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CA DOUAI (1re ch. sect. 2), 16 octobre 2013

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. sect. 2), 16 octobre 2013
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 12/07680
Date : 16/10/2013
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2013-024756
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4489

CA DOUAI (1re ch. sect. 2), 16 octobre 2013 : RG n° 12/07680 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-024756

 

Extrait : « attendu que l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que [...] ; qu'il est constant que le non-professionnel ou consommateur concerné peut être une personne morale ; qu'au cas présent, si la SCI du CEDRE a pour objet social « l'acquisition, la transformation ou la réhabilitation de tout bien immobilier », il n'est pas démontré qu'elle exerce cette activité de manière habituelle et en tout cas à titre professionnel, même si l'un de ses gérants, Monsieur X., exerce par ailleurs, au sein de la SARL X. Menuiserie, la profession de menuisier ; qu'elle doit dès lors être considérée, dans le cadre du contrat en cause, comme un non-professionnel ;

que la clause de ce contrat aux termes de laquelle l'acceptation de l'offre implique systématiquement l'acceptation du paiement de la surconsommation éventuelle de béton est une clause qui n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle ; qu'en prévoyant la possibilité pour l'entrepreneur de facturer une quantité de béton, s'imposant au cocontractant, supérieure à celle qui était prévue par le devis sans avoir à justifier du bien-fondé de cette sur-consommation, et donc également la possibilité de sous-estimer la quantité requise, que son cocontractant profane n'est pas à même d'apprécier, dans le devis, pour le rendre attractif et concurrentiel, tout en ne risquant aucune perte, cette clause crée assurément un déséquilibre significatif entre les parties au contrat ; qu'en l'espèce de surcroît, la légèreté avec laquelle l'entrepreneur a établi le devis, à partir des seules informations données par téléphone par son interlocuteur, certainement familier du métrage en tant que menuisier mais pas de la technique propre au béton, alors qu'il ressort de ses propres explications que la complexité d'une telle opération et la quantité de béton qu'elle nécessite sont susceptibles de varier considérablement selon la configuration réelle des lieux (état du support, planéité, présence de gaines, de cloisons, de portes, etc.) rend cette clause d'autant moins acceptable ; que ladite stipulation constitue dès lors une clause abusive, devant être considérée comme non écrite ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/07680. Jugement rendu le 16 novembre 2012 par le Tribunal d'Instance de Lille.

 

APPELANTE :

SARL LE SOL TECHNIQUE LST

ayant son siège social [adresse], représentée par son représentant légal, Représentée par Maître Bernard FRANCHI de la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, Assistée de Maître Agnès MALGUID BASSEZ, avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉE :

SCI DU CEDRE

ayant son siège social [adresse], représentée par son représentant légal, Représentée par Maître Jean-Roch PARICHET, avocat au barreau de LILLE

 

DÉBATS à l'audience publique du 26 juin 2013 tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile ). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Martine ZENATI, Président de chambre, Fabienne BONNEMAISON, Conseiller, Bruno POUPET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2013 après prorogation du délibéré en date du 25 septembre 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine ZENATI, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 juin 2013

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SARL LE SOL TECHNIQUE a relevé appel d'un jugement contradictoire du 16 novembre [2012] par lequel le tribunal d'instance de Lille l'a déboutée de sa demande de condamnation de la SCI du CEDRE à lui payer la somme de 7.554,80 euros, représentant le solde d'une facture, avec intérêts de droit à compter du 19 août 2011, et de ses demandes accessoires et, statuant sur des demandes reconventionnelles, l'a condamnée à payer à la SCI du CEDRE la somme de 2913,46 euros à titre de restitution d'un trop-perçu, outre 1.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose :

- qu'elle a établi le 26 janvier 2011, en fonction des informations que lui avait données par téléphone le gérant de la SCI du CEDRE, un devis relatif à la fourniture d'un sol en béton sur une surface unique de 420 m² au prix de 20,35 euros le mètre carré,

- que la SCI du CEDRE a accepté ce devis le 4 mars 2011,

- qu'après visite des lieux, elle a établi, sur la base de 26,15 euros/m², un second devis que la SCI du CEDRE ne lui a pas retourné,

- que les travaux ont néanmoins été réalisés les 20 et 21 avril 2011,

- que le 1er juin 2011, elle a adressé à la SCI du CEDRE une facture de 17.299,73 euros HT, soit 20.690,47 TTC, se décomposant ainsi qu'il suit :

* dalle (420 x 26,15 euros)                 10.983,00

* béton supplémentaire                        2.473,73

* traitement « bouche porage »            3.843,00

- que la SCI ne lui a réglé que 13.165,67, soit le prix TTC de la seule dalle.

Elle fait valoir :

- que les conditions générales de vente reproduites au verso du devis stipulent notamment, d'une part, que toute sujétion intervenant sur le chantier, extérieure à l'entreprise et non prévue à la commande, entraînera une modification de prix correspondante, d'autre part, que l'acceptation de l'offre implique systématiquement l'acceptation du paiement de la surconsommation éventuelle de béton,

- que contrairement à ce que soutient l'intimée, cette dernière clause ne saurait être considérée comme une clause abusive en l'espèce dès lors que le contrat a été conclu entre professionnels, le gérant de la SCI du CEDRE étant également dirigeant de la SARL X., entreprise de bâtiment intervenant dans tous les corps de métier,

- que le chantier s'est avéré très différent de ce qui avait été annoncé, en ce que :

* la surface de 420 m² était répartie sur deux niveaux, eux-mêmes cloisonnés, ce qui a justifié l'augmentation du prix au m² dans le second devis,

* le sol, accueillant de nombreuses gaines, présentait d'importantes différences de niveaux, ce qui a rendu nécessaire une quantité de béton supérieure à la quantité prévue pour parvenir à un sol plan et au respect des épaisseurs prescrites par le DTU 26-2,

* Monsieur X., co-gérant de la SCI a estimé, à l'issue de la phase de coulage et de séchage, que le type de finition prévue ne conviendrait pas, de sorte que lui a été proposé une traitement dit « bouche-porage », générant un surcoût,

- que Monsieur X. a assisté aux opérations dont il a donc nécessairement accepté les modalités.

Elle ajoute, à titre d'information, qu'elle a proposé et facturé un tarif nettement inférieur au tarif habituellement pratiqué pour ce type de prestation en considération des relations qu'elle entretenait déjà avec Monsieur X.

Elle demande en conséquence à la cour de réformer le jugement et de condamner la SCI du CEDRE à lui payer les sommes de 7.554,80 euros avec intérêts de droit à compter du 15 août 2011 et de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

La SCI du CEDRE conclut à la confirmation du jugement, sauf à voir annuler la clause susvisée du devis du 26 janvier 2011, et à la condamnation de la SARL LE SOL TECHNIQUE aux dépens et à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir à cet effet :

- que la clause dont se prévaut l'appelante est abusive, au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle réserve à la société LE SOL TECHNIQUE le droit de décider unilatéralement et de manière potestative une majoration du prix au titre d'une surconsommation éventuelle de béton,

- que pour apprécier ce caractère abusif, elle soit être considérée, elle, société civile immobilière, comme non professionnelle en matière de construction et en tout cas de coulage de béton, son gérant étant certes, par ailleurs, entrepreneur mais en menuiserie,

- qu'il appartenait à la société LE SOL TECHNIQUE, spécialiste en matière de réalisation de dalles de béton, d'apprécier, sur place et préalablement à l'établissement d'un devis, toutes les contraintes techniques de l'opération pour laquelle elle était sollicitée, et qu'elle a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne l'informant pas de difficultés susceptibles de se présenter,

- qu'en toute hypothèse, elle ne peut, vu l’article 1134 du code civil, demander paiement d'une somme supérieure au seul devis signé dès lors qu'elle n'apporte pas la preuve de l'acceptation, par son cocontractant, d'un autre devis et de la commande de travaux supplémentaires.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que l’article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ;

qu'en l'espèce, la société LE SOL TECHNIQUE déclare elle-même que la SCI du CEDRE ne lui a pas retourné le second devis qu'elle lui a adressé et n'apporte pas la preuve d'une acceptation non équivoque de celui-ci, ce que ne suffit pas à constituer le paiement de la facture ; que le contrat résulte donc de l'acceptation par la SCI du CEDRE, le 4 mars 2011, du seul devis du 26 janvier 2011 qui constitue la loi des parties ;

que ce contrat définit un prix de 20,35 euros le m² pour une surface de 420 m² ;

qu'il est indifférent que, comme le soutient l'appelante, ce prix soit nettement inférieur au tarif habituellement pratiqué dès lors qu'elle l'a fixé de son plein gré et s'est ainsi engagée contractuellement ;

attendu que l’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

qu'il ajoute que le caractère abusif d'une clause s'apprécie notamment, au moment de la conclusion du contrat, en tenant compte de toutes les circonstances qui entourent cette conclusion ;

qu'il est constant que le non-professionnel ou consommateur concerné peut être une personne morale ;

qu'au cas présent, si la SCI du CEDRE a pour objet social « l'acquisition, la transformation ou la réhabilitation de tout bien immobilier », il n'est pas démontré qu'elle exerce cette activité de manière habituelle et en tout cas à titre professionnel, même si l'un de ses gérants, Monsieur X., exerce par ailleurs, au sein de la SARL X. Menuiserie, la profession de menuisier ;

qu'elle doit dès lors être considérée, dans le cadre du contrat en cause, comme un non-professionnel ;

que la clause de ce contrat aux termes de laquelle l'acceptation de l'offre implique systématiquement l'acceptation du paiement de la surconsommation éventuelle de béton est une clause qui n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle ;

qu'en prévoyant la possibilité pour l'entrepreneur de facturer une quantité de béton, s'imposant au cocontractant, supérieure à celle qui était prévue par le devis sans avoir à justifier du bien-fondé de cette sur-consommation, et donc également la possibilité de sous-estimer la quantité requise, que son cocontractant profane n'est pas à même d'apprécier, dans le devis, pour le rendre attractif et concurrentiel, tout en ne risquant aucune perte, cette clause crée assurément un déséquilibre significatif entre les parties au contrat ;

qu'en l'espèce de surcroît, la légèreté avec laquelle l'entrepreneur a établi le devis, à partir des seules informations données par téléphone par son interlocuteur, certainement familier du métrage en tant que menuisier mais pas de la technique propre au béton, alors qu'il ressort de ses propres explications que la complexité d'une telle opération et la quantité de béton qu'elle nécessite sont susceptibles de varier considérablement selon la configuration réelle des lieux (état du support, planéité, présence de gaines, de cloisons, de portes, etc.) rend cette clause d'autant moins acceptable ;

que ladite stipulation constitue dès lors une clause abusive, devant être considérée comme non écrite ;

qu'il en résulte que la SCI du CEDRE n'est aucunement tenue de régler la somme facturée au titre d'une quantité supplémentaire de béton ;

que par ailleurs, comme l'a constaté le tribunal, aucune des pièces produites par la SARL LE SOL TECHNIQUE n'apporte la preuve de la commande de travaux supplémentaires et a fortiori de l'acceptation de leur prix par la SCI du CEDRE qui est dès lors fondée à refuser de régler la somme facturée à ce titre ;

qu'il en résulte que ladite SCI soutient à bon droit n'être redevable que de la somme de 10.222,21 euros TTC conformément au devis du 26 janvier 2011 et, ayant versé 13.165,67 euros, prétend au remboursement de la différence ;

attendu par conséquent qu'il y a lieu de confirmer le jugement mais, y ajoutant, de dire abusive et non écrite la clause litigieuse ;

attendu que la SARL LE SOL TECHNIQUE, partie perdante, doit être condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile ;

attendu qu'il serait inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser à sa charge l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant, déclare abusive et non écrite la clause du contrat conclu le 4 mars 2011 entre les parties aux termes de laquelle l'acceptation de l'offre implique systématiquement l'acceptation du paiement de la surconsommation éventuelle de béton ;

Condamne la SARL LE SOL TECHNIQUE à payer à la SCI du CEDRE une indemnité de mille cinq cents euros (1.500) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier,               Le Président,

Claudine POPEK.      Martine ZENATI.