CA RENNES (2e ch.), 8 novembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4574
CA RENNES (2e ch.), 8 novembre 2013 : RG n° 11/01391 ; arrêt n° 380
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-025868
Extrait : « L'objet du contrat souscrit par Monsieur et Madame X. auprès de l'association PIE n'est pas un enseignement mais une prestation de service d'organisation d'un échange culturel international, comprenant le séjour dans une famille d'accueil et, s'agissant d'adolescents, une partie scolarisation dans un lycée américain.
Etant observé qu'eu égard au moyen développé par Monsieur et Madame X. au sujet du caractère abusif des clauses 13 et 19-7 de la charte des participants, ils entendent se fonder sur les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, et non celles de l'article L. 321-1 du même code, il y a lieu d'examiner si le contrat litigieux est soumis aux dispositions de ce texte qui dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnels ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et dispose que les clauses abusives sont réputée non écrites.
L'association a pour activité habituelle de contracter pour la vente de séjours culturels et linguistiques, lesquels correspondent à son objet et à sa compétence, et elle est donc un professionnel en la matière. Le fait que l'appelante soit une association n'est pas exclusif de la qualité de professionnel tenu de proposer des contrats ne comportant pas de clauses abusives.
L'article 13 de la charte du participant prévoit que dans tous les cas d'interruption du séjour et de retour anticipé du fait de l'organisme, de l'association, du pays d'accueil, du participant ou de sa famille, la participation financière reste due dans son intégralité, ni le participant ni la famille ne pouvant prétendre à un remboursement, et, son article 19-7 rappelle qu'aucune somme n'est remboursable après le départ du participant.
La clause excluant toute possibilité de remboursement après le départ est abusive en ce que, d'une part, elle écarte toute indemnisation par l'organisateur même en cas d'interruption anticipée du séjour de son propre fait, et d'autre part, elle ne prévoit pas de circonstance insurmontable s'imposant au participant et le contraignant à mettre fin à son séjour.
La clause abusive étant réputée non écrite la demande de remboursement peut être examinée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/01391. Arrêt n° 380.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,
GREFFIER : Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 10 septembre 2013
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 8 novembre 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Association PROGRAMMES INTERNATIONAUX D'ÉCHANGE
Représentée par la SCP Jacqueline BREBION et Jean-David CHAUDET, Postulants, avocats au barreau de RENNES, Représenté par Maître Jean LAUNAY, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
Représenté par la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Postulants, avocats au barreau de RENNES, Représenté par Maître BERTHAULT et COSNARD, Plaidants, avocats au barreau de RENNES
Madame X.
Représenté par la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Postulants, avocats au barreau de RENNES, Représenté par Maître BERTHAULT et COSNARD, Plaidants, avocats au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur et Madame X. ont souscrit auprès de l'Association Programmes Internationaux d'Echange (PIE) un contrat permettant à leur fille, No. X., d'être hébergée dans une famille d'accueil et de passer l'année scolaire 2008/2009 dans un établissement secondaire américain, pour le prix de 8.220 euros.
Arrivée aux ETATS-UNIS le 25 juillet 2008, No. X. a dû être rapatriée pour raisons de santé.
Par courrier du 13 octobre 2008, l'association PIE a refusé la demande des époux X. de remboursement des frais engagés, en invoquant l'article 19-7 du contrat de vente selon lequel « aucune somme n'est remboursable après le départ du participant en cas de retour anticipé ».
Monsieur et Madame X. ont assigné l'association PIE en paiement de la somme de 8.090 euros.
Par jugement du 27 janvier 2011, le tribunal d'instance de RENNES a :
- débouté l'association PIE de sa demande d'annulation de l'assignation,
- condamné l'association PIE à rembourser à Monsieur et Madame X. le montant initial de la somme versée par eux, déduction faite de la participation de 130 euros aux frais de fonctionnement, des frais d'assistance et de suivi au prorata du temps passé aux Etats-Unis, des frais de transport à l'aller, des frais de stage avant le départ s'il a été effectué, qui resteront acquis à l'association PIE,
- débouté l'association PIE de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- condamné l'association PIE au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L'association PIE a formé appel du jugement et, par ses dernières conclusions du 5 septembre 2011, elle demande à la cour de le réformer et de :
- dire n'y avoir lieu à application de l’article L. 132-1 du code de la consommation,
- déclarer les clauses 13 et 19-7 de la charte du participant valables,
- débouter Monsieur et Madame X. de toutes leurs demandes,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 2.000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par leurs conclusions du 8 juillet 2011, Monsieur et Madame X. sollicitent de la cour de réformer le jugement et de :
- dire que le contrat litigieux est un contrat d'enseignement,
- condamner l'association PIE à leur rembourser 8.090 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2009, date de l'assignation,
- la condamner à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture est en date du 13 juin 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Au préalable, il sera noté que devant la cour, l'association PIE n'invoque plus la nullité de l'assignation par elle opposée en première instance, et ne présente plus de demande en dommages et intérêts à l'encontre des époux X.
L'association PIE et Monsieur et Madame X. ont signé, sans le dater, un contrat intitulé charte du participant et conditions de participation, bulletin de vente 2008-2009.
L'objet du contrat était, sous le suivi et le contrôle de l'association PIE, l'organisation d'un séjour de longue durée aux Etats Unis au cours duquel No. X., née le [date], devait résider dans une famille d'accueil et suivre une scolarité dans un établissement secondaire américain.
