CA AMIENS (1re ch. civ.), 1er avril 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4763
CA AMIENS (1re ch. civ.), 1er avril 2014 : RG n° 12/05280
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « C'est à juste titre, dès lors que les articles en cause, dans leur rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 s'appliquent aux contrats dont l'offre a été émise après la date d'entrée en vigueur, fixée au premier jour du 10e mois suivant celui de la publication de la loi, soit au 1er juin 2011 alors que l'offre préalable de crédit en cause a été signée le 3 mai 2011, que la société Prioris soutient que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
En effet, l'obligation d'établir l'offre préalable de crédit en double exemplaire prévue à l'article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, ne vise nullement le bordereau de rétractation, mais uniquement l'offre préalable et l'article L. 311-15 du code de la consommation ne mentionne pas davantage l'obligation d'établir le bordereau de rétractation en double exemplaire. L'article L. 311-33 du code de la consommation sanctionne le non-respect du formalisme prévu aux articles L. 311-8 à L. 311-13 pour la présentation de l'offre préalable par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts. L'article L. 311-34 du code de la consommation sanctionne par une peine d'amende l'omission par le prêteur de prévoir un formulaire de rétractation détachable dans l'offre préalable. Ainsi le législateur a-t-il prévu des formalités spécifiques et différentes pour l'offre préalable et le bordereau de rétractation : le formulaire détachable de rétractation est soumis à un régime juridique spécifique distinct de celui régissant l'offre préalable de crédit et l'obligation du double exemplaire ne concerne que l'offre préalable.
En signant l'offre préalable de crédit, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont expressément reconnu « rester en possession d'un exemplaire de cette offre » et paraphé la page suivante les informant notamment, à la rubrique « rétractation de l'acceptation » « Après avoir accepté, vous pouvez revenir sur votre engagement au moyen du formulaire détachable ci-joint ». Ils n'ont pas comparu devant le tribunal d'instance et ne produisent pas devant la Cour le formulaire qui leur était destiné de l'offre préalable de crédit et ne démontrent donc pas n'avoir pas bénéficié de la remise effective du formulaire détachable de rétractation.
La preuve n'étant pas rapportée que l'offre de crédit ne comportait pas de formulaire de rétractation, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance de la société Prioris de son droit aux intérêts conventionnels de ce chef, observation faite que cette mesure n'est pas davantage fondée par les dispositions de l'article 12 du contrat liant les parties. »
2/ « La société Prioris est fondée à soutenir la légalité de la clause de réserve de propriété figurant à l'article 12 du contrat liant les parties et notamment le caractère non abusif des termes « Vous affectez et constituez le bien financé en gage au bénéfice exclusif du prêteur pour sûreté des sommes dues ». Toutefois, la Cour relève, à la lecture de la première page de l'offre préalable de crédit que produit la société Prioris et qui est ainsi directement dans le débat, qu'à la fin de l'encadré relatif au bien financé qui comporte les éléments spécifiques à l'acquisition du véhicule financée par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., il est expressément indiqué « Sûreté exigée : Aucune ». Dès lors, la société Prioris n'est pas fondée à opposer aux emprunteurs l'article 12 du contrat qui, perdu parmi d'autres clauses non expressément approuvées par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., et donc insusceptible de prévaloir sur les termes de cet encadré précédant immédiatement leurs deux signatures, se révèle contradictoire, par son intitulé « Constitution de sûreté » et sa portée, aux termes clairs et précis assurant les débiteurs de ce qu'aucune sûreté n'était exigée de leur part, ce qui s'entend nécessairement et notamment d'une sûreté portant sur le bien financé, objet de l'encadré. »
COUR D'APPEL D'AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er AVRIL 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/05280. Décision déférée à la cour : jugement du Tribunal d’instance de Compiègne du 15 novembre 2012
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame V. épouse X.
née le [date] à [ville]
Représentés par Maître Patrick PLATEAU, avocat au barreau d'AMIENS, Plaidant par Maître GILLES, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMÉE :
SAS PRIORIS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, Représentée et plaidant par Maître Marc BACLET, avocat au barreau de BEAUVAIS
DÉBATS : À l'audience publique du 28 janvier 2014, l'affaire est venue devant M. Lionel RINUY, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 1er avril 2014. La Cour était assistée lors des débats de Mme Monia LAMARI, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Lionel RINUY, président, Mme Valérie DUBAELE et Mme Sylvie LIBERGE, conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Le 1er avril 2014, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Lionel RINUY, président de chambre, et Mme Monia LAMARI, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Suivant offre préalable de crédit acceptée le 3 mai 2011, la société Prioris a consenti à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., (ce qui est toutefois contesté par cette dernière), un prêt accessoire à l'achat d'un véhicule de marque Mercedes, d'un montant de 19.353 euros, remboursable en 60 mensualités de 443,97 euros, assorti d'un taux d'intérêt de 7,314 %.
