure Civile dispose, en matière d'injonction de payer, que cc l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance ».
En l'espèce, l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le Président du Tribunal d'Instance de Péronne à l'encontre de monsieur X. date du 12 janvier 2009.
Elle a été signifiée à monsieur X. le 28 janvier suivant.
Dans ces conditions, la déclaration d'opposition de celui-ci, reçue le 20 février suivant au greffe, est recevable.
- Sur la recevabilité de la Banque Casino :
Selon l'article 125 du Code de Procédure Civile, les fins de non recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.
L'article L. 311-37 du Code de la Consommation, auquel ce contrat est applicable, dispose que les actions introduites devant le Tribunal d'Instance doivent être [minute page 4] formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion. Il convient de relever d'office la forclusion de l'action de la banque et ce sans qu'il soit besoin de réouvrir les débats sur ce point puisque la banque s'est spontanément expliquée sur ce point à l'occasion des débats.
En application de la disposition légale précitée, dans le cas d'un compte permanent, le dépassement du découvert ou crédit convenu constitue à la fois un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur, et donc le point de départ du délai biennal de forclusion de l'action en paiement du prêteur, et la date à partir de laquelle peut être calculée la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels, et ce dans l'hypothèse où aucune régularisation n'intervient dans un délai de trois mois, soit par paiement soit par présentation d'une nouvelle offre de crédit conforme au formalisme du Code de la Consommation.
En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que le contrat en litige concerne un prêt dit « revolving » dont le découvert maximum global pouvant être autorisé était fixé à une somme de 140.000 FF (21.342,86 €).
Ce contrat prévoyait que le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte était fixé à une somme de 5.000 FF (762 €) pour la réserve « ACHATS » et à une somme de 5.000 FF (762 €) pour la réserve « FINANCIÈRE » Il était prévu une possibilité de réviser ces montants. En effet, une clause de l'offre préalable autorisait l'établissement prêteur à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite du `montant maximum du découvert global pouvant être autorise, soit la somme de 140.000 FF (21.342,86 €).
Il en résultait pour le prêteur une possibilité d'accroître unilatéralement le montant du découvert maximum autorisé au titre de la réserve de crédit « ACHAT » et de la réserve de crédit « FINANCIÈRE » consenties, sans que cette augmentation ne soit soumise à l'obligation, pour le prêteur, de délivrer une nouvelle offre préalable et, par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'acceptation formelle de cette augmentation par les emprunteurs, ceux-ci étant dès lors privés de leur faculté d'ordre public de rétractation.
La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, rejeté la pratique selon laquelle un prêteur fixe un découvert initial et un découvert maximum autorisé beaucoup plus important avec possibilité d'augmentation de l'ouverture de crédit dans la limite de ce second seuil sans émission d'une nouvelle offre préalable (Cass. 1ère civ, 24 octobre 2004 : pourvoi n° 02-20564, 24 janvier 2006 : pourvoi n° 04-14-748 et 27 août 2006 : pourvoi n° 04-19592).
Par ailleurs, par avis n° 00600060P du 10 juillet 2006, la Cour de cassation a émis l'avis suivant lequel la clause contractuelle prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit est réputée abusive par l'article L. 132-1 du [Code de la] consommation.
Dès lors, tout dépassement de l'ouverture de crédit initialement consentie nécessite l'établissement d'une nouvelle offre (Cass 1re civ, 18 janvier 2000, 27 juin 2006 n° 04-19680) ; de même, tout dépassement du montant initialement stipulé, bien que le dépassement de ce montant ait été prévu et malgré l'accord de l'emprunteur, [minute page 5] constitue un incident, au sens de l'article L. 311-37 du consommation, caractérisant la défaillance de l'emprunteur (Cass 1ère civ., 30 mars 2005, n° 02-13.765).
En l'espèce, la possibilité pour le prêteur d'accroître unilatéralement le montant du découvert initialement autorisé au titre de la réserve de crédit « ACHAT » et de la réserve de crédit « FINANCIÈRE » consenties, sans que cette augmentation ne soit soumise à l'obligation, pour le prêteur, de délivrer une nouvelle offre préalable et, par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'acceptation formelle de cette augmentation par les emprunteurs, ceux-ci étant dès lors privés de leur faculté d'ordre public de rétractation crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. Cette clause est abusive et doit donc être réputée non écrite.
En conséquence, les parties sont restées sous l'empire du contrat initial prévoyant la mise à disposition d'une somme de 5.000 FF (762 €) au titre de la réserve « ACHAT » et d'une somme de 5.000 FF (762 €) au titre de la réserve « FINANCIÈRE ».
L'étude du document intitulé « reconstitution de compte permanent » produit aux débats révèle que seule la réserve de crédit « ACHAT » a été utilisée par l'emprunteur et que le découvert initialement autorisé au titre de cette réserve a été dépassé par l'emprunteur au mois de janvier 2001, sans aucune régularisation postérieure dans un délai de deux ans.
Dans ces conditions, ce dépassement constitue un incident de paiement qu'il n'est pas possible de considérer comme effacé par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières compte tenu de la législation en vigueur et des dispositions contractuelles. Il manifeste la défaillance des emprunteurs et marque le point de départ du délai de forclusion.
En conséquence, l'ordonnance d'injonction de payer ayant été rendue le 12 janvier 2009 suite à une requête en injonction de gaver datée du 10 décembre 2008, l'action en paiement de la SA BANQUE CASINO sera déclarée forclose.
- Sur la demande de dommages intérêts :
La demande indemnitaire de Monsieur X. sera rejetée. En effet, si l'action en paiement de la SA BANQUE CASINO n'est pas recevable en raison de la forclusion intervenue, il n'en demeure pas moins qu'aucune faute n'est démontrée à son égard. Il convient d'ailleurs de rappeler que, si la banque n'a pas agi en paiement dans les deux ans de la défaillance, l'auteur du dépassement de découvert autorisé n'en reste pas moins monsieur X.
- Sur les demandes accessoires :
La SA BANQUE CASINO, succombant, sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;
DÉCLARE l'opposition à injonction de payer formée par monsieur X. recevable ;
RÉDUISANT À NÉANT L'ORDONNANCE DU 12 janvier 2009 :
DÉCLARE la SA. BANQUE CASINO forclose en son action ;
DÉBOUTE Monsieur X. de sa demande de dommages intérêts ;
CONDAMNE la SA BANQUE CASINO à payer à Monsieur X. une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA. BANQUE CASINO aux dépens de l'instance.
LE GREFFIER LE JUGE
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
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- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives