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CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 15 octobre 2013

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 15 octobre 2013
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 3e ch. sect. 1
Demande : 12/00762
Décision : 617/13
Date : 15/10/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/02/2012
Numéro de la décision : 617
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4478

CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 15 octobre 2013 : RG n° 12/00762 ; arrêt n° 617/13

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il résulte du paragraphe prise d'effet, durée et étendues des garanties que pour chacune des garanties Maladie-Accident du travail et Perte d'emploi suite à Licenciement, « la prise en charge ne pourra excéder 12 remboursements mensuels en un ou plusieurs trimestres » ; que cette mention est écrite en caractères gras. Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la signature de la demande d'adhésion comportant la mention de la remise de la notice établit la remise effective de ce document et rend les conditions générales de cette assurance opposables à l'emprunteur. S'agissant d'une assurance groupe, il ne peut être reproché à la société CARDIF un défaut d'information ; qu'en effet si, en application de l’article L. 112-2 du Code des assurances, une clause de limitation de garantie doit être portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police, cet article n'est pas applicable aux assurances groupe, dont le mécanisme ne met pas en contact la compagnie d'assurances et le candidat à l'assurance. La compagnie CARDIF n'est donc pas tenue à une obligation d'information et de conseil, n'ayant eu aucun contact avec Monsieur X... [...]

Cette clause ne peut être qualifiée d'abusive, s'agissant d'une clause de délimitation du risque qui échappe à la sanction de l’article L. 132-1 du Code de la consommation qui prévoit que l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat. Par ailleurs, si Monsieur X. a épuisé ses droits à garantie en ce qui concerne la garantie incapacité de travail, il continue à être garanti pour les autres risques souscrits et il est normal que les primes continuent à être prélevées. »

2/ « La banque, souscripteur d'une assurance de groupe est tenue envers l'emprunteur d'une obligation d'information et de conseil qui ne s'achève pas avec la remise de la notice. Elle avait l'obligation d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle et en l'espèce que l'assurance invalidité était limitée à une durée de 12 mois, durée inférieure à la durée du prêt souscrit. La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui était tenue de cette obligation d'information, doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

En l'espèce la seule remise de la notice et du tableau d'amortissement incluant des cotisations d'assurance constantes jusqu'au terme du prêt, créant ainsi l'apparence trompeuse d'une garantie totale jusqu'au terme du prêt alors que la cessation partielle de certaines garanties est prévue avant la fin du contrat, constitue un manquement de la banque à son devoir d'information. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

TROISIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/00762. Arrêt n° 617/13. Décision déférée du 3 février 2012 - Tribunal d'Instance de MURET : RG n° 11-10-0006.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Représenté par Maître Véronique PODESTA, avocat au barreau de TOULOUSE, Assisté de Maître Frédéric DOUCHEZ, avocat au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉES :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Représentée par Maître Jérôme MARFAING-DIDIER du CABINET D'AVOCATS DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

SA CARDIF ASSURANCE VIE

Représentée par Maître Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat au barreau de TOULOUSE, Assistée de Maître Michel BRUGIERES, avocat au barreau de TOURS

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 18 juin 2013 en audience publique, devant la Cour composée de : J. BENSUSSAN, président, M. MOULIS, conseiller, M.O. POQUE, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par J. BENSUSSAN, président, et par D. FOLTYN, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant offre préalable de crédit en date du 23 novembre 2007, la société CETELEM aux droits de laquelle se trouve désormais la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à Monsieur X. un prêt d'un montant de 15.000 euros remboursable en 60 mensualités au taux effectif global de 5,90 % et l'emprunteur a adhéré à un contrat d’assurance souscrit auprès de la compagnie CARDIF ASSURANCE VIE.

Des mensualités sont demeurées impayées et les mises en demeure sont restées vaines.

Par acte du 20 octobre 2010, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait assigner Monsieur X. devant le Tribunal d'instance de Muret pour l'entendre condamner au paiement, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- de la somme principale de 10.258,19 euros majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 22 juillet 2010,

- de la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par acte du 12 janvier 2011, Monsieur X. a appelé dans la cause la compagnie CARDIF pour la voir condamner à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

Par jugement du 3 février 2012, le Tribunal d'instance de Muret a, avec exécution provisoire, condamné Monsieur X. à payer à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 10.258,19 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 22 juillet 2010, dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile et condamné le défendeur aux dépens.

