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CA NÎMES (ch. civ. 1re ch. B), 5 juin 2014

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (ch. civ. 1re ch. B), 5 juin 2014
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 13/01432
Date : 5/06/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/01/2014
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2014-018810
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4823

CA NÎMES (ch. civ. 1re ch. B), 5 juin 2014 : RG n° 13/01432

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que dans cette demande d'adhésion, qu'elle a signée, elle certifie en ces termes que « le prêteur m'a remis un exemplaire des conditions générales (ref. CG ADI 01.2002) et particulières, valant notice d'assurance dont j'atteste avoir pris connaissance ». Attendu qu'il convient de relever que cette mention est parfaitement apparente et lisible et que certaines parties sont en outre formulées en caractère gras (telle : « certifie et atteste avoir pris connaissance ») ; Attendu que ces documents (conditions générales valant notice d'information et conditions particulières) sont également annexés à l'acte authentique de prêt. Attendu que Mme X. a bien eu connaissance de ces documents au temps de la signature de l'acte. »

2/ « Attendu que l'article 4 des conditions générales concernant les garanties du contrat stipule que : « parmi les garanties suivantes, seules les garanties précisées aux conditions particulières et, le cas échéant, au courrier notifiant la décision de l'assureur vous sont applicables... ». Attendu que ces clauses sont claires, parfaitement lisibles, explicites et compréhensibles, sans aucune ambiguïté, notamment sur la formation du contrat et son étendue quant aux garanties, qui peuvent être accordées par l'assureur et sur la nécessité de l'acceptation de celui-ci, étant rappelé que la demande d'adhésion ne suffit pas à engager l'assureur. »

3/ « Attendu que les clauses litigieuses ne sont pas des clauses abusives ; qu'elles ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation entre l'assureur et l'adhérent ; qu'elles permettent seulement à l'assureur avant de donner son acceptation d 'apprécier les risques qu'il prend en charge et de couvrir ou non certains des risques proposés, notamment au regard de l'état de santé de l'assuré potentiel et de ses antécédents médicaux, étant rappelé qu'il s'agit en l'espèce d'un contrat d'adhésion et que l'assureur a la possibilité de sélectionner les risques qui lui sont proposés.

Attendu que l'article 1170 du code civil dispose que la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; attendu que les clauses litigieuses ne sont pas des clauses potestatives, qu'elles ne font pas dépendre l'exécution du contrat d'un événement au pouvoir d'une partie en l'occurrence de l'assureur, puisque précisément, le contrat d'assurance lui-même n'existe pas, tant que l'assureur n’a pas notifié son acceptation et les conditions de sa garantie. »

 

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 5 JUIN 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/01432. Appel du jugement TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES, 8 février 2013 : R.G. n° 09/06140.

 

APPELANTE :

SA CNP ASSURANCES

inscrite au RCS de PARIS sous le n° 341 XX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège. Représentée par Maître Laure REINHARD de la SCP REINHARD-DELRAN ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NÎMES

 

INTIMÉES :

Madame X.

née le [date] à [ville] ; Représentée par Maître Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NÎMES ; Représentée par Maître Florence ROZENBLIT, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON, substituée par Maître Perrine CORU, avocat au barreau d'AVIGNON

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE ALPES PROVENCE

société coopérative à capital variable, inscrite au RCS d'AIX EN PROVENCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice ; Représentée par Maître Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NÎMES

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 février 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Daniel MULLER, Président, Mme Nicole BERTHET, Conseiller, Mme Anne-Claire ALMUNEAU, Conseiller, En présence de Mme Cécile JACQUEMET, auditrice de justice

GREFFIER : Madame Véronique PELLISSIER, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS : à l'audience publique du 11 mars 2014, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 juin 2014. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Daniel MULLER, Président, publiquement, le 5 juin 2014, par mise à disposition au greffe de la Cour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I/ - EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre acceptée le 9 juin 2006, réitérée par acte authentique du 20 juin 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a consenti à Madame X. un prêt immobilier de 369.828,87 euros, remboursable en 180 mensualités de 2.604,07 euros chacune.

