CA METZ (ch. com.), 27 janvier 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5034
CA METZ (com.), 27 janvier 2015 : RG n° 12/02421 ; arrêt n° 15/00042
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que, de même, ajouter l'interdiction de démembrer le fonds aux conditions particulièrement favorables prévues par le contrat au profit du franchiseur par rapport à celles reconnues au franchisé, reviendrait à instituer une clause abusive entraînant un déséquilibre significatif entre les parties notamment en termes de responsabilité en cas de rupture de contrat, dès lors qu'en pareil cas la convention souscrite prévoit à l’encontre du franchiseur des dommages et intérêts d'un montant équivalant à une année de cotisation de franchise (article 7 alinéa 7) alors qu'ils sont d'au-moins deux années de cotisation pour le franchisé (article 7 alinéa 3) ;
Attendu en conséquence que l'article 11 du contrat qui dispose que : Le présent contrat est conclu entre le franchiseur et le franchisé en raison de la personne de ce dernier. En cas de cession de fonds de commerce par le franchisé ou dans le cas où ce dernier ne l'exploiterait plus lui-même directement, le franchiseur aura la possibilité d'y mettre fin aussitôt.... ne saurait s'interpréter comme une prérogative au profit du franchiseur grâce à laquelle il s'arrogerait le droit de décréter que le démembrement du fonds prévu dans un compromis de vente équivaut à une faute du franchisé sur le fondement de laquelle il pourrait mettre fin au contrat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 27 JANVIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G : 12/02421.
APPELANTE :
SAS PRODIM devenue CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE
prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège de la société, dont le siège social est sis : [adresse] ; Représentant : Maître David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant, Maître Bertrand CHARLET, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant
INTIMÉES :
SARL KLEMON
prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège de la société, dont le siège social est sis : [adresse] ; Représentant : Maître Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE
prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège de la société dont le siège social est sis : [adresse] ; Représentant : Maître Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant, Maître Michel TROMBETTA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : PRÉSIDENT : Monsieur MESSIAS, Président de Chambre, ASSESSEURS : Madame KNAFF, Conseiller, Madame CUNIN WEBER, Conseiller
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Madame MALHERBE
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 14 octobre 2014 ;
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe, selon les dispositions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, le 27 janvier 2015.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société KLEMON SARL exploite depuis 1997 à [ville S.] une activité de boucherie à laquelle elle a adjoint une activité de boulangerie industrielle et d'épicerie ;
Par acte sous seing privé du 31 octobre 2003, elle obtient de la SAS PRODIM devenue CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE SAS (ci-après la SOCIÉTÉ CARREFOUR) une franchise d'une durée de sept ans renouvelable lui permettant d'exploiter son fonds de commerce à prédominance alimentaire sous l'enseigne 8 à huit ;
Par autre acte sous seing privé du 13 avril 2006, la société KLEMON SARL et la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE (ci-après la SOCIÉTÉ CASINO) conviennent, sous réserve de l'agrément de la SOCIÉTÉ CARREFOUR comme l'exige l'article 4.2 du contrat de franchise, d’une cession du fonds à l'exclusion de la branche boucherie-charcuterie traditionnelle et de la fabrication du point chaud ;
Par courrier notifié le 12 juillet 2006, la SOCIÉTÉ CARREFOUR refuse de donner son agrément à cette opération et, se fondant sur diverses violations du contrat de franchise par la société KLEMON SARL, décide de résilier unilatéralement le contrat de franchise en se prévalant des manquements de la société franchisée ;
Par acte authentique du 21 juillet 2006, la cession prévue par l'acte sous seing privé du 13 avril 2006 est réalisée entre KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO moyennant un prix de 230.000,00 euros ;
Les 4 et 5 novembre 2008, la SOCIÉTÉ CARREFOUR a assigné la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO devant le Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES au motif que la rupture du contrat est intervenue aux torts de la société KLEMON SARL dès lors que cette dernière a violé le pacte de préférence en cédant une partie de son fonds de commerce à un concurrent, la SOCIÉTÉ CASINO, sans lui permettre de faire jouer ses droits de préférence et d’agrément contractuel. Elle fait en outre grief à la société KLEMON SARL d'avoir violé la clause de non-réaffiliation prévue par l'article 7 du contrat en ce sens que le démembrement du fonds de commerce qui réserverait un local destiné à l'activité boucherie et produits frais, toutes deux demeurant la propriété de la société KLEMON SARL, ne prend pas en compte le fait que ladite boucherie ne bénéficie pas d'un accès direct depuis l'extérieur, de sorte que rien ne concrétise la séparation entre cette activité et le reste des rayons. Ainsi la société KLEMON demeure tributaire du magasin SPAR, filiale du groupe CASINO, et, ce faisant, utilise au moins indirectement l’enseigne SPAR en contravention de la clause de non-réaffiliation. La SOCIÉTÉ CARREFOUR dénonce enfin une tierce complicité, telle que prévue par l'article 1165 du code civil, la faute imputée à la SOCIÉTÉ CASINO est d'être l'instigatrice du projet qui lui a été dénoncée, d'avoir modifié le compromis de vente qui lui avait été soumis et l'acte définitif puisque le compromis en date du 13 avril 2006 prévoyait que CASINO sera subrogé dans tous les droits et obligations du cédant résultant du contrat de franchise et devra en faire son affaire personnelle sous réserve de l'agrément du franchiseur tandis que dans la version définitive cette clause a disparu après modification par le notaire rédacteur de l'acte agissant sur ordre de la SOCIÉTÉ CASINO. L'aide complice apportée par la SOCIÉTÉ CASINO s'est concrétisée par la prise en charge du contentieux ainsi généré. La SOCIÉTÉ CARREFOUR considère qu'est ainsi établie une faute commise par la SOCIÉTÉ CASINO, que celle-ci a occasionné un préjudice de 53.819,28 euros, correspondant à la perte des cotisations que son franchisé aurait dû lui verser jusqu'au terme du contrat de franchise, soit pendant 51 mois et que le lien de causalité entre la faute et le dommage causé, conformément à l’article 1382 du code civil, n'est pas contestable. La SOCIÉTÉ CARREFOUR fait valoir de surcroît que la violation de la clause de non-réaffiliation a porté une atteinte au réseau dont elle évalue la réparation à des dommages et intérêts d'un montant de 150.000 euros ;
La société KLEMON SARL, rappelle que, petite boucherie locale, elle fait les frais de la guerre commerciale que se livre les deux grandes puissances de la distribution que sont la SOCIÉTÉ CARREFOUR et la SOCIÉTÉ CASINO. Outre le grief qu'elle adresse à la SOCIÉTÉ CASINO d’avoir opposé le silence à ses sollicitations quand le juge des référés lui a ordonné de déposer l’enseigne SPAR et de retirer de la vente les produits appartenant à CASINO, la société KLEMON SARL reproche à la SOCIÉTÉ CASINO ne pas l'avoir assistée se montrant par là-même déloyale à son égard. Elle précise que si la SOCIÉTÉ CASINO n'est pas partie au contrat de franchise, elle est le négociateur et le rédacteur des circonstances de la rupture du contrat de franchise critiquée par la SOCIÉTÉ CARREFOUR. La société KLEMON SARL estime que la SOCIÉTÉ CASINO l’a laissée dans l'ignorance des conséquences possibles de la vente d'une partie de son fonds de commerce à une autre grande enseigne avec laquelle elle allait partager ses locaux. Dans ces conditions, la société KLEMON estime que la SOCIÉTÉ CASINO a manqué à son obligation de négocier de bonne foi, a fait preuve de déloyauté puisque, alors que le compromis de vente n'était pas signé, elle a donné des instructions contraires au notaire chargé de la rédaction de l'acte de vente définitif consistant à faire supprimer l'alinéa protégeant la société KLEMON. S'agissant de la contravention à la clause de non-réaffiliation par la société KLEMON SARL, celle-ci considère qu'elle est sans fondement à partir du moment où elle a cédé une partie de son fonds au groupe CASINO qui est un tiers au contrat de franchise et que c'est ce tiers qui exploite sous sa propre enseigne, elle-même n'exploitant que la boucherie et le point chaud, c'est à dire les produits frais. Enfin, la société KLEMON SARL rappelle que c'est la SOCIÉTÉ CARREFOUR qui a généré cette situation puisqu'elle a été dûment informée du projet de cession et n'a pas cru devoir user de son droit de priorité de rachat. Au final, la société KLEMON SARL sollicite sa mise hors de cause et l'octroi d'une somme de 20.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la charge de chacun des deux grands réseaux de distribution ;
La SOCIÉTÉ CASINO rappelle qu'elle n'est ni l'ayant cause, ni l'ayant droit de la société KLEMON SARL et qu'en conséquence, la vente du fonds de commerce par cette dernière à son profit n'emporte pas de plein droit cession à sa charge du passif des obligations dont la société KLEMON SARL pouvait être tenue en raison des engagements qu'elle avait pu prendre initialement. S'agissant de la modification intervenue entre le compromis de vente et l’acte de vente définitive opérée à sa demande par le notaire, la SOCIÉTÉ CASINO explique que la formule contenue dans le compromis était en contradiction avec les autres stipulations du projet du compromis de cession et que c'est seulement l'alinéa qui prévoyait la subrogation du cessionnaire dans les droits et obligations du cédant qui a été supprimé dans l'acte définitif de vente. La société KLEMON SARL, comme la SOCIÉTÉ CARREFOUR, ne pouvaient sérieusement prétendre avoir cédé le fonds de commerce à la SOCIÉTÉ CASINO dans la croyance que celle-ci l'exploiterait sous l'enseigne de sa concurrente et pour écouler les produits de la marque tiers 8 à HUIT. Dès lors, la société KLEMON SARL ne peut soutenir avoir été trompée et, en conséquence, il ne peut être fait grief à la SOCIÉTÉ CASINO d'avoir acquis le fonds de commerce par déloyauté et sans avoir respecté le droit de préemption conféré au franchiser. Sur la clause de réaffiliation, il n'y a eu aucune violation dès lors que la société KLEMON SARL n'écoule aucun produit de marque CASINO et la SOCIÉTÉ CASINO n'a jamais contracté la moindre obligation vis-à-vis de la SOCIÉTÉ CARREFOUR. En conséquence, aucune infraction principale n'ayant été démontrée, il ne peut y avoir de tierce complicité. Au regard du montant des dommages et intérêts sollicités par la SOCIÉTÉ CARREFOUR, la SOCIÉTÉ CASINO le qualifie de manifestement abusif et disproportionné. Elle fait valoir qu'en raison de l'argumentaire particulièrement évolutif en fonction de la pertinence juridique qui lui est prêtée, la SOCIÉTÉ CARREFOUR a abusé de son droit d'agir en justice non pour obtenir une réparation jugée légitime mais pour exercer une pression généralisée en vue de dissuader le défendeur et, plus généralement tout autre concurrent, d’exercer une concurrence normale à son égard. À ce titre, elle sollicite la condamnation de la SOCIÉTÉ CARREFOUR au paiement d'une somme de 100.000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive, outre une somme de 30.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par jugement du 28 février 2012, le Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES a :
- déclaré la SOCIÉTÉ CARREFOUR irrecevable de son action du chef de sa demande au paiement de ses frais ;
- déclaré la SOCIÉTÉ CARREFOUR recevable mais mal fondée dans son action subsistante ;
- débouté la SOCIÉTÉ CARREFOUR de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions de son action subsistante ;
- condamné la SOCIÉTÉ CARREFOUR à payer à la société KLEMON SARL la somme de 5.382,00 euros et à la SOCIÉTÉ CASINO celle de 9 658,00 euros au titre de leurs frais non compris dans les dépens ;
- déclaré la société KLEMON SARL irrecevable en sa demande au paiement de ses frais non compris dans les dépens à l'égard de la SOCIÉTÉ CASINO ;
- condamné la SOCIÉTÉ CARREFOUR aux entiers dépens de l'instance principale ;
Sur l'instance reconventionnelle de la SOCIÉTÉ CASINO, le Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES a :
- déclaré la SOCIÉTÉ CASINO recevable et partiellement bien fondée en son action ;
- condamné la SOCIÉTÉ CARREFOUR à payer à la SOCIÉTÉ CASINO la somme de 50.000,00euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- débouté la SOCIÉTÉ CASINO de ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires aux précédentes dispositions ;
- condamné la SOCIÉTÉ CARREFOUR à concurrence de 75 % et la SOCIÉTÉ CASINO au reliquat de 25 % aux dépens de l'instance reconventionnelle ;
Par déclaration enregistrée sous le n° DA-12/02152, la SOCIÉTÉ CARREFOUR a interjeté appel de cette décision le 6 août 2012 ;
Suivant ordonnance en date du 12 septembre 2013, il a été joint à la présente procédure, la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le n° 12/02421 ;
En l'état de ses dernières conclusions responsives et récapitulatives n° 3 du 4 septembre 2014, auxquelles il est référé pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions, la SOCIÉTÉ CARREFOUR demande à la Cour de :
- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
- déclarer irrecevable la société KLEMON SARL en toutes ses prétentions, émises en violation du principe de l’estoppel, comme se rapportant à la prétendue illicéité du droit de préférence reconnu à la SOCIÉTÉ CARREFOUR et de la clause de non-réaffiliation, toutes deux insérées dans le contrat de franchise ;
- déclarer irrecevable la SOCIÉTÉ CASINO en toutes ses prétentions, émises en violation du principe de l'estoppel, comme se rapportant à la prétendue illicéité de la clause de non-réaffiliation, insérée dans le contrat de franchise ;
- en toutes hypothèses, déboutant la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO en toutes leurs prétentions, constater que la société KLEMON SARL est responsable de la rupture anticipée de la franchise par la cession du fonds de commerce en cours de contrat, en sorte que la rupture anticipée du contrat de franchise doit être prononcée à ses torts exclusifs, qu'en outre, la société KLEMON SARL a délibérément bouleversé l'économie du contrat en prétendant conserver une partie seulement de l'activité sous franchise, à savoir l'activité boucherie point chaud, qu'elle a ainsi sciemment mis le franchiseur dans l'impossibilité de pouvoir exercer son droit de préférence ; constater également que la société KLEMON SARL, en exploitant ce stand de boucherie point chaud qui ne saurait constituer un fonds de commerce, a bénéficié a minima indirectement de l’enseigne SPAR apposée par la SOCIÉTÉ CASINO sur le fonds de commerce dans lequel était inséré le stand boucherie point chaud et qu'ainsi, la société KLEMON SARL a violé la clause de non-réaffiliation prévue au contrat ;
- constater que la SOCIÉTÉ CASINO connaissait parfaitement les stipulations contractuelles du contrat liant la société KLEMON SARL à la SOCIÉTÉ CARREFOUR, fut l'instigatrice de l’acte de cession du fonds de commerce prévoyant la dissociation de l'activité boucherie point chaud du reste de l'activité qui lui était cédée, a apporté son aide complice à la violation tant de la rupture du contrat de franchise, de la violation du pacte de préférence que de la violation de la clause de non-réaffiliation ;
- En conséquence, débouter la SOCIÉTÉ CASINO et la société KLEMON SARL de toutes leurs prétentions ;
- condamner in solidum la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO au paiement des sommes suivantes :
* 53.819, 28 euros au titre de la rupture anticipée du contrat de franchise,
* 400.000,00 euros en violation du pacte de préférence et du refus constaté de la SOCIÉTÉ CASINO de communiquer le montant du premier résultat d'exploitation réalisée par cette dernière sur le fonds,
* 150.000,00 euros au titre de l'atteinte au réseau découlant de la violation de la clause de non-réaffiliation
* 30.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de l'instance ;
Dans ses conclusions récapitulatives du 8 septembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions, la société KLEMON SARL demande à cette Cour de :
- rejeter l'appel de la SOCIÉTÉ CARREFOUR ;
- confirmer le jugement du 28 février 2012, au besoin par substitution ou addition de motifs et subsidiairement par adoption de motifs ;
- subsidiairement, condamner la SOCIÉTÉ CASINO à garantir la société KLEMON SARL de l'intégralité des condamnations qui seraient mises à sa charge en principal, frais, accessoires, dépens et article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SOCIÉTÉ CASINO aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société KLEMON SARL une somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Dans ses dernières écritures du 18 juin 2014 auxquelles il est référé pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions, la SOCIÉTÉ CASINO sollicite de la Cour de :
- rejeter l'appel de la SOCIÉTÉ CARREFOUR comme non fondé ;
- débouter la SOCIÉTÉ CARREFOUR de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter la société KLEMON SARL de toutes ses demandes en tant qu'elles sont dirigées contre la SOCIÉTÉ CASINO ;
- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES en date du 28 février 2012 sauf en matière de dépens et sauf à porter à 100.000,00 euros le montant de la condamnation pour procédure abusive de la SOCIÉTÉ CARREFOUR au profit de la SOCIÉTÉ CASINO ;
- Y ajoutant, de condamner la SOCIÉTÉ CARREFOUR à régler à la SOCIÉTÉ CASINO une nouvelle indemnité de 45.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SOCIÉTÉ CARREFOUR en tous les dépens d'instance comme d'appel ;
Le 25 août 2014, l'ordonnance de clôture qui avait été prononcée le 24 juin 2014 a été révoquée par cette Cour ;
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la rupture anticipée du contrat de franchise :
Attendu que la SOCIÉTÉ CARREFOUR soutient que les premiers juges ont dénaturé le contrat de franchise pour aboutir à la conclusion que le franchiseur l'avait rompu de manière anticipée et fautive, en ce qu’ils n’ont pas tiré toutes les conséquences de l'article 1134 alinéa 2 du code civil sur la loyauté contractuelle ;
Qu’à cet égard, l'article 11 du contrat qui permet au franchiseur, en cas de cession du fonds de commerce, de mettre fin immédiatement au contrat de franchise sans avoir à délivrer aucune mise en demeure préalable a été interprété par le Tribunal comme ne permettant pas de retenir une rupture fautive du franchisé dès lors que la cession pouvait intervenir au cours du contrat de franchise et, qu'en raison du caractère personnel dudit contrat, la cession mettait fin au contrat sous réserve de l'agrément par le franchiseur du cessionnaire lequel se substituerait à la société KLEMON SARL dans l'exécution des obligations ;
Qu'en l'espèce, le contrat de franchise était, d'une part, un contrat à durée déterminée qui devait être respecté jusqu'à son terme, toute rupture anticipée sans le consentement du cocontractant constituant une violation de l'article 1134 du code civil et, d'autre part, que ledit contrat ne prévoyait pas que la cession du fonds entraîne ipso facto sa résiliation ;
Qu'en application de l'article 1134 du code civil, le juge ne peut interpréter une clause claire et non ambigüe sauf à commettre une dénaturation, de sorte que l'article 11 du contrat ouvre sans aucun doute au profit du franchiseur la possibilité, en cas de cession du fonds portant atteinte au caractère intuitu personae du contrat, d'y mettre un terme. En l'espèce, l'atteinte à l'intuitu personae résulte du compromis de vente signé par la société KLEMON et la SOCIÉTÉ CASINO ;
Que l'article 7 alinéa 3 du contrat selon lequel lorsque l'accord est rompu, le franchiseur retire l’enseigne, reprend les documents propres à la franchise et peut se prévaloir d'une indemnité forfaitaire à la charge du franchisé si la rupture est imputable au franchisé, n'est pas contradictoire avec l'article 11 qui permet au franchiseur de tirer toutes conséquence de l'atteinte par le franchisé de l'intuitu personae du contrat ;
Qu'enfin, l'argument en vertu duquel l'article 4.3 du contrat de franchise qui impose un délai de trois mois au franchiseur pour faire jouer son droit de préférence, autoriserait le franchisé, ledit délai étant expiré, à céder son fonds, vient se heurter d'une part, au fait que par son courrier du 10 juillet 2006, le franchiseur a contesté la régularité de la mise en œuvre par le franchisé du pacte de préférence en raison du démembrement du fonds et, d'autre part, que le droit de préférence ne saurait s'analyser comme le seul moyen permis offert au franchiseur pour empêcher le franchisé de disposer de son bien ;
Attendu que de son côté, la société KLEMON SARL fait valoir que le contrat la liant à la SOCIÉTÉ CARREFOUR prévoyait la possibilité pour elle de céder son fonds de commerce à un tiers sous réserve d'en informer le franchiseur afin que celui-ci fasse jouer ou non son pacte de préférence prévu par l'article 4 du contrat de franchise ;
Mais attendu que c'est à tort que la SOCIÉTÉ CARREFOUR reprochent aux premiers juges d'avoir dénaturé le jugement entrepris en se fondant sur l'article 1134 qui ne fait que rappeler que les conventions tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que par le consentement mutuel des contractants ou lorsque la loi l'autorise et qu'enfin, elles doivent être exécutées de bonne foi ;
Que l'article 1156 du code civil rappelle que l'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, cette recherche se faisant tant dans les termes employées par elles dans la convention, que dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester (Cour de Cassation, 1re Chambre Civile, du 9 novembre 1993, Bull. Civ. I n° 317), de sorte qu'il ne fait guère de doute que le rayon boucherie traditionnelle - point chaud demeurait dans l'esprit de la société KLEMON SARL son cœur de métier, un bien dont il n'envisageait pas de se départir, y compris dans le cadre d'un contrat de franchise ;
Qu'en soutenant d'ailleurs que le démembrement du fonds de commerce par le franchisé constituait une atteinte à l'intuitu personae du contrat, la SOCIÉTÉ CARREFOUR n'a pas fait autre chose que de procéder à l'interprétation du contrat, aucune clause de celui-ci n'empêchant une telle opération et ne stipulant que le maintien de l'intégrité du fonds était indissociable du caractère personnel prévu par le contrat de franchise ;
Que cette interprétation est erronée au regard de l'égalité devant présider entre les parties au contrat et du principe de la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dès lors qu'elle aboutirait à rendre complètement captif de la SOCIÉTÉ CARREFOUR, société détenant plus de 20 % des parts du marché national de la distribution, la société KLEMON SARL, entreprise locale spécialisée exclusivement dans la boucherie-charcuterie traditionnelle et les produits frais encore dénommés point chaud, si le caractère personnel du contrat de franchise devait exclure la possibilité pour le franchisé, dans le cadre de la cession du fonds de commerce, cession parfaitement envisagée par le contrat en ses articles 4.1, 4.2 et 11, d'obtenir le maintien à son profit de ce qui constitue son cœur de métier, à savoir les secteurs boucherie-produits frais ;
Attendu que, de même, ajouter l'interdiction de démembrer le fonds aux conditions particulièrement favorables prévues par le contrat au profit du franchiseur par rapport à celles reconnues au franchisé, reviendrait à instituer une clause abusive entraînant un déséquilibre significatif entre les parties notamment en termes de responsabilité en cas de rupture de contrat, dès lors qu'en pareil cas la convention souscrite prévoit à l’encontre du franchiseur des dommages et intérêts d'un montant équivalant à une année de cotisation de franchise (article 7 alinéa 7) alors qu'ils sont d'au-moins deux années de cotisation pour le franchisé (article 7 alinéa 3) ;
Attendu en conséquence que l'article 11 du contrat qui dispose que : Le présent contrat est conclu entre le franchiseur et le franchisé en raison de la personne de ce dernier. En cas de cession de fonds de commerce par le franchisé ou dans le cas où ce dernier ne l'exploiterait plus lui-même directement, le franchiseur aura la possibilité d'y mettre fin aussitôt.... ne saurait s'interpréter comme une prérogative au profit du franchiseur grâce à laquelle il s'arrogerait le droit de décréter que le démembrement du fonds prévu dans un compromis de vente équivaut à une faute du franchisé sur le fondement de laquelle il pourrait mettre fin au contrat ;
Qu'à ce titre, l'examen de l'article 8 du contrat énumère les cas dans lesquels une résiliation pour faute du franchisé peut être envisagée et que force est de constater que dans aucun des six cas envisagés ne figure l'hypothèse du démembrement du fonds dans le cadre d'une cession ;
Attendu que cette analyse est d'autant plus confortée que la SOCIÉTÉ CARREFOUR, en vertu de son droit de préemption prévu à l'article 4 du contrat de franchise, avait la faculté de lever l'option à prix et conditions égales et se trouver ainsi substituée au cessionnaire et ce d'autant que le délai qui lui était imparti pour exercer son droit de préemption arrivait à échéance avant celui de l'offre d'achat faite par la SOCIÉTÉ CASINO à la société KLEMON SARL ;
Que la SOCIÉTÉ CARREFOUR ne peut exciper, eu égard aux termes mêmes du compromis de vente comme de l'identité du cessionnaire, en l'occurrence la SOCIÉTÉ CASINO qui exploite un réseau de distribution concurrent, d'une quelconque méprise pour elle sur l'intention de la SOCIÉTÉ CASINO de ne pas poursuivre les conventions après l'achat du fonds et que, nonobstant le risque de voir sortir de son réseau la société KLEMON SARL, la SOCIÉTÉ CARREFOUR a choisi de ne pas exercer son droit de préemption et de rompre unilatéralement le contrat de franchise, contrat à durée déterminée qui, comme elle le rappelle elle-même, doit être mené à son terme ;
Attendu qu'en conséquence, c'est par des motifs pertinents, la Cour y ajoutant les présents, que les premiers juges ont considéré que la rupture anticipée fautive du contrat de franchise ne peut être imputée aux intimées et a débouté la SOCIÉTÉ CARREFOUR de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.
