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CA CHAMBÉRY (2e ch.), 19 février 2015

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (2e ch.), 19 février 2015
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), 2e ch.
Demande : 14/01094
Date : 19/02/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/04/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5064

CA CHAMBÉRY (2e ch.), 19 février 2015 : RG n° 14/01094

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les fautes invoquées à l'encontre de l'établissement financier ne sont pas démontrées, et ne pouvaient quoiqu'il en soit entraîner la nullité du commandement de payer, mais se résoudre en allocation de dommages et intérêts. Pas davantage l'existence d'une clause abusive, à la supposer démontrer ne peut invalider la procédure de saisie immobilière, elle est sanctionnée par la nullité de la clause qui n'a donc plus d'effet, en l'espèce les clauses de variation du montant des mensualités n'ont pas été mises en œuvre, elles sont donc sans incidence, de fait, sur le présent litige ».

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/01094. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de BONNEVILLE en date du 17 avril 2014, R.G. n° 13/00043.

 

Appelante :

SCI DU DAHUT

dont le siège social est sis [adresse] prise en la personne de son représentant légal, assistée de la SCP BALLALOUD/ALADEL, avocats au barreau de BONNEVILLE

 

Intimée :

SA BANQUE DU PATRIMOINE ET IMMOBILIER,

demeurant [adresse], assistée de Maître Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBÉRY et de la SCP BRIFFOD/PUTHOD, avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE,

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 6 janvier 2015 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier ; Et lors du délibéré, par : Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président qui a procédé au rapport, Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, Monsieur Gilles BALAY, Conseiller,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

La Banque Patrimoine et Immobilier a consenti à la SCI du Dahut un prêt destiné à financer l'acquisition d'un studio à [ville C.], à la suite d'impayés, elle a fait délivrer le 2 avril 2013, un commandement valant saisie immobilière sur le bien.

Par jugement du 17 avril 2014, le juge de l'exécution de Bonneville a :

- dit n'y avoir lieu à invalider le commandement valant saisie,

- taxé les frais à la somme de 3.770.27 euros,

- fixé la créance de la banque à la somme de 63.005.69 euros outre intérêts contractuels à compter du 29 décembre 2012,

- accordé à la SCI un délai de grâce d'un an et renvoyé la vente au mois d'avril 2015,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts, ni à frais irrépétibles,

- réservé les dépens.

La SCI du Dahut a fait appel de la décision par déclaration au greffe le 29 avril 2014.

 

Dans des conclusions en date du 12 décembre 2014, la SCI du Dahut demande à la Cour de :

- juger que l'action de la banque engagée en 2013 est prescrite, en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation,

- prononcer la nullité du commandement à ce titre, la débouter de l'intégralité de ses prétentions,

Subsidiairement,

- dire que l'action de la banque sera prescrite à hauteur de 7.371,54 euros.

À titre infiniment subsidiaire

- juger que la société Banque Patrimoine et Immobilier n'a pas rempli ses obligations ceci constituant des fautes graves,

En conséquence, dire et juger le commandement de payer nul

À titre subsidiaire,

- dire que le décompte est erroné,

- débouter la société Banque Patrimoine et Immobilier de ses demandes de paiements du capital, des intérêts, des pénalités de retard et indemnité contractuelle purement excessive,

- juger que la créance de la BPI s'élève à 1.183,60 euros,

En conséquence, dire et juger que le présent commandement de payer est abusif en prononcer la nullité.

- accorder un délai de grâce de 24 mois à la SCI du Dahut en application de l'article 1244-1 du Code Civil,

- débouter la société Banque Patrimoine et Immobilier de l'ensemble de ses prétentions,

À titre reconventionnel,

- dire et juger que la société Banque Patrimoine et Immobilier a violé ses obligations de loyauté et bonne foi dans la conclusion et l'exécution du contrat,

- la condamner à payer la somme de 86.000 euros à titre de dommages et intérêts à la SCI du Dahut,

À titre subsidiaire, pour le cas où par impossible, il ne serait pas fait droit à la demande d'indemnisation à concurrence du montant du prêt, condamner la société Banque Patrimoine et Immobilier à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 55.545,44 euros, correspondant au montant des intérêts, outre l'indemnité contractuelle de 4.542 euros, soit un montant de 60.087,51 euros.

