T. COM. BOBIGNY (8e ch.), 5 avril 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 4296
T. COM. BOBIGNY (8e ch.), 5 avril 2011 : RG n° 2010F00564 ; jugt n° 2011F00411
Publication : Lexbase
Extraits : 1/ « Attendu que la société SCT TELECOM venant aux droits de la société SCT Telecom n'est pas un opérateur de télécommunications, mais un courtier, Attendu que l'article 8 des conditions générales des services le confirme en précisant « en tant qu'utilisateur de technologies ou d'infrastructures développées et fournies par des Tiers, le Fournisseur ne saurait garantir que son service soit totalement ininterrompu, sans incident, et offrant un niveau de sécurité sans faille », qu'une telle clause n'a rien d'abusif ou de déséquilibré ».
2/ « Attendu que la société Regain Santé, qui est un professionnel, ne peut prétendre avoir été abusée par ce contrat, ni dans ses termes, ni dans sa durée, que le contrat souscrit pour faire des économies sur ses dépenses téléphoniques a un rapport direct avec son activité professionnelle, qu'ainsi le code de la consommation ne s'applique pas,
Attendu qu'il en résulte que la société Regain Santé n'est pas mieux fondée à soutenir que certaines clauses des conditions particulières sont déséquilibrées qu'à contester la validité du contrat ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BOBIGNY
HUITIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 5 AVRIL 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2010F00564. Jugement n° 2011F00411.
PARTIES A L'INSTANCE :
DEMANDEUR(S) :
SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION SCT
[adresse], Représentant légal : M. X., Président, [adresse], comparant par Mlle Y. munie d'un pouvoir
DÉFENDEUR(S) :
SA REGAIN SANTE
[adresse], comparant par Maître Nicole DELAY-PEUCH [adresse], et par Maître Hélène ROUSSEAU-NATIVI [adresse],
COMPOSITION DU TRIBUNAL Lors des débats : M POUILLOUX, Juge Rapporteur
DÉBATS : Audience publique du 25 février 2011 devant le Juge rapporteur désigné par la formation de jugement.
JUGEMENT : Décision contradictoire et en premier ressort, - Prononcée par mise à disposition au Greffe du Tribunal le 5 avril 2011 - et délibérée par :
Président : M. Claude DUFAUR
Juges : M. Claude POUILLOUX, M. Hervé COQUEBERT de NEUVILLE, Mme Françoise METRA, M. Nicolas MERINDOL
La Minute est signée par M. Claude DUFAUR, Président et par Mme C. CHARPIOT Commis Assermenté
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS :
La société commerciale de télécommunications (ci-après société SCT TELECOM) SAS immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° B 412 XX, dont le siège social est [adresse], poursuit le recouvrement d'une créance en principal de 8.018,28 euros qu'elle affirme détenir sur la société Regain Santé, SA coopérative immatriculée au RCS de Paris sous le n° 311 YY, dont le siège social est sis [adresse], au titre de factures de prestations de services téléphoniques restées impayées.
PROCÉDURE :
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier de justice en date du 16 mars 2010 (signification remise à personne), la société SCT TELECOM assigne la société Regain Santé devant le tribunal de commerce de Bobigny et demande à ce Tribunal de :
Vu les articles 1134 et 1142 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
* déclarer bien fondée la demande introduite par la société SCT TELECOM à l'encontre de la société Regain Santé,
* constater la résiliation du contrat de téléphonie aux torts exclusifs de la société Regain Santé,
en conséquence,
* condamner la société Regain Santé au paiement de la somme de 8.018,28 euros TTC en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2009, date de la mise en demeure,
* condamner la société Regain Santé au paiement de la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la société Regain Santé aux entiers dépens,
* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Cette affaire, inscrite au registre général sous le numéro 2010 F 0564, a été appelée pour mise en état à sept audiences collégiales entre le 7 mai 2010 et le 4 février 2011.