Le 12 avril 2006, l'emprunteuse a adhéré à un contrat groupe en couverture de ce prêt auprès de la CNP Assurances par l'intermédiaire de la banque.

En mai 2008, Madame X., qui exerçait au moment de la souscription du prêt la profession de pharmacienne, a été opérée d'un cancer du sein, intervention au cours de laquelle a été pratiquée une mammectomie avec reconstruction mammaire immédiate par lambeau musculo-cutané de grand dorsal.

Compte tenu de douleurs dorsales neurophatiques dans le territoire du greffon, Madame X., en arrêt de travail depuis le 27 mai 2008, a été admise au bénéfice de l'allocation invalidité le 13 novembre 2008 (à effet au 1er novembre 2008) et ne peut plus exercer son activité professionnelle.

Suite à la demande présentée par Madame X., de prise en charge par la CNP Assurances au titre de l'incapacité temporaire totale, par courrier du 27 février 2009 le Crédit Agricole l'a informée du refus de cette prise en charge par la CNP aux motifs que sa situation qui ne résultait pas d'une cause accidentelle, ne correspondait pas à une hypothèse garantie. La CNP Assurances a confirmé cette position par courrier du 23 juillet 2009.

Par actes en date des 17 et 25 novembre 2009, Madame X. a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de NÎMES la société Crédit Agricole Alpes Provence et la CNP Assurances, au visa des articles 1108, 1109, 1116, 1134 du Code civil, L. 113-1, L. 141-4 du Code des assurances, et les articles L. 132-1, R. 132-1, L. 312-9 du Code de la consommation, en demandant au Tribunal :

- de dire inopposable à l'assurée l'exclusion de garantie dont se prévaut la CNP Assurances et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence,

- de constater la violation de l'obligation de conseil et d'information mise à la charge des défendeurs,

- dire abusive la résistance manifestée par la CNP Assurances et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence,

- en conséquence, de condamner les défenderesses à lui payer solidairement la somme de 408.838,99 euros en réparation de son préjudice matériel, la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du son préjudice moral et celle de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

Par jugement du 8 février 2013, le Tribunal de Grande Instance de NÎMES a statué en ces termes :

« Dit que la limitation de la garantie Incapacité Temporaire de Travail aux seules incapacités d'origine accidentelle n'est pas opposable à Madame X.,

Condamne en conséquence la CNP Assurances à prendre en charge au titre de la garantie incapacité totale de travail, dont Madame X. justifie relever depuis le 27 mai 2008, le règlement des échéances du prêt immobilier souscrit auprès de la Société Crédit Agricole Alpes Provence les 9 et 20 juin 2006, dans les conditions visées aux conditions particulières et au paragraphe 4-3-3 des conditions générales du contrat d'assurances,

Condamne la CNP Assurances à payer à Madame X. la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. »

 

La CNP Assurances a relevé appel de cette décision et par conclusions du 2 janvier 2014 (RPVA), elle demande à la Cour de :

« Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la CNP Assurances contre le jugement rendu le 8 février 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NÎMES,

- Réformer la décision entreprise,

- Statuant à nouveau,

Vu les conditions générales et particulières du contrat d'assurance,

Vu l'article 1134 du Code civil,

- Dire et juger parfaitement opposables à Madame X. les conditions d'admission dans l'assurance,

- Dire et juger que Madame X. ne justifie pas d'une atteinte corporelle d'origine accidentelle, conformément à la définition du contrat d'assurance,

Par conséquent,

-Débouter Madame X. de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- La condamner au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP REINHARD DELRAN,

À titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que toute éventuelle prise en charge des échéances du prêt ne pourra s'effectuer que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d'assurance, à charge pour ce dernier de rembourser à l'assurée les sommes dont elle aurait fait l'avance,

- Dire et juger qu'aucune prise en charge ne pourra être ordonnée jusqu'au terme du crédit,

- Débouter Madame X. de toute autre demande. »