Sur la violation du pacte de préférence :
Attendu qu'à titre préliminaire la Cour observe que, au vu de son contenu, c'est à tort que l’article 4.1 du contrat de franchise est intitulé pacte de préférence au lieu de droit de préemption et ce, quand bien même les effets des deux notions sont voisines ;
Qu'en effet, le droit de préférence est un droit qui donne au réseau d'origine, la SOCIÉTÉ CARREFOUR, le privilège de la première offre d'achat et, en cas de désaccord entre les parties sur les conditions de vente, ces dernières sont fixées à dire d'expert ;
Que la clause renfermée dans l'article 4.1 du contrat de franchise est un droit de préemption, lequel permet au réseau d'origine de s'aligner sur l'offre formulée par un groupe concurrent, ce qui correspond à la teneur de l'article susvisé ;
* Sur la valeur juridique des avis de l'Autorité de la concurrence et sur la mise en œuvre de l’estoppel :
Attendu que l'article 4.1 du contrat de franchise prévoit que la société KLEMON SARL reconnaît à la SOCIÉTÉ CARREFOUR un droit de préemption à prix et conditions égales, notamment en cas de vente du fonds de commerce visé dans le contrat et dans toute opération mettant en cause le caractère personnel du contrat ;
Que ce droit reconnu à la SOCIÉTÉ CARREFOUR se matérialise par l'obligation pesant sur la société KLEMON SARL de l'informer par lettre recommandée avec accusé de réception de son projet de cession partielle de son fonds à la SOCIÉTÉ CASINO ;
Attendu que la société KLEMON SARL soutient dans ses dernières écritures que, selon l'avis n°10 - A - 26 du 7 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence, les clauses prévoyant un droit de préemption au franchiseur sont irrégulières dans la mesure où elles provoquent une asymétrie dans la négociation de la vente d'un magasin au profit du franchiseur et, ce faisant, faussent le jeu concurrentiel en figeant les marchés de détail et en dissuadant les opérations de vente ;
Qu'elle fait valoir que de surcroît, une telle clause soumet le franchisé au bon vouloir du franchiseur puisqu'en cas de refus d'agrément, le magasin franchisé ne peut que renoncer à la cession et doit poursuivre le contrat de franchise ;
Attendu que la SOCIÉTÉ CARREFOUR estime que la société KLEMON SARL est irrecevable à remettre en cause la validité du droit de préférence en application du principe dit de l'estoppel, autrement dit de l'interdiction de se prévaloir de prétentions contradictoires au détriment de ses adversaires, puisqu'elle a mis elle-même en application le droit de préférence en soumettant à son franchiseur le compromis de vente conclu avec la SOCIÉTÉ CASINO et ce, en prétendant respecter l'article 4 du contrat de franchise lequel contient ledit pacte de préférence ;
Attendu que la Cour relève en premier lieu que les avis formulés par l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 462-4 du code de commerce ne font pas grief et s’analysent comme des recommandations adressées au législateur qui n'ont en aucun cas le caractère contraignant d'une décision ;
Qu'il convient de conclure de ce principe posé par le Conseil d'État dans l'arrêt du 11 octobre 2012 : SOCIÉTÉ CASINO GUICHARD-PERRACHON (requête n° 35713) que l'avis n° 10 - A - 26 du 7 décembre 2010 n'emporte pas interdiction pour les parties de conclure un pacte de préférence ou de prévoir un droit de préemption sauf à constater que celui-ci empêche, restreint ou fausse le jeu de la concurrence et relève d'une pratique anticoncurrentielle, ainsi que le rappelle la Cour de Cassation (Cass. com. 4 novembre 2014, n° pourvoi : 12-25419) ;
Attendu que s'agissant de l'argument d'irrecevabilité au titre de l'estoppel soulevé par la SOCIÉTÉ CARREFOUR, la Cour constate que le comportement procédural adopté par la société KLEMON SARL n'est pas constitutif d'un changement de position en droit de nature à induire la SOCIÉTÉ CARREFOUR en erreur sur ses intentions, dans la mesure où la prétention de la société KLEMON reste identique, à savoir de ne pas se voir imputer la responsabilité de la rupture anticipée du contrat de franchise et ce d'autant plus que l'argument soulevé en cause d'appel par la société KLEMON SARL est erroné en ce qu'il tend à donner à l'avis émis par l'Autorité de la concurrence une valeur juridique qu'il n'a pas et qui ne lie pas cette Cour. Ce faisant il ne constitue pas un cas relevant de l'article 122 du code de procédure civile ;
Qu'en conséquence, l'argument tiré par la société KLEMON de l'avis de l'Autorité de la concurrence ne constituant pas un estoppel, l'irrecevabilité soulevée par la SOCIÉTÉ CARREFOUR sera rejetée ;
* Sur la licéité du droit de préemption :
Attendu qu'il est de jurisprudence constante que le pacte de préférence ou le droit de préemption peut être considéré comme une pratique anticoncurrentielle quand bien même seule la liberté de choisir son contractant est affecté par le pacte et qu'il n'oblige pas les parties à conclure le contrat pour lequel la préférence est donnée, le cédant n'étant pas obligé de céder le fonds et le bénéficiaire n'étant pas obligé de l'acquérir ;
Qu'en l'espèce, il convient de rechercher si le droit de préemption figurant dans le contrat de franchise du 31 octobre 2003, valable durant toute la durée de cette convention et cinq ans après son échéance, a limité la possibilité de rachat de tout ou partie du fonds de la société KLEMON par des groupes de distribution concurrents de la SOCIÉTÉ CARREFOUR et a restreint artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché du détail de la distribution à dominante alimentaire ;
Attendu que le droit de préemption tel que figurant à l'article 4.1 du contrat de franchise liant la SOCIÉTÉ CARREFOUR et la société KLEMON SARL ne limite pas la possibilité de rachat du fonds de commerce par un groupe de distribution concurrent et ce, avant même l'arrivée à échéance du contrat, dès lors que, d'une part, ledit droit met comme seule condition pour la mise à l'écart du compromis de vente passé entre la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO ou tout autre groupe de distribution concurrent, la décision de la SOCIÉTÉ CARREFOUR de faire une offre à prix et conditions égales et que, d'autre part, le franchisé ne soit pas placé dans une position captive c'est à dire ait toute latitude pour procéder à une cession totale ou partielle du fonds et dans ce dernier cas, conserver à son profit les activités qu'il détermine ;
Attendu que l'analyse faite par la Cour sous le point précédent relatif à l'absence de rupture anticipée du contrat de franchise imputable au franchisé confirme, dans l'interprétation qu'elle en fait, que ledit contrat ne s'inscrit pas dans une pratique anticoncurrentielle et de nature à restreindre artificiellement le jeu de la libre concurrence ;
