CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA RENNES (2e ch.), 10 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 10 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 12/00899
Décision : 15/2010
Date : 10/04/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/02/2012
Numéro de la décision : 210
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-010816
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5137

CA RENNES (2e ch.), 10 avril 2015 : RG n° 12/00899 ; arrêt n° 210

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-010816

 

Extraits : 1/ « Ils ne pouvaient davantage écarter les conditions générales de fonctionnement du compte, alors que Mme X. a reconnu en avoir pris connaissance en signant la convention d'ouverture de compte du 29 mars 2005, que les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives sont inapplicables entre professionnels, et que celles de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce relatives à la soumission d'un cocontractant à des obligations créant un déséquilibre significatif sont issues de la loi du 4 août 2008 et ne peuvent trouver à s'appliquer à une convention conclue en 2005 et au sujet d'un litige survenu en 2007. »

2/ « En revanche, Mme X., commerçante en litige avec une banque, peut rapporter la preuve du dépôt effectué par tous moyens, conformément aux dispositions de l'article L. 110-3 du code de commerce. […] Il résulte de ce qui précède un faisceau d'indices suffisant à démontrer que Mme X. a bien procédé au dépôt de la somme de 4.990 euros le 23 mars 2007 au guichet automatique du CMB en se conformant aux modalités d'utilisation du service définies par la banque.

Or, quand bien même les remises de fonds ne sont, selon les conditions générales de fonctionnement du compte, portées au crédit du compte que sous réserve de vérification et d'encaissement, il demeure que la banque est débitrice d'une obligation de sécurité quant aux biens conservés dans ses locaux, ce qui inclus ses guichets automatiques accessibles de l'extérieur après la fermeture de l'agence. Et il résulte en l'occurrence du dossier que le service de « dépôt express » que le CMB proposait à l'époque à ses clients contre une rémunération incluse dans la cotisation mensuelle « Euroscompte » présentait des failles de sécurité tout en privant son utilisateur du moindre reçu propre à établir, sinon le montant déposé, à tout le moins l'existence et le principe de celui-ci.

Responsable des conséquences dommageables de ce manquement, le CMB sera condamné au paiement de dommages-intérêts d'un montant équivalent au dépôt qui n'a pas été porté au crédit du compte de Mme X., soit 4.990 euros. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 10 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/00899. Arrêt n° 210.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,

GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : À l'audience publique du 12 février 2015, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 10 avril 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE LANGUEUX TREGUEUX

RCS SAINT-BRIEUC XXX ayant son siège social [adresse] prise en la personne de ses représentants légaux ; Représentée par Maître Éric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES ; Représentée par Maître Hervé DARDY, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville] ; Représentée par Maître Louis DUVAL de la SCP DUVAL, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Commerçante ambulante, Mme X. a ouvert le 29 mars 2005 un compte professionnel auprès de la Caisse de crédit mutuel de Langueux-Trégueux (le CMB) et a adhéré au service « dépôt express » lui permettant de déposer des chèques et des espèces à un guichet automatique aux heures de fermetures de l'agence.

Prétendant avoir déposé, au cours du week-end des 24 et 25 mars 2007, la somme de 4.990 euros en espèces qui n'a pourtant pas été portée au crédit de son compte, Mme X. a, par acte du 2 avril 2010, fait assigner le CMB en paiement devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, dont le juge de la mise en état a, par ordonnance du 3 février 2011, déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal de commerce de Saint-Brieuc.

 

Puis, par jugement du 9 janvier 2012, les juges consulaires ont :

- Déclaré le CMB responsable du préjudice occasionné à Mme X.,

- Condamné le CMB au paiement des sommes de 4.990 euros au titre du dépôt perdu et de 2.822,05 euros au titre des frais et agios bancaires facturés postérieurement,

- Débouté Mme X. de sa demande au titre du préjudice moral,

- Débouté le CMB de ses demandes,

- Condamné le CMB au paiement d'une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

 

Contestant l'existence du dépôt allégué, et invoquant les conditions générales de fonctionnement du compte stipulant que les dépôts et remises effectués aux guichets automatiques ne sont validés et portés en compte qu'après vérification par la banque et encaissement, le CMB a relevé appel de cette décision le 6 février 2012, en demandant à la cour de :

- Débouter Mme X. de ses demandes,

- Condamner Mme X. au paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

 

Mme X. a quant à elle formé appel incident, en demandant à la cour de :

- Confirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral,

- Condamner le CMB au paiement d'une somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- Condamner le CMB au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Toutefois, par ordonnance du 14 juin 2013, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel incident irrecevable en application de l'article 909 du code de procédure civile.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il sera fait référence aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour le CMB le 18 mars 2013, et pour Mme X. le 18 janvier 2013.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Il est certain que, tenus de statuer en droit conformément aux règles de preuves applicables, les premiers juges ne pouvaient entrer en voie de condamnation contre le CMB en se fondant sur leur intime conviction.

