CA ROUEN (ch. prox.), 22 mai 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4803
CA ROUEN (ch. prox.), 22 mai 2014 : RG n° 13/00451
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant qu'en application de l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, le juge doit, en toutes circonstances, respecter et faire respecter le droit de chaque partie au procès équitable, dont le principe de contradiction, posé par l'article 16 du Code de procédure civile, constitue un des éléments ; Considérant que le juge ne peut soulever d'office un moyen, peu important qu'il relève de l'ordre public stricto sensu ou de l'ordre public de protection, sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties ; que la simple acceptation d'une note en délibéré, telle que prévue par l'article 445 du Code de procédure civile, ne répond pas aux conditions d'un tel débat, étant relevé au surplus qu'une note en délibéré n'est pas prévue légalement dans cette hypothèse ;
Considérant qu'en soulevant d'office les moyens de l'existence de clauses abusives dans les contrats litigieux et de l'absence de formulaire de rétractation dans le document conservé par le prêteur sans soumettre ces éléments au débat contradictoire entre les parties, le premier juge a méconnu de manière flagrante le principe de contradiction, de sorte que le jugement entrepris doit être annulé ».
2/ « Considérant, s'agissant de la question des clauses abusives, qu'aucune de celles relevées par le premier juge, à les supposer déséquilibrées significativement au détriment du consommateur de crédit, donc réputées non écrites, ne sont pas de nature, en la présente instance, à déterminer la déchéance du droit du prêteur professionnel au principal ou aux intérêts contractuels, la déchéance étant due à des échéances impayées ;
Considérant, en ce qui concerne l'absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire de chacun des deux contrats conservés par le prêteur, qu'aucune disposition légale n'impose que l'exemplaire demeuré en sa possession comporte ce bordereau, qui n'est prévu que dans l'intérêt et pour l'usage de l'emprunteur ; que, dès lors que celui-ci a reconnu, dans l'un et l'autre des contrats, être demeuré en possession d'un exemplaire de bordereau de rétractation et qu'il n'a jamais été argué que cette reconnaissance était mensongère ou erronée, le prêteur ne saurait être déchu du droit aux intérêts contractuels ».
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 22 MAI 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00451. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE BERNAY du 21 décembre 2012.
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE SEINE
Représentée et assistée par Maître Caroline S., avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉS :
Monsieur F. X.
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné à étude par acte d'huissier en date du 12 avril 2013
Monsieur L. X.
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné à étude par acte d'huissier en date du 12 avril 2013
Madame A. X. épouse W.
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée à étude par acte d'huissier en date du 12 avril 2013
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 février 2014 sans opposition des avocats devant Madame APELLE, Présidente, rapporteur, et Madame LABAYE, Conseiller.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame APELLE, Présidente, Madame LABAYE, Conseiller, Madame POITOU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : M. CABRELLI, Greffier
DÉBATS : À l'audience publique du 27 février 2014, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 mai 2014, date à laquelle le délibéré a été prorogé pour être rendu ce jour
ARRÊT : Par défaut, Prononcé publiquement le 22 mai 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame APELLE, Présidente et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société coopérative Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine est appelante du jugement rendu le 21 décembre 2012, qui a condamné M. J.-C. X. à lui payer, au titre du prêt consenti le 2 septembre 2006, la somme de 615,12 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de la date de la signification du jugement, l'a déboutée de ses demandes en paiement au titre du prêt consenti le 1er août 2007, a accordé à M. X. des délais de paiement, a ordonné l'exécution provisoire, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, et a condamné M. X. aux dépens.
Les intimés ne comparaissant, aucun élément factuel ou contractuel ne peut être tenu pour constant.
Pour la clarté de l'exposé, il sera seulement rappelé que la société coopérative Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine (ci-après, le Crédit agricole de Normandie-Seine), se prévalant de contrats de crédit du 2 septembre 2006 et du 1er août 2007 et de la déchéance du terme résultant d'une mise en demeure demeurée infructueuse du 22 septembre 2009, a, suivant exploit d'huissier de justice du 26 mars 2012, fait assigner M. J.-C. X. en paiement devant le tribunal d'instance de Bernay.
Cette instance a conduit au jugement entrepris.
Le premier juge a retenu qu'en raison du caractère abusif de clauses figurant dans chacun des contrats de crédits litigieux et de l'absence de bordereau détachable de rétractation, dans l'exemplaire de chacun des contrats produit par la demanderesse, l'établissement de crédit devait être déchu du droit aux intérêts, de sorte que ne subsistait qu'une dette de 615,12 euros à la charge de M. X.