Conformément à ses statuts, l'article1-1 du contrat rappelle que l’association a pour but d'aider au développement d'échanges culturels internationaux pour ceux de ses membres qui sont des adolescents scolarisés en organisant pour eux des séjours dit de longue durée en dehors de toute considération sociale, raciale, politique ou confessionnelle.
L'article 19 du contrat relatif à l'engagement financier expose que le contractant s'engage à verser à l’association le montant des frais d'inscription, 130 euros, et le montant de la participation financière qui dépend du pays de destination choisi par le participant et correspond à la participation des familles aux frais de fonctionnement de l’association pour l'année 2008-2009.
Pour obtenir le remboursement de la somme de 8.090 euros, correspondant à la totalité des sommes par eux versées, déduction faite des seuls frais d'inscription de 130 euros, Monsieur et Madame X. soutiennent que la convention est un contrat d'enseignement et ils invoquent, d'une part, la jurisprudence qui décide que la maladie qui empêche un élève de poursuivre sa formation pour des raisons médicales constitue un cas de force majeure et dispense l'élève du paiement des frais de scolarité postérieurs à l'arrêt de la formation, et d'autre part, la recommandation de la commission des clauses abusives selon laquelle la clause qui interdit tout remboursement des frais de scolarité acquittés doit être écartée.
L'association réplique à juste titre qu'elle n'est pas un organisme de formation et a fortiori un établissement d'enseignement, que dans le contrat le participant n'est pas désigné ou assimilé à un élève, qu'elle n'est pas habilitée à signer un contrat d'enseignement et que les parents de l'élève français ne paient pas la scolarité à l'établissement secondaire américain.
L'objet du contrat souscrit par Monsieur et Madame X. auprès de l'association PIE n'est pas un enseignement mais une prestation de service d'organisation d'un échange culturel international, comprenant le séjour dans une famille d'accueil et, s'agissant d'adolescents, une partie scolarisation dans un lycée américain.
Etant observé qu'eu égard au moyen développé par Monsieur et Madame X. au sujet du caractère abusif des clauses 13 et 19-7 de la charte des participants, ils entendent se fonder sur les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, et non celles de l'article L. 321-1 du même code, il y a lieu d'examiner si le contrat litigieux est soumis aux dispositions de ce texte qui dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnels ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et dispose que les clauses abusives sont réputée non écrites.
L'association a pour activité habituelle de contracter pour la vente de séjours culturels et linguistiques, lesquels correspondent à son objet et à sa compétence, et elle est donc un professionnel en la matière.
Le fait que l'appelante soit une association n'est pas exclusif de la qualité de professionnel tenu de proposer des contrats ne comportant pas de clauses abusives.
L'article 13 de la charte du participant prévoit que dans tous les cas d'interruption du séjour et de retour anticipé du fait de l'organisme, de l'association, du pays d'accueil, du participant ou de sa famille, la participation financière reste due dans son intégralité, ni le participant ni la famille ne pouvant prétendre à un remboursement, et, son article 19-7 rappelle qu'aucune somme n'est remboursable après le départ du participant.
La clause excluant toute possibilité de remboursement après le départ est abusive en ce que, d'une part, elle écarte toute indemnisation par l'organisateur même en cas d'interruption anticipée du séjour de son propre fait, et d'autre part, elle ne prévoit pas de circonstance insurmontable s'imposant au participant et le contraignant à mettre fin à son séjour.
La clause abusive étant réputée non écrite la demande de remboursement peut être examinée.
S'agissant du motif du retour anticipé de No. X. il est établi par les pièces produites que No. X., arrivée aux Etats-Unis le 25 juillet 2008, a dû être rapatriée pour motif médical le 3 octobre 2008.
Il est ainsi démontré l'existence d'un cas de force majeure ayant nécessité l'interruption du séjour de l'adolescente aux Etats-Unis, sans qu'il y ait lieu d'apprécier davantage les raisons du retour de No. en France.
Le certificat daté du 9 juin 2008 délivré par l’association pour le paiement de la somme de 8.220 euros précise que la participation financière comprend les frais de l'association ainsi que ceux du correspondant étranger, certains frais de transport, les frais d'assurance, le stage en France avant le départ, les frais de recherche de la famille d'accueil, les frais de recherche et d'inscription dans un lycée du pays d'accueil, l'assistance et le suivi durant l'année à l'étranger par les délégués locaux.
Beaucoup des dépenses détaillées ci-dessus ont été exposées par l'association PIE avant le départ de No. X., mais, du fait du retour de cette dernière dés le 3 octobre 2008, les charges de l’association ont été allégées dans la mesure où pendant huit mois elle n'a pas eu à assumer l'assistance et le suivi aux Etats-Unis.
Eu égard à ses éléments d'appréciation, il convient de fixer le montant du remboursement dû par l'association PIE à la somme de 2.000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 août 2009, date de l'assignation, le jugement déféré étant infirmé sur le montant de la condamnation de l'association.
La somme attribuée par le tribunal par application de l’article 700 du code de procédure civile était justifiée et sera maintenue.
En indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel, il convient d'accorder aux intimés la somme de 1 000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qui concerne le montant du remboursement dû par l'Association PIE ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne l'association PIE Programmes Internationaux d'Echange à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 2.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2009 ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y additant,
Condamne l'association PIE à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'association PIE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le Président
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