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CA RENNES (2e ch. 2), 13 février 2015

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch. 2), 13 février 2015
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 11/07835
Décision : 15/80
Date : 13/02/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/11/2011
Numéro de la décision : 80
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5051

CA RENNES (2e ch. 2), 13 février 2015 : RG n° 11/07835 ; arrêt n° 80

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Faisant valoir que Mme X. ne conteste plus en cause d'appel la validité du contrat mais se borne à invoquer le caractère abusif de l'une de ses clauses lui imposant, selon elle, de restituer le véhicule loué en dépit du paiement de l'intégralité des sommes dues, la société BMW Finance estime l'appel irrecevable pour défaut d'intérêt, ou encore cette demande irrecevable comme nouvelle en cause d'appel. Cependant, il résulte des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour un moyen d'irrecevabilité de l'appel si elles se sont abstenues d'en saisir le conseiller de la mise en état, exclusivement compétent jusqu'à son dessaisissement.

D'autre part, étant rappelé que l'appelant peut toujours, conformément à l'article 563 du code du procédure civile, présenter devant la cour des moyens nouveaux, la demande d'annulation d'une clause abusive constitue une demande reconventionnelle destinée à faire écarter les prétentions adverses, qui était de surcroît virtuellement comprise dans la demande initiale d'annulation du contrat, de sorte qu'elle est recevable devant la cour en application des articles 564, 566 et 567 du code du procédure civile. »

2/ « Or il appartient à la cour d'appliquer ces dispositions d'ordre public, au besoin d'office en application des articles L. 141-4 et L. 311-23 du code de la consommation. Étant observé que tous les loyers sont échus, la société BMW Finance est fondée à réclamer le montant des loyers échu impayés, ainsi qu'une indemnité égale à la valeur résiduelle du véhicule diminuée de la valeur vénale du véhicule. Cependant, Mme X. s'étant soustraite à son obligation de restitution, il y a lieu de la condamner au paiement de la somme de 14.653,23 euros qu'elle reconnaît devoir ainsi qu'à la restitution du véhicule, mais de dire que la société BMW Finance devra rembourser à Mme X. la valeur vénale HT du véhicule au jour de la restitution qui sera égale au prix de revente HT ou, à défaut de vente ou à la demande de Mme X., à l'évaluation à dire d'expert. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/07835. Arrêt n° 80.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,

GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : À l'audience publique du 4 décembre 2014 devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 13 février 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville] ; Représentée par Maître Éric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, postulant, avocat au barreau de RENNES ; Représentée par Maître Pierre STICHELBAUT, plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

 

INTIMÉE :

Société BMW FINANCE SNC

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Représentée par Maître Luc BOURGES de la SELARL AVOCAT LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 8 juin 2006, la société BMW Finance a donné en location avec option d'achat à Mme X. un véhicule BMW d'une valeur de 22.895 euros pour une durée de trois ans, moyennant un loyer mensuel de 232,16 euros et un prix résiduel en cas de levée de l'option d'achat de 13.290 euros.

Prétendant que plusieurs loyers étaient restés impayés et que Mme X. avait conservé le véhicule à l'expiration du contrat sans s'acquitter du prix résiduel d'option d'achat, la société BMW Finance l'a vainement mis en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 octobre 2009 puis a obtenu du juge d'instance de Saint-Malo une ordonnance en date du 4 juin 2010 enjoignant à Mme X. de payer les sommes réclamées.

Statuant sur l'opposition formée le 8 juillet 2010 par Mme X. contre cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 11 juin 2010, le tribunal d'instance de Saint-Malo a, par jugement du 19 juillet 2011 :

Déclaré l'opposition recevable mais mal fondée,

Débouté Mme X. de sa demande reconventionnelle en annulation du contrat de location avec option d'achat,

Condamné Mme X. au paiement de la somme de 14.653,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2009,

Condamné Mme X. à restituer le véhicule sous astreinte de 75 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du jugement,

Dit que le tribunal se réservait la liquidation de l'astreinte,

Débouté Mme X. du surplus de ses demandes,

Condamné Mme X. au paiement d'une indemnité de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

 

Mme X. a relevé appel de cette décision le 10 novembre 2011, en demandant à la cour de :

Déclarer abusive la clause du contrat prévoyant à la fois le paiement des sommes restant dues et la restitution du véhicule,

En conséquence, prononcer l'annulation de cette clause,

Donner acte à Mme X. qu'elle reconnaît devoir la somme de 14.653,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2009,

Débouter la société BMW Finance de sa demande de restitution du véhicule,

Condamner la société BMW Finance au paiement d'une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

 

La société BMW Finance conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt de l'appelante.

Elle demande subsidiairement la confirmation du jugement attaqué et la condamnation de Mme X. au paiement d'une indemnité complémentaire de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et aux dépens.

 

Les parties ont été invitées à s'expliquer par notes en délibéré :

sur l'application de l'article 914 du code du procédure civile interdisant à l'intimé d'invoquer devant la cour l'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt, faute de l'avoir soulevée devant la conseiller de la mise en état avant son dessaisissement,

et sur l'application à la cause des dispositions d'ordre public de l'article D. 311-8 du code de la consommation, desquelles il résulte qu'en cas de défaillance du locataire, le crédit-bailleur ne peut, outre la restitution du bien loué avec option d'achat, exiger à titre d'indemnité le paiement de la valeur résiduelle de celui-ci que sous déduction de sa valeur vénale au jour de la restitution obtenue par sa revente ou évaluée à dire d'expert.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il sera fait référence aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X. le 27 février 2014, et pour la société BMW Finance le 12 avril 2012.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Faisant valoir que Mme X. ne conteste plus en cause d'appel la validité du contrat mais se borne à invoquer le caractère abusif de l'une de ses clauses lui imposant, selon elle, de restituer le véhicule loué en dépit du paiement de l'intégralité des sommes dues, la société BMW Finance estime l'appel irrecevable pour défaut d'intérêt, ou encore cette demande irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

Cependant, il résulte des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour un moyen d'irrecevabilité de l'appel si elles se sont abstenues d'en saisir le conseiller de la mise en état, exclusivement compétent jusqu'à son dessaisissement.

D'autre part, étant rappelé que l'appelant peut toujours, conformément à l'article 563 du code du procédure civile, présenter devant la cour des moyens nouveaux, la demande d'annulation d'une clause abusive constitue une demande reconventionnelle destinée à faire écarter les prétentions adverses, qui était de surcroît virtuellement comprise dans la demande initiale d'annulation du contrat, de sorte qu'elle est recevable devant la cour en application des articles 564, 566 et 567 du code du procédure civile.

Mme X. demande donc à la cour de déclarer abusive et d'annuler la clause du contrat prévoyant selon elle, d'une part, le paiement des sommes restant dues et, d'autre part, la restitution du véhicule.

Elle ne fait cependant aucune référence précise à la clause ainsi évoquée, dont elle ne reproduit pas davantage la substance.

En réalité, c'est la demande formée par le crédit-bailleur à son encontre qu'elle décrit comme abusive, et non des dispositions précises du contrat.

À cet égard, il résulte des pièces et des explications des parties que Mme X. a laissé les loyers impayés à hauteur de 1.063,36 euros et s'est abstenue de lever l'option d'achat au terme du contrat de location, sans pour autant restituer le véhicule.

La locataire ne saurait en effet revendiquer la propriété du bien loué, alors qu'elle n'a pas accompli les démarches pour lever l'option d'achat et qu'elle n'a pas davantage réglé la valeur résiduelle du véhicule de 13.290 euros.

Ces défaillances de la locataire autorisent la société BMW Finance à exiger, en application de l'article D. 311-8 du code de la consommation, une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle du bien loué augmentée de la valeur actualisée des loyers à échoir et, d'autre part, la valeur vénale HT du bien restitué, laquelle est celle obtenue par le bailleur s'il vend le bien à un acquéreur présenté par le locataire ou à un tiers, ou, à défaut de vente ou à la demande du locataire, est déterminée à dire d'expert.

Or il appartient à la cour d'appliquer ces dispositions d'ordre public, au besoin d'office en application des articles L. 141-4 et L. 311-23 du code de la consommation.

Étant observé que tous les loyers sont échus, la société BMW Finance est fondée à réclamer le montant des loyers échu impayés, ainsi qu'une indemnité égale à la valeur résiduelle du véhicule diminuée de la valeur vénale du véhicule.

Cependant, Mme X. s'étant soustraite à son obligation de restitution, il y a lieu de la condamner au paiement de la somme de 14.653,23 euros qu'elle reconnaît devoir ainsi qu'à la restitution du véhicule, mais de dire que la société BMW Finance devra rembourser à Mme X. la valeur vénale HT du véhicule au jour de la restitution qui sera égale au prix de revente HT ou, à défaut de vente ou à la demande de Mme X., à l'évaluation à dire d'expert.

Contrairement à l'opinion du premier juge, la cour estime qu'il n'y a pas matière d'assortir la condamnation à restituer le véhicule d'une astreinte, la société BMW Finance disposant le cas échéant de voies d'exécution pour y contraindre Mme X..

Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Déclare la demande d'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt irrecevable ;

Déclare la demande d'annulation de clause abusive recevable, mais non fondée, et en déboute Mme X. ;

Confirme le jugement rendu le 19 juillet 2011 par le tribunal d'instance de Saint-Malo, sauf en ce qu'il a assorti la condamnation à restitution du véhicule d'une astreinte ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Y additant, dit qu'après restitution, la société BMW Finance devra rembourser à Mme X. la valeur vénale HT du véhicule au jour de la restitution, laquelle sera égale au prix de revente HT ou, à défaut de vente ou à la demande de Mme X., sera évaluée à dire d'expert ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens d'appel ;

Accorde à la SELARL Bourges le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,