CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 31 octobre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4485
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 31 octobre 2013 : RG n° 12/01600 ; arrêt n° 2013/356
Publication : Jurica
Extrait : « La police d'assurance souscrite par Monsieur X. stipule en page 14 : « Garantie A : Pertes et avaries vol total (...) Ce qui est exclu (...) 2. Les pertes et avaries provenant d'absence de réparation ou de courtier d'entretien caractérisé ». Cette exclusion est formelle et limitée au sens de l’article L. 113-1 du Code des Assurances, car elle permet à cet assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie de son assureur sans pour autant aboutir à la suppression de toute garantie. Elle ne crée pas au détriment de Monsieur X. un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat au sens de l’article L. 132-1 alinéa 1 du Code de la Consommation. Il est sans utilité pour le litige que cette exclusion n'existe pas dans les autres polices communiquées par Monsieur X. (contrat littoral de FRANCE PLAISANCE, contrat plaisance d'AXA, contrat Alcyon de la MAAF, et contrat navigation de plaisance de MFA) car il n'existe pas de règle universelle sur ce point, et surtout l'intéressé était à l'époque... courtier en assurances ce qui signifie qu'il était particulièrement bien placé pour choisir un contrat d'assurance le garantissant au mieux. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01600. Arrêt n° 2013/356. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 12 janvier 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 09/14613.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Jean-Léopold RENARD de la SELARL RENARD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître François LE LOUER, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMÉE :
SA GENERALI IARD,
dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Jean-Pierre PELLIER de la SCP PELLIER/ ARNAUD/MOUREN (VIDAPARM), avocat au barreau de MARSEILLE,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2013.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2013. Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - DEMANDES :
Monsieur X. a pour le prix de 300.000 euros 00 acheté d'occasion le 28 mai 2007 une vedette ACM Dynasty 43 avec 2 moteurs construite en 2003 et dénommée « Y. », entretenue par Monsieur Z. et assurée auprès de la SA GENERALI IARD pour ce prix au titre des pertes et avaries, et pour 30.000 euros 00 au titre des frais de retirement.
Au cours d'une navigation le 13 mai 2008 ce bateau a heurté un corps flottant ce qui a endommagé son inverseur de propulsion bâbord. Ce sinistre a été pris en charge par la compagnie GENERALI. A terre l'échange de cet inverseur a été décidé, et dans l'attente de l'arrivée du nouveau matériel Monsieur W. mécanicien a procédé à une réparation provisoire visant à soulager le presse étoupe à l'aide de cordelettes reliant le tourteau à l'arbre porte hélice.
Le bateau a été remis à l'eau le 14 juin 2008, et lors d'une sortie le 14 juillet suivant piloté par Monsieur X. a coulé devant le port de MARSEILLE-Corbières à la suite d'une entrée d'eau due au fait que le tourteau s'est désaccouplé du moteur bâbord, ce qui a entraîné le recul de l'arbre porte hélice et le déboîtement du presse étoupe.
Une ordonnance rendue le 16 juillet 2008 à la requête de la compagnie GENERALI a désigné comme expert Monsieur R., et une ordonnance de référé du 12 septembre suivant a déclaré cette expertise commune à Monsieur X., à Monsieur W., à Monsieur Z. et à son assureur la compagnie AGF. L'expert a déposé son rapport le 6 juillet 2009.
En novembre et décembre 2009 Monsieur X. a assigné diverses personnes dont la compagnie GENERALI devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, qui par jugement du 12 janvier 2012 a notamment :
* débouté le premier ;
* condamné le même à payer à la seconde la somme de 1.500 euros 00 sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur X. a régulièrement interjeté appel le 26-27 janvier 2012. Par conclusions du 28 août 2013 il soutient notamment que :
- son bateau a été remis à l'eau le 14 juin 2008 à la demande de la compagnie GENERALI qui souhaitait limiter les frais de stationnement à terre ; à aucun moment alors il n'a été avisé de la réparation provisoire ni de la dangerosité de celle-ci ;
- l'expert judiciaire a été désigné la première fois de manière non contradictoire ; il fait partie du réseau d'experts plaisance du CESAM, ainsi que du réseau d'experts navigation de la compagnie GENERALI, ce qui le prive d'une quelconque indépendance vis-à-vis des assureurs dont cette compagnie ; ce n'est qu'après le dépôt du rapport que lui-même a découvert cette situation, ce qui ne lui permettait plus d'agir en rétractation de la désignation de l'expert ;