M. J.-C. X. étant décédé le 28 février 2013, le Crédit agricole de Normandie-Seine a, suivant exploits d'huissiers de justice des 12 et 18 avril 2013, fait assigner devant cette Cour, en intervention forcée et reprise d'instance, M. F. X., Mme A. X. épouse W. et M. L. X., ses enfants et héritiers.
Vu les écritures déposées le 10 avril 2013, aux termes desquelles le Crédit agricole de Normandie-Seine demande à la Cour de le recevoir en son assignation en intervention forcée et en reprise d'instance envers M. F. X., Mme W. et M. L. X., de le déclarer bien fondé en son appel, à titre principal, d'annuler le jugement entrepris, à tout le moins, d'infirmer ce jugement, en toute hypothèse, de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit du prêteur professionnel aux intérêts contractuels, de condamner MM. X. et Mme W., solidairement, à lui payer, au titre du prêt consenti le 2 septembre 2006, la somme de 5.022,66 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,65 % l'an à compter du 16 décembre 2011, au titre du prêt consenti le 1er août 2007, la somme de 8.949,79 euros, avec les intérêts au taux contractuel de 6,50 % l'an à compter du 20 septembre 2011, et, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 2.000 euros et de les condamner, solidairement, aux dépens, aux motifs :
1.- s'agissant de la demande de nullité du jugement, que le premier juge a méconnu le principe de contradiction, en soulevant d'office le moyen tiré de la déchéance du droit de l'établissement de crédit aux intérêts, sans rouvrir les débats et en n'autorisant que le dépôt d'une note en délibéré, privant de la sorte les parties, notamment le Crédit agricole de Normandie-Seine, d'un droit au débat contradictoire et régulier sur la question mise d'office aux débats, étant ajouté que les dispositions concernées relèvent d'un ordre public de protection du consommateur, qu'il appartient donc à la partie concernée d'invoquer, et que le défendeur, présent à l'audience ne contestait pas sa dette ;
2.- que le motif d'une absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire conservé par l'établissement de crédit pour chacun des deux contrats de prêt est dépourvu de pertinence, ce bordereau étant destiné au seul usage de l'emprunteur, qui a reconnu l'avoir en sa possession,
La Cour se rapportant auxdites écritures pour le détail du développement des arguments de la société appelantes.
Vu les assignations en intervention forcée et reprise d'instance délivrées le 12 avril 2013 en intervention forcée et reprise d'instance, à la requête du Crédit agricole de Normandie-Seine à MM. F. X., Mme A. X. épouse W. et M. L. X., Ceux-ci n'ont pas constitué avocat, bien que régulièrement assignés, chacun à étude.
L'arrêt sera donc rendu par défaut.
Les conclusions de la banque ont été signifiées à chacun des intimés par la banque par le même acte.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1. - Sur la régularité des assignations en intervention forcée et reprise d'instance délivrées le 12 avril 2013 à la requête du Crédit agricole de Normandie-Seine à M. F. X., Mme W. et M. L. X. :
Considérant qu'en application des articles 370, 373 à 376, 554 et 555 du Code de procédure civile, les assignations délivrées à M. F. X., Mme W. et M. L. X., enfants et héritiers de M. J.-C. X., décédé le 28 février 2013, sont régulières ;
Que, ces actes incluant l'intégralité des écritures déposées par le Crédit agricole de Normandie-Seine devant la Cour, le principe de contradiction, posé par l'article 16 du Code de procédure civile, a été respecté ;
2. - Sur la demande de nullité du jugement :
Considérant qu'en application de l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, le juge doit, en toutes circonstances, respecter et faire respecter le droit de chaque partie au procès équitable, dont le principe de contradiction, posé par l'article 16 du Code de procédure civile, constitue un des éléments ;
Considérant que le juge ne peut soulever d'office un moyen, peu important qu'il relève de l'ordre public stricto sensu ou de l'ordre public de protection, sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties ; que la simple acceptation d'une note en délibéré, telle que prévue par l'article 445 du Code de procédure civile, ne répond pas aux conditions d'un tel débat, étant relevé au surplus qu'une note en délibéré n'est pas prévue légalement dans cette hypothèse ;
Considérant qu'en soulevant d'office les moyens de l'existence de clauses abusives dans les contrats litigieux et de l'absence de formulaire de rétractation dans le document conservé par le prêteur sans soumettre ces éléments au débat contradictoire entre les parties, le premier juge a méconnu de manière flagrante le principe de contradiction, de sorte que le jugement entrepris doit être annulé ;
3. - Sur les conséquences de l'annulation :
Considérant qu'en application de l'article 561 du Code de procédure civile, il appartient à la Cour de statuer sur l'entier litige, qui lui est dévolu par l'appel du Crédit agricole de Normandie-Seine ;