Des échéances étant restées impayées, la société Prioris a, par lettre du 12 avril 2012, mis en demeure Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de régler les sommes dues puis les a fait assigner devant le tribunal d'instance de Compiègne en paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes de 21.021,57 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,314 % sur la somme de 18.535,86 euros à compter de 20 avril 2012 et de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et la restitution du véhicule sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après la signification du jugement à intervenir.
Le tribunal d'instance de Compiègne a relevé que, bien que régulièrement assignés, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., n'avaient pas comparu et ne s'étaient pas fait représenter, et a soulevé les motifs tirés de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts.
Aux termes du jugement réputé contradictoire rendu le 15 novembre 2012, il a déclaré recevable l'action en paiement de la société Prioris, prononcé la déchéance du droit aux intérêts, condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y., épouse X., à payer à la société Prioris la somme de 16.720,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2012, outre 100 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du jugement, rejeté toute demande plus ample ou contraire, débouté la société Prioris de sa demande de restitution du véhicule, rejeté la demande de prononcé de l'exécution provisoire de la décision, débouté la société Prioris de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum Monsieur X. et Madame Y., épouse X., aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 26 novembre 2012, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont interjeté appel général de cette décision.
Pour l'exposé des moyens des parties, qui seront examinés dans les motifs de l'arrêt, il est renvoyé aux conclusions transmises sur RPVA le 21 mai 2013 par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., et le 27 mars 2013 par la société Prioris.
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., demandent à la Cour de les recevoir en leur appel partiel, de le dire recevable et bien fondé,
- quant à Madame X., de constater que les documents produits aux débats par l'intimée comportent, sous son nom, une signature qui n'est manifestement pas la sienne, la mettre en conséquence hors de cause,
- quant à Monsieur X., de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déchu la société Prioris du droit aux intérêts sur le prêt litigieux, fixé l'indemnité de résiliation du contrat de prêt à la somme de 100 euros et en ce qu'elle a débouté la société Prioris de sa demande en restitution du véhicule, objet du prêt litigieux, y ajoutant, de dire que la société Prioris a manqué à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde à son égard, en conséquence, de condamner la société Prioris à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté, dire qu'il est dû à la société Prioris la somme de 16.720,53 euros sur laquelle les intérêts aux taux légaux partent à compter du 24 avril 2012, prononcer la compensation des sommes dues, débouter pour le surplus la société Prioris de ses demandes, les dire mal fondées,
- de condamner la société Prioris à payer à chacun d'eux la somme de 1.500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Millon Plateau, Avocats.
La société Prioris demande à la Cour de déclarer Monsieur X. et Madame Y., épouse X., mal fondés en leur appel et en l'ensemble de leurs demandes, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 21.021,57 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,314 % sur la somme de 18.535,86 euros à compter du 20 avril 2012, date de la résiliation, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner la capitalisation des intérêts, d'ordonner à Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de lui restituer le véhicule Mercedes 320 CDI Luxury n° série XX immatriculé YY, et ce sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après la signification du jugement (sic) à intervenir, et de dire qu'à défaut de ce faire, il pourra être procédé à son enlèvement, en quelque lieu qu'il se trouvera, avec l'assistance de la force publique si besoin est, de condamner solidairement Monsieur X. et Madame Y., épouse X., aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Baclet Baclet Mellon conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2013 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 28 janvier 2014 pour y être plaidée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., font valoir que Monsieur X. ignore la façon dont la société Prioris a délivré l'assignation à 1'origine du jugement dont appel, qu'il a ignoré cette procédure et n'a pu faire valoir ses explications et moyens de défense auprès du juge, qu'il n'est plus en possession du contrat que l'intimée a produit aux débats, qu'il entend faire valoir les manquements de la société Prioris à ses obligations contractuelles de conseil, d'information et de mise en garde, lui faisant ainsi perdre une chance de ne pas contracter, que Madame X. sollicite quant à elle sa mise hors de cause pure et simple, les documents produits, et notamment la demande de crédit, comportant, sous son nom, une signature qui n'est pas la sienne, qu'elle produit, pour preuve, divers documents officiels, comportant sa vraie signature, qu'au vu des documents que produit l'intimée cette dernière aurait dû se rendre compte, dès la souscription, de ce que cette signature était manifestement contrefaite, qu'elle a ce faisant engagé sa responsabilité envers elle, qu'il est clair que 1'opération ne concernait que Monsieur X., qu'elle possède d'ailleurs son propre véhicule et ne tire aucun profit du contrat litigieux.
S'agissant de la violation alléguée de son devoir de conseil et de mise en garde par la société Prioris, ils mettent en avant que, selon la jurisprudence, l'organisme de crédit a une obligation de recherche de solvabilité et des risques des opérations spéculatives et que la banque se doit de vérifier les capacités financières des emprunteurs, qu'en l'espèce, la banque a manqué à son devoir de recherche de solvabilité et à son devoir de mise en garde envers Monsieur X. lors de la conclusion des prêts, qu'au moment de la signature du prêt du 3 mai 2011, la société Prioris n'a pas procédé aux vérifications qui s'imposent à elle ni à aucune vérification sérieuse de la solvabilité de celui-ci et n'a surtout effectué aucune mise en garde particulière auprès de lui quant au risque de souscrire un tel crédit alors qu'il avait déjà souscrit de nombreux emprunts et crédits à la consommation, perçoit une indemnité d'invalidité de 700 euros par mois et était en incapacité totale de travail depuis novembre 2006, et demandeur d'emploi (pré retraite) depuis 2008, qu'en outre il souscrivait un prêt d'un montant supérieur du prix du véhicule qu'il se proposait d'acquérir, soit 25.500 euros alors que son besoin de financement pour le véhicule était de 14.500 euros, qu'en fait il semble que le prêt n'ait été conclu que pour la somme de 19.353 euros ainsi qu'il apparaît dans la facture émise par Technars Sas Mercedes le 13 mai 2011, que la facture du véhicule montre que le prêt avait un but caché de refinancement, ou de trésorerie personnelle, distinct de l'acquisition du véhicule, que la société Prioris a donc contracté sur une fausse cause et manqué gravement à son devoir de conseil, qu'elle aurait dû le conseiller sur l'inadaptation de ce financement à sa situation, voire lui refuser ce prêt, qu'elle ne pouvait lui prêter la somme de 19.353 euros en l'absence de tout renseignement sur ses ressources et charges, que la société Prioris a, de plus, agi avec une légèreté blâmable, qu'elle avait l'obligation de le mettre en garde sur les conséquences possibles et risques auxquels il s'exposait en souscrivant au prêt, notamment le risque de ne pas pouvoir le rembourser, que les mensualités du crédit litigieux se montaient à 443,97 euros par mois, soit 25 % des revenus du couple pris en compte de seulement 1.980 euros par mois, qu'indépendamment du fait que la société Prioris n'a pas détecté la fausse signature de Madame X., seule à avoir un emploi, l'intimée aurait dû mettre en garde Monsieur X., son interlocuteur, sur le risque de ne pouvoir honorer le prêt sollicité, eu égard au taux d'endettement, qu'au surplus, il apparaît qu'il a déclaré être propriétaire de sa résidence depuis 1995 mais n'a déclaré aucun crédit immobilier, ce qui aurait dû attirer tout particulièrement l'attention de la société Prioris, que le couple, ayant des revenus modestes, ne pouvait pas ne pas avoir acheté ce bien immobilier à crédit et a effectivement contracté un prêt immobilier, avec une échéance à 2015, dont le montant des mensualités est de plus de 760 euros (5.027 Francs), que Monsieur X. est donc bien fondé à solliciter la réparation du préjudice subi, constitué par la perte d'une chance de ne pas souscrire, et à solliciter le paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, qu'enfin il est demandé à la Cour de confirmer la décision déférée en ce que la société Prioris est déchue de son droit aux intérêts sur les sommes prêtées, qu'il reste donc dû la somme de 16.720,53 euros sur laquelle les intérêts aux taux légaux partent à compter du 24 avril 2012, outre 100 euros au titre de l'indemnité de résiliation, et qu'il y a lieu de procéder à la compensation des sommes que les parties resteraient se devoir.
La société Prioris soutient que Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont la mémoire courte et feignent d'oublier qu'ils ont contracté, en novembre 2010, un prêt auprès d'elle, à hauteur de 5.000 euros, pour l'achat d'un véhicule Mercedes E220 CDI immatriculé YY, (facture Techstar SAS du 9 novembre 2010), que lorsqu'ils ont contracté le prêt litigieux, le 3 mai 2011, pour acquérir un nouveau véhicule Mercedes, plus puissant, ML 320 (facture Techstar SAS du 13 mai 2011), le prêt précédent n'était pas soldé et que la soulte due a donc été incluse dans le deuxième prêt, ce qui ne relève nullement d'un prétendu « but caché de refinancement » ou de « trésorerie personnelle » et encore moins d'un quelconque manquement à un devoir de conseil, qu'en outre elle n'a nullement agi avec légèreté en accordant ce crédit, que les époux X. sont propriétaires d'un bien immobilier et font preuve d'une particulière mauvaise foi, qu'ils ont remboursé le solde du crédit précédent et roulent quotidiennement avec le véhicule Mercedes de haut de gamme, dont ils n'entendent pas régler le prix, que leur appel est manifestement abusif et qu'elle est fondée à solliciter la somme de 5.000 euros, à titre de dommages intérêts pour résistance abusive, et appel abusif, et à se porter appelante incident.
Elle reproche, en effet, au tribunal d'avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts, aux motifs que la clause de réserve de propriété serait une clause abusive, et créerait un déséquilibre, alors qu'une telle clause est légale, qu'elle ne démontrerait que le bordereau de rétractation aurait été joint au contrat de prêt, alors qu'aux termes de l'article 2 du contrat, les emprunteurs ont reconnu expressément rester en possession de ce bordereau de rétractation et que la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, a précisé le 12 juillet 2012 « qu'aucune disposition légale n'imposait que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destiné à être conservé par le prêteur, la formalité du double s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint », et validé la formule pré-imprimée indiquant « qu'il appartenait à l'emprunteur de justifier du caractère erroné ou mensonger de sa reconnaissance écrite en produisant l'exemplaire original de l'offre resté en sa possession », et demande l'infirmation sur ce point du jugement et la condamnation solidaire de Monsieur X. et Madame Y., épouse X., à lui payer la somme de 21.021,57 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,314 % sur la somme de 18.535,86 euros à compter du 20 avril 2012, date de la résiliation, outre la capitalisation des intérêts, qu'elle demande également qu'il leur soit ordonné de lui restituer le véhicule Mercedes 320 CDI Luxury n° de série XX immatriculé YY, et ce sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après la signification du jugement à intervenir, et de dire qu'à défaut de ce faire, il pourra être procédé à son enlèvement, en quelque lieu qu'il se trouvera, avec l'assistance de la force publique si besoin est, le contrat prévoyant expressément, en son article 12 : « Vous affectez et constituez le bien financé en gage au bénéfice exclusif du prêteur pour sûreté des sommes dues », clause claire, nullement soumise à publicité, sinon à l'égard des tiers, et parfaitement valable.
À titre liminaire, il y a lieu de relever que Monsieur X. prétend ignorer la façon dont la société Prioris lui a délivré l'assignation devant le tribunal, il n'en tire aucune conséquence de droit tandis qu'il est précisé dans le jugement entrepris que Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont été régulièrement assignés.
Sur la demande de mise hors de cause de Madame Y., épouse X. :
Les deux pièces produites par les appelants, à savoir copie couleur du permis de conduire de Madame Y., épouse X., délivré le 13 mars 1997, et de la carte de priorité pour personne handicapée délivrée à celle-ci le 8 juillet 2011, n'établissent pas qu'elle n'ait pas signé elle-même l'offre préalable de crédit, l'attestation d'endettement et le formulaire de refus d'assurance en date du 3 mai 2011, la signature apposée sur ces documents étant au contraire très proche de celle figurant sur les document de référence choisis par les appelants.
Par ailleurs, il est indifférent que Madame X. ait son propre véhicule et n'utilise pas selon ses dires le véhicule acquis au moyen du crédit accordé par la société Prioris.
De même, le fait que le contrat de vente avec le garage ait été signé par Monsieur X. et non par Madame X. n'a pas pour effet de libérer cette dernière dès lors qu'il est retenu qu'elle s'est engagée par la signature de l'offre préalable de crédit accessoire à la vente.
En conséquence, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., seront déboutés de leur demande de mise hors de cause de Madame Y., épouse X.
