CA NÎMES (1re ch. civ. A), 24 octobre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4487
CA NÎMES (1re ch. civ. A), 24 octobre 2013 : RG n° 12/05281
Publication : Jurica
Extrait : « Le Tribunal a précisément rappelé les dispositions des articles L. 111-1 et L. 132-1 du code de la consommation ainsi que la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 82-03 du 14 mai 2003 concernant les contrats d'installation de cuisine ; celle-ci a préconisé une étude technique par le professionnel, avant la conclusion définitive du contrat, permettant d'apprécier l'influence des caractéristiques de l'immeuble sur le coût de l'installation et l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir lors de la signature du contrat un engagement immédiat et définitif du consommateur et un engagement éventuel du professionnel. Contrairement aux affirmations de l'appelant, il ne s'agit pas en l'espèce d'une simple vente de meubles de cuisine mais bien d'une installation de cuisine avec appareils ménagers, livraison, contrôle technique ; d'ailleurs l'attestation de TVA signée par les parties mentionne le détail des travaux d' « installation » de cuisine.
Après avoir pertinemment relevé qu'en l'espèce un bon de commande « ferme et définitif » a été signé par les acquéreurs sur la foire exposition alors que le vendeur professionnel n'avait pas pris les mesures et côtes exactes à domicile ni effectué une étude technique avant conclusion du contrat, que selon le bon de commande les époux Y. étaient privés de toute faculté de rétractation même en cas d'erreurs de mesure entrainant des modifications de l'objet de la commande et du prix dont seul les acquéreurs, simples consommateurs, supportaient les conséquences, que ces derniers ne disposaient pas à la signature sur la foire exposition des éléments d'information nécessaires à leur consentement éclairé, le Tribunal a, à bon droit, jugé les clauses 2-1, 2-2 et 2-3 du bon de commande signé par les époux Y. abusives et retenu que le contrat de vente ne s'est pas valablement formé.
En effet, contrairement aux affirmations de l'appelant, le vendeur de cuisine, même s'il ne se charge pas de la pose, a connaissance de la nécessité de mesures exactes pour déterminer le nombre et les dimensions des meubles ; les clauses susvisées réputées non écrites pré-imprimées au verso du bon de commande portent sur l'objet même de l'accord et sur le prix, auxquels les acquéreurs ne pouvaient valablement consentir en l'absence d'étude préalable avec mesurage et relevé précis par le professionnel sur le lieu destiné à être équipé, qui déterminaient le prix réel de la cuisine, ce dont il résulte que le contrat de vente n'a pas pu valablement se former. La restitution de l'acompte de 1.000 euros a à juste titre été ordonnée ».
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/05281. [Sur appel de] TGI Ales, 22 août 2012.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Rep/assistant : la SCP LOBIER MIMRAN GOUIN LEZER JONZO, Postulant (avocats au barreau de NIMES), Rep/assistant : Maître Denis BERTRAND, Plaidant (avocat au barreau de MONTPELLIER)
INTIMÉS :
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], Rep/assistant : Maître Noëlle BECRIT GLONDU, Plaidant/Postulant (avocat au barreau de NIMES)
Madame Y. épouse Y.
née le [date] à [ville], Rep/assistant : Maître Noëlle BECRIT GLONDU, Plaidant/Postulant (avocat au barreau de NIMES)
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 juin 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Dominique BRUZY, Président, M. Serge BERTHET, Conseiller, Mme Christine JEAN, Conseiller,
GREFFIER : Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 25 juin 2013, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 octobre 2013, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 24 octobre 2013, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 18 octobre 2010, lors d'une foire exposition, M.et Mme Jean et Rose Y. ont commandé une cuisine auprès de M. X., commerçant sous l'enseigne STBO, pour un prix de 16.000 euros et lui ont versé 1.000 euros à titre d'acompte. Le 22 octobre 2010, ils écrivaient à M. X. pour lui réclamer le remboursement de l'acompte outre le paiement de la somme de 500 euros engagée pour consulter un avocat, au motif que le contrat de vente était nul. Le vendeur a refusé de restituer l'acompte et exigé le règlement prévu.