Ils ne pouvaient davantage écarter les conditions générales de fonctionnement du compte, alors que Mme X. a reconnu en avoir pris connaissance en signant la convention d'ouverture de compte du 29 mars 2005, que les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives sont inapplicables entre professionnels, et que celles de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce relatives à la soumission d'un cocontractant à des obligations créant un déséquilibre significatif sont issues de la loi du 4 août 2008 et ne peuvent trouver à s'appliquer à une convention conclue en 2005 et au sujet d'un litige survenu en 2007.

En revanche, Mme X., commerçante en litige avec une banque, peut rapporter la preuve du dépôt effectué par tous moyens, conformément aux dispositions de l'article L. 110-3 du code de commerce.

À cet égard, Mme X., qui a protesté par écrit auprès du CMB dès le 12 avril suivant l'incident, produit la copie de l'enveloppe E221990 dans laquelle elle a placé les espèces qu'elle déclare avoir déposées à la banque le 23 mars 2007.

Si le décompte des sommes déposées a été établi de sa main, il demeure que la production de cette copie de l'enveloppe fournie par le CMB atteste que l'intimée a bien utilisé le service de « dépôt express » auquel elle a adhéré en se conformant au protocole défini par la banque.

Mme X. produit également une coupure de presse d'un journal local daté du 1er décembre 2007, relatant les méfaits de plusieurs équipes de malfaiteurs dérobant, avec le même mode opératoire qualifié par le journaliste de « juteux », les enveloppes déposées par les commerçants dans les dépôts express d'agences bancaires de la région.

L'intimée produit enfin ses relevés de comptes, de l'analyse desquels il ressort qu'elle procédait bien régulièrement à des dépôts d'espèces une à deux fois par mois.

Sur l'année 2007, ces versements étaient le plus souvent de l'ordre de 4.000 à 6.000 euros, et, lorsqu'ils ont été notablement inférieurs, en juin, août et décembre 2007, les dépôts effectués au cours des mois précédents ou suivants (mai, juillet, septembre 2007 et janvier 2008) étaient à l'inverse très importants.

Or, si, comme le prétend la banque, le versement du 23 mars 2007 n'a jamais eu lieu, il n'aurait ainsi été porté au crédit du compte au cours de ce mois qu'une somme de 2.275 euros, sans anticipation ou rattrapage au cours des mois de février et d'avril puisque les versements de ces mois ressortent à, respectivement, 5.910 euros et 4.500 euros.

Par ailleurs, il n'est pas anodin d'observer que le montant total des versements d'espèces effectués en mars 2008 a été de 7.290 euros, et que ceux effectués en mars 2009 ressortent à 7.070 euros, tandis qu'ils n'auraient été que de 2.230 euros en mars 2007 si le versement de 4.990 euros du 23 mars 2007 n'a pas eu lieu, ou de 7.220 euros dans le cas contraire.

Il résulte de ce qui précède un faisceau d'indices suffisant à démontrer que Mme X. a bien procédé au dépôt de la somme de 4.990 euros le 23 mars 2007 au guichet automatique du CMB en se conformant aux modalités d'utilisation du service définies par la banque.

Or, quand bien même les remises de fonds ne sont, selon les conditions générales de fonctionnement du compte, portées au crédit du compte que sous réserve de vérification et d'encaissement, il demeure que la banque est débitrice d'une obligation de sécurité quant aux biens conservés dans ses locaux, ce qui inclus ses guichets automatiques accessibles de l'extérieur après la fermeture de l'agence.

Et il résulte en l'occurrence du dossier que le service de « dépôt express » que le CMB proposait à l'époque à ses clients contre une rémunération incluse dans la cotisation mensuelle « Euroscompte » présentait des failles de sécurité tout en privant son utilisateur du moindre reçu propre à établir, sinon le montant déposé, à tout le moins l'existence et le principe de celui-ci.

Responsable des conséquences dommageables de ce manquement, le CMB sera condamné au paiement de dommages-intérêts d'un montant équivalent au dépôt qui n'a pas été porté au crédit du compte de Mme X., soit 4.990 euros.

Par ailleurs, si les frais de mouvements irréguliers facturés en avril et mai 2007 sont bien la conséquence de ce manquement de la banque, rien ne démontre que les agios bancaires et les frais divers facturés postérieurement soient en lien causal avec celui-ci.

Or, le CMB a, dès le mois de juin 2007, annulé les frais de mouvements irréguliers facturés en avril et mai, de sorte que la demande formée Mme X. au titre du remboursement des frais bancaires n'est pas fondée et doit être rejetée.

Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.

D'autre part, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 14 juin 2013 auquel s'attache l'autorité de chose jugée, déclaré l'appel incident de Mme X. irrecevable.

Celle-ci n'est donc pas recevable à maintenir devant la cour sa réclamation au titre du préjudice rejetée par les premiers juges.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Mme X. l'intégralité des frais exposés à l'occasion de la procédure d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une indemnité de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement rendu le 9 janvier 2012 par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc en ce qu'il a condamné la Caisse de crédit mutuel de Langueux-Trégueux au paiement d'une somme de 2.822,05 euros au titre des frais bancaires ;

Déboute Mme X. de cette demande ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Déclare la demande de Mme X. en réparation de son préjudice moral irrecevable ;

Condamne la Caisse de crédit mutuel de Langueux-Trégueux à payer à Mme Massaï une somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse de crédit mutuel de Langueux-Trégueux aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,