Attendu qu'il peut être constaté de surcroît, qu'à peine deux ans et demi après la conclusion du contrat de franchise, la société KLEMON SARL a pu faire une offre de cession à un réseau concurrent en l'espèce la SOCIÉTÉ CASINO, dans des conditions plus favorables que celles figurant dans le contrat de franchise initial puisque prévoyant l'exploitation au seul profit de la société KLEMON SARL de la boucherie traditionnelle et du point chaud, cette proposition advenant alors même que l'attractivité du site ne paraît pas sembler être particulièrement forte, la ville de STIRING-WENDEL où est située le franchisé étant une commune de dimension réduite avec environ 12.000 habitants soumise, en terme de concurrence, à la proximité de FORBACH (environ 22.000 habitants) et de SARREBRÜCK en Allemagne ;
Attendu que la clause prévoyant la caducité du droit de préemption cinq ans après la date de la perte de la qualité de franchisé (article 4.3) n'a pas d'incidence sur la cession du fonds en cours d’existence du contrat et que, par ailleurs, l'article 13 du contrat institue une clause compromissoire pour régler par l'arbitrage tous litiges susceptibles de naître dans l'application du contrat, y compris la clause prévoyant la durée de cinq ans postérieure au contrat ;
Qu'ainsi, la lecture du compromis de vente conclu entre la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO n'apporte pas la preuve, eu égard son contenu et surtout l'interprétation qu’il convient de lui donner, que le droit de préemption telle que rédigée dans le contrat de franchise, restreint artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché du détail de la distribution à caractère alimentaire ;
Attendu qu'en conséquence, la Cour constate qu'en l'espèce, le droit de préemption figurant dans le contrat de franchise conclu entre la SOCIÉTÉ CARREFOUR et la société KLEMON SARL n'est entaché d'aucune illicéité ;
* Sur la violation supposée du pacte de préférence :
Attendu que la SOCIÉTÉ CARREFOUR réitère en appel les mêmes moyens qu'en première instance et ajoute simplement que dans sa lettre du 10 juillet 2006, elle a précisé à la société KLEMON SARL que le démembrement de son fonds constituait une infraction au contrat de franchise quant au respect de l'assortiment minimum et aux préconisations du franchiseur (implantation du fonds, politique commerciale) et que la société KLEMON n'était plus en mesure de poursuivre le contrat de franchise qui ne pouvait se limitait à l'exercice des seuls stands boucherie traditionnelle et point chaud ;
Que la SOCIÉTÉ CARREFOUR en conclut que la question n'est pas de savoir si la partie cédée à la SOCIÉTÉ CASINO constituait une activité autonome mais si le local commercial constituait un tout indissociable et indivisible ;
Qu'à cet égard, la société KLEMON SARL exploitait le stand boucherie traditionnel - point chaud au cœur du magasin sous enseigne SPAR, filiale du groupe CASINO, de sorte que même indirectement, ce stand bénéficiait nécessairement d'une enseigne concurrente de portée nationale et la SOCIÉTÉ CARREFOUR en déduit que le fonds de commerce exploité sous l'enseigne 8 à HUIT formait tant objectivement que dans l'esprit des parties un tout indivisible insusceptible de dissociation en application des articles 1217 et 1218 du code civil ;
Attendu qu'à titre préliminaire, il convient de noter que les premiers juges ont justement retenu que la société KLEMON SARL avait pleinement satisfait à ses obligations contractuelles prévues par l'article 4.2 du contrat de franchise en permettant à la SOCIÉTÉ CARREFOUR d'exercer son droit de préemption ;
Attendu que comme il a été précédemment démontré, la cession partielle du fonds n'est en rien prohibée ni par la convention des parties, ni par la loi, la Cour rappelant par ailleurs qu'une interprétation autre de la convention passée entre les parties, outre qu'elle signerait la volonté de la SOCIÉTÉ CARREFOUR d'imposer à la franchisée des conditions exorbitantes, aboutirait à entraver la liberté d'entreprendre et déséquilibrerait l'économie du contrat entre les parties ;
Attendu que, contrairement aux affirmations de l'appelante, la société KLEMON SARL disposait vis-à-vis de la SOCIÉTÉ CARREFOUR d'une autonomie de représentation, comme le stipule l’article 2.3.1 du contrat en vertu duquel le franchisé est tenu d'indiquer aux consommateurs sa qualité de commerçant indépendant. Cette indication ne doit pas interférer avec l'identité commune du réseau franchisé qui résulte en particulier de l'utilisation de la marque 8 à HUIT ;
Que cette autonomie s'explique notamment par le fait que la société KLEMON SARL exerçait son activité depuis 1997, soit six années avant le contrat de franchise, et qu'elle disposait nécessairement d'une clientèle propre, une telle clientèle apparaissant comme personnellement attachée au franchisé compte tenu des éléments démographiques et de l'environnement de l’établissement, ladite autonomie rendant légitime, indépendamment de la marque exploitée en franchise, qu'à la fin du contrat de franchise elle soit en mesure de la récupérer ainsi que l'admet la Cour de Cassation (Cass. cCom. 9 octobre 2007 : pourvoi n° 05-14118) sans remettre en cause le principe de la franchise, comme le démontrent les conditions présidant au compromis de vente passé entre la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO, de sorte que l'article 1218 du code civil évoqué par la SOCIÉTÉ CARREFOUR ne saurait s'appliquer au cas d'espèce ;
Attendu que, comme le relèvent les premiers juges, la SOCIÉTÉ CARREFOUR ne démontre pas laquelle des activités originelles de la société KLEMON SARL et de celles exercées depuis la mise en œuvre de la franchise capte la clientèle de l'autre et n'établit pas davantage que la perte ou la diminution de l'assortiment minimum prévu par les articles 2.4.1 et 3.1.2 du contrat de franchise résulte d'une violation contractuelle ;
Attendu que faute pour la SOCIÉTÉ CARREFOUR de n'avoir pas prévu expressément dans le contrat-type l'interdiction de démembrer le fonds, il ne saurait être imputé à la société KLEMON SARL l'impossibilité dans laquelle la SOCIÉTÉ CARREFOUR dit s'être trouvée pour poursuivre la franchise pour la vente épicerie avec un repreneur ;
Attendu qu'à l'appui de ses prétentions, la SOCIÉTÉ CARREFOUR soutient que c'est à tort que la société KLEMON SARL affirme qu'aucune cession du fonds n’était intervenue au moment de la résiliation décidée par le franchiseur dès lors que celle-ci était soumise à une condition suspensive qui ne s'était pas réalisée lorsque la SOCIÉTÉ CARREFOUR a prononcé la résiliation du contrat de franchise ; qu'en application de l'article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix et ce, sans qu'une condition suspensive puisse remettre en cause le principe, la condition suspensive, qui repose sur l'absence de mise en œuvre par la SOCIÉTÉ CARREFOUR de son droit de préférence, ne faisait que différer l'effet de l'obligation lorsque celle-ci dépend d'un événement futur et incertain au jour où elle a été contractée, sans remettre en cause l'obligation elle-même qui existe par sa nature, en application de l'article 1181 du code civil ;
Que la SOCIÉTÉ CARREFOUR conclut qu'en imposant dans le compromis de vente la séparation du fonds en deux parties, la société KLEMON SARL se réservant l'activité boucherie - point chaud a, de son propre fait, empêché le franchiseur de faire jouer son droit de préférence, de sorte qu'en vertu de l'article 1178 du code civil la condition est réputée accomplie ;
Mais attendu que la Cour observe que la promesse de vente conclue sous condition suspensive entre la société KLEMON SARL et la SOCIÉTÉ CASINO n'est pas, contrairement à ce que soutient la SOCIÉTÉ CARREFOUR, une promesse synallagmatique de vente dans la mesure où elle prévoit que l'absence de signature de l'acte authentique, subordonné à l'expiration du délai imparti au franchisé d'user de son droit de préemption, dans le délai fixé, en l'espèce dans les quatre mois de la signature du compromis de vente, entraînera la caducité de plein droit de la vente, le compromis précisant : à défaut (de la réalisation des conditions suspensives), les présentes deviendraient nulles et non avenues et les parties reprendraient leur entière liberté ;
Qu'en conséquence, la clause de réitération de l'acte authentique (rubrique régularisation du compromis de vente) constitue un élément constitutif du consentement des parties de sorte qu'il est pertinent de soutenir qu'aucune cession du fonds n'était intervenue au moment de la résiliation décidée par le franchiseur et que celui-ci ne peut prétendre avoir été mis, dès la conclusion du compromis de vente, dans l'impossibilité de poursuivre le contrat de franchise, la société KLEMON SARL n'ayant pas en l'occurrence violé son droit de préemption ;
Attendu que ni des documents versés aux débats, ni de l'esprit des parties il ne s'évince que le local affecté au commerce de boucherie et de produits frais soit ou ait pu être considéré comme l'accessoire des locaux concernés par la franchise ;
Qu'aux termes de l'article 1101 du code civil : le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres personnes, à donner, faire ou ne pas faire quelque chose ;
Que cette obligation de donner, de faire ou de ne pas faire définit l'objet juridique du contrat en tant qu'objet de l'obligation visée dans son ensemble par l'article 1126 du code civil ;
Attendu qu'en l'espèce, si l'objet juridique du contrat est la franchise, l'objet de l'obligation qu’il prévoit est expressément repris dans l'instrumentum que constitue le contrat de franchise 8 à HUIT, conclu le 31 octobre 2003 ;
Que ce contrat de franchise ne prévoit à aucun moment que toutes les activités pratiquées par la société KLEMON SARL entrent de manière indivisible et indissociable dans le champ de la franchise ;
Que bien plus, au moins deux articles du contrat confirme la conservation par le franchisé de sa faculté de disposer de son fonds commerce sous réserve que le franchiseur soit dûment avisé de toute cession éventuelle ;
Qu'il ressort ainsi de l'article 4.2 : Le franchisé devra alors (en cas de mutation de propriété ou de jouissance) informer le franchiseur par lettre recommandée avec accusé de réception du projet de la vente du (des) fonds ou de parts sociales ou de la mise en location gérance ou d’apport partiel d'actif ou tout autre changement de nature à remettre en cause le caractère personnel du présent contrat ;
Que, de même, l'article 3.4 du contrat de franchise stipule expressément que : En rémunération des prestations fournies par le franchiseur (article 2), le franchisé s'oblige à lui verser des cotisations assises sur le chiffre d'affaires TTC hors essence réalisé par le ou les magasin(s) objet(s) du présent accord, par application du barème défini à l'année 1. Le chiffre d'affaires servant d'assiette au calcul de la cotisation s'entend tous rayons confondus, y compris le chiffre d'affaires réalisé par les rayons éventuellement concédés à des tiers ;
Que ce dernier point à lui seul démontre que la SOCIÉTÉ CARREFOUR a entendu faire une distinction entre l'activité développée par la société KLEMON SARL et les personnes qui en ont la charge au point d'admettre expressément la pratique de la concession à des tiers et, ce faisant, la possibilité d'une exécution partielle de l'obligation écartant par-là même l'idée selon laquelle le fonds de commerce et les obligations en découlant sur les parties formeraient un tout indivisible au sens des articles 1217 et 1218 du code civil ;
Qu'en outre, la SOCIÉTÉ CARREFOUR ne rapporte d'aucune manière la preuve que le stand boucherie-produits frais tenu par la société KLEMON SARL ait pu tirer profit ou bénéfice d’une enseigne concurrente, vu l'antériorité de la société KLEMON SARL sur la place ;
Attendu qu'il se déduit de ces éléments que la société KLEMON SARL en contractant une franchise avec la SOCIÉTÉ CARREFOUR n'a nullement entendue se priver de la faculté de céder tout ou partie de son fonds de commerce, sous réserve de la condition suspensive prévue par l'article 4.2 du contrat ;
En conséquence, la Cour constate, ajoutant aux moyens retenus par les premiers juges, qu'il n'y a pas eu violation du pacte de préférence par la société KLEMON SARL, que la demande tendant à ce qu'il soit constaté que la SOCIÉTÉ CASINO refuse de communiquer le montant du premier résultat d'exploitation réalisée par elle sur le fonds est sans emport sur le présent litige et qu'il convient de confirmer le débouté de la demande en indemnisation présentée de ce chef par la SOCIÉTÉ CARREFOUR prononcé par le Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES.
Sur la violation de la clause de non-réaffiliation :
Attendu que la SOCIÉTÉ CARREFOUR, reprenant ses arguments développés devant les premiers juges, fait valoir que la clause de non-réaffiliation est stipulée par l'article 7 du contrat de franchise et qu'elle ne saurait se confondre avec la clause de non-concurrence ;
Elle rappelle que cette clause n'a vocation à s'appliquer qu'en cas de rupture du contrat avant son terme à l'initiative du franchisé ;
Attendu que, dans ces conditions, il ressort des motifs précédemment retenus par cette Cour que la rupture anticipée est intervenue en dehors de toute faute de la société KLEMON à laquelle il ne peut être reproché d'avoir manqué aux obligations du contrat de franchise ni dans le texte, ni dans l'esprit ;
Attendu que la rupture anticipée dont s'agit est le fait de la seule initiative de la SOCIÉTÉ CARREFOUR fondée sur sa méprise quant à l'appréciation de la validité de la vente partielle du fonds ;
Attendu, en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant l'argumentaire de la SOCIÉTÉ CARREFOUR fondé exclusivement sur la faute du franchisé comme de statuer sur la licéité de la clause de non-réaffiliation soulevée par les intimées, la Cour confirme le jugement entrepris de ce chef et déboute la SOCIÉTÉ CARREFOUR de sa demande d’indemnisation pour violation de la clause de non-réaffiliation et atteinte au réseau.