A l'audience du 22 octobre 2010, la société Regain Santé dépose des conclusions récapitulatives demandant au Tribunal de :
Vu le contrat de téléphonie en date du 18 juin 2007,
Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation,
Vu l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,
Vu l'article L. 121-84-6 du code de la consommation,
Vu l'article 1226 du code civil, Vu l'article 1152 alinéa 2 du code civil,
à titre principal,
* déclarer les clauses 9 et 14 des conditions particulières des services voix et raccordement direct ainsi que l'article 8 des conditions générales des services du contrat en date du 18 juin 2007 conclu entre les sociétés SCT et Regain Santé relatives à la résiliation anticipée du contrat, abusives car entachées d'un déséquilibre significatif au détriment de la société Regain Santé et de les déclarer non écrites,
* en conséquence, rejeter l'intégralité des demandes formées par la société SCT TELECOM au titre de la résiliation du contrat,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal considérait que la clause de résiliation anticipée n'est pas entachée d'un déséquilibre significatif au détriment de la société Regain Santé,
* requalifier la clause 14 des conditions particulières des services voix et raccordement direct du contrat en date du 18 juin 2007 conclu entre les sociétés SCT et Regain Santé, relative à la résiliation anticipée du contrat en clause pénale,
* constater que cette clause pénale s'analyse en une clause pénale dont le montant est manifestement excessif, et à ce titre, la réviser,
* [minute page 3] de fixer l'indemnité de résiliation anticipée due par la société Regain Santé à un montant symbolique,
à titre encore plus subsidiaire,
* donner acte à Alternative Santé (sic) de ce qu'elle conteste expressément le montant qui lui est réclamé,
* constater que la clause litigieuse ne fournit pas les moyens de calcul des « frais de résiliation »,
* constater que la créance n'est pas certaine dans son montant et en conséquence débouter la demanderesse de ses demandes, fins et conclusions,
* condamner la société SCT au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
A l'audience du 10 décembre 2010, la société SCT TELECOM dépose des conclusions en réponse demandant au Tribunal de :
Vu les articles 1134 et 1142 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
* dire et juger la société SCT TELECOM recevable et bien fondée en ses demandes,
* débouter la société Regain Santé de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
en conséquence,
* constater la résiliation du contrat de téléphonie aux torts exclusifs de la société Regain Santé,
* condamner la société Regain Santé au paiement de la somme de 8.018,28 euros TTC en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2009, date de la mise en demeure,
* condamner la société Regain Santé au paiement de la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la société Regain Santé aux entiers dépens,
* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Le 4 février 2011, la formation de jugement a, conformément aux articles 861 et suivants du code de procédure civile, confié le soin d'instruire l'affaire à l'un de ses membres en qualité de juge rapporteur, et a convoqué les parties à l'audience de ce juge pour le 25 février 2011.
A cette date, le juge rapporteur a, conformément à l'article 869 du code de procédure civile, tenu seul l'audience de plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées. Il a entendu leurs dernières observations et leur plaidoirie, déclaré les débats clos, mis l'affaire en délibéré et a annoncé que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 5 avril 2011, en application du second alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties dans leur plaidoirie et leurs écritures, le demandeur dans sa plaidoirie et ses écritures, appliquant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal les résumera succinctement de la manière suivante.
La société SCT TELECOM expose qu'elle vient aux droits de la société SET Telecom, par suite de la fusion-absorption intervenue en novembre 2008 entre les deux sociétés, que son objet social est de fournir des prestations de téléphonie à une clientèle exclusivement professionnelle, que la société SET Telecom, qui est devenue un établissement de la société SCT TELECOM, avait conclu un contrat avec la société Regain Santé pour un service de raccordement direct (dégroupage) pour une durée minimalede 48 mois, la faisant bénéficier de tarifs préférentiels pour ses communications, que sans l'en avertir la société Regain Santé a contracté avec un autre opérateur, comme en atteste le courriel reçu le 3 octobre 2008 de la société Neuf Telecom (devenue SFR), que dans ces conditions la société SCT TELECOM était bien fondée à enregistrer la résiliation anticipée du contrat par la société Regain Santé, en application de l'article 14 des conditions particulières « voix et raccordement direct », et à [minute page 4] réclamer les indemnités de résiliation contractuellement prévues, soit 8.018,28 euros TTC, qui la dédommagent tant du manque à gagner qu'elle subit du fait de l'interruption prématurée de la relation, que du non amortissement des investissements matériels et humains qu'elle a engagés. La société SCT TELECOM s'appuie sur une jurisprudence abondante pour tenter de corroborer ses affirmations.
