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CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 février 2017

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 février 2017
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 15/03400
Date : 27/02/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/06/2016
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 22 janvier 2014
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2017-004210
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6787

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 février 2017 : RG n° 15/03400 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-004210

 

Extrait : « Par arrêt du 20 septembre 2012, la société GIE a été déboutée par cette cour d'appel de son action en responsabilité contractuelle dirigée contre M. X., au motif qu'elle n'apportait pas la preuve de l'imputation à ce dernier d'un manquement aux règles de l'art que celui-ci devait respecter.

Si tant est que la société GIE puisse, en sa qualité de professionnelle, invoquer le caractère abusif d'une clause limitative de responsabilité, son moyen tiré de ce fondement, en ce qu'il vient au soutien d'une demande tendant à faire juger que l'appelant a manqué à ses obligations contractuelles, se heurte au principe de la concentration des moyens et à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt d'appel précité rendu entre les mêmes parties. Dès lors, les moyens soulevés de ce chef par la société GIE sont irrecevables. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 15/03400. Décision déférée à la Cour : 24 avril 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG.

 

APPELANT :

Monsieur X. exploitant l'Entreprise Individuelle AIR CLIMATISE MEDITERRANEEN

Représenté par Maître Michèle S.-C., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

SA GENERAL D'INSTALLATIONS ENERGETIQUES

prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Guillaume H., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître Paul P., avocat à STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. REGIS, Vice-Président placé, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme DORSCH, Conseillère faisant fonction de Présidente, M. ROBIN, Conseiller, M. REGIS, Vice-président placé, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Christine DORSCH, conseillère faisant fonction de présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. X. exploite l'entreprise individuelle AIR CLIMATISE MEDITERRANEEN qui a pour activité l'installation et la maintenance de systèmes de climatisation.

Selon devis du 2 juillet 2006, la SA GENERAL D'INSTALLATIONS ENERGETIQUES (ci-après société GIE) lui a confié des travaux de changement d'un compresseur d'une pompe à chaleur fournie par la société CLIVET, installée dans les locaux du pôle de formation de la Chambre de Commerce et de l'Industrie de Strasbourg, et ce dans le cadre d'un contrat de maintenance des installations thermiques de cette dernière.

Le compresseur a été mis en service le 4 octobre 2006.

Alléguant de dysfonctionnements du compresseur, la société GIE a sollicité et obtenu en référé une mesure d'expertise par ordonnance du 20 mars 2007. Le rapport d'expertise a été déposé le 5 juillet 2008.

La SA GIE a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Strasbourg. Par jugement du 24 novembre 2010, M. X. a été condamné à lui payer la somme de 13.150 euros au titre du remboursement de l'acompte versé et celle de 7.000 euros en réparation du préjudice commercial. Sur l'appel en garantie formé par M. X., la société CLIVET a été condamnée à le garantir à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Ce jugement a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 20 septembre 2012 et la société GIE déboutée de ses prétentions dirigées contre M. X., au motif que la société GIE n'apportait pas la preuve de l'imputation à M. X. d'un manquement aux règles de l'art que celui-ci devait respecter.

Le 3 décembre 2012, M. X. a adressé à la société GIE une facture d'un montant de 13.065,63 euros.

Le 11 janvier 2013, M. X. a mis en demeure la société GIE de lui payer cette somme.

Par arrêt du 22 janvier 2014, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation de la SA GIE, en ses termes : « (…) que la cour d'appel (…) qui n'était pas saisie de conclusions précises tendant à voir déclarer abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause du contrat déchargeant M. X. d'une obligation de résultat, a souverainement estimé que la société ne prouvait pas que ce dernier avait commis un manquement aux règles de l'art ».

Par acte du 3 mai 2013, Monsieur B. a fait assigner la société GIE en règlement du solde de sa facture du 3 décembre 2012.

Par jugement du 24 avril 2015, le tribunal de grande instance de Strasbourg a constaté que l'action en paiement de Monsieur B. était prescrite.

Par déclaration du 18 juin 2016, Monsieur B. a fait appel de ce jugement. Dans ses dernières conclusions du 19 janvier 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample examen des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner la société GIE à lui payer la somme de 13.065,63 euros TTC au titre du solde de sa facture, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2013, date de la mise en demeure,

- débouter la partie adverse de toutes ses fins et conclusions et notamment d'un éventuel appel incident,

- condamner la société GIE aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ainsi que pour l'instance d'appel.

M. X. soutient que son action n'est pas prescrite ; que le point de départ de la prescription se situe à la date d'exigibilité de l'action qui lui a donné naissance ; que la Cour de cassation a statué à en ce sens dans un arrêt du 3 juin 2015 (n° 14-10.908) ; qu'en tout état de cause, par application du nouvel article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008, le point de départ serait la date de réception par le débiteur de la mise en demeure que lui aurait adressé le créancier ; que c'est à tort qu'on lui a opposé les dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce qui exigent que le vendeur est tenu de délivrer une facture dès la réalisation de la prestation, dans la mesure où l'acheteur doit la réclamer. Subsidiairement, il considère que les règles transitoires de la loi du 17 juin 2008 maintiennent dans le cas d'espèce la prescription de 10 ans et que son action n'est dès lors pas prescrite.