4. - Sur la demande en paiement du Crédit agricole de Normandie-Seine contre M. F. X., Mme W. et M. L. X. :
Considérant qu'en application de l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Considérant qu'il est établi par une attestation de dévolution successorale établie en date du 8 octobre 2013 par Maître Y., notaire à [ville B.], que les héritiers de M. J.-C. X. sont M. F. X., Mme W. et M. L. X. ;
Considérant que, dès lors que le premier juge a mis aux débats la question de l'existence de clauses abusives et celle de l'absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire de chacun des contrats conservé par l'établissement de crédit, elles sont dévolues à la Cour par l'effet de l'appel ;
Considérant, s'agissant de la question des clauses abusives, qu'aucune de celles relevées par le premier juge, à les supposer déséquilibrées significativement au détriment du consommateur de crédit, donc réputées non écrites, ne sont pas de nature, en la présente instance, à déterminer la déchéance du droit du prêteur professionnel au principal ou aux intérêts contractuels, la déchéance étant due à des échéances impayées ;
Considérant, en ce qui concerne l'absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire de chacun des deux contrats conservés par le prêteur, qu'aucune disposition légale n'impose que l'exemplaire demeuré en sa possession comporte ce bordereau, qui n'est prévu que dans l'intérêt et pour l'usage de l'emprunteur ; que, dès lors que celui-ci a reconnu, dans l'un et l'autre des contrats, être demeuré en possession d'un exemplaire de bordereau de rétractation et qu'il n'a jamais été argué que cette reconnaissance était mensongère ou erronée, le prêteur ne saurait être déchu du droit aux intérêts contractuels ;
Considérant que les pièces produites aux débats (contrats de prêt, échéanciers, mises en demeures recommandées, décomptes) démontrent que la créance du Crédit agricole de Normandie-Seine s'établit ainsi qu'il suit :
a. - prêt n° 7000XX39 du 2 septembre 2006 de 27.000 euros en principal :
- échéances impayées : 4.658,60 euros
- indemnité contractuelle de 8 % : 364,06 euros
- total : 5.022,66 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,65 % l'an à compter 16 décembre 2011 ;
b. - prêt n° 7000YY11 du 1er août 2005 de 21.500 euros en principal :
- échéances impayées : 3.821,34 euros
- capital restant dû : 4.488,74 euros
- indemnité contractuelle de 8 % : 639,71 euros
- total : 8.949,79 euros avec intérêts au taux de 6,50 % à compter du 20 septembre 2011 ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, réformant le jugement entrepris, de condamner M. F. X., Mme W. et M. L. X., solidairement, à payer au crédit agricole mutuel de Normandie-Seine les sommes susvisées ;
5. - Sur la demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles formée par le Crédit agricole de Normandie-Seine :
Considérant qu'en raison de la nature et des circonstances de l'affaire, il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge du Crédit agricole mutuel de Normandie-Seine les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en cause d'appel ;
Que celui-ci sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
6. - Sur les dépens :
Considérant qu'en application de l'article 696 du Code de procédure civile, M. F. X., Mme W. et M. L. X., parties succombantes, doivent être condamnés, solidairement, aux dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant par arrêt public et par défaut,
Déclare régulières les assignations en intervention forcée et reprise d'instance délivrées à la requête de la Caisse Régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine à M. F. X., Mme A. X. épouse W. et M. L. X.
Annule le jugement entrepris.
Condamne M. F. X., Mme A. X. épouse W. et M. L. X., solidairement, à payer à la société coopérative Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine :
1.- au titre du prêt du 2 septembre 2006 de 27.000 euros, la somme de 5.022,66 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,65 % l'an à compter 16 décembre 2011,
2.- au titre du prêt du 1er août 2007 de 21.500 euros en principal, la somme de 8.949,79 euros, avec intérêts au taux de 6,50 % à compter du 20 septembre 2011.
Déboute la société coopérative Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne M. F. X., Mme A. X. épouse W. et M. L. X., solidairement, aux dépens de première instance et d'appel, avec, s'agissant de ces derniers, bénéfice pour Maître Caroline S., avocat, de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5726 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Mise en œuvre - Respect du contradictoire
- 5727 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Mise en œuvre - Modalités
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 5852 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur partie au contrat
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation