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CA CAEN (1re ch. civ.), 8 octobre 2013

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. civ.), 8 octobre 2013
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch.
Demande : 11/03552
Date : 8/10/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/11/2011
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2013-023683
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4519

CA CAEN (1re ch. civ.), 8 octobre 2013 : RG n° 11/03552

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-023683

 

Extrait : « En l'espèce la SARL FERIDIS ne saurait valablement contester être un professionnel de l'immobilier alors même qu'elle se présente comme une société foncière d'investissement et qu'il ressort de l'extrait K bis produit aux débats que l'activité qu'elle a déclarée est une « holding, détention et gestion d'un portefeuille de titres, activité de marchand de biens ». Elle a d'autre part admis avoir eu le projet d'acquérir un certain nombre de terrains supportant des pylônes de transmissions téléphoniques. Elle ne conteste par ailleurs pas que Monsieur X. a fait l'objet, le 3 juillet 2007, d'un démarchage à domicile par Monsieur Y., lequel a obtenu la signature du compromis de vente litigieux.

Elle ne saurait valablement soutenir que les ventes immobilières sont exclues du champ d'application des dispositions de l’article L. 121-21 du code de la consommation, alors même que l'évolution tant de la loi que de la jurisprudence a élargi la protection du consommateur aux transactions immobilières (Cass. 28 novembre 2000, 3 juillet 2008) et qu'il est expressément prévu dans la directive 85/577/CEE du 20 décembre 1985 que si « la directive ne s'applique pas à la vente et à la location de biens immobiliers », l'article 8 de la convention dispose que « la directive ne fait pas obstacle à ce que les Etats membres adoptent ou maintiennent des dispositions encore plus favorables en matière de protection des consommateurs dans le domaine couvert par elle ». C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que les règles du démarchage s'appliquaient aux ventes d'immeubles.

Enfin la SARL FERIDIS ne saurait pas davantage se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-22 4°aux termes duquel « les ventes de biens lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole... ou de toute autre profession ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 ». Il résulte des dispositions de l’article R 143-2 du code rural que « sont considérés comme fonds agricoles ou à vocation agricole, les immeubles non bâtis susceptibles de faire l'objet d'un aménagement foncier à l'exception de ceux qui sont le support d'un équipement permanent en usage ou d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière ».

En l'espèce, le compromis litigieux porte sur la vente d'un terrain d'une surface de 250 m² supportant les installations de stations radioélectriques appartenant à SFR. Ce terrain constitue donc bien le support d'un équipement permanent, équipement qui a fait perdre à la parcelle sa vocation agricole, puisque rendant impossible toute exploitation en raison de la présence sur celle-ci d'un pylône, d'armoires techniques et du périmètre de sécurité réglementaire. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 8 OCTOBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/03552. ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance d'ALENCON en date du 27 septembre 2011 : RG n° 08/01045.

 

APPELANTE :

La SARL FERIDIS

N° SIRET : B 3 78 XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP MOSQUET MIALON D’OLIVEIRA LECONTE, avocat au barreau de CAEN, assistée de la SCP BESSY GABOREL, plaidant par Maître DELVA, avocats au barreau de RENNES

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

le [date] à [ville S.]

La SA SOCIÉTE FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE (SFR)

prise en la personne de son représentant légal, représentés par la SCP PARROT-LECHEVALLIER-ROUSSEAU, avocat au barreau de CAEN, assistés de Maître SPAETH, avocat au barreau de PARIS

Monsieur Y.

non représenté bien que régulièrement assigné

 

DÉBATS : A l'audience publique du 25 juin 2013, sans opposition du ou des avocats, Madame MAUSSION, Président de chambre et Madame SERRIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame GALAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame MAUSSION, Président de chambre, rédacteur, Monsieur JAILLET, Conseiller, Madame SERRIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2013 et signé par Madame MAUSSION, Président, et Madame GALAND, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. est propriétaire sur la commune de [ville S.] de la parcelle cadastrée section G XX.

Selon convention en date du 30 octobre 1995, il a mis à la disposition de la Société Française de Radiotéléphone (SFR) une partie de cette parcelle, soit 350 m², destinée à accueillir des installations de communication (pylône, antennes et local technique) et ce pour une durée de 12 ans moyennant un loyer annuel de 4.000 francs H.T. indexé sur le coût de la construction.

Le 3 juillet 2007 (date non contestée par les parties bien que non mentionnée à l'acte), Monsieur X. a, après avoir été démarché par Monsieur Y., signé un compromis de vente au profit de la SARL FERIDIS, portant sur une superficie de 250 m² à extraire de la parcelle G n° 151 moyennant le prix de 5.000 euros.