La CNP fait valoir que Madame X. a demandé le 12 avril 2006 à adhérer pour le prêt souscrit auprès du Crédit agricole au contrat E pour les garanties décès, PTIA, ITT ; qu'elle a reconnu avoir reçu un exemplaire lors de la signature de la demande d'adhésion à l'assurance des conditions générales et particulières, valant notice d'assurance ;

que les conditions générales mentionnent expressément de façon claire et précise que sa demande d'adhésion est soumise à l'acceptation de l'assureur lequel pouvait notamment accepter la demande, après examen du dossier avec réserve, écartant certaines pathologies ou certaines garanties ;

que Madame X. a été informée par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juin 2006 de la décision de l'assureur et des conditions de son acceptation.

Elle indique que Madame X. a librement choisi d'adhérer aux stipulations contractuelles et de signer l'offre de prêt et l'acte de prêt notarié, avant de connaître la décision d'admission de la CNP.

L'appelante soutient également que Madame X. a bien reçu tous les documents d'information qui sont la synthèse du contrat de groupe et qui s'intitulent « conditions générales valant notice d'assurance » et « conditions particulières ».

Elle conclut qu'elle a bien établi une « notice » d'assurance énumérant les risques garantis, les exclusions, les modalités de mise en jeu de l'assurance et les formalités à accomplir en cas de sinistre de manière synthétique, claire et précise.

Elle ajoute que les conditions d'admission dans l'assurance ne constituent pas une clause d'exclusion mais une restriction de garantie.

La CNP explique également que le contrat d'assurance ne se forme pas au moment de la demande d'adhésion, mais au moment de l'acceptation par l'assureur dans les termes et limites de cette acceptation ;

qu'en l'espèce, Madame X. a bien été informée de la limitation de couverture accordée et ce largement avant le sinistre ; qu'il n'y a donc pas eu de modification des conditions contractuelles.

Sur la non prise en charge, la CNP indique que l'affection dont souffre Madame X. résulte d'un état pathologique d'origine interne, et non d'une origine accidentelle.

Sur l'appel incident formé par Madame X., la CNP réplique que :

- il ne pèse sur l'assureur aucun devoir de conseil et d'information ; qu'elle n'a donc commis aucune faute,

- les clauses des articles 3-1 et 4 critiquées des conditions générales ne sont ni abusives ni potestatives ;

- que l'article 4 des conditions générales constitue l'objet principal du contrat ;

- que les articles 4 et 3-1 ne créent pas un déséquilibre dont la preuve de l'existence ne saurait résulter de la seule limitation de garantie.

Elle rappelle qu'en matière d'assurance de personnes, la sélection par l'assureur des risques qu'il prend en charge revêt une importance majeure ; qu'il n'est pas contraint de couvrir tous les risques qui lui sont proposés.

Elle indique en outre que les clauses ne sont pas potestatives dès lors que l'exécution du contrat dépend de l'état de santé de l'assuré.

 

Par conclusions du 17 février 2014 (RPVA), Madame X. demande à la Cour de :

« Statuant sur l'appel formé par la SA CNP à l'encontre du jugement rendu le 8 février 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NÎMES,

- Le déclarer mal fondé,

- Dire et juger engagée la responsabilité de la CRCAM et de la CNP,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la limitation incapacité temporaire de travail aux seules incapacités d'origine accidentelle n'était pas opposable à Madame X.,

Faisant droit à l'appel incident de la concluante,

- Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté certaines des demandes indemnitaires de Madame X.,

En conséquence,

- Condamner le Crédit Agricole Alpes Provence et CNP Assurances in solidum à verser à Madame X. les échéances dont elle a dû faire l'avance au titre des échéances d'emprunt acquittées par ses soins seule depuis le 27 mai 2008, date de son premier arrêt, jusqu'au jour de la décision à intervenir,

- Condamner la CNP à s'acquitter mensuellement entre les mains de la CRCAM des échéances d'emprunt restant dues jusqu'au terme du prêt souscrit par Madame X.,