Pour sa part, la société Regain Santé affirme qu'elle n'est pas un professionnel de la téléphonie, qu'elle ignorait lors de la conclusion du contrat les notions techniques, alors nouvelles, relatives au dégroupage, et que le Tribunal doit lui reconnaître la qualité de non professionnel, que les clauses du contrat qui la lie à la société SCT TELECOM, imprimées en caractères minuscules, sont techniquement difficiles à comprendre, voire incompréhensibles pour un non professionnel, et partant établissent un déséquilibre significatif entre les parties condamné par le code de la consommation, la loi Chatel, ainsi que la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, qu'une durée de contrat de 48 mois est abusive, que la résiliation anticipée par le client n'est possible qu'à des conditions limitativement énumérées, tandis que la société SCT TELECOM s'exonère de toute obligation de résultats, que de surcroît, l'indemnité de résiliation demandée, qui s'analyse en une clause pénale, n'est nullement justifiée. Elle cite elle aussi à l'appui de ses affirmations nombre de jurisprudences paraissant contredire celles produites par la société SCT TELECOM, concernant en particulier les opérateurs de communications électroniques.
Lors de l'audience, le juge-rapporteur a signalé aux parties un arrêt récent de la Cour d'appel de Paris dans une affaire opposant la société SCT à l'un de ses clients (arrêt 08/06123 du 28 janvier 2011).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LE TRIBUNAL :
Connaissance prise du rapport du juge rapporteur et des pièces versées aux débats,
Sur la demande principale :
Attendu qu'il résulte de l'examen de l'acte introductif d'instance que la demande a été régulièrement engagée et qu'elle doit dès lors être déclarée recevable,
Attendu que par contrat du 18 juin 2007 la société Regain Santé a donné mandat à la société SET Telecom, aux droits de laquelle vient la société SCT TELECOM, ce qui n'est pas contesté, pour effectuer la portabilité de ses lignes téléphoniques professionnelles, avec une période d'essai de deux mois qui s'est apparemment déroulée sans incident,
Attendu qu'au dessus de sa signature la société Regain Santé a déclaré « avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de vente imprimées au verso, les conditions particulières relatives à chaque service fourni par SCT, ainsi que de leurs annexes »
Attendu qu'au contrat sont jointes les conditions sus-visées dans le bulletin de souscription, que ces dernières sont présentées en plusieurs pages comportant chacune deux colonnes et des titres imprimés en majuscules, séparés chacun par des interlignes, que si les caractères utilisés sont petits, les stipulations du contrat sont néanmoins parfaitement lisibles, et accompagnées d'un glossaire les rendant compréhensibles même pour un non spécialiste de la téléphonie,
Attendu que la société SCT TELECOM venant aux droits de la société SCT Telecom n'est pas un opérateur de télécommunications, mais un courtier,
Attendu que l'article 8 des conditions générales des services le confirme en précisant « en tant qu'utilisateur de technologies ou d'infrastructures développées et fournies par des Tiers, le Fournisseur ne saurait garantir que son service soit totalement ininterrompu, sans incident, et offrant un niveau de sécurité sans faille », qu'une telle clause n'a rien d'abusif ou de déséquilibré,
[minute page 5] Attendu que l'article 9 des conditions particulières des services voix et raccordement direct stipule que « le présent contrat est conclu, via la Présélection temporaire à compter de la signature du bulletin de souscription pour une durée minimale de douze (12) mois, et dès disponibilité géographique via le service de Raccordement direct pour une durée minimale de quarante huit (48) mois, étant entendu que la période (initiale ou renouvelée) de la connexion via la présélection temporaire s'impute sur cette durée de quarante huit (48) mois.