Par exploit du 15 mars 2011, M. X. a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance d'ALES M. et Mme Y. en paiement du prix du mobilier de cuisine restant dû de 15.000 euros outre intérêts à compter de la mise en demeure du 14 décembre 2010, 2.000 euros pour résistance abusive et 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 22 août 2012, le Tribunal de Grande Instance d'ALES a statué comme suit :
« DÉCLARE les clauses 2-1, 2-2 et 2-3 du bon de commande signé par M. et Mme Y. abusives ;
DIT que le contrat conclu entre M. X. et M. et M. Y. n'est ainsi pas valablement formé ;
CONDAMNE M. X. à payer à M. et Mme Y. 1.000 euros au titre de la restitution de l'acompte versé ;
DÉBOUTE M. X. de sa demande en paiement du prix stipulé contractuellement,
DÉBOUTE M. et M. Y. ainsi que M. X. de leurs demandes respectives de dommage et intérêts ;
CONDAMNE M. X. aux dépens de l'instance ;
CONDAMNE M. X. à payer à M. et Mme Y. 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DÉBOUTE M. X. de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision. »
M. X. a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 30 janvier 2013 auxquelles il y a lieu de se reporter pour l'exposé du détail de ses prétentions et moyens, M. X. forme les demandes suivantes :
« Dire l'appel régulier et fondé, et y faisant droit, réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, et en conséquence :
A TITRE PRINCIPAL :
DIRE ET JUGER que les clauses 2-1, 2-2 et 2-3 du contrat liant les époux Y. et Monsieur X. ne sont en rien des clauses abusives ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
DIRE ET JUGER que si les clauses 2-1, 2-2 et/ou 2-3 devaient être jugées abusives, celles-ci seraient réputées non écrites ;
DIRE ET JUGER que, dans ce cas, le contrat subsiste en l'absence de ce(s) clause(s) ;
EN TOUTES HYPOTHÈSES :
JUGER que ledit contrat doit recevoir application ;
DONNER ACTE à Monsieur X. de ce qu'il se propose de livrer et installer le matériel commandé ;
CONDAMNER les époux Y. à lui payer la somme de 15.000 euros TTC restant due au titre dudit contrat ;
LES CONDAMNER à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. »
Aux termes de leurs écritures déposées le 15 février 2013 auxquelles il est expressément reporté, M. et Mme Y. concluent à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et au débouté des demandes de M. X. Ils entendent voir :
« JUGER que les clauses n° 2-1, 2-2 et 2-3 contenues dans le bon de commande constituent des clauses abusives et les réputer non écrites,
DIRE ET JUGER que leur acceptation du bon de commande le 18 octobre 2010 n'a pas emporté la conclusion définitive du contrat de vente,
DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas eu accord sur la chose et le prix le jour de la signature du bon de commande,
Par voie de conséquence,
DIRE ET JUGER qu'ils ont pu valablement se rétracter par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2010 et qu'ils n'ont commis aucune faute,
CONDAMNER Mr X. à leur payer :
- la somme de 1.000 euros représentant l'acompte versé par les époux Y., assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2010, date de la lettre de rétractation,
- la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNER Mr X. à leur payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC et aux entiers dépens ».
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
En application de l’article 1583 du code civil, la conclusion du contrat de vente est subordonnée à l'accord des parties sur la chose et le prix.
En l'espèce, le bon de commande litigieux comporte les clauses suivantes :
« 2-1 CARACTERE FERME ET DÉFINITIF : L'acceptation de la commande par te CLIENT donne un caractère ferme et définitif à celle-ci : dans le cas de vente au comptant et en magasin dès la date de signature et dans le cas de la vente à crédit, de location-vente ou dans celui d'une vente à domicile quel que soit le mode de paiement choisi, dès l'expiration du délai légal de réflexion.