En tout état de cause,

- Débouter la CNP Assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- Débouter le Crédit Agricole Alpes Provence de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- Condamner le Crédit Agricole Alpes Provence et CNP Assurances à verser in solidum à Madame X. la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral,

- Condamner le Crédit Agricole Alpes Provence et CNP Assurances in solidum à verser à Madame X. la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Emmanuelle VAJOU en application de l'article 699 du Code de procédure civile. »

Madame X. soutient que ni le Crédit Agricole ni la CNP n'ont respecté leurs obligations d'information et de conseil ; que le devoir d'éclairer porte tant sur la définition des garanties que sur la suffisance ou non des garanties choisies selon la situation personnelle de l'adhérent ;

que la notice d'information ne lui a jamais été remise ; que les conditions générales et les conditions particulières ne lui ont été jamais remises.

Elle considère que le néophyte auquel rien n'est expliqué ne peut qu'être convaincu que l'assurance est acquise en son principe et son étendue, en rapport avec la couverture visée sur la demande d'adhésion.

Elle indique que le courrier du Crédit Agricole daté du 19 juin 2006, reçu le 22 juin 2006, qui l'informe de l'étendue de la garantie de la CNP postérieur à la signature du prêt ne lui est pas opposable.

Elle conteste avoir eu connaissance du courrier du 16 juin 2006 adressé par la Banque à Maître R. et estime qu'il s'agit d'une preuve constituée à soi-même.

Elle considère que la faute professionnelle du Crédit Agricole et de la CNP dont les documents sont totalement illisibles est pleinement établie.

Elle invoque en outre le caractère accidentel du sinistre, au motif que les douleurs ressenties ne sont pas liées à sa maladie, mais sont liées à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie.

L'intimée invoque en outre :

* le caractère abusif des clauses des articles 3-1 et 4 des conditions générales du contrat d'assurance, estimant qu'elles créent un déséquilibre significatif dans la relation entre le professionnel de l'assurance et le consommateur, la possibilité étant donnée à l'assureur de modifier unilatéralement les conditions afférentes aux droits dont pouvait bénéficier le « débiteur » du contrat.

* la condition potestative de l'article 4.

Sur son préjudice, elle fait valoir qu'elle a subi un préjudice sur le fondement de la perte de chance et sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.

Elle sollicite le remboursement des avances faites et la prise en charge des échéances d'emprunt, ainsi que l'indemnisation de son préjudice moral.

 

Par conclusions du 5 février 2014 (RPVA), la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence demande à la Cour de :

« Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formulées par Madame X., auprès du Crédit Agricole ALPES PROVENCE,

Faisant droit à l'appel incident de la concluante,

- Réformer la décision en ce qu'elle a déclaré inopposable à Madame X. la limitation de la garantie ITT aux seules incapacités d'origine accidentelle,

Recevant la concluante dans toutes ses demandes, fins et conclusions, y faisant droit,

- Constater que la concluante a rempli ses obligations d'information et de conseil envers Madame X. et qu'elle a bien été destinataire des conditions de garantie par le courrier du 19 juin 2006,

- Rejeter toutes prétentions adverses comme injustes et mal fondées et rejeter plus particulièrement toutes demandes de Madame X. à l'encontre du Crédit Agricole Alpes Provence,

- Condamner Madame X. à payer au Crédit Agricole Alpes Provence la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de l'avocat soussigné. »

Le Crédit Agricole soutient que le Tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant que la notification par courrier du 19 juin 2006 était inopposable à Madame X. ;

Que le contrat d'assurance n'a été définitivement formé entre les parties qu'à réception par Madame X. de la confirmation d'adhésion sous réserve des conditions exprimées dans le courrier du 16 juin 2006 ;

Que l'affection dont souffre Madame X. résulte d'un état pathologique d'origine interne ;

Que Madame X. n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été correctement informée de l'étendue du risque garanti en cas d'ITT.