- ce dernier s'est montré partial dans la conduite de ses opérations : il a fixé une réunion le 3 septembre 2008 alors que ni lui-même ni son Avocat n'étaient disponibles, et l'a néanmoins maintenue ; la déclaration de Monsieur Z. lors de cette réunion qu'il avait avisé lui-même du risque de la réparation provisoire n'a été portée à sa connaissance que le 14 avril 2009 alors qu'entre-temps ont eu lieu 3 autres réunions (6 novembre et 12 décembre 2008, 27 février 2009) sans évocation de cet avis ;
- l'absence provisoire d'un inverseur n'a pas de conséquences sur la navigabilité du bateau muni de 2 moteurs ; le sinistre est dû non à cette absence, mais au désaccouplement, pour mauvaise fixation, du tourteau de l'arbre porte hélice ; un bateau avec 2 moteurs peut sortir en mer même si l'un d'eux est dépourvu d'inverseur ;
- n'est pas rapportée la preuve d'un défaut d'entretien caractérisé de son bateau ;
- la réparation provisoire avait été effectuée, mais pas dans les règles de l'art (oubli d'un écrou lors du remontage) ;
- la clause d'exclusion de la police d'assurance a une portée générale et non limitée, alors qu'elle doit être formelle et limitée, ce qui fait qu'elle est réputée non écrite ; elle ne figure pas dans les polices des assurances de la plaisance autres que la compagnie GENERALI ;
- il n'a pas été informé par les experts suite au premier sinistre qu'il était déraisonnable de prendre la mer ;
- les cordelettes reliant le tourteau à l'arbre porte hélice étaient intactes après le second sinistre, et ne se sont donc pas rompues ; l'avarie du 14 juillet 2008 est due à l'oubli par Monsieur W. d'un écrou assurant le maintien de l'hélice et de l'arbre dans le tourteau ; ces 2 éléments sont mentionnés par l'expert judiciaire, et cet oubli rend la réparation non conforme aux règles de l'art ;
- il a dû en raison de l'attitude de son assureur la compagnie GENERALI, dans laquelle il n'avait plus confiance, abandonner son métier de courtier d'assurance d'où un préjudice moral ;
- il avait l'habitude d'utiliser son bateau 1 mois l'été et 6 week-ends par an ;
- l'épave de son bateau n'a toujours pas été vendue alors qu'il continue depuis plus de 5 ans à payer divers frais.
L'appelant demande à la Cour de :
- vu les articles 235 et 237 du Code de Procédure Civile :
* constater que le rapport d'expertise du 6 juillet 2009 est nul et de nul effet ;
* ordonner la désignation d'un nouvel expert aux mêmes fins ;
- vu les articles 1147 du Code Civil, 132-1 du Code de la Consommation et 113-1 du Code des Assurances :
* constater que la compagnie GENERALI doit sa garantie au titre des 2 sinistres ;
* la condamner à payer la somme de 330.000 euros 00 correspondant au plein de la garantie ;
* constater que c'est abusivement et en violation de la police que cet assureur a refusé de procéder au règlement du sinistre du 14 juillet 2008 ;
* condamner la compagnie GENERALI à payer les sommes de :
- 100.000 euros 00 au titre du préjudice moral,
- 28.000 euros 00 par année de retard dans l'indemnisation, sauf à parfaire, au titre de la perte de jouissance ;
* 13.510 euros 64 au titre des frais exposés pour le suivi de l'expertise judiciaire ;
- vu l’article 1154 du Code Civil dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du naufrage ;
- condamner la compagnie GENERALI à payer la somme de 15.000 euros 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Concluant le 14 juin 2012 la S.A. GENERALI IARD répond notamment que :
- elle a fait désigner dans l'urgence un expert car les indices se perdent rapidement ; le principe du contradictoire a été parfaitement respecté ;
- tous les intervenants dont Messieurs Z. et W. avaient prévenu Monsieur X. de ne pas prendre la mer alors que la réparation du premier sinistre n'était pas faite et que l'arbre ne tenait que par des bouts de ficelle ;
- sa garantie est exclue pour les pertes et avaries provenant d'absence de réparation ou de défaut d'entretien caractérisé lesquels détruisent l'aléa qui est l'essence du contrat d'assurance ; cette exclusion est formelle et limitée ce qui la rend valable.
L'intimée demande à la Cour de confirmer le jugement et de :
- homologuer le rapport d'expertise judiciaire et le déclarer bon et valide ;
- tenant la clause d'exclusion prévue par le contrat d'assurance dire et juger que Monsieur X. a pris la mer témérairement en toute connaissance de cause et en l'état de réparations non effectuées, et que par voie de conséquence sa garantie n'est pas due ;
- déclarer la clause d'exclusion parfaitement valide, et dire et juger que par son comportement plus que téméraire l'assuré a détruit tout aléa et ne pouvait donc être couvert pour ce sinistre ;
- débouter Monsieur X. et le condamner au paiement d'une indemnité de 5.000 euros 00 sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L’ARRÊT :
Sur l'expertise R. :
La première désignation de cet expert le 16 juillet 2008 a été faite à la requête de la compagnie GENERALI et donc de manière non contradictoire ; cependant cet assureur a pris le soin de faire déclarer cette expertise commune à diverses personnes dont Messieurs W., Z. et X. par une ordonnance de référé du 12 septembre suivant sans que ce dernier ne conteste soit la première désignation soit cette déclaration.