Sur l'existence d'une tierce complicité imputable à la SOCIÉTÉ CASINO :
Attendu que la SOCIÉTÉ CARREFOUR, réitérant en appel les mêmes moyens qu'en première instance et ne produisant d'autres nouvelles pièces que celles portant les numéros 59 (arrêt de la Cour d'Appel de MONACO du 6 mai 2014) et 56 (conclusions de la Société KLEMON SARL du 14 mai 2010 dans le litige l'opposant à la SOCIÉTÉ CARREFOUR et la SOCIÉTÉ CASINO devant le Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES), soutient que la SOCIÉTÉ CASINO s'est rendue complice des agissements imputés à la société KLEMON SARL en étant l'instigatrice du projet de cession porté par la société KLEMON SARL, en y insérant des déclarations volontairement erronées pour tromper la SOCIÉTÉ CARREFOUR et la société KLEMON SARL elle-même, en prenant en charge les frais de contentieux de cette dernière et s'immisçant par là-même directement dans le litige opposant le franchiseur au franchisé et, enfin, en se faisant justice elle-même en passant outre ce litige qui lui avait été dénoncé et sans attendre sa solution judiciaire ;
Mais attendu qu'à défaut d'établir que la société KLEMON SARL avait violé le droit de préemption stipulé à son profit, la SOCIÉTÉ CARREFOUR n'est pas fondée à rechercher la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de la SOCIÉTÉ CASINO pour tierce complicité ;
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
Sur les frais et dépens :
Attendu que la partie qui succombe doit, en application de l'article 696 du code de procédure civile, être condamnée aux dépens et ne peut prétendre à l'indemnisation prévue par l'article 700 du code de procédure civile ;
Que la SOCIÉTÉ CASINO succombant dans la totalité de ses prétentions, il y a lieu de la condamner au paiement des entiers dépens et de constater l'irrecevabilité de sa demande en paiement des frais non compris dans les dépens ;
Attendu qu'en vertu de l'article 700, la Cour a la faculté, eu égard à l'équité, de condamner la partie qui succombe à l'instance à payer à l'autre partie les frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société KLEMON SARL les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, il convient de confirmer la condamnation de la SOCIÉTÉ CARREFOUR, de ce chef, à lui payer la somme de 5.382,00 euros, la société KLEMON SARL ne demandant pas la réformation du jugement entrepris sur ce point ;
Attendu qu’il paraît tout autant inéquitable de laisser à la charge de la SOCIÉTÉ CASINO les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, il convient d'infirmer le jugement entrepris quant au quantum de l'indemnité allouée et, statuant à nouveau, de dire que la SOCIÉTÉ CARREFOUR, sera condamnée à lui payer une somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de condamnation de la SOCIÉTÉ CARREFOUR pour procédure abusive :
Attendu que se fondant sur des moyens identiquement développés devant les premiers juges sans produire de nouvelles pièces, la SOCIÉTÉ CASINO, citant une nombreuse jurisprudence, fait valoir qu'elle subit un double préjudice en lien avec ce qu'elle qualifie de harcèlement procédural mené par la SOCIÉTÉ CARREFOUR ;
Elle expose que l'action initiée par l'appelante induit, d'une part, une importante mobilisation de ses ressources humaines et, d'autre part, un dommage concurrentiel très conséquent ;
Qu'à titre illustratif, la SOCIÉTÉ CASINO évoque l'impact que peuvent avoir les actions judiciaires menées par cette dernière, en terme de confiance et de sécurité juridique des relations commerciales, sur les ex-affiliés de la SOCIÉTÉ CARREFOUR dès lors qu'ils cèdent leurs fonds de commerce à l'un de ses concurrents ;
Que ce type de procédure abusive rend difficile toute cession dans le domaine de la distribution de détail à dominante alimentaire ou, du moins, en rend le coût particulièrement excessif puisque celui-ci doit inclure les risques procéduraux encourus ;
La SOCIÉTÉ CARREFOUR rappelle que le juge des référés du Tribunal de grande instance de SARREGUEMINES le 29 mai et le 31 juillet 2007, certes infirmé par la Cour d’Appel de METZ, avait admis la tierce complicité de la SOCIÉTÉ CASINO, ce qui implique que l'action de la SOCIÉTÉ CARREFOUR ne peut être considérée comme abusive ;
Qu'en l'espèce, la SOCIÉTÉ CASINO procède par généralités et qu'elle-même a également fait l'objet de condamnations ou s'est vue infirmée une décision relative à une procédure jugée abusive en première instance ;
Qu'en outre, dans ses écritures, la société KLEMON SARL a mis en cause la SOCIÉTÉ CASINO, son gérant alléguant de la mauvaise foi de ce réseau ainsi que ses manœuvres qui ont eu pour résultat de le tromper ;
Qu'au final, la SOCIÉTÉ CARREFOUR n'a fait que protéger son réseau, obligation à laquelle elle est tenue envers l'ensemble des franchisés, ce qui ne saurait revêtir un caractère abusif ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 32-1 du code de procédure pénale que l'abus du droit d'agir en justice requiert que l'action soit introduite de mauvaise foi et dans l'intention de nuire ou si elle comporte des erreurs grossières ;
Attendu que cette disposition ne prévoit nullement comme élément supplémentaire et déterminant, constitutif de l'abus de droit, le fait pour une partie de succomber dans ses prétentions ;
Que la décision rendue par le juge favorable à une partie n'induit pas davantage que l'autre partie a présenté faussement les faits et qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que la SOCIÉTÉ CARREFOUR ait sciemment présenté les faits de façon fausse, l'interprétation erronée des éléments factuels qu'elle a pu faire n'impliquant pas une intention maligne et déloyale ;
Qu'il importe peu, dès lors, qu'effectivement le contrat de franchise n'ait jamais été rompu par la société KLEMON SARL mais à l'initiative de la SOCIÉTÉ CARREFOUR ;
Qu'il ne saurait davantage être fait grief à cette dernière de se référer à une abondante jurisprudence ou à évoquer des précédents judiciaires la concernant ou impliquant son adversaire dès lors que celui-ci opère de la même manière sauf à remettre en cause le principe de la liberté des moyens à la disposition des parties pour justifier leurs prétentions et ce, dans le seul respect de l'article 15 du code de procédure civile ;
Attendu que le rattachement du droit d'agir en justice aux libertés et droits fondamentaux protégés par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (3e Civ., 20 mai 2009 : pourvoi n° 08-13.813 ; Bull. 2009, III, n° 117) empêche qu'il puisse être tiré des nombreuses condamnations passées d'une partie contre une autre, une quelconque mauvaise foi de la première ;
Qu'au contraire, l'action de la SOCIÉTÉ CARREFOUR relève du libre exercice d'une voie de recours et ne saurait être qualifiée d'abus d'autant qu'il ne paraît pas illégitime que cette société veuille protéger ses affiliés ;
Qu'en conséquence, doit être rejetée la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive soutenue en cause d'appel par la SOCIÉTÉ CASINO, cette dernière ne démontrant pas que la SOCIÉTÉ CARREFOUR aurait interjeté appel dans l'intention de lui nuire ou avec une légèreté assimilable à un dol. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
Attendu que par application de l'article 696 du code de procédure civile, la SOCIÉTÉ CASINO qui succombe dans sa demande sera condamnée aux dépens et que, eu égard à l'équité prévue par l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner de ce chef la SOCIÉTÉ CASINO à payer à la SOCIÉTÉ CARREFOUR une somme de 1.000,00 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort,
Sur l'instance principale :
Rejette la demande d'irrecevabilité fondée sur l'estoppel soulevée par la Société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, anciennement dénommée PRODIM SAS (ici dénommée SOCIÉTÉ CARREFOUR) ;
Déclare licite dans la présente espèce la clause du droit de préférence ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la licéité de la clause de non-réaffiliation ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il déclare irrecevable de son action du chef de la demande au paiement de ses frais la SOCIÉTÉ CARREFOUR, la déboute de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions et la condamne aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.382,00 euros à KLEMON SARL au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau, condamne la SOCIÉTÉ CARREFOUR à payer à la SOCIÉTÉ DISTRIBUTION CASINO FRANCE (ici dénommée SOCIÉTÉ CASINO) une somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société KLEMON SARL de toutes ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions à l'égard de la SOCIÉTÉ CASINO ;
Sur la demande de la SOCIÉTÉ DISTRIBUTION CASINO FRANCE :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare recevable l'action de la SOCIÉTÉ CASINO ;
L'infirme sur le surplus et déboute la SOCIÉTÉ CASINO de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la SOCIÉTÉ CARREFOUR ;
Condamne la SOCIÉTÉ CASINO à payer à la SOCIÉTÉ CARREFOUR une somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 et aux dépens de la demande.
La Greffière Le Président
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