CASS. CIV. 1re, 22 janvier 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4673
CASS. CIV. 1re, 22 janvier 2014 : pourvoi n° 12-35086
Publication : Legifrance
Extrait : « Attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur l'expertise non contradictoire établie à la demande de M. X., et qui n'était pas saisie de conclusions précises tendant à voir déclarer abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause du contrat déchargeant M. X. d'une obligation de résultat, a souverainement estimé que la société ne prouvait pas que ce dernier avait commis un manquement aux règles de l'art ; D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait, et partant irrecevable dans sa première et sa deuxième branches, n'est pas fondé pour le surplus ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 JANVIER 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 12-35086.
DEMANDEUR à la cassation : Société Générale d'installations énergétiques
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
M. Charruault (président), président. SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, tel que reproduit en annexe :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 septembre 2012) qu'à la suite de la panne d'un compresseur équipant la pompe à chaleur de la chambre de commerce et d'industrie de Strasbourg, la société Générale d'installations énergétiques (la société) qui était chargée de la maintenance de cette installation, a commandé à M. X., exerçant sous l'enseigne Air climatisé méditerranéen, un nouveau compresseur, lequel s'est cassé pendant la remise en service de l'installation ; que par acte du 28 février 2009, après avoir obtenu la désignation d'un expert en référé, la société a fait assigner M. X. en remboursement de l'acompte versé et en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel l'a déboutée de ses demandes ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur l'expertise non contradictoire établie à la demande de M. X., et qui n'était pas saisie de conclusions précises tendant à voir déclarer abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause du contrat déchargeant M. X. d'une obligation de résultat, a souverainement estimé que la société ne prouvait pas que ce dernier avait commis un manquement aux règles de l'art ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait, et partant irrecevable dans sa première et sa deuxième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Générale d'installations énergétiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Générale d'installations énergétiques
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES de ses prétentions dirigées contre Monsieur X. ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU'’« au soutien de son appel, Monsieur X. fait valoir que les premiers juges ont estimé à tort qu'il était tenu d'une obligation de résultat en sa qualité d'installateur du matériel et qu'il ne pouvait s'exonérer qu'en cas de force majeure qui n'était pas démontrée ; qu'en effet, ses conditions générales de vente qui le liaient à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES prévoyaient (article 7)
que Monsieur X. s'engageait à réaliser les travaux dans le respect des règles de l'art et que « en aucun cas » il n'était « tenu d'une obligation de résultat » ; que l'article 9 ajoutait que la garantie était « celle du constructeur » ; que l'expert judiciaire a conclu au respect des règles de l'art par Monsieur X., de sorte que le tribunal ne pouvait donc retenir à son encontre une obligation de résultat qui était contraire aux conditions générales du contrat de vente passé entre le concluant et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES ; que par ailleurs, c'est à tort que l'expert judiciaire a reproché au concluant de ne pas avoir contrôlé le niveau d'huile au cours de la mise en service du groupe frigorifique, alors que Monsieur Y., expert privé, explique que le système comporte deux circuits frigorifiques distincts ; que chacun devait avoir un remplissage d'huile de 7,5 litres par circuit, et non de 15 litres ; qu'une quantité de 7,5 litres d'huile ayant été récupérée par l'expert judiciaire commis, Monsieur Y. a pu en déduire qu'en réalité l'installation ne manquait pas d'huile ; que de son côté, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES fait observer en réplique que Monsieur X. est un professionnel (frigoriste-climaticien) qui s'était engagé à la livraison d'un matériel et d'une prestation de main d'œuvre ; qu'il n'est pas concevable qu'un tel professionnel puisse se décharger d'une responsabilité juridique à l'égard de son client ; que la clause des conditions générales invoquée par lui doit donc être réputée non écrite et inopposable à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES ; que cependant, leurs relations étant celles de professionnel à professionnel, Monsieur X. est fondé à opposer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES les dispositions de ses conditions générales de vente qui écartaient toute obligation de résultat en ces termes : « Je m'engage à réaliser la commande ou les travaux qui me sont confiés dans le respect des règles de l'art et sécurité des lois et règlements en vigueur et avec toute la diligence requise. En aucun cas, je ne saurais être tenu d'une obligation de résultat. En cas d'exécution défectueuse qui m'est imputable, je me réserve le droit de procéder à la remise en état des défectuosités ou, à mon choix exclusif, de rembourser le client après déduction des travaux acceptés par celui-ci sans que jamais l'inexécution puisse conduire le client à annuler la commande » ; qu'il appartient en conséquence à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES, demanderesse, de prouver que Monsieur X. a commis un manquement aux règles de l'art lors du montage ou de la mise en route du nouveau compresseur ; qu'ainsi que le soutient l'appelant principal, les conclusions de Monsieur Z..., expert désigné en référé, apparaissent effectivement non pertinentes ; qu'en effet, l'expert judiciaire fait reposer son argumentation qui le conduit à retenir au moins partiellement la responsabilité de Monsieur X. pour défaut de contrôle du niveau d'huile pendant la phase de remise en fonction de l'installation, sur le fait que les fiches techniques font état d'un volume nécessaire d'huile de 7,5 + 7,5 litres, alors qu'un volume limité à 7,5 litres a été retiré lors du démontage de l'installation ; que cependant il est aujourd'hui constant que l'installation était composée de deux systèmes thermiques distincts qui, selon les documents techniques produits aux débats, nécessitaient chacun, séparément, 7,5 litres d'huile ; que cela a été précisément confirmé par l'expert privé, Monsieur Y. (expert judiciaire près la Cour d'appel de [Ville]) qui, dans un rapport du 23 mars 2011, indique que les opérations d'expertise ont permis de vérifier la quantité d'huile présente dans le circuit concerné au moment du sinistre ; que cette quantité est de 7,5 litres, soit exactement la quantité d'huile préconisée par le constructeur, la société CLIVET ; que Monsieur Y. souligne qu'une confusion a été faite (sous-entendu par l'expert judiciaire) avec la quantité d'huile préconisée pour les deux circuits de la machine (7,5 + 7,5 litres) ; que cette confusion a permis de conclure (soit par l'expert judiciaire) que Monsieur X. n'avait pas maîtrisé le remplissage en huile, alors qu'en réalité aucun reproche ne pouvait lui être fait ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES ne fait d'ailleurs valoir aucune argumentation en réponse sur ce point, se contentant de contester dans sa globalité ce rapport d'expertise privée, simplement établi au vu du dossier remis par Monsieur X. et de reprendre les conclusions de l'expert judiciaire ; qu'en tout état de cause, elle ne conteste pas vraiment qu'il existait en réalité un circuit d'huile distinct pour chacun des deux compresseurs et que la quantité d'huile nécessaire au fonctionnement de chacun des circuits était de 7,5 litres ; que dès lors aucun grief ne peut être opposé à Monsieur X. à partir de la constatation de la récupération, lors du démontage après survenance du sinistre, d'une quantité de 7,5 litres d'huile, quantité qui était précisément celle prévue par le constructeur pour un fonctionnement normal du nouveau compresseur ; que de même la quantité d'huile étant conforme à ce qui était préconisé, aucun reproche ne peut davantage être fait à Monsieur X. dans le contrôle du niveau d'huile pendant les opérations de remise en fonction de l'installation ; que certes cela ne permet pas encore de connaître précisément les causes de la panne ayant affecté le circuit de climatisation doté du nouveau compresseur ; que l'expert judiciaire, qui a relié par erreur la survenance du sinistre à une insuffisance d'huile dans le circuit ou à un défaut de contrôle de niveau, ne donne en définitive aucune explication sur la cause réelle de la panne ; que Monsieur Y., expert privé, fait de son côté les observations suivantes : « Les investigations (soit celles menées par l'expert judiciaire) ont été menées sans le moindre avis technique sur la composition du groupe frigorifique après réparation. Pourtant une machine frigorifique est une composition d'éléments calculés en vue de garantir des conditions de fonctionnement normales. La constatation d'un dysfonctionnement nécessite une analyse qui ne se limite pas aux investigations qui ont été menées et comprend la vérification des équipements modifiés et remplacés. Sur l'origine