Sur les demandes des appelants au titre des manquement allégués de la société Prioris à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde et au titre de la perte de chance de ne pas contacter :
L'entière démonstration des appelants tendant à établir des manquements de la société Prioris à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde et une perte de chance pour Monsieur X., sur la base d'une mise hors de cause préalable de Madame Y., épouse X., de ne pas contacter l'emprunt souscrit le 3 mai 2011, rapprochée de l'attestation d'endettement signée le même jour par les deux époux, qui fait état de revenus mensuels salariaux de 1.980 euros et de l'absence de charges ou crédits, y compris immobiliers, marque la mauvaise foi des emprunteurs qui, ne se cachant pas, du moins s'agissant de Monsieur X., d'avoir caché à la société Prioris l'existence d'un prêt immobilier en cours, ne sauraient reprocher à celle-ci de ne pas avoir imaginé les mensualités restant à payer à ce titre et de ne pas leur avoir en conséquence donné les conseils, les informations et les mises en garde que leur situation financière réelle aurait justifiés.
Les causes du prêt souscrit ne sont pas non plus utilement critiquées alors qu'il ressort très clairement des éléments produits aux débats que s'agissant du remplacement d'un véhicule acquis auprès de la même concession automobile au moyen d'un premier crédit auprès du même organisme financier, l'acquisition du nouveau véhicule impliquait à la fois la reprise du premier véhicule, dont le coût a été défalqué de la facture, et le remboursement anticipé du solde du premier crédit y afférent.
En conséquence, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., seront déboutés de leur demande tendant à dire que la société Prioris a manqué à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde et de leur demande de condamnation de la société Prioris à payer à Monsieur X. la somme de 20.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté.
Sur la demande de la société Prioris d'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts :
C'est à juste titre, dès lors que les articles en cause, dans leur rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 s'appliquent aux contrats dont l'offre a été émise après la date d'entrée en vigueur, fixée au premier jour du 10e mois suivant celui de la publication de la loi, soit au 1er juin 2011 alors que l'offre préalable de crédit en cause a été signée le 3 mai 2011, que la société Prioris soutient que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
En effet, l'obligation d'établir l'offre préalable de crédit en double exemplaire prévue à l'article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, ne vise nullement le bordereau de rétractation, mais uniquement l'offre préalable et l'article L. 311-15 du code de la consommation ne mentionne pas davantage l'obligation d'établir le bordereau de rétractation en double exemplaire.
L'article L. 311-33 du code de la consommation sanctionne le non-respect du formalisme prévu aux articles L. 311-8 à L. 311-13 pour la présentation de l'offre préalable par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts.
L'article L. 311-34 du code de la consommation sanctionne par une peine d'amende l'omission par le prêteur de prévoir un formulaire de rétractation détachable dans l'offre préalable.
Ainsi le législateur a-t-il prévu des formalités spécifiques et différentes pour l'offre préalable et le bordereau de rétractation : le formulaire détachable de rétractation est soumis à un régime juridique spécifique distinct de celui régissant l'offre préalable de crédit et l'obligation du double exemplaire ne concerne que l'offre préalable.
En signant l'offre préalable de crédit, Monsieur X. et Madame Y., épouse X., ont expressément reconnu « rester en possession d'un exemplaire de cette offre » et paraphé la page suivante les informant notamment, à la rubrique « rétractation de l'acceptation » « Après avoir accepté, vous pouvez revenir sur votre engagement au moyen du formulaire détachable ci-joint ».
Ils n'ont pas comparu devant le tribunal d'instance et ne produisent pas devant la Cour le formulaire qui leur était destiné de l'offre préalable de crédit et ne démontrent donc pas n'avoir pas bénéficié de la remise effective du formulaire détachable de rétractation.
La preuve n'étant pas rapportée que l'offre de crédit ne comportait pas de formulaire de rétractation, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance de la société Prioris de son droit aux intérêts conventionnels de ce chef, observation faite que cette mesure n'est pas davantage fondée par les dispositions de l'article 12 du contrat liant les parties.
En conséquence, le calcul du tribunal n'étant pas autrement contesté et le montant de l'indemnité de résiliation fixé en première instance à la somme de 100 euros devant ainsi être confirmé, le jugement sera confirmé en ses autres calculs mais infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et, sur cette base, fixé le montant de la condamnation des époux X. à la somme de 16.720,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2012.