Ayant appris que Monsieur Y. s'était faussement présenté auprès de Monsieur X. comme mandaté par la société SFR pour racheter son terrain et lui avait présenté des arguments fallacieux, et qu'il avait agi de même à l'égard de plusieurs dizaines de propriétaires de terrains sur lesquels étaient implantées des installations SFR, la société SFR et Monsieur X. ont, par exploit en date des 11 et 12 août 2008, saisi le Tribunal de Grande Instance d'Alençon aux fins d'annulation du compromis de vente pour dol et non respect des règles du démarchage à domicile et pour que la SARL FERIDIS et Monsieur Y. soient condamnés à verser à Monsieur X. la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts et à la société SFR la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et/ou actes de parasitisme.

Par jugement en date du 23 juin 2011 le Tribunal de Grande Instance d'Alençon a :

- Rejeté les fins de non recevoir présentées par la SARL FERIDIS et Monsieur Y.,

- Déclaré la SA SAFER et Monsieur X. recevables en leur action à l'encontre de la SARL FERIDIS et de Monsieur Y.,

- Prononcé la nullité du compromis de vente conclu entre la SARL FERIDIS et Monsieur X.,

- Condamné solidairement la SARL FERIDIS et Monsieur Y. à payer à la SAFER et à Monsieur X. globalement la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

- Rejeté les conclusions et chefs de demande autres ou plus amples,

- Condamné solidairement Monsieur Y. et la SARL FERIDIS aux dépens.

La SARL FERIDIS a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 9 novembre 2011.

Les prétentions et moyens des parties revêtent la forme, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile, du visa des dernières écritures déposées :

- Le 7 mai 2013 pour la SARL FERIDIS

- le 11 mars 2013 pour la société SFR et Monsieur X.

Monsieur Y., assigné à personne par exploit en date du 24 janvier 2012, n'a pas constitué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la nullité du compromis de vente du 3 juillet 2007 :

C'est par une exacte appréciation des éléments de la cause et des règles de droit applicables que le premier juge, aux termes d'une motivation que la Cour adopte, a prononcé la nullité du compromis de vente pour non respect des dispositions de l’article L. 121-21 du code de la consommation.

En l'espèce la SARL FERIDIS ne saurait valablement contester être un professionnel de l'immobilier alors même qu'elle se présente comme une société foncière d'investissement et qu'il ressort de l'extrait K bis produit aux débats que l'activité qu'elle a déclarée est une « holding, détention et gestion d'un portefeuille de titres, activité de marchand de biens ».

Elle a d'autre part admis avoir eu le projet d'acquérir un certain nombre de terrains supportant des pylônes de transmissions téléphoniques.

Elle ne conteste par ailleurs pas que Monsieur X. a fait l'objet, le 3 juillet 2007, d'un démarchage à domicile par Monsieur Y., lequel a obtenu la signature du compromis de vente litigieux.

Elle ne saurait valablement soutenir que les ventes immobilières sont exclues du champ d'application des dispositions de l’article L. 121-21 du code de la consommation, alors même que l'évolution tant de la loi que de la jurisprudence a élargi la protection du consommateur aux transactions immobilières (Cass. 28 novembre 2000, 3 juillet 2008) et qu'il est expressément prévu dans la directive 85/577/CEE du 20 décembre 1985 que si « la directive ne s'applique pas à la vente et à la location de biens immobiliers », l'article 8 de la convention dispose que « la directive ne fait pas obstacle à ce que les Etats membres adoptent ou maintiennent des dispositions encore plus favorables en matière de protection des consommateurs dans le domaine couvert par elle ».

C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que les règles du démarchage s'appliquaient aux ventes d'immeubles.

Enfin la SARL FERIDIS ne saurait pas davantage se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-22 4°aux termes duquel « les ventes de biens lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole... ou de toute autre profession ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 ».

Il résulte des dispositions de l’article R 143-2 du code rural que « sont considérés comme fonds agricoles ou à vocation agricole, les immeubles non bâtis susceptibles de faire l'objet d'un aménagement foncier à l'exception de ceux qui sont le support d'un équipement permanent en usage ou d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière ».

En l'espèce, le compromis litigieux porte sur la vente d'un terrain d'une surface de 250 m² supportant les installations de stations radioélectriques appartenant à SFR.

Ce terrain constitue donc bien le support d'un équipement permanent, équipement qui a fait perdre à la parcelle sa vocation agricole, puisque rendant impossible toute exploitation en raison de la présence sur celle-ci d'un pylône, d'armoires techniques et du périmètre de sécurité réglementaire.

Le compromis de vente conclu dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile est donc soumis aux dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation et notamment du 7° qui prévoit à peine de nullité que soit mentionnée la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 1212-25 et L. 121-26.

Le compromis de vente ne respectant pas les dispositions précitées, c'est à bon droit que le premier juge en a prononcé la nullité.

La nullité du compromis étant prononcé pour violation des dispositions relatives au démarchage à domicile, il n'y a pas lieu de rechercher l'existence ou non d'un dol.

 

SUR LES DEMANDES INDEMNITAIRES :

Sur la demande de Monsieur X. :

Monsieur X. soutient que seules les manœuvres dolosives de Monsieur Y. se présentant faussement comme mandataire de la société SFR l'ont amené à signer le compromis litigieux.

Toutefois, il ne justifie pas que cette erreur a été déterminante, compte tenu notamment du prix très avantageux offert par l'acquéreur.

D'autre part, le compromis étant annulé, il ne subit aucun préjudice étant resté en possession de son bien et ayant continué à percevoir les loyers.

Il n'est pas davantage contesté qu'il ne subit pas les inconvénients des procédures, ces derniers étant assumés par SFR.

C'est donc à juste titre que le premier juge l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

 

Sur la demande de la société SFR :

Il n'y a pas lieu comme le demande la société SFR de retenir des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SARL FERIDIS.

Il ne saurait en effet être retenu que la société SFR, quand bien même elle est obligée de constituer et gérer un patrimoine immobilier pour déployer son réseau, exerce une activité de même nature que celle de la SARL FERIDIS, dont l'activité principale est une activité de marchand de biens.

Il n'existe en conséquence aucun risque de confusion entre les activités exercées par ces deux sociétés.

Par contre, il convient de retenir la notion de parasitisme qui se définit comme un comportement par lequel un agent économique tire profit du travail d'autrui, sans contrepartie financière.

En l'espèce, la SARL FERIDIS a tenté de racheter dans tout l'ouest de la France, une majorité de terrains sur lesquels se trouvaient des installations SFR.

Il est évident que si ces acquisitions avaient été réalisées, elle se serait trouvée face à la société SFR en position dominante pour renégocier, à ses conditions, le montant des baux, baux qui étaient indispensables à la société SFR pour le maintien de son activité.

Il était d'ailleurs prévu au compromis une condition suspensive aux termes de laquelle la vente était conclue sous la condition suspensive de la non-résiliation anticipée du bail ou de la convention par le ou les opérateurs de téléphonie mobile locataire de la parcelle, avant la réitération authentique, ce qui démontre à plus suffire que la parcelle acquise ne présentait d'intérêt pour la SARL FERIDIS qu'autant qu'elle était louée par SFR.

S'il n'est certes pas interdit à la SARL FERIDIS de se porter acquéreur de terrains, elle n'a toutefois pas agi avec loyauté, dans la mesure où elle a volontairement entretenu une confusion sur l'identité du cocontractant dans l'esprit des propriétaires des terrains.

Il résulte des dizaines d'attestations produites aux débats par les propriétaires démarchés que Monsieur Y. s'est présenté comme agissant dans l'intérêt de la société SFR, laquelle aurait mandaté la SARL FERIDIS pour acquérir les terrains, créant en cela une confusion dans l'esprit des propriétaires.

Le fait que la plupart des propriétaires démarchés aient engagé une action aux côté de la société SFR pour voir annuler les compromis ne saurait permettre de remettre en cause l'objectivité des attestations produites.

Force est d'ailleurs de constater que 11 propriétaires qui ont refusé de vendre et ne sont donc pas impliqués dans les procédures engagées, ont attesté dans le même sens.

Les 4 attestations en sens contraire produites par la SARL FERIDIS ne suffisent pas à anéantir les dizaines d'attestations produites par les demandeurs, lesquelles contrairement aux affirmations de la SARL FERIDIS ne sont pas toutes rédigées en termes identiques, mais par contre relèvent le même comportement du démarcheur.

Par ce comportement fautif, la SARL FERIDIS a tenté de s'approprier le travail réalisé antérieurement par la société SFR ayant consisté à négocier avec les propriétaires concernés des baux portant sur leur terrain pour y installer ses installations.

Les actes de parasitisme étant démontrés, le comportement fautif de la SARL FERIDIS et de Monsieur Y. a été de nature à engager leur responsabilité à l'égard de la société SFR.

Le préjudice de la société SFR est toutefois limité dans la mesure où la vente ayant été annulée, il résulte essentiellement dans la nécessité pour la société SFR de trouver rapidement une parade aux agissements fautifs de la SARL FERIDIS et de Monsieur Y., notamment en contactant ou adressant des courriers aux différents propriétaires concernés.

Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 5.000 euros.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La SARL FERIDIS qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et à payer à Monsieur X. et à la société SFR, unis d'intérêts, une somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Monsieur Y.,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société SFR de sa demande de dommages et intérêts et condamné solidairement la SARL FERIDIS et Monsieur Y. aux frais irrépétibles et aux dépens, cette condamnation devant être prononcée in solidum, pour les montants retenus au jugement,

Statuant à nouveau,

- Condamne in solidum Monsieur Y. et la SARL FERIDIS à payer à la société SFR la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamne la SARL FERIDIS à payer à la société SFR et à Monsieur X., unis d'intérêt, la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

- La condamne aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

C. GALAND              E. MAUSSION