 

Par déclaration du 23 février 2012, Monsieur X. a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions du 23 mai 2012, l'appelant sollicite la réformation du jugement et :

A titre principal,

- de constater que la société CARDIF a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne lui soumettant pas une clause essentielle et déterminante du contrat d'assurance et la déclarer non opposable,

- de la condamner à le relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- de la condamner au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- de constater que la société CARDIF a manqué à son obligation générale d'information et de conseil,

- de la condamner à le relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- de la condamner au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700,

En tout état de cause,

- déclarer la clause limitative de garantie à 12 mois abusive et par conséquent nulle et non applicable,

- relever le caractère nul et non avenue de cette clause de garantie, non appliquée dans d'autres contrats de prêt,

- de la condamner à le relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- de la condamner au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700,

A titre infiniment subsidiaire,

- de juger que la BNP a engagé sa responsabilité en manquant à son devoir d'information et de conseil à son égard au moment de la souscription du contrat de prêt, en soumettant à sa signature le contrat d'assurance de la société CARDIF, membre du groupe BNP,

- de condamner la société BNP à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la compensation entre les sommes réclamées au titre du prêt et les dommages et intérêts,

- de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient essentiellement qu'en application de l’article L. 112-2 du Code des assurances, il est de jurisprudence constante qu'une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable ; qu'en l'espèce la limitation de la durée de l'assurance à 12 mois n'a été portée à sa connaissance qu'au moment du versement de la dernière échéance de décembre 2009.

Indépendamment des obligations d'information imposées par la loi ou les textes réglementaires à l'assureur, la jurisprudence met à sa charge une obligation générale d'information et de conseil à l'égard de son cocontractant.

Monsieur X. affirme qu'en application de l’article L. 132-1 du Code des assurances, il y a lieu de relever que la clause litigieuse, limitant la prise en charge de l'assurance à 12 mois, alors même que l'incapacité temporaire totale s'est poursuivie et qu'elle est médicalement constatée et justifiée, vide le contrat d’assurance de toute substance en raison de son caractère abusif, en effet l'objet de l'assurance implique que le consommateur soit couvert par l'assurance aussi longtemps que ses obligations subsistent et qu'il continue le paiement de l'assurance alors que la garantie lui est refusée.

Il souligne que dans un autre contrat de prêt, dans lequel il a souscrit le même contrat, la compagnie CARDIF couvre les mensualités depuis 2008.

Subsidiairement il fait valoir qu'il a souscrit le prêt par l'intermédiaire de la BNP et qu'à aucun moment cette banque ne l'a informé ni de la limitation de la garantie ni du caractère abusif des clauses du contrat souscrit, manquant à son obligation de conseil, en sa qualité de professionnel et abusé ainsi de sa confiance.

 

Dans ses conclusions du 18 juillet 2012, la SA CARDIF ASSURANCE VIE conclu au débouté de l'appelant, à la confirmation du jugement et à la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que lors de l'adhésion, l'emprunteur a reconnu avoir pris connaissance et rester en possession d'un exemplaire de la notice d'information sur l'assurance, ce qui emporte présomption de remise de la notice et qu'il appartient à Monsieur X. de démontrer qu'il n'en a pas eu connaissance, ce qu'il ne fait pas.

Elle rappelle que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties et qu'elle a exécuté ses obligations.

Elle affirme que l’article L. 112-2 du Code des assurances n'est pas applicable aux assurances de groupe car dans ce mécanisme il n'y a aucun contrat entre la compagnie d'assurance et le candidat à l'assurance et c'est l'organisme prêteur qui propose à l'emprunteur de souscrire une assurance facultative. Elle conteste être tenu à un devoir de conseil et d'information, ce devoir reposant sur l'organisme prêteur et non sur l'assureur.

Enfin la compagnie CARDIF soutient que l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte pas, en application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, sur la définition de l'objet principal du contrat, ce qui fait échapper les clauses de délimitation du risque garanti à la sanction des clauses abusives.

Dans ses conclusions du 23 juillet 2012, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X. au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement ainsi qu'aux dépens.