La Cour, statuant à nouveau de ces chefs, déboutera les appelants de leur demande de déchéance du droit aux intérêts et les condamnera solidairement à payer à la société Prioris la somme de 18.635,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,314 % sur la somme de 18.535,86 euros à compter du 20 avril 2012, date de la résiliation, étant rappelé qu'aux termes du jugement la somme de 100 euros au titre de l'indemnité de résiliation est majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur la demande de la société Prioris de condamnation des époux X. à lui restituer le véhicule Mercedes 320 CDI Luxury n° série XX immatriculé YY, sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après la signification du jugement (sic) à intervenir, et tendant à ce qu'il soit dit qu'à défaut de ce faire, il pourra être procédé à son enlèvement, en quelque lieu qu'il se trouvera, avec l'assistance de la force publique si besoin est :
La société Prioris est fondée à soutenir la légalité de la clause de réserve de propriété figurant à l'article 12 du contrat liant les parties et notamment le caractère non abusif des termes « Vous affectez et constituez le bien financé en gage au bénéfice exclusif du prêteur pour sûreté des sommes dues ».
Toutefois, la Cour relève, à la lecture de la première page de l'offre préalable de crédit que produit la société Prioris et qui est ainsi directement dans le débat, qu'à la fin de l'encadré relatif au bien financé qui comporte les éléments spécifiques à l'acquisition du véhicule financée par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., il est expressément indiqué « Sûreté exigée : Aucune ».
Dès lors, la société Prioris n'est pas fondée à opposer aux emprunteurs l'article 12 du contrat qui, perdu parmi d'autres clauses non expressément approuvées par Monsieur X. et Madame Y., épouse X., et donc insusceptible de prévaloir sur les termes de cet encadré précédant immédiatement leurs deux signatures, se révèle contradictoire, par son intitulé « Constitution de sûreté » et sa portée, aux termes clairs et précis assurant les débiteurs de ce qu'aucune sûreté n'était exigée de leur part, ce qui s'entend nécessairement et notamment d'une sûreté portant sur le bien financé, objet de l'encadré.
En conséquence, ces motifs étant ajoutés à ceux non contraires du tribunal, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Prioris de sa demande de restitution du véhicule.
Sur la demande de capitalisation des intérêts :
La demande de capitalisation des intérêts présentée par la société Prioris, nouvelle en appel, est néanmoins recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile en ce qu'elle est l'accessoire de la demande en paiement des intérêts de retard présentée devant le premier juge.
En revanche, la société Prioris n'est pas fondée à demander une telle capitalisation des intérêts, dès lors que l'application de l'article 1154 du code civil est exclue en matière de crédits à la consommation par les termes de l'article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, selon lesquels aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 311-29 à L. 311-31 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur, notamment dans le cas de défaillance prévu par l'article L. 311-30.
En conséquence, elle sera déboutée de cette demande.
Sur la demande de compensation présentée par les époux X. :
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de compensation des époux X., qui se trouve dépourvue d'objet par suite du débouté de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais hors dépens :
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X. et Madame Y., épouse X., succombant en leur appel, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, et la SCP Baclet Baclet Mellon sera admise au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Les appelants ne peuvent dès lors qu'être déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la société Prioris la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 15 novembre 2012 par le tribunal d'instance de Compiègne, sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Prioris et, sur cette base, fixé le montant de la condamnation des époux X. à la somme de 16.720,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2012,
L'infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de leur demande de mise hors de cause de Madame Y., épouse X.,
Déboute Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de leur demande de déchéance du droit aux intérêts,
Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y., épouse X., à payer à la société Prioris la somme de 18.635,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,314 % sur la somme de 18.535,86 euros à compter du 20 avril 2012, étant rappelé que la somme de 100 euros au titre de l'indemnité de résiliation est majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement,
Dit la société Prioris recevable mais mal fondée en sa demande de demande de capitalisation des intérêts, nouvelle en appel,
L'en déboute,
Déboute Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de leurs demandes tendant à dire que la société Prioris a manqué à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde et à sa condamnation à payer à Monsieur X. la somme de 20.000 euros au titre de la perte de chance,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de compensation des époux X., dépourvue d'objet,
Condamne Monsieur X. et Madame Y., épouse X., in solidum aux dépens d'appel et admet la SCP Baclet Baclet Mellon au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur X. et Madame Y., épouse X., de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Prioris de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
Le Greffier, Le Président
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