CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 30 janvier 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5026
CA REIMS (1re ch. civ. sect. instance), 30 janvier 2015 : RG n° 14/01189
Publication : Jurica
Extrait : « Le vendeur est tenu de délivrer un bien présentant les caractéristiques spécifiées par la convention des parties. C'est pertinemment que le premier juge a relevé que le kilométrage était qualifié de « non garanti » et que cet élément avait été volontairement exclu du champ contractuel et ne pouvait en conséquence caractériser une qualité substantielle de la chose vendue et que s'agissant d'un vendeur non professionnel, les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation n'étaient pas applicables la clause exonératoire de responsabilité ne pouvant être qualifiée d'abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE REIMS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. : 14/01189. Jugement rendu le 31 mars 2014 par le tribunal d'instance de Troyes (RG 11-13-000680).
APPELANT :
Monsieur X.
Comparant, concluant par la SCP George-Chassagnon, avocats au barreau de l'Aube
INTIMÉ :
Monsieur Y.
Comparant, concluant par Maître Pascal Guillaume, avocat au barreau de Reims, et par Maître Xavier Honnet, avocat au barreau de l'Aube
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Lafay, présidente de chambre, Madame Lefèvre, conseiller, Madame Magnard, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE : Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé
DÉBATS : À l'audience publique du 9 décembre 2014, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 janvier 2015,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Lafay, présidente de chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X. a acquis auprès de Monsieur Y. un véhicule de marque BMW 530 le 10 septembre 2012 pour un montant de 6.000 euros le compteur affichant 165.200 kilomètres et le certificat de vente mentionnant « 165.200 km NON GARANTI ».
Monsieur X. a fait remplacer les disques et plaquettes de freins par le garage A. à [ville R.] qui a le 13 octobre 2012 édité une facture pour un montant de 1.355,71 euros, le kilométrage affiché étant de 165.961 km.
Le 22 octobre 2012, Monsieur X. a présenté le véhicule au concessionnaire BMW « Brienne Auto » qui a établi un devis pour le remplacement du capteur de la pompe à essence du niveau de carburant pour un montant de 232,19 euros.
La lecture de la clé de contact a fait apparaître un kilométrage de 249.183 kilomètres.
Pacifica, compagnie d'assurance de Monsieur X., a fait procéder à une expertise amiable à laquelle Monsieur Y. n'a pas participé.
Monsieur X. a, par acte du 6 juin 2013, fait assigner Monsieur Y. devant le tribunal d'instance de Troyes pour voir prononcer la nullité de la vente du véhicule et condamner Monsieur Y. à lui restituer la somme de 6.000 euros et à lui payer celle de 1.640,26 euros au titre des frais accessoires le tout avec intérêts à compter de l'assignation et celle de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur Y. a conclu à titre principal à l'irrecevabilité de la demande et à titre subsidiaire à son mal fondé. Il a sollicité paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Par jugement du 31 mars 2014, le tribunal d'instance de Troyes a déclaré l'action recevable, a débouté Monsieur X. de sa demande en annulation et l'a condamné à payer à Monsieur Y. la somme de 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur X. a relevé appel de cette décision.
Selon écritures du 5 juin 2014, il demande à la cour de prononcer la résolution de la vente et de condamner Monsieur Y. à lui payer la somme de 6.000 euros constituant le prix d'acquisition, celle de 1.640,26 euros au titre des frais le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et celle de 3.000 euros pour résistance abusive et de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le vendeur ne pouvait ignorer le nombre de kilomètres parcourus réellement par le véhicule et a manqué à son devoir d'information et de délivrance conforme et ajoute que le véhicule était atteint de vices rédhibitoires.
Le 1er août 2014, Monsieur Y. conclut à la confirmation de la décision.
Il indique que les vices allégués sont visibles et liés à la vétusté et que l'indication du kilométrage avait été suivie de la mention non garantie sur l'acte de cession et qu'en conséquence Monsieur X. a accepté l'aléa lié au kilométrage.
Il sollicite paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 novembre 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la cour :
L'expert mandaté par la compagnie d'assurance a convoqué Monsieur Y. qui n'est pas venu, son avocat ayant indiqué que son client contestait sa responsabilité.
L'expert constate le 3 janvier 2013 que :
- le véhicule affiche 166.322 km au compteur,
- le véhicule est affaissé à l'arrière suite à un défaut de suspension,
- la jauge droite de carburant de tableau de bord ne fonctionne pas,
- présence d'une étiquette collée sur le pied de caisse G, pratiquement déchirée et sur laquelle le début d'un kilométrage 235... est visible,
- les disques et plaquettes de freins AV et AR sont hors côte,
- l'interrogatoire que nous avons demandé d'effectuer sur banc électronique fait apparaître à l'ordinateur un kilométrage parcouru de 249.400 km.
Le rapport concluait à un défaut de conformité.
Le représentant de la société Pacifica faisait savoir à Monsieur Y. que Monsieur X. estimait que la vente devait être annulée et qu'il devait lui rembourser le montant du prix soit 6.000 euros et les frais accessoires pour un montant de 1.120 euros, demande réitérée par courrier du 25 janvier 2013.
Le 12 février 2013, le conseil de monsieur Y. sollicitait copie du rapport d'expertise permettant d'établir que le kilométrage de la vente et précisait que si le kilométrage était effectivement erroné son client rembourserait 6.000 euros mais que s'agissant d'une proposition transactionnelle envisageable, Monsieur X. devrait conserver les frais à sa charge.
Sur le manquement à l'obligation de délivrance et le défaut d'information :
Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Le vendeur est tenu de délivrer un bien présentant les caractéristiques spécifiées par la convention des parties.
C'est pertinemment que le premier juge a relevé que le kilométrage était qualifié de « non garanti » et que cet élément avait été volontairement exclu du champ contractuel et ne pouvait en conséquence caractériser une qualité substantielle de la chose vendue et que s'agissant d'un vendeur non professionnel, les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation n'étaient pas applicables la clause exonératoire de responsabilité ne pouvant être qualifiée d'abusive.
Monsieur X. invoque la nullité du contrat pour défaut d'information sur les qualités substantielles de la chose.
Outre que le kilométrage ne peut être qualifié de qualité substantielle, rien ne permet d'établir que Monsieur Y. savait que le kilométrage réel du véhicule vendu ne correspondait pas à celui figurant sur le compteur, le simple fait que l'expert ait mentionné l'existence d'une étiquette collée sur le pied de caisse étant insuffisant à apporter la preuve de cette connaissance.
Sur la garantie des vices cachés :
L'appelant est en droit à hauteur d'appel d'invoquer un nouveau fondement juridique.
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage à laquelle on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Il y a lieu de préciser que le véhicule a fait l'objet d'un contrôle technique le 27 août 2012, (mentionné dans le rapport d'expertise et donc remis à l'acquéreur) qui faisait apparaître quatre défauts à corriger sans contre visite.
Dans ses conclusions, l'acquéreur n'indique nullement de quels défauts cachés il se prévaut.
Le rapport d'expertise relève que le véhicule est affaissé sur l'arrière, que la jauge à essence ne fonctionne pas et mentionne l'usure des disques et plaquettes de frein, défauts visibles liés à la vétusté du véhicule âgé de 11 ans qui n'empêchaient pas la voiture de rouler, l'expert ne signalant pas dans son rapport que le véhicule est immobilisé.
Monsieur X. échoue dans la preuve, qui lui incombe, d'une diminution de l'usage, en lien avec ces défauts, telle qu'il n'aurait pas acquis le véhicule ou qu'il l'aurait acquis à un moindre prix.
La résistance de Monsieur Y. n'étant pas abusive, Monsieur X. est débouté de sa demande en dommages et intérêts.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
Confirme la décision contestée en toutes ses dispositions,
Déboute Monsieur X. de sa demande en dommages et intérêts et de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X. à payer à Monsieur Y. la somme de 800 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne Monsieur X. aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6477 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (9) - Obligations du vendeur - Clauses exonératoire et limitatives de responsabilité
- 6489 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente de véhicules automobiles - Voiture d’occasion