Sur son obligation de conseil et d'information, le Crédit Agricole fait valoir que Madame X. a reçu la notice d'information ; qu'elle a disposé d'une information définissant les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ;

Qu'en ce qui concerne le devoir de conseil, l'appréciation de l'adéquation de la couverture des risques n'était pas possible alors que le risque n'était pas identifié.

L'ordonnance de clôture a été prononcée à effet au 27 février 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II/ - MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que Mme X. a souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alpes Provence un prêt immobilier, suivant acte notarié du 20 juin 2006 faisant suite à une offre du 5 mai 2006, acceptée le 9 juin 2006.

Attendu que dans le cadre de cette opération, Mme X. a signé le 12 avril 2006 une demande d'adhésion au contrat d'assurance de groupe de la Caisse nationale de Prévoyance (CNP).

Attendu que dans cette demande d'adhésion, qu'elle a signée, elle certifie en ces termes que « le prêteur m'a remis un exemplaire des conditions générales (ref. CG ADI 01.2002) et particulières, valant notice d'assurance dont j'atteste avoir pris connaissance ».

Attendu qu'il convient de relever que cette mention est parfaitement apparente et lisible et que certaines parties sont en outre formulées en caractère gras (telle : « certifie et atteste avoir pris connaissance ») ;

Attendu que ces documents (conditions générales valant notice d'information et conditions particulières) sont également annexés à l'acte authentique de prêt.

Attendu que Mme X. a bien eu connaissance de ces documents au temps de la signature de l'acte.

Attendu que ces conditions générales valant notice d'information et les conditions particulières remises à Mme X. contiennent et définissent de manière claire et précise les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre, conformément aux dispositions de l'article L. 141-4 du code des assurances ; qu'il y est notamment formulé l'objet du contrat, les conditions de l'adhésion, la prise d'effet du contrat, les garanties, leur durée, les exclusions, le règlement des prestations.... ; que les conditions particulières précisent les risques assurables avec la mention apparente suivante : « sous réserve de l'acceptation par l'assureur et des cas d'exclusion ».

Attendu que plus spécialement, l'article 3 des conditions générales concerne la prise d'effet du contrat et prévoit en son article 3-1 Décision de l'assureur et Notification :

« Au terme de l'examen de votre dossier, l'assureur peut :

* accepter la demande :

- au taux de base du contrat

- ou à un taux majoré.

Dans les deux cas, cette acceptation peut être donnée :

- sans réserve : elle vaut pour tous les risques à couvrir,

- avec réserve : elle écartera alors certaines pathologies ou certaines garanties

* ajourner la décision...

Vous serez informé(e) par écrit de l'acceptation avec réserve et /ou avec taux majoré...

Que l'article 3-2 précise que « l'assurance prend effet à la plus tardive des deux dates suivantes :

- date mentionnée dans le contrat ou l'offre de prêt

- date d'accord de l'assureur notifié au prêteur... ».

Attendu que l'article 4 des conditions générales concernant les garanties du contrat stipule que : « parmi les garanties suivantes, seules les garanties précisées aux conditions particulières et, le cas échéant, au courrier notifiant la décision de l'assureur vous sont applicables... ».

Attendu que ces clauses sont claires, parfaitement lisibles, explicites et compréhensibles, sans aucune ambiguïté, notamment sur la formation du contrat et son étendue quant aux garanties, qui peuvent être accordées par l'assureur et sur la nécessité de l'acceptation de celui-ci, étant rappelé que la demande d'adhésion ne suffit pas à engager l'assureur.

Attendu que le contrat d'assurance de groupe est formé non au moment de la demande d'adhésion mais au moment de la notification par l'assureur de son acceptation et dans les limites de celle-ci et le bénéficiaire de l'assurance, en l’occurrence Mme X., en était parfaitement informé ainsi qu'il a été précédemment indiqué.