des désordres et au vu des éléments connus et rapportés, tout se passe comme si l'huile servant à la lubrification s'est trouvée piégée dans les échangeurs de chaleur. Cette situation s'obtient dans notre cas avec un compresseur sous-dimensionné par rapport au compresseur d'origine » ; qu'ainsi, selon l'expert privé, le sinistre serait survenu en raison de l'utilisation, pour remplacer le compresseur défaillant, d'un nouveau compresseur sousdimensionné par rapport au matériel initial ; qu'au demeurant, dans ses conclusions écrites, la société C. paraît admettre que des difficultés peuvent survenir de la différence de performance entre l'ancien et le nouveau compresseur, puisqu'elle se contente d'affirmer que « la différence de performance entre les deux types de compresseur est marginale et trop faible pour justifier un retour d'huile : 239,87 m3/h pour le ZHC5WLGYE contre 254,16 m3/h pour le compresseur originel (ZH7SLFYE) » ; que ce disant, elle admet qu'une différence de performance entre les compresseurs respectifs puisse entraîner un retour d'huile, hypothèse précisément avancée par Monsieur Y., expert privé ; que toutefois, l'explication donnée par l'expert privé relève elle-même d'une simple probabilité, avancée au vu des pièces du dossier, et non d'une certitude ; que dans ces conditions, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES, professionnelle de la climatisation, n'apporte pas aux débats des éléments de preuve suffisants qui lui permettraient d'imputer avec certitude à Monsieur X. un manquement aux règles de l'art que celui-ci se devait de respecter dans les opérations de mise en place du nouveau compresseur et de redémarrage du système de climatisation ; qu'elle ne conteste d'ailleurs pas avoir parfaitement su que le système de climatisation avait été conçu et mis en œuvre par la société CLIVET qui, mieux que quiconque, aurait été à même de remédier à la panne affectant l'un des compresseurs, intégrés au système de climatisation ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES de l'ensemble de ses prétentions dirigées contre Monsieur X. » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°/ ALORS QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut en revanche se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en l'espèce, Monsieur X., dans ses conclusions d'appel, fondait ses prétentions exclusivement sur le rapport d'expertise privé établi à sa demande par Monsieur Y. ; qu'au vu de ce seul rapport, la Cour d'appel a retenu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES n'apportait pas des éléments de preuve suffisants pour imputer à Monsieur X. un manquement aux règles de l'art que celui-ci se devait de respecter ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande d'une des parties, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes et violé les articles 16 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ ALORS QUE les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ont vocation à s'appliquer aux contrats de fournitures de biens ou de services qui n'ont pas un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; que les juges du fond doivent en conséquence déterminer nécessairement si un tel rapport existe ou non entre le contrat litigieux et l'activité professionnelle du contractant invoquant le caractère abusif d'une des clauses de celui-ci ; qu'en l'espèce, pour décider que Monsieur X. était fondé à opposer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'INSTALLATIONS ÉNERGÉTIQUES la clause de ses conditions générales de vente limitant son obligation par le biais de la qualification d'obligation de moyens, la Cour d'appel s'est bornée à énoncer que « leurs relations éta(ie)nt celles de professionnel à professionnel » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un rapport direct entre le contrat litigieux et l'activité de la société exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
3°/ ALORS QUE, subsidiairement et en tout état de cause, le fait pour un professionnel, frigoriste climaticien, d'installer un nouveau compresseur sous-dimensionné par rapport au matériel initial, et de surcroît non conforme à la commande passée auprès du fournisseur, caractérise un manquement aux règles de l'art devant être respectées durant cette opération ; qu'en retenant en l'espèce que la société exposante n'établissait pas un manquement de Monsieur X. aux règles de l'art, tout en constatant pourtant que ce dernier avait installé un compresseur sous-dimensionné par rapport au matériel initial, et de surcroît non conforme à la commandé passée auprès du fournisseur, la société CLIVET, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient nécessairement de ses propres constatation
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