- condamner la Société Patrimoine et Immobilier à payer à la SCI du Dahut la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Ballaloud Aladel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La SCI du Dahut situe les premiers impayés non régularisés au 25 février 2010 jusqu'au 25 octobre 2010 et 25 janvier 2010 tandis que le commandement de payer a été délivré en 2013. Onze échéances antérieures au 18 juillet 2011 seraient prescrites soit la somme de 7.371.54 euros. De plus, en accord avec la banque un report d'échéances aurait été consenti pour 1.645.89 euros. Elle estime à la date du décompte de créance qu'elle ne devait plus que la somme de 1.183.60 euros, conteste les intérêts et l'indemnité de 7 %. Elle soutient que la banque ne l'a pas mise en garde de manière suffisante sur la variation du taux d'intérêt, des mensualités. Le contrat d'ailleurs sur le montant des mensualités comporterait un déséquilibre entre les parties quant à sa révision. Pour une SCI familiale, le taux d'endettement serait trop lourd, la mention du TEG serait fausse en raison de la disparition à partir de la 183e mensualité de l'assurance.

 

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 16 décembre 2014, la BPI demande à la cour de :

- dire que l'indemnité contractuelle de 7 % ne saurait être ramenée à un euro,

- fixer la créance à 67.137,01 euros outre intérêt au taux variable sur l'Euribor 3 mois majoré de 1.2 à compter du 29 décembre 2012,

- rejeter la demande de délais,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- renvoyer le dossier devant le Jex,

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente avec distraction au profit de Maître Forquin.

Elle soutient que la prescription de l'action en paiement n'est pas acquise, s'explique sur le décompte de créance et l'imputation d'un versement de 8.868.50 euros, en fixant la première échéance impayée non régularisée au 25 mai 2011 tandis que le commandement aux fins de saisie date du 2 avril 2013. En outre des événements interruptifs d'instance existeraient au dossier en particulier la reconnaissance de la dette et un plan d'apurement. Le devoir de mise en garde de la Banque ne serait pas défaillant. Elle s'oppose à des délais de paiement et considère la débitrice comme de mauvaise foi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 janvier 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motivation de la décision :

Sur la forclusion de l'action :

Conformément à l'article L. 137-2 du code de la consommation, dont l'application à l'espèce n'est pas discutée par les parties, le point de départ du délai de prescription biennal se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, qui est dans le cas d'un prêt immobilier, le premier incident de paiement non régularisé, afin de ne pas laisser dépendre le décompte de la forclusion de la seule volonté du créancier qui pourrait en reporter les effets. C'est bien par une imputation des versements sur les impayés les plus anciens que l'on situe la 1re échéance non régularisée.

En l'espèce, la banque expose à bon droit que 23 échéances étaient impayées et que compte tenu du versement d'une somme de 8.868,50 euros les échéances les plus anciennes ont été régularisées (octobre 2006 à décembre 2006) et ainsi de suite en remontant dans le temps de sorte que la première échéance non régularisée se située au 25 mai 2011. Or, le commandement de payer en vue de la saisie immobilière a été délivré le 2 avril 2013, soit moins de deux ans après la date du 25 mai 2011.

Le raisonnement de la SCI du Dahut, qui consiste à déclarer prescrites les échéances antérieures au 18 juillet 2011 ne peut être suivi, car il n'est pas compatible avec la détermination de la première échéance impayée non régularisée à laquelle il a été procédé ci-dessus et la notion de déchéance du terme. C'est l'action en paiement qui se prescrit sur la dette et non, comme s'il s'agissait d'un contrat à exécution successive, chaque mensualité prise indépendamment.

La forclusion n'est pas acquise.

 

Sur le comportement fautif de l'établissement financier :

On ne peut faire grief à la banque lors de la signature du contrat de prêt de n'avoir pas établi un décompte détaillé des intérêts et de leur calcul alors que passé la première période, qui était à taux fixe, la deuxième ne permettait pas aux contractants de connaître à l'avance ce que serait l'évolution des taux. En effet, le contrat mentionne clairement une première période à taux fixe au taux de 3.2 % l'an puis un passage à taux révisable avec un taux d'intérêt calculé sur la base de l'Euribor 3 mois augmenté de 1.2 points, révisé chaque trimestre. Il est indiqué que le montant des versements est susceptible de variation à chaque date anniversaire du point de départ comptable, et ceci quelle que soit l'évolution du taux d'intérêt.