Attendu que par courrier du 19 juin 2006 dont l'avis de réception été signé par Mme X. le 21 juin 2006, le Crédit Agricole l'informe de la suite favorable donnée par l'assureur à sa demande d'adhésion au contrat d'assurance groupe et lui indique les conditions de cette acceptation, à savoir acceptation au taux majoré en vigueur pour l'ensemble des garanties prévues au contrat :

« - décès

- perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA)

- incapacité temporaire totale (ITT) d'origine accidentelle uniquement

En conséquence, vous pourrez demander une prise en charge en cas de sinistre ITT d'origine accidentelle. Nous vous précisons que l'accident s'entend de toute atteinte corporelle résultant directement de l'action soudaine d'une cause extérieure et non intentionnelle de la part de l'assuré.

Le présent courrier constitue avec les conditions générales et particulières déjà en votre possession, votre certificat d'assurance... »

Attendu que les conditions, les risques et l'étendue des garanties sont exprimés et expliqués de manière précise.

Attendu que ce courrier a été reçu par Mme X. certes postérieurement à la signature de l'acte authentique de prêt, mais il demeure que Mme X. savait à ce moment-là que la CNP n'avait pas encore donné son accord ; qu'elle ignorait donc si elle serait prise en charge et dans l'affirmative à quelles conditions de garantie ; qu'elle a cependant signé l'acte en toute connaissance de cause, sans attendre la réponse de l'assureur, alors qu'elle était parfaitement informée de ce que l'assureur pouvait refuser d'accorder sa garantie ou limiter les garanties accordées, et ce notamment après et en fonction des examens médicaux, auxquels elle devait se soumettre, examens qui éclairent l'assureur sur l'état de santé de la personne candidate à l'assurance et donc sur les risques à assurer, qu'il apprécie et qu'il sélectionne et ce d'autant qu'en l'espèce, il apparaît au vu des documents médicaux et de l'attestation médicale d'incapacité produits par l'intimée que Mme X. avait un antécédent pour avoir été opérée le 15 octobre 1988 d'un adénocarcinome du sein droit ;

qu'il convient par ailleurs d’observer que par courrier du 16 juin 2006 adressé à Maître R. et annexé à l'acte authentique, le Crédit Agricole informe le notaire de ce que l'adhésion de Mme X. n'a pas été encore décidée par la CNP mais qu'il accepte le maintien du prêt et sa réalisation sous réserve que Mme X. accepte que le prêt soit réalisé avant qu'une décision ait été prise par la CNP et reconnaisse avoir été parfaitement informée qu'en cas de refus de la CNP la Caisse régionale du Crédit Agricole se réserve le droit de demander le renforcement des garanties initialement prévues pour le financement en référence et/ou la souscription d'un contrat d'assurance auprès d'un organisme extérieur au Crédit Agricole.

Attendu que ce courrier est annexé à l'acte authentique de prêt ; qu'encore, l'acte authentique rappelle expressément en ce qui concerne l'assurance décès invalidité que la prise d'effet de l'assurance est reportée à la date de notification par l'assureur de son accord au prêteur lorsque cette notification survient postérieurement aux dates ci-dessus (date de signature du contrat de prêt ou date de l'acceptation de l'offre) pour les prêts soumis à la loi Scrivener.

Attendu que Mme X. savait que l'acceptation de l'assureur et donc les conditions de garantie et les risques assurés ne pouvaient intervenir qu'après des examens médicaux qu'elle devait effectuer ;

qu'en effet, par lettre recommandée du 12 mai 2006 dont elle a signé l'avis de réception le 16 mai 2006, le Crédit Agricole lui indiquait les examens biologiques demandés par l'assureur et lui précisait que dans l'intervalle, elle n'était pas assurée pour le financement concerné.

Attendu qu'en l'état de l'ensemble de ces constatations et des documents produits (conditions, contrat, courriers...), il résulte que :

- Mme X. a reçu tous les éléments d'information nécessaires et suffisants sur les conditions du contrat et les garanties et les possibilités de limitation que se réservait l'assureur,

- les clauses invoquées sont claires, apparentes et explicites et ne souffrent d'aucune ambiguïté,

- le contrat n'est formé que par l'acceptation de l'assureur et selon les conditions de garanties qu'il a expressément indiquées dans la notification du 19 juin 2006 (qui prévoit une limitation de garantie et non une exclusion),

- Mme X. était informée que cette acceptation était nécessaire pour que sa demande d'adhésion soit suivie d'effet et que l'assureur avait la possibilité de limiter les garanties,

- la limitation de la garantie ITT aux seules incapacités d'origine accidentelle, clairement mentionnée dans le courrier de notification de l'acceptation du 19 juin 2006 est donc opposable à Mme X.

Que le jugement déféré doit être infirmé de ce chef.

Attendu que les clauses litigieuses ne sont pas des clauses abusives ; qu'elles ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation entre l'assureur et l'adhérent ; qu'elles permettent seulement à l'assureur avant de donner son acceptation d 'apprécier les risques qu'il prend en charge et de couvrir ou non certains des risques proposés, notamment au regard de l'état de santé de l'assuré potentiel et de ses antécédents médicaux, étant rappelé qu'il s'agit en l'espèce d'un contrat d'adhésion et que l'assureur a la possibilité de sélectionner les risques qui lui sont proposés.

Attendu que l'article 1170 du code civil dispose que la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; attendu que les clauses litigieuses ne sont pas des clauses potestatives, qu'elles ne font pas dépendre l'exécution du contrat d'un événement au pouvoir d'une partie en l'occurrence de l'assureur, puisque précisément, le contrat d'assurance lui-même n'existe pas, tant que l'assureur n’a pas notifié son acceptation et les conditions de sa garantie.

Attendu que l'arrêt de travail de Mme X. n'est pas d'origine accidentelle mais trouve sa cause dans un état pathologique d'origine interne (cancer du sein droit) ainsi qu'il résulte des documents médicaux produits.

Attendu que Mme X. doit en conséquence être déboutée de sa demande de prise en charge.

Attendu qu'aucun défaut d'information ou de conseil ne peut être reproché ni à la CNP et ni au Crédit agricole au vu des documents clairs et précis fournis, au moment de l'adhésion et des précisions et indications apportées par les courriers susvisés ; que Mme X. a passé l'acte de prêt sans attendre la réponse de la CNP alors qu'elle avait été informée de ce que l'acceptation de l'assureur (et par là-même les conditions de la garantie ) était nécessaire d'autant qu'elle avait été soumise à des vérifications biologiques qu'elle savait déterminantes.

Attendu en conséquence qu'aucune faute n'étant démontrée à l'encontre tant du prêteur que de l'assureur, Mme X. doit être déboutée de ses demandes d'indemnisation de préjudices au titre de la perte de chance.

Attendu que Mme X. doit être déboutée de toutes ses demandes et le jugement déféré infirmé en ce qu'il a dit qu'il a déclaré inopposable à Mme X. la limitation de garantie incapacité temporaire totale de travail (ITT) aux seules incapacités d'origine accidentelle et a condamné la CNP assurance à prendre en charge au titre de la garantie incapacité totale de travail dont Mme X. justifie relever depuis le 27 mai 2008 le règlement des échéances du prêt immobilier souscrit auprès de la société Crédit agricole Alpes Provence les 9 et 20 juin 2006 dans les conditions visées aux conditions particulières et au paragraphe 4-3-3 des conditions générales du contrat d'assurance.

 

Sur les frais et dépens de la procédure :

Attendu que Mme X., qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel ; qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la CNP et du Crédit agricole les frais hors dépens qu'ils ont exposés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Réformant le jugement déféré :

Déclare opposable à Mme X. la limitation de garantie incapacité temporaire totale de travail (ITT) aux seules incapacités d'origine accidentelle,

Déboute Mme X. de sa demande de prise en charge au titre de la garantie incapacité temporaire totale (ITT),

Confirme en ses autres dispositions, à l'exception de celles relatives aux frais et dépens, le jugement déféré,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP REINHARD-DELRAN et de la SCP TOURNIER-BARNIER- GARCIA- BRENGOU avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur MULLER, Président et par Madame PELLISSIER, Greffier.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,