Quelque (sic) soit le service souscrit et quelque (sic) soit la durée du contrat, à défaut de résiliation par une partie adressée à l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception trois (3) mois avant le terme de la période initiale déterminée par l'accès fourni (12 ou 48 mois), le contrat sera tacitement reconduit pour une période de douze (12) mois et chacune des parties pourra alors le résilier par envoie (sic) à l'autre partie d'une lettre recommandée avec accusé de réception trois (3) mois avant le terme de la période considérée »,
Attendu que l'article 14 des mêmes conditions particulières, qui répète ces conditions de résiliation, stipule également que « le fournisseur pourra résilier le service de raccordement direct suite à sa suspension pendant une durée de trois (3) mois consécutifs », et détaille le calcul des indemnités dues par le client dans ce cas de résiliation, sans que le libellé de cette clause nécessite d'interprétation,
Attendu que la société SCT TELECOM, qui n'a même pas été informée par la société Regain Santé que celle-ci avait confié la gestion de ses lignes téléphoniques à une autre société, est donc bien fondée à avoir prononcé la résiliation du contrat aux seuls torts de la société Regain Santé,
Attendu que la société Regain Santé, qui est un professionnel, ne peut prétendre avoir été abusée par ce contrat, ni dans ses termes, ni dans sa durée, que le contrat souscrit pour faire des économies sur ses dépenses téléphoniques a un rapport direct avec son activité professionnelle, qu'ainsi le code de la consommation ne s'applique pas,
Attendu qu'il en résulte que la société Regain Santé n'est pas mieux fondée à soutenir que certaines clauses des conditions particulières sont déséquilibrées qu'à contester la validité du contrat,
Attendu cependant que l'article 14 des conditions particulières des services voix et raccordement direct vise à calculer forfaitairement l'indemnité de résiliation, que cet article doit donc s'analyser comme une clause pénale, que le Tribunal jugera l'indemnité de résiliation manifestement excessive et qu'usant de son pouvoir souverain d'appréciation il la réduira, en application de l'article 1152 du code civil, à la somme de 4.000 euros,
le Tribunal déboutera la société Regain Santé de toutes ses demandes, à l'exception de celle visant à la qualification de l'article 14 des conditions particulières des services voix et raccordement direct comme clause pénale ;
le Tribunal recevra la société SCT TELECOM en sa demande, la dira partiellement fondée, y fera partiellement droit ;
le Tribunal constatera la résiliation anticipée du contrat aux torts exclusifs de la société Regain Santé, et condamnera la société Regain Santé à payer à la société SCT TELECOM la somme de 4.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2009, date de la mise en demeure.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que la société Regain Santé a obligé la société SCT TELECOM à exposer des frais non compris dans les dépens pour recourir à la justice et obtenir un titre,
[minute page 6]
le Tribunal dira disposer d'éléments suffisants pour faire droit à la demande de la société SCT TELECOM à hauteur de 1.000 euros et la déboutera du surplus de sa demande.
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que, s'agissant de dommages et intérêts, le Tribunal n'estime pas l'exécution provisoire nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire en application de l'article 515 du code de procédure civile,
le Tribunal n'ordonnera l'exécution provisoire.
Sur les dépens :
Attendu que la société Regain Santé est la partie qui succombe dans la présente instance,
le Tribunal la condamnera aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant par jugement contradictoire en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
* déboute la société Regain Santé de toutes ses demandes, à l'exception de celle visant à la qualification de l'article 14 des conditions particulières des services voix et raccordement direct comme clause pénale,
* reçoit la société SCT TELECOM en sa demande, la dit partiellement fondée, y fait partiellement droit,
* constate la résiliation anticipée du contrat aux torts exclusifs de la société Regain Santé, et condamne la société Regain Santé à payer à la société SCT TELECOM la somme de 4.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2009,
* condamne la société Regain Santé à payer à la société SCT TELECOM la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et déboute la société SCT TELECOM du surplus de sa demande à ce titre,
* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
* condamne la société Regain Santé aux dépens,
* liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 82,17 euros TTC.
Le Commis assermenté Le Président
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie
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