La SCI du Dahut, qui est emprunteur, est déjà propriétaire d'un immeuble situé en Gironde, au [ville B.], qui est loué et l'opération visait à un nouvel investissement locatif à [ville C.]. Madame X., la gérante de la société, est consultante, elle entretenait des liens amicaux avec la personne qui lui proposait le financement, M. Y., qu'elle tutoyait (pièce 3 mail du 20 février 2006) et avait conscience de la prudence à avoir sur le montage financier puisqu'elle préférait augmenter la durée de financement et tenait compte d'un rapport locatif a minima, pour définir le montant des mensualités. Il n'y a donc pas de manquement à cet égard à l'obligation de conseil, la réalisation de l'aléa connu dès le départ ayant seul déséquilibré l'opération financière mais dans des proportions qui n'étaient pas démesurées passant la mensualité de 548 euros à 670 euros, ce qui démontre que l'opération ne tolérait dès le départ aucune marge de manœuvre, ce dont madame X. avait conscience, préférant cependant opter pour un taux plus bas mais variable. Il convient de souligner que les stipulations contractuelles autorisaient l'emprunteur à modifier le montant des mensualités et éventuellement à opter pour un taux fixe. Cette option n'a pas été exercée sauf à la suite d'impayés cumulés dont la régularisation était exigée par la banque avant toute discussion. Madame X., à laquelle le 10 juin 2009, avait été faite une proposition à taux fixe de 4.80 % sur 20 ans, ne l'a pas acceptée, La SCI du Dahut ayant la personnalité morale, c'est par rapport à elle que se calcule la faisabilité financière, la cour ne dispose d'aucun élément comptable la concernant.

Les fautes invoquées à l'encontre de l'établissement financier ne sont pas démontrées, et ne pouvaient quoiqu'il en soit entraîner la nullité du commandement de payer, mais se résoudre en allocation de dommages et intérêts. Pas davantage l'existence d'une clause abusive, à la supposer démontrer ne peut invalider la procédure de saisie immobilière, elle est sanctionnée par la nullité de la clause qui n'a donc plus d'effet, en l'espèce les clauses de variation du montant des mensualités n'ont pas été mises en œuvre, elles sont donc sans incidence, de fait, sur le présent litige.

Madame X. explicite insuffisamment sa critique du TEG pour permettre à la cour d'exercer un contrôle étant souligné là encore qu'il s'agit d'un taux variable dont l'évolution ne peut être connue à l'avance.

 

Sur le montant de la créance :

La créance se calcule comme suit, ainsi que le prétend la banque :

Echéances impayées                                          6.270,44 euros

Capital restant dû au 25 mars 2012                 58.616,22 euros

Intérêts au 28 décembre 2012                  839,65 euros

Assurance                                                            219,33 euros

À déduire règlements                                       -  3.350,70 euros

Comme le premier juge l'a décidé, la clause pénale définie est manifestement excessive, mais sa réduction sera limitée à 2.000 euros.

La créance est donc de 64.594,94 euros

 

Sur les délais de paiement :

Le caractère familial de la SCI du Dahut, au capital de 200 euros, constituée entre une mère et sa fille, laquelle n'a aucun revenu, et qui se sont toutes deux portées cautions solidaires des engagements de l'emprunteur, les efforts de verser une somme de plus de 8.000 euros, ont déjà été retenus à juste titre par le premier juge pour différer la mesure d'exécution, qui ne pourra cependant être différée au-delà d'un nouveau délai de 6 mois, qui s'ajoutera au précédent octroyé.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais et dépens par elle exposés. Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie gardera à sa charge ses frais et dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par décision contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de la créance et les délais de paiement,

Statuant à nouveau sur ces chefs de demande,

FIXE la créance de la Banque Patrimoine et Immobilier à la somme de 64.594,94 euros avec intérêt au taux contractuel variable calculé au taux Euribor 3 mois majoré de 1.2 à compter du 29 décembre 2012,

ACCORDE à la SCI du Dahut un délai supplémentaire de 6 mois, commençant à courir à compter du mois d'avril 2015,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles,

ORDONNE le renvoi de la procédure devant le juge de première instance, pour éventuelle poursuite de la saisie immobilière,

LAISSE à la charge de chacune des parties les frais et dépens par elle exposés dans l'instance d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 19 février 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.