Monsieur R. est expert du Comité d'Etudes et de Services des Assureurs Maritimes et Transports (le CESAM), et fait partie des experts de la compagnie GENERALI ; cependant Monsieur X. pouvait avant le dépôt du rapport d'expertise le 6 juillet 2009 se rendre compte de ces 2 qualités du fait de sa qualité de courtier en assurances, et demander la récusation de Monsieur R. en vertu de l’article 234 du Code de Procédure Civile, ce qu'il n'a pas fait.
Quoiqu'il en soit c'est en qualité d'expert judiciaire que Monsieur R. a été désigné pour le présent litige, et il pouvait fort bien « accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité » comme le requiert l'article 237 du même Code.
L'expert a convoqué les parties à 6 reprises pour les 18 juillet, 3 septembre, 6 novembre et 12 décembre 2008 ainsi que 27 février et 2 juin 2009 ; Monsieur X. ou son Conseil était présents à toutes ces réunions sauf la 2ème à laquelle ils avaient pourtant été dûment convoqués, et leur empêchement pour ce du 3 septembre 2008 n'était pas de nature à obliger Monsieur R. à reporter la réunion qu'il avait fixée.
C'est donc à juste titre que le Tribunal de Grande Instance a rejeté la demande en nullité de l'expertise judiciaire R.
Sur la garantie par la compagnie GENERALI :
La police d'assurance souscrite par Monsieur X. stipule en page 14 : « Garantie A : Pertes et avaries vol total (...) Ce qui est exclu (...) 2. Les pertes et avaries provenant d'absence de réparation ou de courtier d'entretien caractérisé ». Cette exclusion est formelle et limitée au sens de l’article L. 113-1 du Code des Assurances, car elle permet à cet assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie de son assureur sans pour autant aboutir à la suppression de toute garantie. Elle ne crée pas au détriment de Monsieur X. un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat au sens de l’article L. 132-1 alinéa 1 du Code de la Consommation. Il est sans utilité pour le litige que cette exclusion n'existe pas dans les autres polices communiquées par Monsieur X. (contrat littoral de FRANCE PLAISANCE, contrat plaisance d'AXA, contrat Alcyon de la MAAF, et contrat navigation de plaisance de MFA) car il n'existe pas de règle universelle sur ce point, et surtout l'intéressé était à l'époque... courtier en assurances ce qui signifie qu'il était particulièrement bien placé pour choisir un contrat d'assurance le garantissant au mieux.
La déclaration de Monsieur Z. devant l'expert R. lors de la réunion du 3 septembre 2008 qu'il avait averti Monsieur X. de ne pas sortir en mer faute de terminaison des travaux n'est suspecte ni parce que Monsieur X. comme son Conseil étaient absents ce jour-là, ni parce qu'elle n'a été retranscrite par Monsieur R. que lors de la 6ème réunion c'est-à-dire tardivement. Cette déclaration a été confirmée par :
- Maître PELLIER Conseil de la compagnie GENERALI,
- Monsieur A. expert et conseil technique de cette dernière,
- Monsieur B. expert et conseil technique de N.C.,
- Monsieur C. expert de Monsieur X. avant le naufrage,
- Monsieur D. de la société E. CONCEPT renfloueur du navire,
et a été retranscrite le 15 octobre 2012 dans un procès-verbal de constat (notamment page 24 pour Monsieur C.) par un Huissier de Justice requis par Monsieur X., ce qui permet à la Cour de la considérer comme exacte et véridique en écartant l'attestation contraire établie le 17 mai 2009 par Monsieur E.
Le sinistre du 14 juillet 2008 est dû à l'absence de l'inverseur du moteur bâbord, remplacé provisoirement par un montage de cordelettes reliant le tourteau d'accouplement au moteur. La réparation provisoire de cet inverseur n'empêchait pas le navire de Monsieur X. de fonctionner avec le seul moteur tribord, mais l'étanchéité dudit navire n'existait pas pour autant vu la liaison par des cordelettes du tourteau à l'arbre porte hélice. Par suite il existait ce du 14 juillet 2008 une absence de véritable et complète réparation excluant la garantie de la compagnie GENERALI. La présence invoquée d'un écrou à frein nylon assurant le maintien de l'arbre dans le tourteau mais situé en dehors de ces 2 éléments permet de retenir qu'il n'était pas placé comme il le fallait ; cependant Monsieur X. n'a pas maintenu sa procédure contre les intervenants tels que Messieurs Z. et W., et cette anomalie n'est pas imputable à la compagnie GENERALI.
Monsieur X. n'aurait pas dû décider de prendre la mer avec un mistral de 83 km/h, tout en sachant que son navire était dépourvu d'inverseur tribord et que cette carence était compensée par une réparation provisoire inadaptée au maintien durable de l'arbre porte hélice dans l'alignement du moteur.
C'est donc à juste titre que le Tribunal de Grande Instance a débouté Monsieur X. de ses demandes contre son assureur.
Enfin l'équité fait obstacle à la demande de la compagnie GENERALI au titre des frais irrépétibles d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 12 janvier 2012.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne Monsieur X. aux dépens d'appel, avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.
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