M. X. prétend ensuite qu'il n'est pas tenu d'une obligation de résultat à l'égard de la société GIE, laquelle est une professionnelle de la climatisation, détentrice d'une attestation de capacité à la manipulation des fluides frigorifiques et que certains de leurs techniciens possèdent l'attestation d'aptitude à la manipulation des fluides frigorifiques. Il considère en tout état de cause que les moyens de défense de la société GIE se heurtent à l'autorité de la chose jugée, ainsi qu'au principe de la concentration des moyens.

Dans ses dernières conclusions du 5 novembre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample examen des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SA GIE demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter la partie appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens des deux instances.

La société GIE soutient que la prescription de cinq ans prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce court à compter de la réalisation de la prestation contractuelle ou du dommage ; que l'action introduite par M. X. est donc prescrite ; que M. X. ne peut davantage lui faire grief de ne pas avoir réclamé la facture dans la mesure où la réalisation conforme de la prestation était contestée. La société GIE conteste le moyen selon lequel que la prescription de 10 ans s'appliquerait encore.

Subsidiairement, elle se prévaut de l'exception d'inexécution. Elle considère que M. X. était tenu d'une obligation de résultat et qu'il ne peut se décharger de sa responsabilité à l'égard de son client profane ; que la clause contraire doit être réputée non écrite. Elle prétend ensuite que les manquements de l'appelant à ses obligations contractuelles sont établis ; qu'en tout état de cause même si la preuve de la faute de M. X. était considérée comme n'ayant pas été apportée, il n'en reste pas moins que la procédure a permis d'établir l'inexécution de la prestation ; que le rapport d'expertise privé sur lequel s'est précédemment fondée la cour d'appel n'exonère pas M. X. de son obligation de livrer un compresseur en bon état de fonctionnement. Elle considère à titre plus subsidiaire qu'il conviendra de renvoyer le dossier à l'expert pour qu'il se prononce de manière contradictoire sur les conclusions de l'expert privé.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Sur la prescription de l'action :

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a modifié l'article 110-4 du code de commerce qui dispose désormais que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Il résulte de l'article 26 de cette loi que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Cette loi est entrée en vigueur le 19 juin 2008. Ces nouvelles dispositions sont donc applicables aux faits de l'espèce.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, également modifiée par la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Toutefois, un droit ne peut commencer à se prescrire qu'à compter du jour où il existe et est exigible. S'agissant de la fourniture d'un service par un entrepreneur, le point de départ est situé au jour de la facturation.

En l'espèce M. X. n'a pas connu le sort du contrat avant l'issue du procès intenté par la société GIE.

Il ne peut donc luit être reproché d'avoir attendu l'issue du procès pour établir la facture.

Par ailleurs, le manquement éventuel du demandeur aux obligations qui résultent de l'article L. 441-3 du code de commerce, lequel impose au vendeur de délivrer une facture dès la réalisation de sa prestation, et à l'acheteur de la réclamer, n'a pas d'incidence sur le point de départ de la prescription du droit au paiement de cette prestation.

En l'espèce, M. X. a facturé sa prestation le 3 décembre 2012 et a fait assigner la société GIE le 3 mai 2013. Partant, son action n'est pas prescrite.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

 

Sur le bien-fondé de l'action :

Aux termes de l'article 1351, devenu 1355, du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il résulte également de ces dispositions un principe de concentration des moyens en vertu duquel il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

La société GIE soulève en défense une exception d'inexécution se fondant sur l'existence d'un manquement de M. X. à son obligation contractuelle de résultat ayant pour objet la délivrance et l'installation d'un matériel conforme. Elle soulève en ce sens un moyen tiré du caractère abusif de la clause limitant la responsabilité de M. X. à la réalisation d'une faute.

Par arrêt du 20 septembre 2012, la société GIE a été déboutée par cette cour d'appel de son action en responsabilité contractuelle dirigée contre M. X., au motif qu'elle n'apportait pas la preuve de l'imputation à ce dernier d'un manquement aux règles de l'art que celui-ci devait respecter.

Si tant est que la société GIE puisse, en sa qualité de professionnelle, invoquer le caractère abusif d'une clause limitative de responsabilité, son moyen tiré de ce fondement, en ce qu'il vient au soutien d'une demande tendant à faire juger que l'appelant a manqué à ses obligations contractuelles, se heurte au principe de la concentration des moyens et à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt d'appel précité rendu entre les mêmes parties.

Dès lors, les moyens soulevés de ce chef par la société GIE sont irrecevables.

M. X. établit la réalisation de sa prestation et justifie du solde restant dû à ce titre. Il sera donc fait droit à sa demande.

La société GIE, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande formée par M. X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement,

Et statuant à nouveau :

Déclare irrecevable les moyens soulevés en défense par la SA GENERAL D'INSTALLATIONS ENERGETIQUES au titre de l'exception d'inexécution,

Déboute la SA GENERAL D'INSTALLATIONS ENERGETIQUES de toutes ses prétentions,

Condamne la SA GENERAL D'INSTALLATIONS ENERGETIQUES à payer à M. X. la somme de 13.065,63 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2013,

Condamne la SA GENERAL D'INSTALLATIONS ENERGETIQUES aux dépens des procédures de première instance et d'appel,

Déboute M. X. de sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier :              la Conseillère :