2.2 : ANNULATION : Aucune demande d'annulation ne sera donc acceptée par la suite sauf si STBO manquait gravement à ses obligations ou si le CLIENT ou ses ayants-droit justifiaient de façon probante d'un motif personnel reconnu valable par STBO sous les contreparties précisées à l'article 2-4.
2.3 : MODIFICATIONS : Toute modification aux conditions d'une commande devenue ferme et définitive (cotes incomplètes ou erronées sur le plan fourni par le CLIENT, ou transmises tardivement, reports ou défaut de paiement des acomptes successifs prévus, etc.) peut déterminer un nouveau délai de délivrance et peut entraîner une facturation complémentaire. Dans ce cas, le nouveau délai sera confirmé par STBO. Réciproquement si STBO est responsable de la modification, il sera fait application des dispositions prévues à l'article 6-1 en cas de retard de livraison. »
Le Tribunal a précisément rappelé les dispositions des articles L. 111-1 et L. 132-1 du code de la consommation ainsi que la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 82-03 du 14 mai 2003 concernant les contrats d'installation de cuisine ; celle-ci a préconisé une étude technique par le professionnel, avant la conclusion définitive du contrat, permettant d'apprécier l'influence des caractéristiques de l'immeuble sur le coût de l'installation et l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir lors de la signature du contrat un engagement immédiat et définitif du consommateur et un engagement éventuel du professionnel. Contrairement aux affirmations de l'appelant, il ne s'agit pas en l'espèce d'une simple vente de meubles de cuisine mais bien d'une installation de cuisine avec appareils ménagers, livraison, contrôle technique ; d'ailleurs l'attestation de TVA signée par les parties mentionne le détail des travaux d' « installation » de cuisine.
Après avoir pertinemment relevé qu'en l'espèce un bon de commande « ferme et définitif » a été signé par les acquéreurs sur la foire exposition alors que le vendeur professionnel n'avait pas pris les mesures et côtes exactes à domicile ni effectué une étude technique avant conclusion du contrat, que selon le bon de commande les époux Y. étaient privés de toute faculté de rétractation même en cas d'erreurs de mesure entrainant des modifications de l'objet de la commande et du prix dont seul les acquéreurs, simples consommateurs, supportaient les conséquences, que ces derniers ne disposaient pas à la signature sur la foire exposition des éléments d'information nécessaires à leur consentement éclairé, le Tribunal a, à bon droit, jugé les clauses 2-1, 2-2 et 2-3 du bon de commande signé par les époux Y. abusives et retenu que le contrat de vente ne s'est pas valablement formé.
En effet, contrairement aux affirmations de l'appelant, le vendeur de cuisine, même s'il ne se charge pas de la pose, a connaissance de la nécessité de mesures exactes pour déterminer le nombre et les dimensions des meubles ; les clauses susvisées réputées non écrites pré-imprimées au verso du bon de commande portent sur l'objet même de l'accord et sur le prix, auxquels les acquéreurs ne pouvaient valablement consentir en l'absence d'étude préalable avec mesurage et relevé précis par le professionnel sur le lieu destiné à être équipé, qui déterminaient le prix réel de la cuisine, ce dont il résulte que le contrat de vente n'a pas pu valablement se former. La restitution de l'acompte de 1.000 euros a à juste titre été ordonnée.
Le jugement déféré, précisément et pertinemment motivé, sera donc confirmé dans toutes ses dispositions.
L'abus de droit n'est pas caractérisé. Il n’y a pas lieu à dommages-intérêts.
Les frais d'avocat sont pris en compte au titre des frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme mais mal fondé,
En conséquence, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute les époux Y. de leur demande de dommages-intérêts,
Condamne l'appelant aux dépens et à payer aux époux Y. la somme complémentaire de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par M. BRUZY, Président et par Mme LAURENT-VICAL, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
- 6044 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes techniques
- 6100 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Détermination des obligations - Obligations monétaires - Détermination du prix
- 6481 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’ameublement - Cuisine intégrée (vente et installation) (1) - Formation et contenu du contrat