Elle rappelle qu'elle a communiqué à Monsieur X. la notice d'assurance lors de l'adhésion à l'assurance facultative, notice sur laquelle figurait l'ensemble des prestations de la compagnie d'assurance et qu'elle a donc rempli son devoir d'information.

Elle s'est renseignée sur les besoins de Monsieur X. et lui a fourni une assurance adéquate à ces besoins, elle n'a pas à procéder à l'analyse de clauses figurant sur la notice d'information dont elle n'est pas l'auteur.

Il importe peu que la société CARDIF appartienne au groupe BNP, la notion de groupe n'existant pas en droit français.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Monsieur X. ne conteste pas devoir à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 10.258,19 euros avec intérêts conventionnels à compter du 19 août 2010.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef de demande.

Il demande à titre principal à être relevé et garanti par la société CARDIF ASSURANCE au titre du manquement à son obligation de conseil et subsidiairement la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts.

 

- Sur la responsabilité de la compagnie CARDIF :

Lors de la conclusion du contrat de crédit Monsieur X. a adhéré à l'assurance facultative qui lui était proposé et a déclaré avoir pris connaissance des conditions particulières et des conditions générales de l'offre ainsi que de la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance. Il a reconnu rester en possession d'un exemplaire de l'offre et adhérer à l'ensemble de ces conditions.

Il résulte du paragraphe prise d'effet, durée et étendues des garanties que pour chacune des garanties Maladie-Accident du travail et Perte d'emploi suite à Licenciement, « la prise en charge ne pourra excéder 12 remboursements mensuels en un ou plusieurs trimestres » ; que cette mention est écrite en caractères gras.

Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la signature de la demande d'adhésion comportant la mention de la remise de la notice établit la remise effective de ce document et rend les conditions générales de cette assurance opposables à l'emprunteur.

S'agissant d'une assurance groupe, il ne peut être reproché à la société CARDIF un défaut d'information ; qu'en effet si, en application de l’article L. 112-2 du Code des assurances, une clause de limitation de garantie doit être portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police, cet article n'est pas applicable aux assurances groupe, dont le mécanisme ne met pas en contact la compagnie d'assurances et le candidat à l'assurance.

La compagnie CARDIF n'est donc pas tenue à une obligation d'information et de conseil, n'ayant eu aucun contact avec Monsieur X...

Il n'est pas contesté que la compagnie CARDIF a pris en charge les échéances du prêt en cause à la suite de l'incapacité de Monsieur X., conformément à la clause limitative de durée de garantie.

Cette clause ne peut être qualifiée d'abusive, s'agissant d'une clause de délimitation du risque qui échappe à la sanction de l’article L. 132-1 du Code de la consommation qui prévoit que l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat.

Par ailleurs, si Monsieur X. a épuisé ses droits à garantie en ce qui concerne la garantie incapacité de travail, il continue à être garanti pour les autres risques souscrits et il est normal que les primes continuent à être prélevées.

 

- Sur la responsabilité de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE :

La banque, souscripteur d'une assurance de groupe est tenue envers l'emprunteur d'une obligation d'information et de conseil qui ne s'achève pas avec la remise de la notice.

Elle avait l'obligation d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle et en l'espèce que l'assurance invalidité était limitée à une durée de 12 mois, durée inférieure à la durée du prêt souscrit.

La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui était tenue de cette obligation d'information, doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

En l'espèce la seule remise de la notice et du tableau d'amortissement incluant des cotisations d'assurance constantes jusqu'au terme du prêt, créant ainsi l'apparence trompeuse d'une garantie totale jusqu'au terme du prêt alors que la cessation partielle de certaines garanties est prévue avant la fin du contrat, constitue un manquement de la banque à son devoir d'information.

Le préjudice subi par Monsieur X. consiste en une perte de chance de bénéficier de la totalité des garanties jusqu'à la fin du prêt, sera évalué à 8.000 euros.

La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera condamnée au paiement de cette somme.

Il convient d'ordonner la compensation entre les créances des parties à concurrence de leurs quotités respectives.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur X. de ses demandes à l'encontre de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

Le réformant de ce chef et y ajoutant :

Condamne la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, sur le fondement du manquement à son obligation de conseil, à payer à Monsieur X. la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Ordonne la compensation entre les sommes dues par chacune des parties à concurrence de leurs quotités respectives,

Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

D. FOLTYN               J. BENSUSSAN