CASS. COM., 4 décembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 5057
CASS. COM., 4 décembre 2012 : pourvoi n° 11-21743 ; arrêt n° 1229
(sur renvoi CA Paris (pôle 5 ch. 4), 3 décembre 2014 : RG n° 13/06091)
Publication : Legifrance ; Bull. civ. IV, n° 216
Sommaire (bulletin) : « Le ministre chargé de l’économie qui, exerçant le droit propre que lui confère l’article L. 442-6-III du code de commerce, a demandé en première instance, par voie de conclusions déposées au visa de l’article L. 470-5 de ce code, la condamnation d’une société au paiement d’une amende civile pour ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 442-6-I-5° du même code, a la qualité de partie à l’instance et peut en conséquence, par la voie de l’appel incident, demander la réformation du jugement ayant rejeté sa demande ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 4 DÉCEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 11-21743. Arrêt n° 1229.
DEMANDEUR à la cassation : Ministre de l’économie des finances et de l’industrie
DÉFENDEUR à la cassation : Sociétés Carrefour administratif et Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour hypermarchés France
M. Espel, président. Mme Riffault-Silk, conseiller rapporteur. Mme Batut, avocat général. SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Odent et Poulet, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le ministre de l’économie des finances et de l’industrie que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Carrefour administratif et Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour hypermarchés France ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles 329, alinéa 1, et 549 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-6 III et L. 470-5 du code de commerce ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, reprochant à la société Carrefour administratif France la rupture partielle de relations commerciales établies avec la société Cofim mise en liquidation judiciaire, M. X., désigné en qualité de liquidateur, l’a poursuivie sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce ; que la société Carrefour France est intervenue à l’instance ; que le ministre chargé de l’économie est également intervenu pour demander, par conclusions, la condamnation solidaire des sociétés Carrefour administratif et Carrefour France (les sociétés Carrefour) au paiement d’une amende civile pour rupture brutale d’une relation commerciale établie ; que sa demande ayant été rejetée, il a, par conclusions, déclaré former appel incident et renouvelé sa demande ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour juger irrecevable cette demande, l’arrêt, après avoir relevé que le ministre n’a pas la qualité de partie à l’action de sorte que son intervention est recevable en cause d’appel, retient qu’il n’a pas lui-même engagé l’action prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce mais s’est borné à intervenir, sur le fondement de l’article L. 470-5 du même code, à la procédure initiée par M. X., ès qualités, et qu’en conséquence, il doit se limiter à formuler des observations par voie de conclusions et à produire les procès-verbaux et les rapports d’enquête ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le ministre chargé de l’économie avait, exerçant le droit propre que lui confère l’article L. 442-6-III du code de commerce, demandé en première instance, par voie de conclusions déposées au visa de l’article L. 470-5 de ce code, la condamnation des sociétés Carrefour au paiement d’une amende civile pour ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 442-6-I-5°, de sorte qu’il avait la qualité de partie à l’instance et qu’il pouvait, en conséquence, par la voie de l’appel incident, demander à la cour d’appel de réformer le jugement en ce qu’il avait rejeté sa demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation du chef de l’arrêt déclarant le ministre irrecevable en sa demande emporte par voie de conséquence celle du chef, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire, par lequel la cour d’appel a déclaré le ministre recevable en son intervention en cause d’appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal non plus que sur le pourvoi incident : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention du ministre chargé de l’économie et irrecevables ses demandes en paiement d’une amende civile et en application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 16 juin 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Carrefour administratif France et Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour hypermarchés, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille douze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils, pour le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, demandeur au pourvoi principal
Premier moyen de cassation
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevables les demandes du ministre chargé de l’économie en paiement d’une amende civile et en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs propres que par contre le ministre de l’économie, recevable à être présent dans la présente instance, est irrecevable à former une quelconque demande, dès lors qu’il n’a pas lui-même engagé l’action prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce mais qu’il s’est contenté d’intervenir, sur le fondement de l’article L. 470-5 du code de commerce, à la procédure initiée par Maître X., ès qualités de liquidateur de la Sas Cofim (Cass. com., 7 juillet 2004 : pourvoi n° 03-11369) ;
Que le ministre de l’économie doit se contenter de formuler des observations par voie de conclusions et de produire les procès-verbaux et les rapports d’enquête et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors que le ministre chargé de l’économie, intervenant à titre principal sur le fondement de l’article L. 470-5 du code de commerce, dans une instance introduite par la victime des pratiques mentionnées par l’article L. 442-6 du même code, peut solliciter la mise en œuvre de l’ensemble des sanctions prévues à l’article L. 442-6-III, en particulier le prononcé d’une amende civile ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’ensemble des textes susvisés ;
Second moyen de cassation (Subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté le ministre de l’économie de l’ensemble de ses demandes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs éventuellement adoptés que la jurisprudence relative à l’article L. 470-5 du code de commerce précise que le droit d’agir est donné au ministre chargé de l’économie en cas de pratique restrictive de concurrence ;
Que le 24 avril 2008 Cofim a déclaré à la Dgccrf, dans le procès-verbal, que Nilsen, Cerp et Iri Decodip étaient des sociétés concurrentes ;
Que par courrier recommandé envoyé à la Dgccrf le 10 septembre 2008, Carrefour a déclaré que :
- « Cofim » n’était pas la seule société à réaliser une prestation de relevé de prix : Panel International et Iri sont d’autres sociétés prestataires qui intervenaient dans ce domaine »,
- « les relevés de prix dans nos magasins et chez nos concurrents sont réalisés physiquement par du personnel externe, appartenant à des sociétés telles que Panel International, Iri, Tvs, le Cerp pour le compte de Carrefour. Les relevés peuvent également être effectués en scanning (produits gencodés uniquement), à ce moment ce sont les sociétés Iri ou Nielsen/Panel qui interviennent » ;
Qu’à l’audience du juge rapporteur du 16 octobre 2009, le représentant de Madame le Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a reconnu que les activités réalisées par Cofim ne représentaient pas une part importante des enquêtes de prix effectuées annuellement en France dans le secteur de la grande distribution ;
Qu’alors il n’est nullement établi qu’en rompant ses relations commerciales avec Cofim, Carrefour se soit livrée à une pratique restrictive de concurrence ;
Que par conséquent, Madame le Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sera déboutée de l’ensemble de ses demandes ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors qu’en subordonnant le prononcé d’une amende civile du fait de la rupture brutale des relations commerciales, pourtant constatée en l’espèce, à la démonstration d’une atteinte au marché lorsque les pratiques restrictives de concurrence sont condamnées « per se », la cour d’appel, qui a ajouté une condition à la sanction de ces pratiques, a violé, par fausse application, les articles L. 470-5 et L. 442-6 -I-5° du code de commerce.
- 6164 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Protection d’ordre public
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6245 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Action du ministre
- 6255 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Amende civile